PREMIERE
PARTIE
A CARTHAGE,
AUX LIONS
LES CHRÉTIENS
.
La vie de l'Église continue
Les persécutions ne découragent
nullement les chrétiens, les vrais. Si
momentanément ils cessent de se
réunir, ils persévèrent
néanmoins dans la prière. Cinq fois
par jour, en famille, ils prient : le matin
à leur réveil, à neuf heures,
à midi, à trois heures et au moment
de se coucher. Pour prier, ils sont debout, les
mains levées et le visage tourné vers
l'Orient. Aujourd'hui les musulmans font de
même, sans savoir peut-être d'où
leur vient cette pratique.
Le mercredi et le vendredi, les
chrétiens jeûnent. Ils s'abstiennent
de nourriture jusqu'à trois heures de
l'après-midi. Ce sont les jours dits de
faction qui les rappellent à la vigilance.
«Veillez et priez ... »
Les critiques à leur égard
sont réfutées par un des leurs,
Tertulien, habile à manier la plume. il
s'adresse aux païens en ces termes : « On
prétend que nous sommes des membres inutiles
à l'État. Comment cela ? Nous vivons
au milieu de vous. Nous avons la même
nourriture, les mêmes vêtements. Nous
n'habitons pas les forêts, nous ne fuyons pas
les hommes. Nous nous souvenons que nous devons
rendre grâces à Dieu, le Seigneur et
le créateur de toutes choses. Nous ne
rejetons rien de ce qu'il a fait pour nous. Mais
nous nous dressons contre les excès et les
abus. »
Les chrétiens ne mènent
donc pas une vie à part, en dehors de la
cité. Écoutons encore Tertulien :
«Nous trafiquons avec vous au forum, au
marché, aux bains, aux boutiques, aux
hôtelleries, aux foires, dans tous les lieux
où se déroule la vie publique. Nous
naviguons avec vous, nous cultivons la terre avec
vous. Nous exerçons les mêmes arts,
nous louons nos bras pour votre usage. On ne nous
distingue qu'en voyant que nous avons
renoncé à nos anciens
vices.»
« Nous combattons pour la
vérité au péril de notre vie,
poursuit-il. Nous remportons la victoire, puisque
nous obtenons ce qui fait l'enjeu du combat. Le
fruit de la victoire, c'est la gloire de plaire
à Dieu, c'est la conquête de la vie
éternelle. Nous perdons la vie, mais nous
emportons en mourant ce qui fait l'objet de notre
ambition. Qu'on nous attache à des poteaux
pour nous brûler, ce sont les instruments de
notre victoire ! »
« Condamnez-nous, dit-il en
s'adressant aux juges, tourmentez-nous, dignes
magistrats, écrasez-nous : votre injustice
est la preuve de notre innocence, c'est pourquoi
Dieu permet que nous soyons
persécutés. Mais vos cruautés
les plus raffinées ne servent à rien
: c'est un attrait de plus pour notre foi. Nous
nous multiplions à mesure que vous nous
moissonnez. Notre sang est une semence de
chrétiens. »
Les persécutions cessent pendant
une trentaine d'années puis reprennent de
plus belle. Un ancien professeur de
rhétorique (c'est-à-dire
d'éloquence, art que les Romains
cultivaient) Cyprien, homme très riche,
après avoir mené une vie mondaine
jusqu'à trente-cinq ans, se convertit
à la foi nouvelle. Désigné par
les chrétiens comme évêque de
Carthage, il est décapité le 14
septembre 258. Peu de temps avant sa mort, il
écrivait : « Un moment, on ferme les
yeux pour ne plus voir le monde et
l'humanité, on les ouvre à nouveau
pour voir Dieu et le Christ.»
C'est dans cette certitude que les
chrétiens mouraient martyrs à
Carthage, au bord de la Méditerranée,
en Tunisie, au III e siècle.
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