Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



DEUXIÈME PARTIE

RÉCITS ÉGYPTIENS


Chez un savetier d'Alexandrie

Le bateau arriva sans trop de difficulté dans le port. Parmi les passagers, un homme d'une cinquantaine d'années, aux tempes grisonnantes, d'une taille plus grande que la moyenne, portant une longue barbe qui lui donnait fière allure, s'était fait remarquer par son extrême bonté et son amabilité envers chacun. Il avait de grands yeux clairs et doux qui retenaient l'attention. Son teint basané, commun à tous les Méditerranéens, ne permettait cependant pas de connaître sa provenance, mais son nez légèrement aquilin trahissait son origine sémitique. Personne ne s'en étonnait, car Alexandrie, la ville dans laquelle on allait aborder, avait une population juive très nombreuse.

Comme il ne cachait pas son identité et qu'il n'avait pas peur d'exposer ses convictions à tous ceux avec lesquels il entrait en contact, on avait vite appris qu'il venait de Cyrène, la fameuse colonie grecque à l'ouest de l'Égypte, et qu'il s'appelait Jean Marc. Ce qu'il faisait ? On n'avait pas très bien compris quelle était sa profession. Il avait parlé d'un Certain Jésus dont il était le disciple. Beaucoup de passagers ne savaient encore rien de cette religion nouvelle. D'autres, au contraire, étaient déjà au courant. Un dieu de plus ou de moins, cela ne dérangeait personne. il y en avait tant. Les villes se remplissaient de temples, et il fallait être bien malin pour les connaître tous. Chaque étranger apportait son dieu avec lui et, comme les relations entre pays s'intensifiaient, les sanctuaires se multipliaient. Le peuple avait l'embarras du choix, et, en présence de ces nouveaux cultes qui réclamaient son adhésion, il restait réservé, sinon sceptique. Mais le Dieu de

Jean-Marc était différent. Il avait vécu parmi les hommes les plus divers, il leur avait parlé avec autorité et même il leur avait dit tant de vérités désagréables qu'ils avaient même comploté contre lui.
Un soir, Jean-Marc en avait été le témoin, ils l'avaient emmené comme un vulgaire malfaiteur. ils l'avaient arrêté dans un jardin public où il passait la soirée avec ses amis après avoir célébré la Pâque chez des voisins, sur le toit de leur maison, dans la chambre haute. Jean-Marc s'en souvenait très bien, c'était là qu'il habitait avec Marie, sa mère. Il dormait déjà quand une troupe pénétra dans le jardin de Gethsémané. Il savait que tous les convives de sa mère s'y étaient rendus. Réveillé par le bruit, il se leva brusquement et, voyant l'attroupement éclairé par des torches, il eut la curiosité de s'en approcher. Pour agir plus rapidement, il ne prit pas la peine de s'habiller. il s'enveloppa le corps d'un drap. Ce fut dans cet accoutrement qu'il se mêla à la foule. Comme il voulait absolument voir Jésus que certains soldats avaient arrêté - pourquoi ? il ne le savait pas - il poussa un peu les policiers qui empêchaient la populace d'aller trop près et se sentit saisi par son vêtement d'occasion. Pris de panique, il se dégagea assez facilement de la main qui le tenait mais dut rentrer chez lui tout nu !

Ce n'est évidemment pas ce souvenir-là qu'il racontait, car il n'y avait pas de quoi se vanter, mais d'autres faits étaient gravés dans sa mémoire, plus encore : dans son coeur et dans son âme. Le jour après cette nuit tragique - c'était un vendredi - il avait appris que Jésus avait été crucifié. Comment était-ce possible ? L'ami de sa famille, l'homme qui racontait des histoires si originales (il se rappelait plusieurs paraboles qui l'avaient frappé) et qui faisait tant de bien (il avait entendu parler de ses miracles). Mais trois jours après, sa mère était venue lui annoncer une nouvelle bouleversante : « Jésus est ressuscité » Il ne l'aurait jamais cru si les témoins eux-mêmes ne s'étaient pas réunis dans sa maison avec Thomas qui, lui aussi, ne pouvait pas admettre un pareil bouleversement de la nature (quand on est mort, on est mort, n'est-ce pas ?) Eh bien ! cette fois-là, Jésus en personne leur est apparu, et Thomas lui-même a été invité à mettre sa main dans la plaie de son Maître pour reconnaître humblement que le Ressuscité, c'était bien le Crucifié. Depuis ce moment-là Jean-Marc a proclamé cette vérité à tous ceux qu'il a rencontrés : Christ est ressuscité ! C'est la grande victoire du Dieu invisible, créateur du ciel et de la terre. La mort est vaincue. Les hommes ne sont plus ses captifs, Christ les en a délivrés!

Quand Jean-Marc abordait ce sujet, son visage devenait resplendissant de joie, et même ceux qui hochaient la tête à ses dires devaient reconnaître qu'ils avaient affaire à un homme nouveau. Car celui qui racontait ces choses n'était point un illuminé. Au contraire, il ne se croyait pas meilleur que les autres et parlait plus souvent de ses fautes que de ses mérites. À bord, il était si serviable ! Quelqu'un se sentait-il mal ?Jean-Marc se rendait à son chevet, et le malade allait mieux.
Sur le pont, les voyageurs attendaient le débarquement. Leur regard se tournait vers l'île de Pharos, dont la tour à plusieurs étages, tout en marbre, était d'une blancheur éblouissante. « Quelle merveille ! s'exclamaient certains, elle éclaire très loin les bateaux dans la nuit, elle est si haute ! » Le phare d'Alexandrie (la tour avait pris le nom de l'île) était célèbre dans le monde entier.
Il n'y avait personne, sur le quai, pour attendre Marc qui savait pourtant qu'un groupe de chrétiens se réunissait quelque part dans la ville, mais ils n'avaient pas été prévenus de son arrivée. C'était la première fois qu'il venait à Alexandrie. Ses premiers pas sont hésitants. Il s'éloigne du port en traversant les Apostases, immenses docks où les bateaux déversent leurs cargaisons. Il regarde avec étonnement ces constructions monumentales qui abritent tant de marchandises venant de tous les pays. Mais dès qu'il quitte la zone portuaire avec ses digues et ses passerelles, d'où se dégage une forte odeur de varech, il entre dans un quartier dont le centre est occupé par un temple à colonnades qui l'impressionne. Comme il ne connaît pas son nom, il interroge un passant et apprend que c'est le temple de la déesse Bendis, une déesse qui provient de la Thrace, non loin de la Grèce.
Il continue son chemin mais éprouve tout à coup un sentiment désagréable : l'une de ses sandales est en train de se détacher. il se penche sur ses chaussures et constate, en effet, qu'une courroie s'est rompue. En Orient, ces réparations-là se font sur-le-champ. Il y a des échoppes de savetiers partout.

Marc repère vite un de ces ateliers sans porte, qui donne directement sur la rue. Sans mot dire, le voyageur tend son pied, l'ouvrier en retire la sandale et prie son client de prendre place pendant qu'il va recoudre la courroie rompue. Comme celle-ci est en mauvais état, le cordonnier va en couper une partie. il prend un outil tranchant et, par mégarde, se fait une profonde entaille à la main. Le sang jaillit et l'homme s'écrie : « Un seul Dieu ! »
Surpris d'entendre, dans un pays païen, cette exclamation sortir de la bouche de son savetier, Marc se demande si cet homme est croyant ou en voie de le devenir ? Chercherait-il le Dieu inconnu ? Pour l'instant, il ne s'agit pas de philosopher. La plaie est là, l'homme souffre. Marc se recueille et prononce ces paroles : « Au nom de Jésus-Christ, fils de Dieu, que cette main redevienne intacte ! » Le sang cesse alors de couler et la blessure se cicatrise. Le plus étonné, c'est naturellement le savetier qui se remet à réparer la sandale non sans regarder avec stupéfaction son client de qui émane une pareille puissance. Il ne sait que faire ni que dire pour le remercier. Tout à coup une idée surgit dans son esprit. « Cet homme, se dit-il, est un étranger, je vais lui offrir l'hospitalité. »

« Je t'en prie, s'exprime-t-il enfin à haute voix en s'adressant à Marc, reste chez moi. Qui que tu sois, viens habiter sous mon toit. Que ma maison soit la tienne ! Tu m'as fait du bien, je ne pourrais pas supporter que tu ailles chercher un autre logis. Sois mon hôte. »

Marc, visiblement conduit par Dieu, accepte d'emblée l'offre de l'artisan qui l'invite à passer dans la pièce derrière l'échoppe. Ce dernier appelle son jeune apprenti, lui donne des ordres, et quelques minutes plus tard la table est dressée. Le repas est frugal mais joyeux. Marc se sent si à l'aise avec son hôte que celui-ci s'enhardit à le questionner : « Qui es-tu, cher ami ? Je n'ai encore jamais rencontré un homme comme toi. D'où viens-tu et que fais-tu ? Les paroles que tu as prononcées étaient si puissantes ! Quelle en peut bien être la source ? »

- Je suis un humble serviteur de Jésus-Christ, fils de Dieu, répond simplement Marc.

Au savetier de reprendre : « Je désire beaucoup faire la connaissance de ton maître ».
- Écoute ce que je vais te dire, enchaîne Marc. Jésus est le Messie attendu par le peuple d'Israël et annoncé par les prophètes juifs. Il n'a pas été reçu par les siens. Il a été crucifié, J'en ai été témoin.
N'accuse pas trop vite ceux qui l'ont mis à mort. je les ai laissés faire, et toi, dans ma situation, tu aurais fait la même chose. Mais sache-le : Il est ressuscité, et si tu crois en Lui, tu ressusciteras aussi avec Lui.
- Sais-tu, Marc, interrompt le savetier. J'ai déjà entendu une histoire semblable ! Dans l'ancienne religion de nos pères, on racontait ceci. je ne suis pas sûr de te relater tous les détails avec exactitude. C'est un récit que j'ai oublié, car on n'y croit plus guère aujourd'hui. L'un de nos dieux, Osiris, avait un frère qui s'appelait Seth et qui était très jaloux. Un beau jour, Seth a tué Osiris et, l'ayant enfermé dans un coffre, l'a jeté dans le Nil. J'ai oublié de te dire qu'Osiris était marié. Eh bien ! sa femme, Isis, a été admirable dans son épreuve. Dès qu'elle a su que le cadavre de son pauvre mari avait été englouti dans le fleuve, elle s'est mise à sa recherche et l'a retrouvé. Mais Seth, apprenant cela, s'est acharné sur la dépouille d'Osiris. Dans sa rage, il a dépecé le cadavre et en a dispersé les morceaux. Aussitôt Isis est partie ; au cours d'un long voyage, elle a réussi à rassembler tous les membres de son cher époux, sauf un. Comme elle était une puissante magicienne, elle a finalement ressuscité Osiris. Le couple reconstitué a donné naissance à un fils, Horus, qui a vengé son père en tuant Seth, et Osiris est devenu pour nos ancêtres le dieu des morts. ils disaient : « Si Osiris a pu mourir et revivre, pourquoi d'autres ne le pourraient-ils pas aussi ? » Et, dans leurs cérémonies funèbres - c'est du moins ce que j'ai entendu dire - ils prononçaient des paroles magiques - les mêmes qu'Isis avait dites - pour rendre le mort identique à Osiris, et ils embaumaient le cadavre pour en faire une momie. Dans leur idée, la conservation intacte du corps était nécessaire en vue de la résurrection. Et même il était de bon ton de peindre sur le cercueil une tête d'Osiris, afin qu'il n'y ait pas d'erreur.

Jean-Marc écoutait avec une réelle attention cette histoire légendaire. Il découvrait tout à coup les pressentiments qui pouvaient exister au sein du paganisme jusque là il s'était élevé à juste titre contre tout culte idolâtre. Maintenant, en discutant avec Aignan - c'est le nom du savetier - il comprend qu'il arrive au milieu d'un peuple qui, dans les anciens temps, s'est beaucoup préoccupé de la vie après la mort. Les Égyptiens ne seraient-ils pas prêts à croire en Jésus-Christ qui donne la certitude de la vie éternelle ?

La grande différence entre le récit mythologique d'Osiris et ce que Marc vient annoncer consiste en ceci : Marc peut affirmer qu'il a été témoin des faits dont il parle. Il a vu le Christ ressuscité, il a recueilli lui-même les impressions d'un des premiers témoins oculaires, l'apôtre Pierre dont il a été le collaborateur, et ses débuts missionnaires, il les a faits avec l'apôtre Paul dont la vie a été bouleversée par une apparition du Christ vivant, sur le chemin de Damas où il allait persécuter les chrétiens et ce Christ, Jésus, est toujours avec ses disciples jusqu'à la fin du monde et Il transforme des vies. Voilà qui est nouveau. L'histoire d'Osiris a sans doute éveillé une grande espérance dans le coeur des Égyptiens, mais au moment de l'arrivée de Marc, c'est déjà fini. Bientôt les philosophes d'Alexandrie, inspires par la pensée grecque, diront dans l'un de leurs écrits : « 0 Égypte, ta religion n'est plus qu'une fable à laquelle tes enfants ne croient plus... Les hommes préféreront les ténèbres à la lumière et la mort à la vie.» Mais Jésus-Christ, dont Marc est le serviteur fidèle, apporte aux hommes lumière et vie. Ce qu'ils n'ont pas pu trouver dans les fables de leur religion, ils le découvrent dans la personne du Christ. Telle est la bonne nouvelle destinée aux Alexandrins comme à tous les habitants de la terre.

Telle est la foi que Marc communique ce soir-là au savetier Aignan qui ouvre sa maison a ses voisins surpris par le changement intervenu dans sa vie. Ces entretiens font sensation dans la ville. La maison d'Aignan devient trop petite pour accueillir tous ces gens désireux d'entendre la Parole de Dieu. Ceux qui s'étaient déjà convertis à l'étranger - le jour de la Pentecôte, quand le Saint-Esprit était descendu sur les apôtres, il y avait aussi des Égyptiens à Jérusalem - se joignent au nouveau groupe toujours plus nombreux. L'église d'Alexandrie est un véritable phare dans cette ville païenne. Les philosophes eux-mêmes, qui enseignent pourtant à leurs disciples une morale élevée, reconnaissent la supériorité du christianisme, tant la vie exemplaire des membres de l'église les frappe. D'où ont-ils ce rayonnement et cette joie ?

Les prêtres des cultes païens en éprouvent une telle jalousie qu'ils sont décidés à se débarrasser par n'importe quel moyen de cet étranger importun qui est venu troubler les croyances de leurs adeptes. Ils attendent une occasion pour s'emparer de lui et le tuer. Mais Jean-Marc a vent du complot et se dit qu'il vaut mieux partir au plus vite. Sans éveiller les soupçons de ses ennemis, il convoque les fidèles, leur annonce sa résolution de quitter la ville et désigne Aignan comme pasteur de l'église qui est en plein essor. Le savetier va maintenant planter, dans les âmes, le message du Christ avec la même ardeur qu'il enfonce des clous dans les semelles des chaussures. Son marteau, ce sera désormais la Parole de Dieu.
Ah ! cette fameuse sandale endommagée de Marc, il en a souvent parlé par la suite. Elle a provoqué la rencontre décisive de sa vie. Il en est résulté des choses grandioses. L'Égypte, jusque dans ses plus lointains villages au bord du Nil dans le haut pays, a reçu l'Évangile, et les régions sauvages de l'Éthiopie ont aussi été touchées.

Bien qu'au milieu du VIle siècle une nouvelle religion prêchée par le prophète arabe Mahomet, et appelée l'Islam (la soumission à Allah), ait conquis rapidement toute l'Afrique du Nord où, à cette époque, les divisions avaient affaibli l'Église, une minorité chrétienne a subsisté en Égypte. Il y a encore, dans ce pays, plus de cinq millions de chrétiens dont la majorité appartient à l'Église dite «copte», c'est-à-dire d'origine égyptienne, qui se réclame de saint Marc l'évangéliste, celui dont il est question dans notre histoire, l'auteur de l'Évangile qui porte son nom. Les Éthiopiens, en majorité chrétiens, font aussi partie de l'Église copte dont le patriarche (le chef) réside au Caire. L'église Saint-Serge, mentionnée dans le précédent récit, est copte.


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