Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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DEUXIÈME PARTIE

RÉCITS ÉGYPTIENS

Introduction

Un savant alexandrin du III e siècle, Origène, bien connu par ses études du texte biblique, a écrit : « La réalité de l'histoire cache partout des mystères. » Réflexion à retenir surtout quand il s'agit des débuts du christianisme, si mal connu faute de documents. Les récits que vous allez lire sont basés tantôt sur des faits historiques certains, tantôt sur des traditions qui sont tout aussi dignes d'intérêt. ils concernent des pays autrefois chrétiens, mais aujourd'hui appartenant au monde musulman qui en a fait la conquête au VII e siècle et qui, après des siècles d'assoupissement, passe par un réveil formidable. Aussi les minorités chrétiennes du Proche-Orient sont-elles remises en cause. Nous ne parlerons ici que de l'Égypte où il y a toujours une chrétienté très active qui vit en paix avec les musulmans. Néanmoins, depuis plusieurs années les églises coptes (1) sont gardées par des soldats, mesure de prudence contre le fanatisme de certains musulmans devenu possible.

Carte de l'Égypte.

 

Fuis en Égypte !

- J'ai reçu un ordre de marche et nous devons partir cette nuit.
- Comment ? Tu ne t'es pas engagé dans l'armée d'Hérode pourtant !
- Dieu m'en préserve ! Mais, sais-tu, Marie, ce qui vient de m'arriver ? Après l'excellent plat de concombres et les sauterelles rôties que tu m'as servis, je me suis assoupi sur le tas de paille. je n'en pouvais plus. Nous avons vécu des journées fatigantes. La visite des bergers, ce n'était encore rien. Des gens de notre bord, quoi ! Et ils sont vite repartis. Ils ne pouvaient pas laisser leurs troupeaux seuls dans la nuit. Mais ces mages ! je ne savais même pas qu'il existait des personnages pareils. Mon vénéré père m'a souvent parlé de royaumes lointains. Il a été chamelier un certain temps pour le compte d'un riche étranger, et m'a raconté qu'autrefois des caravanes passaient fréquemment à travers notre région. je n'en avais jamais vu moi-même. Quelle surprise quand ces chameaux se sont arrêtés devant notre lieu de séjour ! Oh ! ces mages, ils m'ont vivement impressionné, et comme ils parlaient une autre langue, je n'ai pas pu m'entretenir avec eux. Mais j'ai compris qu'ils désiraient voir l'enfant et... donner à boire à leurs chameaux. J'ai appelé notre voisin Ibrahim. Il était fort embarrassé, le pauvre, mais il a tout fait pour me rendre service. Et leurs cadeaux, contenus dans de si beaux coffrets, qu'allons-nous en faire ? Nous ne sommes pas habitués à posséder de telles richesses. Mais depuis qu'ils sont venus, il me semble que nous ne sommes plus tranquilles. J'ai remarqué hier des policiers au village. Ils disaient qu'Hérode les avait envoyés pour s'informer par quelle piste les étrangers étaient repartis. Ce matin, je les ai encore aperçus et je suis certain que leur présence ici n'est pas sans relation avec le songe que je viens d'avoir.

- Tu as eu un songe, Joseph ?
- Oui, Marie. C'est la seconde fois que cela m'arrive. Tu te souviens, j'ai été bouleversé quand j'ai appris que tu allais être mère, et comme je n'y étais pour rien, une idée folle m'a passé par la tète : te quitter ! Mais un ange - oui, un ange ! je ne saurais pas toutefois te le décrire, vois-tu, il est parti si vite - m'est apparu et m'a renseigné sur tout ce qui s'était passé. Ton enfant vient du Saint-Esprit, et j'ai pu m'en rendre compte par la suite : tant de choses merveilleuses ont entouré sa naissance. L'ange m'a dit de te prendre comme femme, et il a insisté d'une telle manière que j'étais vraiment persuadé qu'il parlait au nom du Seigneur.
- Eh bien ! cette fois-ci, J'ai entendu la même voix, elle était encore plus impérative que la première fois, comme si nos vies étaient menacées : « Lève-toi, prends le petit enfant et sa mère, fuis en Égypte» . Quel voyage pour nous qui avons déjà tant redouté le déplacement de Nazareth à Bethléhem ! Partir en pays étranger, nous réfugier en Égypte, où nos ancêtres ont été si longtemps esclaves, habiter les villes que, peut-être, ils ont bâties. Car l'ange a bien précisé que nous devrions nous y établir. J'ai retenu ses paroles : «Et restes-y jusqu'à ce que je te parle ». Il me parlera donc encore. Nous sommes à ses ordres. C'est Dieu qui nous conduira. Je suis certain qu'Il a tout préparé pour que nous soyons bien reçus. je connais des gens qui sont allés en Égypte. Ils en sont revenus enchantés et m'ont assuré que c'était un peuple très hospitalier. Ayons confiance ! Autrefois les Israélites craignaient le Pharaon. Aujourd'hui Hérode nous chasse de notre propre patrie. Il a peur de notre enfant. Est-ce possible ? Un être si faible et si misérable, né, comme tous les fils de paysans, dans une étable. Serait-il de sang royal, sans que nous le sachions ?
- Ne discutons pas, Joseph. Obéissons. Nos bagages seront vite faits. À part les cadeaux des mages, nous n'avons rien, et l'âne, je ne sais même pas à qui il appartient. Dès que la nuit sera tombée, quittons ces lieux ! Connais-tu le chemin ?

Ils sont partis, alors que tout le monde était couché, sans faire de bruit. Ils n'ont pas pu savoir qui étai t le propriétaire de l'âne. On leur a prétendu qu'il n'appartenait à personne. Chacun a vu cette bête errer dans les environs. Tous les matins, vers cinq heures, elle réveillait les gens par sa manière de braire. Puis un beau jour on n'a plus rien entendu, et personne ne s'en est plaint. Seul Ibrahim avait connaissance de sa cachette : c'était dans l'étable au flanc de la colline, où devait arriver un certain soir ce couple énigmatique de Nazareth.

La nuit était belle : un superbe clair de lune. Il n'y avait pas besoin de lanterne pour se diriger. Un temps idéal qui permettait d'avancer rapidement, et pas une âme sur la route du sud. Les fugitifs ont atteint Hébron comme ils l'avaient prévu, mais ils ont évité la ville et couché à la belle étoile. Leur grande crainte, c'était de rencontrer des gendarmes !
Dans leur malheur, ils étaient réconfortés à la pensée de suivre les pérégrinations d'Abraham. À Hébron déjà, leur ancêtre avait dressé ses tentes. Voici maintenant la deuxième étape : Beer-Schéba, une contrée désertique où Agar, la servante égyptienne du patriarche, s'était égarée avec son fils Ismaël. Dieu pourtant les avait protégés. Joseph ne doute pas qu'il en sera de même pour eux. L'eau ne leur manquera certainement pas. Le fameux puits que vit Agar et au bord duquel Abraham fit alliance avec le roi Abimélec existe-t-il toujours ? Oui ! Nos voyageurs sont heureux de le découvrir et d'y faire une halte bienfaisante, d'autant plus que le paysage change d'aspect ; la terre devient rougeâtre. Non pas que la végétation en soit totalement absente, mais on n'y trouve plus guère que de maigres touffes d'herbe blanchies par le sable.
La route qu'ils suivent, sans être la plus directe, est la mieux marquée ; elle passe par Gaza, une ville qui rappelle bien des souvenirs à Joseph et à Marie très versés dans les Saintes Écritures. Gaza, l'une des cinq villes fortes des Philistins qui ont si souvent inquiété les Israélites. Samson y a vécu. Mais la bourgade reconstruite par les Romains n'a plus rien d'agressif malgré ses fortifications. Samson pourrait aujourd'hui se dispenser d'en soulever les portes comme autrefois. Elles s'ouvrent facilement aux gens de passage. Les parents de Jésus y trouvent une banque pour monnayer leur or, et cette fois-ci ils peuvent loger dans une auberge cossue où les bêtes sont séparées des gens. L'hôtelier redouble d'égards pour ses clients d'une nuit. Il les appelle même «nobles voyageurs», car il s'est aperçu que leur bourse était bien garnie.

Après Gaza, ils rejoignent une caravane qui se rend à Fakous, sur terre d'Égypte. Ils doivent presser le pas, les chameaux marchent plus vite que leur pauvre âne fatigué et mal nourri. Les chameliers leur font une proposition : qu'ils abandonnent cet animal trop lent et qu'ils prennent place tous les trois sur l'une de leurs bêtes qui les supportera bien, ils sont si maigres, et il y aura du lait de chamelle pour l'enfant. Mais Joseph et Marie, tentés un instant par cette proposition généreuse, la repoussent poliment. Ils ne peuvent pas se résoudre à abandonner leur âne, témoin de la naissance de leur petit. Voilà pourquoi ils laissent la caravane reprendre son rythme normal et continuent leur voyage au petit trot. ils n'ont plus rien à craindre. L'Égypte est proche, et Joseph ne redoute pas la marche.

Il est difficile de suivre pas à pas la sainte famille en Égypte. Les juifs ont toujours été nombreux dans ce pays, et leurs colonies prospères accueillaient volontiers les exilés. Ceux dont nous parlons se sont encore arrêtés dans bien des endroits avant d'arriver à Héliopolis où la tradition trouve enfin leur trace. Mais le long du Sinaï, on a retrouvé les ruines de très anciennes chapelles qui seraient comme les bornes de ce voyage.
Héliopolis, la cité qui, dans les temps anciens, attirait les multitudes pour adorer le soleil, dans le temple construit en son honneur et dont il ne reste que des pierres. Même les religions qui ont connu la plus grande popularité ont disparu. Un grand philosophe grec, Platon, a aussi vécu treize ans dans cette ville, et les pauvres qui ont trouvé un misérable refuge dans les ruines n'en savent rien. On n'imagine d'ailleurs pas un voyageur instruit venir les questionner : « Où se trouve la maison de Platon ? » Tout est mort et la sainte famille ne trouve qu'un arbre sous lequel elle peut s'abriter, car le soleil est très ardent.
Cet arbre, savez-vous qu'on le montre toujours dans la banlieue du Caire, à l'endroit appelé Matarieh, à côté d'un immeuble moderne. Chaque jour, des pèlerins vont méditer sur ce lieu, et la femme qui en a la garde est habillée comme devait l'être Marie lors de son séjour en Égypte : elle porte une ample robe noire et ses cheveux sont recouverts d'un voile blanc.

 

Une des pyramides de Ghiza (anciennement Djizé), près du Caire, une caravane et barques à voile sur le fleuve le Nil.
(Illustration extraite d'un ouvrage de Volney publié au début du XIXe siècle).

Un jour - c'était en 1957 - on a voulu abattre ce vieux sycomore tout sec, car on avait besoin de l'emplacement pour bâtir une maison. Eh bien ! on n'a pas réussi. Le bûcheron qui a donné le premier coup de cognée a éprouvé une vive douleur dans le bras, et il a renoncé à ce travail que personne n'a voulu reprendre. L'arbre subsiste : a-t-il vraiment donné un peu d'ombre à cette pauvre petite famille pourchassée? Qui sait? On connaît bien des oliviers plus que millénaires, et qu'importe après tout ! Il rappelle tout de même une étape d'un voyage qui ne nous est point indifférent.
D'autres endroits en gardent aussi le souvenir. Il y a dans le vieux Caire le plus ancien sanctuaire chrétien du pays, l'église Saint-Serge. Bien qu'au cours de l'histoire mouvementée de l'Égypte, elle ait été détruite et reconstruite, les fondations n'en remontent pas moins au Ve siècle ; elle est située au centre d'un quartier dont l'aspect n'a pas changé depuis les temps bibliques. Dans les ruelles étroites, on voit sortir, des maisons de pierre grossièrement taillées, certains personnages qui, par leur costume et leurs coutumes, semblent contemporains de Joseph et de Marie, sinon d'Abraham et de Joseph. Suivons-les, ils se rendent précisément à l'endroit où la tradition veut que les réfugiés, palestiniens se soient rendus. Ils passent sous un portique cintré. Les maisons aux toits plats, sur lesquels des cabanes ont été élevées, ont peu de fenêtres, et celles-ci sont cachées par des moucharabiehs, balcons de bois admirablement ouvragés et placés de telle manière qu'on puisse jeter, de l'intérieur, un regard sur la rue sans être vu. L'église, à l'extérieur, se présente comme une muraille unie, et la porte est plus basse que la chaussée. il faut la chercher, car elle a des dimensions très réduites. La porte principale a été murée. On se trouve dans une ambiance de clandestinité qui convient à ce lieu pauvre et délaissé.

C'est la crypte qui nous intéresse. On descend dans la cave de l'église un escalier humide, et on arrive dans une sorte de grotte souterraine. Les gens en robes amples qui nous ont accompagnés se sont arrêtés dans la nef, la salle principale où sera célébré le culte. Nous sommes seuls entre ces murs humides semblables à ceux d'un cachot. Et ce serait là que Jésus enfant aurait vécu pendant une partie de son séjour en Égypte ! Il y avait, paraît-il, une synagogue à cet endroit, et c'est aux abords de cette maison de prière que le fils de Marie aurait fait ses premiers pas. Il se peut aussi que ce soit plus loin. Les villages se transforment sans cesse, et peut-être que le Nil était plus élevé à cette époque. Dans tous les cas, à un kilomètre de là, rien n'a changé. Les ateliers et les masures en boue des potiers tournant des milliers de vases semblables continuent une tradition qui remonte bien au-delà de l'ère chrétienne. J'imagine volontiers Joseph s'intéressant à leur travail artisanal, et si, plus tard, il est monté en Haute-Égypte, comme le veut encore la tradition, soyez assurés, chers lecteurs, que ce n'était point par curiosité touristique. Ce qu'il désirait surtout, c'était découvrir sur son chemin une échoppe de charpentier où il pût exercer son métier, car l'or des mages, je suppose, disparaissait rapidement comme avaient déjà disparu en fumée l'encens et la myrrhe.

La sainte famille a-t-elle vu le sphinx et les pyramides qui existaient déjà depuis près de trois mille ans ? S'est-elle arrêtée dans la forêt de palmiers près de Memphis, l'ancienne et glorieuse capitale de l'Empire égyptien ? Nous n'en savons rien. Elle a sans doute remonté le Nil dans l'une de ces barques à voile qui lentement glissent sur le fleuve en l'effleurant à peine.

Un jour, nous ignorons où mais nous savons quand : à la mort d'Hérode en l'an de Rome 751, soit l'an 4 avant J.C., la Voix retentit dans un songe aux oreilles de Joseph, la voix de l'ange : « Retourne au pays d'Israël, ils sont tous morts ceux qui en voulaient à l'enfant». (Matthieu 2:20) Quelques semaines plus tard, Nazareth accueillait deux visages familiers qu'on croyait disparus à jamais et faisait connaissance avec Jésus enfant.


Table des matières

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1 « Copte » est un dérivé du mot grec « Égyptien ».

 

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