Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
REGARD
Bibliothèque chrétienne online
EXAMINEZ toutes choses... RETENEZ CE QUI EST BON
- 1Thess. 5: 21 -
(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



PREMIERE PARTIE

A CARTHAGE,
AUX LIONS
LES CHRÉTIENS

.
Enfin brille le jour de la victoire

Ainsi s'exprime le narrateur anonyme - peut-être un des diacres qui ont visité les prisonniers - de tous les faits concernant les martyrs dont nous parlons dans ces pages. A-t-il eu le courage de les suivre jusque dans l'arène ? Certainement, car il relate avec tant de détails le supplice qu'il ne peut qu'en être un témoin oculaire. Nous reprenons son récit, en y ajoutant quelques éclaircissements.
ils sortent de la prison et s'avancent dans l'amphithéâtre comme s'ils montaient au ciel, beaux rayonnants. S'ils tremblent, c'est de joie, non de peur. En arrière vient Perpetua, le visage calme. Par l'éclat de son regard, elle force tous les spectateurs à baisser la tête. Ils la contemplent de tous leurs yeux, étonnés de la voir si détendue, comme si elle se rendait à une fête.

Felicitas, elle aussi, se présente sous un air paisible. Elle est heureuse parce qu'elle se trouve avec ses compagnons de lutte. Ils ont lutté ensemble pour le bon combat de la foi. ils mourront ensemble. Il y a quelques jours, Felicitas a mis au monde un enfant dont ses proches s'occuperont. Elle peut s'en aller le coeur tranquille.

Quant à Saturus, son zèle pour l'Évangile est toujours ardent. Il est réconforté d'avoir à ses côtés un geôlier non pas comme policier, mais comme ami. C'est Pudens qui a montré tant de sympathie aux détenus chrétiens. Il a tenu à les accompagner au supplice. Saturus cherche encore à l'amener à la foi.

Sur le plateau de Carthage, l'amphithéâtre forme comme une immense forteresse grise, car ce n'est pas l'amphithéâtre de la ville, mais celui du camp militaire établi en dehors de l'enceinte urbaine. Plusieurs portes donnent accès aux gradins déjà occupés par des milliers de spectateurs. Parmi eux se sont glissés des chrétiens venus là pour soutenir de leurs prières silencieuses ceux qui sont appelés à donner leur vie pour le Christ.
Les Carthaginois sont habitués depuis des siècles aux spectacles sanguinaires. Déjà avant l'occupation romaine, ils sacrifiaient leurs premiers-nés à des divinités cruelles, nommées Baal Hammon et Tanit, comme le faisaient les Cananéens alors que les israélites pénétraient dans leur pays, et c'étaient les plus beaux enfants de l'aristocratie, car ils pensaient que leurs dieux ne pouvaient être apaisés que de cette manière. Il y a des cimetières très vastes qui contiennent les cendres de ces enfants sacrifiés ; des pierres tombales en rappellent le souvenir.

Dans l'amphithéâtre où des gladiateurs bien entraînés attirent un public amateur de combats qui se terminent presque toujours par la mort d'un des lutteurs, la foule est impatiente, ce jour-là, de voir autre chose : des hommes et des femmes qui se laisseront dévorer par les fauves sans leur opposer une défense quelconque. Mais le spectacle tarde à commencer. Les gens hurlent une fois de plus « A mort les chrétiens ! »

Que se passe-t-il ? Il y a une discussion entre les chrétiens et leurs bourreaux. Ceux-ci veulent imposer aux condamnés des vêtements pour les ridiculiser aux yeux de la foule. Aux hommes, le costume des prêtres de Saturne, un dieu horrible qui dévore ses enfants à leur naissance et qui a remplacé Baal Hammon dans la croyance populaire. Aux jeunes femmes, celui des prêtresses de Cérès, une fille de Saturne qui n'a pas été mangée par son père !
Quelle dérision ! Au moment de leur mise à mort, associer de force les chrétiens à ces cultes païens par un déguisement grotesque, c'est dépasser toute mesure. Aussi réagissent-ils avec la plus grande énergie : « Nous sommes venus jusqu'à ce terme de notre vie pour maintenir intacte notre liberté, qu'on ne nous inflige pas cette honte ! »
Ils s'obstinent, car ils n'ont rien à perdre. on pourrait immédiatement les tuer par le glaive, mais le public serait privé d'un spectacle. Il ne vient pas simplement assister à une exécution capitale ! Du pain et des jeux ! voilà ce qu'il réclame, et en l'occurrence un spectacle de choix.
Les bourreaux finissent par céder, mais ils ne trouvent rien de mieux, pour compenser leur échec, que de faire dévêtir les jeunes femmes, pourtant si prudes, et de les envelopper dans des filets dont se servent les gladiateurs pour priver de mouvement leurs adversaires. Vraiment, ils veulent les humilier jusqu'au bout.

Sous le plancher de l'arène, on entend rugir les fauves dans leurs cages. Pour les en sortir, un dompteur allume de la paille. Les bêtes chassées par le feu sont conduites dans un étroit corridor qui aboutit à une large excavation au fond de laquelle se trouve un monte-charge dans lequel on les pousse. Un treuil est mis en action, et les animaux se trouvent bientôt à la surface de l'arène. Il y a un léopard et deux lions. Un cri très violent les acclame, dès leur sortie. Les bêtes affolées par ce tumulte cherchent à s'enfuir, et les spectateurs les plus proches de l'arène hurlent de peur. Le spectacle à sensations multiples commence.

Les hommes sont les premiers introduits dans l'arène. Le léopard, sans doute affamé, attaque le groupe. Il saute sur Saturus, lui donne un terrible coup de dent et le laisse par terre, couvert de sang. Saturus rassemble ses dernières forces pour se relever et se tourner vers le geôlier Pudens accouru dans l'arène. Chacun se demande ce que cet homme fait là, car personne ne soupçonne qu'il est l'ami des suppliciés.

« Adieu, dit Saturus au geôlier compatissant. Souviens-toi de ma foi. Que ceci, loin de te troubler, te fortifie ! » il lui demande son anneau, le plonge dans sa blessure et le lui remet. C'est comme un pacte entre le vivant et le mourant. Saturus s'adresse encore à l'ami dont il doit se séparer : « Garde cet anneau comme un héritage et un souvenir de moi. » Puis, épuisé par l'hémorragie, il tombe lourdement sur le sol où il agonise. Ses compagnons sont aux prises avec les lions.

La tension des spectateurs est maintenant à son comble, car on va assister à un combat que personne n'a jamais vu : une vache furieuse contre deux jeunes femmes sans défense ! Perpetua et Felicitas sont conduites au centre de l'arène, uniquement recouvertes d'un filet. Un esclave les précède, portant un écriteau sur lequel sont inscrits leurs noms et leur crime : elles se sont déclarées chrétiennes !
Mais à la vue de ces deux corps frêles, tout tremblants de pudeur, dont l'un laisse échapper de son sein quelques gouttes de lait, la foule s'agite de nouveau. Que veut-elle ? Les bourreaux s'informent et comprennent que les spectateurs scandalisés exigent à grands cris qu'on revête ces deux femmes d'une longue robe. il faut tout de même un peu de tenue ! Des serviteurs s'empressent au vestiaire et reviennent avec les robes désirées.
Ainsi accoutrées, les deux chrétiennes réapparaissent au moment où la vache, mise en liberté dans l'arène débarrassée de ses fauves, renverse Perpetua et tourne sa fureur contre Felicitas qui tombe à son tour. Étourdie, Perpetua se relève et, s'apercevant que sa robe est déchirée sur le côté, la ramène d'un geste rapide sur elle, « plus attentive, dit le narrateur, à la pudeur qu'à la douleur.»

Près d'elle, Felicitas est étendue. Quoique très faible, Perpetua lui tend les mains et l'aide à se relever. Deux femmes au corps ensanglanté s'efforcent de s'entraider. Cette scène, à la fois horrible et touchante, émeut le chef des bourreaux qui, par pitié pour elles, fait interrompre le spectacle dont chacun commence à être écoeuré. Les deux femmes sont transportées hors de l'arène sous un portique.
Là, Perpetua, les yeux levés vers le ciel, dans un ravissement qui lui rend sa blessure insensible et lui fait perdre la mémoire, demande candidement

« Quand donc va-t-on nous exposer à cette vache ? » On a beau lui dire que c'est déjà fait, elle ne peut le croire qu'en voyant enfin le sang couler de son flanc ouvert à coups de corne par l'animal enragé.

Pendant cet entracte, qui n'est pas dans le programme, elle reconnaît, dans un groupe de chrétiens, son frère. Émue par cette présence, elle dit à tous : «Soyez fermes dans la foi. Aimez-vous les uns les autres. N'ayez pas honte de notre martyre. » Avoir un chrétien dans sa famille, c'était, pour beaucoup de gens, une honte d'autant plus grande s'il était condamné à mourir dans l'arène comme un vulgaire bandit.
Il n'y a pas de remise de peine pour les condamnés. L'insatiable cruauté de cette populace capricieuse et avide de sang réclame la reprise du spectacle par la mise à mort des suppliciés comme s'ils étaient des gladiateurs vaincus. Ceux qui ont été aux prises avec les fauves n'ont pas été tués sur le coup. On les ramène au milieu de l'arène, avec leurs compagnes que la vache furieuse a blessées. Dans un silence impressionnant, qui contraste avec le tumulte précédent, les chrétiens se donnent le baiser de paix, le dernier, avant le coup de grâce. ils s'offrent au bourreau, sans murmurer. Le glaive est abaissé sur chacun d'eux, et leurs corps roulent dans le sable en une masse sanglante.
Seule Perpetua, frappée d'un coup maladroit, pousse un cri de douleur sous la pointe de fer qui pénètre entre ses côtes. Elle n'est pas morte, mais, étendue sur l'arène, elle a l'énergie de saisir l'épée qui tremble dans la main du gladiateur et de la diriger elle-même vers sa gorge. Elle s'épargne ainsi le pire des supplices ordonné en dernier lieu : la poêle, c'est-à-dire une chaise de fer, chauffée à blanc, sur laquelle on fait asseoir ceux qui, jusque là, ont échappé à la mort.

Le spectacle terminé, les Carthaginois rentrent chez eux, satisfaits. justice est faite ! ils pensent avoir éloigné d'eux cette peste nouvelle qu'est le christianisme. Un auteur romain n'a-t-il pas dit que les chrétiens sont les ennemis du genre humain, puisqu'ils s'acharnent à détruire la croyance dans les nombreux dieux de la religion traditionnelle, qui sont pourtant si utiles aux hommes !

Le soir, les fidèles de l'église reviennent à l'amphithéâtre, avec l'autorisation de prendre les corps et de leur donner une sépulture décente. Tout est vide et silencieux. Il n'y a que quelques oiseaux de proie qui tournoient autour des cadavres. Les chrétiens ont apporté des linceuls confectionnés avec amour par les femmes de la communauté, et ils sont assez nombreux pour transporter dans un cimetière les dépouilles mortelles de leurs frères et soeurs en Christ, qui n'ont eu aucun moment de défaillance pendant leur martyre. Leur témoignage a été remarquable et fortifie ceux qui continuent le combat. Même les païens ont été impressionnés. Le sang des martyrs, c'est la semence de l'Église.


Table des matières

Page précédente:
 

- haut de page -