Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



LES PENSÉES DE BLAISE PASCAL DANS L'ÉDITION DE 1671


Diverses preuves de JÉSUS-CHRIST.

 

POUR ne pas croire les Apôtres, il faut dire qu'ils ont été trompés, ou trompeurs. L'un et l'autre est difficile. Car, pour le premier, il n'est pas possible de s'abuser à prendre un homme pour être ressuscité. Et pour l'autre, l'hypothèse qu'ils aient été fourbes, est étrangement absurde. Qu'on la suive tout au long. Qu'on s'imagine ces douze hommes assemblés après la mort de JÉSUS-CHRIST, faisans le complot de dire qu'il est ressuscité. Ils attaquent par là toutes les puissances. Le coeur des l'hommes est étrangement penchant à la légèreté, au changement, aux promesses, aux biens. Si peu qu'un d'eux se fût démenti par tous ces attraits, et qui plus est par les prisons, par les tortures, et par la mort, il étaient perdus. Qu'on suive cela.

[§] Tandis que JÉSUS-CHRIST était avec eux, il les pouvait soutenir. Mais après cela, s'il ne leur est apparu, qui les a fait agir ?

[§] Le style de l'Évangile est admirable en une infinité de manières, et entre autres en ce qu'il n'y a aucune invective de la part des historiens contre Judas, ou Pilate, ni contre aucun des ennemis ou des bourreaux de JÉSUS-CHRIST.

Si cette modestie des historiens Évangéliques avait été affectée, aussi bien que tant d'autres traits d'un si beau caractère, et qu'ils ne l'eussent affectée que pour la faire remarquer eux mêmes, ils n'auraient pas manqué de se procurer des amis, qui eussent fait ces remarques à leur avantage. Mais ils ont agi de la sorte sans affectation, et par un mouvement tout désintéressé, ils ne l'ont fait remarquer par personne : je [124] ne sais même si cela a été remarqué jusques ici : et c'est ce qui témoignage la naïveté avec laquelle la chose a été faite.

[§] JÉSUS-CHRIST a fait des miracles, et les Apôtres ensuite, et les premiers Saints en ont fait aussi beaucoup ; parce que les prophéties n'étant pas encore accomplies, et s'accomplissant par aux, rien ne rendait témoignage que les miracles. Il était prédit que le Messie convertirait les nations. Comment cette prophétie se fût elle accomplie sans la conversion des nations ? Et comment les nations se fussent elles converties au Messie, ne voyant pas ce dernier effet des prophéties qui le prouvent ? Avant donc qu'il fût mort, qu'il fût ressuscité, et que les nations fussent converties, tout n'était pas accompli. Et ainsi il a fallu des miracles pendant tout ce temps-là. Maintenant il n'en faut plus pour prouver la vérité de la Religion Chrétienne ; car les prophéties accomplies sont un miracle subsistant. [125]

[§] L'état où l'on voit les Juifs est encore une grande preuve de la Religion. Car c'est une chose étonnante de voir ce peuple subsister depuis tant d'années, et de la voir toujours misérable ; étant nécessaire pour la preuve de JÉSUS-CHRIST, et qu'ils subsistent pour le prouver, et qu'ils soient misérables puisqu'ils l'ont crucifié. Et quoiqu'il soit contraire d'être misérable et de subsister, il subsiste néanmoins toujours malgré sa misère.

[§] Mais n'ont ils pas été presqu'au même état au temps de la captivité ? Non. Le sceptre ne fût point interrompu par la captivité de Babylone, à cause que le retour était promis, et prédit. Quand Nabuchodonosor emmena le peuple, de peur qu'on ne crût que le sceptre fût ôté de Juda, il leur fût dit auparavant, qu'ils y seraient peu, et qu'ils seraient rétablis. Ils furent toujours consolés par les Prophètes, et leurs Rois continuèrent. Mais la seconde destruction est sans promesse de rétablissement, sans [126] Prophètes, sans Rois, sans consolation, sans espérance ; parce que le sceptre est ôté pour jamais.

Ce n'est pas avoir été captif que de l'avoir été avec l'assurance d'être délivré dans soixante et dix ans. Mais maintenant ils le sont sans aucun espoir.

[§] Dieu leur a promis qu'encore qu'il les dispersât aux extrémités du monde, néanmoins s'ils étaient fidèles à sa loi, il les rassemblerait. Ils y sont très fidèles, et demeurent opprimés. Il faut donc que le Messie soit venu ; et que la loi qui contenait ces promesses soit finie par l'établissement d'une loi nouvelle.

[§] Si les Juifs eussent été tous convertis par JÉSUS-CHRIST, nous n'aurions plus que des témoins suspects ; et s'ils avaient été exterminés, nous n'en aurions point du tout.

[§] Les Juifs refusent, mais non pas tous. Les Saints le reçoivent, et non les charnels. Et tant s'en faut que cela soit contre sa gloire, que c'est le dernier trait qui l'achève. La [127] raison qu'ils en ont, et la seule qui se trouve dans tous leurs écrits, dans le Talmud, et dans les Rabbins, n'est que parce que JÉSUS-CHRIST n'a pas dompté les nations à main armée. JÉSUS-CHRIST a été tué, disent-ils ; il a succombé ; il n'a pas dompté les Païens par sa force ; il ne nous a pas donné leurs dépouilles ; il ne donne point de richesses. N'ont-ils que cela à dire ? C'est en cela qu'il m'est aimable. Je ne voudrais point celui qu'ils se figurent.

[§] Qu'il est beau de voir par les yeux de la foi Darius, Cyrus, Alexandre, les Romains, Pompée, et Hérode agir sans le savoir pour la gloire de l'Évangile !


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Contre Mahomet.

 

LA Religion Mahométane a pour fondement l'Alchoran et Mahomet. Mais ce Prophète qui devait être la dernière attente du monde a-t-il été prédit ? Et quelle marque [128] a-t-il que n'ait aussi tout homme qui se voudra dire Prophète ? Quels miracles dit-il lui même avoir faits ? Quel mystère a-t-il enseigné selon sa tradition même ? Quelle morale, et quelle félicité ?

[§] Mahomet est sans autorité. Il faudrait donc que ses raisons fussent bien puissantes ; n'ayant que leur propre force.

[§] Si deux hommes disent des choses qui paraissent basses ; mais que les discours de l'un aient un double sens entendu par ceux qui le suivent, et que les discours de l'autre n'aient qu'un seul sens ; si quelqu'un n'étant pas du secret entend discourir les deux en cette sorte, il en fera un même jugement. Mais si en suite dans le reste du discours l'un dit des choses angéliques, et l'autre toujours des choses basses et communes, et mêmes sottises, il jugera que l'un parlait avec mystère, et non pas l'autre ; l'un ayant assez montré qu'il est incapable [129] de telles sottises, et capable d'être mystérieux ; et l'autre qu'il est incapable de mystères, et capable de sottises.

[§] Ce n'est pas par ce qu'il y a d'obscur dans Mahomet, et qu'on peut faire passer pour avoir un sens mystérieux, que je veux qu'on en juge ; mais par ce qu'il y a de clair, par son paradis, et par le reste. C'est en cela qu'il est ridicule. Il n'en est pas de même de l'Écriture. Je veux qu'il y ait des obscurités ; mais il y a des clartés admirables, et des prophéties manifestes accomplies. La partie n'est donc pas égale. Il ne faut pas confondre et égaler les choses, qui ne se ressemblent que par l'obscurité et non pas par les clartés, qui méritent quand elles sont divines qu'on révère les obscurités.

[§] L'Alchoran dit que S. Matthieu était homme de bien. Donc Mahomet était faux Prophète ; ou en appelant gens de biens des méchants ; ou en ne les croyant pas sur ce qu'ils ont dit de JÉSUS-CHRIST.

[§] Tout homme peut faire ce qu'à fait Mahomet ; car il n'a point fait de miracles, il n'a point été prédit, etc. Nul homme ne peut [130] faire ce qu'à fait JÉSUS-CHRIST.

[§] Mahomet s'est établi en tuant ; JÉSUS-CHRIST en faisant tuer les siens. Mahomet en défendant de lire ; JÉSUS-CHRIST en ordonnant de lire. Enfin cela est si contraire, que si Mahomet a pris la voie de réussir humainement, JÉSUS-CHRIST a pris celle de périr humainement. Et au lieu de conclure, que puisque Mahomet a réussi, JÉSUS-CHRIST a bien pu réussir ; il faut dire, que puisque Mahomet a réussi, le Christianisme devait périr, s'il n'eût été soutenu par une force toute divine.


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Dessein de Dieu de se cacher aux uns, et de se découvrir aux autres.

 

DIEU a voulu racheter les hommes, et ouvrir le salut ceux qui le chercheraient. Mais les hommes s'en rendent si indignes, qu'il est [131] juste qu'il refuse à quelques uns à cause de leur endurcissement ce qu'il accorde aux autres par une miséricorde qui ne leur est pas due. S'il eût voulu surmonter l'obstination des plus endurcis, il l'eût pu, en se découvrant si manifestement à eux, qu'ils n'eussent pu douter de la vérité de son existence ; et c'est ainsi qu'il paraîtra au dernier jour, avec un tel éclat de foudres, et un tel renversement de la nature, que les plus aveugles le verront.

Ce n'est pas en cette sorte qu'il a voulu paraître dans son avènement de douceurs ; parce que tant d'hommes se rendants indignes de sa clémence, il a voulu les laisser dans la privation du bien qu'ils ne veulent pas. Il n'était donc pas juste qu'il parût d'une manière manifestement divine, et absolument capable de convaincre tous les hommes ; mais il n'était pas juste aussi qu'il vînt d'une manière si cachée qu'il ne pût être reconnu de ceux qui le chercheraient sincèrement. Il a voulu se rendre parfaitement connaissable à ceux-là : et ainsi [132] voulant paraître à découvert à ceux qui le cherchent de tout leur coeur, et caché à ceux qui le fuient de tout leur coeur, il tempère sa connaissance, en sorte qu'il a donné des marques de soi visibles à ceux qui le cherchent, et obscures à ceux qui ne le cherchent pas.

[§] Il y a assez de lumière pour ceux qui ne désirent que de voir, et assez d'obscurité pour ceux qui ont une disposition contraire.

Il y a assez de clarté pour éclairer les élus, et assez d'obscurité pour les humilier.

Il y a assez d'obscurité pour aveugler les réprouvés, et assez de clarté pour les condamner et les rendre inexcusables.

[§] Si le monde subsistait pour instruire l'homme de l'existence de Dieu, sa divinité y reluirait de toutes parts d'une manière incontestable. Mais comme il ne subsiste que par JÉSUS-CHRIST, et pour JÉSUS-CHRIST, et pour instruire les hommes et de leur corruption, et de leur Rédemption, tout y éclate des preuves [133] de ces deux vérités. Ce qui y paraît ne marque ni une exclusion totale, ni une présence manifeste de Divinité ; mais la présence d'un Dieu qui se cache ; tout porte ce caractère.

[§] S'il n'avait jamais rien paru de Dieu, cette privation éternelle serait équivoque, et pourrait aussi bien se rapporter à l'absence de toute Divinité, qu'à l'indignité où seraient les hommes de le connaître. Mais de ce qu'il paraît quelquefois et non pas toujours, cela ôte l'équivoque. S'il paraît une fois, il est toujours. Et ainsi on n'en peut conclure autre chose, sinon qu'il y a un Dieu, et que les hommes en sont indignes.

[§] Le dessein de Dieu est plus de perfectionner la volonté que l'esprit. Or la clarté parfaite ne servirait qu'à l'esprit, et nuirait à la volonté.

[§] S'il n'y avait point d'obscurité, l'homme ne sentirait pas sa corruption. S'il n'y avait point de lumière, l'homme n'espérerait point de remède. Ainsi il est non seulement juste, mais utile pour nous, que Dieu soit caché en partie, et découvert en [134] partie, puisqu'il est également dangereux à l'homme de connaître Dieu sans connaître sa misère, et de connaître sa misère sans connaître Dieu.

[§] Tout instruit l'homme de sa condition ; mais il le faut bien entendre ; car il n'est pas vrai que Dieu se découvre en tout ; et il n'est pas vrai qu'il se cache en tout. Mais il est vrai tout ensemble qu'il se cache à ceux qui le tentent, et qu'il se découvre à ceux qui le cherchent ; parce que les hommes sont tout ensemble indignes de Dieu, et capables de Dieu ; indignes par leur corruption ; capables par leur première nature.

[§] Il n'y a rien sur la terre qui ne montre ou la misère de l'homme, ou la miséricorde de Dieu, ou l'impuissance de l'homme sans Dieu, ou la puissance de l'homme avec Dieu.

[§] Tout l'univers apprend à l'homme, ou qu'il est corrompu, ou qu'il est racheté. Tout lui apprend sa grandeur, ou sa misère. L'abandon de Dieu paraît dans les Païens, la protection de Dieu paraît dans les Juifs. [135]

[§] Tout tourne en bien pour les élus jusqu'aux obscurités de l'Écriture ; car ils les honorent, à cause des clartés divines qu'ils y voient : et tout tourne en mal aux réprouvés jusqu'aux clartés ; car ils les blasphèment, à cause des obscurités qu'ils n'entendent pas.

[§] Si JÉSUS-CHRIST n'était venu que pour sanctifier, toute l'Écriture et toutes choses y tendraient, et il serait bien aisé de convaincre les infidèles. Mais comme il est venu in sanctificationem et in scandalum, comme dit Isaïe, nous ne pouvons convaincre l'obstination des infidèles : mais cela ne fait rien contre nous, puisque nous disons, qu'il n'y a point de conviction dans toute la conduite de Dieu, pour les esprits opiniâtres, et qui ne recherchent pas sincèrement la vérité.

[§] JÉSUS-CHRIST est venu, afin que ceux qui ne voyaient point vissent, et que ceux qui voyaient devinssent aveugles : il est venu guérir les malades, et laisser mourir les sains ; appeler les pécheurs à la [136] pénitence et les justifier, et laisser ceux qui se croyaient justes dans leurs péchez ; remplir les indignes, et laisser les riches vides.

[§] Que disent les Prophètes de JÉSUS-CHRIST ? qu'il sera évidemment Dieu ? Non : mais qu'il est un dieu véritablement caché ; qu'il sera méconnu ; qu'on ne pensera point que ce soit lui ; qu'il sera une pierre d'achoppement, à laquelle plusieurs heurteront, etc.

[§] C'est pour rendre le Messie connaissable aux bons, et méconnaissable aux méchants que Dieu l'a fait prédire de la sorte. Si la manière du Messie eût été prédite clairement, il n'y eût point eu d'obscurité même pour les méchants. Si le temps eût été prédit obscurément, il y eût eu obscurité même pour les bons ; car la bonté de leur coeur ne leur eût pas fait entendre qu'un , [1] par exemple, signifie 600. ans. Mais le temps a été prédit clairement, et la manière en figures.

Par ce moyen les méchants prenant les biens promis pour des biens [137] temporels s'égarent malgré le temps prédit clairement, et les bons ne s'égarent pas ; car l'intelligence des biens promis dépend du coeur qui appelle bien ce qu'il aime ; mais l'intelligence du temps promis ne dépend point du coeur ; et ainsi la prédiction claire du temps, et obscure des biens ne trompe que les méchants.

[§] Comment fallait-il que fût le Messie, puisque par lui les sceptre devait être éternellement en Juda, et qu'à son arrivée les sceptre devait être ôté de Juda ?

Pour faire qu'en voyant ils ne voient point, et qu'entendant ils n'entendent point, rien ne pouvait être mieux fait.

[§] Au lieu de se plaindre de ce que Dieu s'est caché, il faut lui rendre grâce de ce qu'il s'est pas découvert aux sages ni aux superbes indignes de connaître un Dieu si saint.

[§] La Généalogie de JÉSUS-CHRIST dans l'Ancien Testament est mêlée parmi tant d'autres inutiles qu'on ne [138] peut presque la discerner. Si Moïse n'eût tenu registre que des ancêtres de Jésus-Christ, cela eût été trop visible. Mais après tout, qui regarde de prés, voit celle de JÉSUS-CHRIST bien discernée par Thamar, Ruth, etc.

[§] Les faiblesses les plus apparentes sont des forces à ceux qui prennent bien les choses. Par exemple, les deux Généalogie de S. Matthieu, et de S. Luc ; il est visible que cela n'a pas été fait de concert.

[§] Qu'on ne nous reproche donc plus le manque de clarté, puisque nous en faisons profession. Mais que l'on reconnaisse la vérité de la Religion dans l'obscurité même de la Religion, dans le peu de lumière que nous en avons, et dans l'indifférence que nous avons de la connaître.

[§] S'il n'y avait qu'une Religion, Dieu serait trop manifeste ; s'il n'y avait de Martyrs qu'en notre Religion, de même.

[§] JÉSUS-CHRIST pour laisser les méchants dans l'aveuglement, ne dit [139] pas qu'il n'est point de Nazareth, ni qu'il n'est point fils de Joseph.

[§] Comme Jésus-Christ est demeuré inconnu parmi les hommes, la vérité demeure aussi parmi les opinions communes sans différence à l'extérieur. Ainsi l'Eucharistie parmi le pain commun.

[§] Si la miséricorde de Dieu est si grande, qu'il nous instruit salutairement, même lorsqu'il se cache, quelle lumière n'en devons nous pas attendre lorsqu'il se découvre ?

[§] On n'entend rien aux ouvrages de Dieu, si on ne prend pour principe qu'il aveugle les uns, et qu'il éclaire les autres.



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