Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



DEUXIÈME PARTIE

RÉCITS ÉGYPTIENS


Des soldats égyptiens dans le Valais, canton alpestre suisse.

Maurice et Victor jetèrent un dernier regard sur leur Thèbes natale. C'est dans l'une de ces bourgades construites au milieu des ruines de l'ancienne capitale de l'empire égyptien qu'ils étaient nés. Ils y avaient passé leur enfance et, en somme, ne s'étaient jamais quittés. Camarades de jeux, ils se considéraient comme des frères. Le pays était pauvre, les familles nombreuses. La terre régulièrement abreuvée par le Nil ne nourrissait pas tout son monde. Que faire sinon s'exiler ? Ils avaient, pendant bien des soirées, débattu la question. Là, au bord du Nil, dans le temple en ruines, qui donnait à la ville une idée de sa grandeur passée, ils s'étaient souvent assis pour méditer sur leur sort. Ils aimaient aussi se promener dans une étrange vallée, dont on disait qu'elle contenait les tombeaux des anciens rois. Personne n'y touchait : une tombe, c'est sacré. De temps en temps on apprenait qu'un voleur s'était introduit dans l'une de ces sépultures et qu'il avait disparu à jamais...

Ce qui les préoccupait le plus, ce n'était pas tant de quitter leur famille. Ils avaient assez de frères et de soeurs pour les remplacer auprès de leurs parents. Mais ils étaient de fervents membres de leur église. Ils y avaient tous leurs amis, elle était devenue leur vraie communauté. Chaque dimanche ils se rendaient au culte qui était célébré dans un temple païen transformé en sanctuaire chrétien. Ils participaient à la liturgie en répétant avec conviction les paroles que l'officiant prononçait , et quand ils prenaient la communion ils avaient la certitude d'appartenir au corps de Jésus-Christ. Comme ils arrivaient à l'âge de se marier, leurs familles avaient déjà fait, selon la coutume, des arrangements provisoires. Une jeune fille était destinée à chacun.
Et le fleuve, avec quel plaisir ils partaient en barque sur les flots, ils jouaient aux pirates, ils étaient tantôt sur une rive, tantôt sur l'autre. Ces jeux de l'enfance, ils les avaient maintenus dans leur jeunesse. Excellents exercices corporels qu'ils pouvaient pratiquer toute l'année - car il ne pleut jamais dans leur beau pays - et qui leur avaient donné une vigueur physique dont ils étaient fiers. Ils figuraient parmi les jeunes gens les plus forts de la Thébaïde.
Ils allaient partir. On leur avait dit que ce n'était pas la guerre. Ils avaient accepté volontairement du service dans l'une des légions de l'empereur. Tout ce qu'ils savaient, c'est qu'ils devraient suivre leurs chefs dans des pays lointains, en Barbarie, quelque part au-delà de la mer ; ils ne s'imaginaient même pas ce qu'elle pouvait bien être. ils connaissaient le Nil seulement et ils le voyaient s'éloigner. Où allait-il ? Ils l'ignoraient totalement. Mais l'agent recruteur avait déjà préparé le bateau qui les emmènerait à l'embouchure du fleuve. Pour eux, ce serait l'aventure de leur vie. Ils entraient dans une grande armée qui avait pour but, bien entendu, de maintenir la paix jusqu'aux confins de l'Empire.

Au départ, ils furent rassurés. Dans le contingent qui s'embarquait, ils reconnurent des frères chrétiens à la petite croix tatouée sur leur bras et s'associèrent à eux pour prier au bord du fleuve. ils remettaient ainsi leur vie à Dieu et se séparaient du berceau de leur foi.
Ce fut un long voyage, beaucoup plus long qu'ils ne l'avaient pensé. Ils traversèrent pendant bien des jours la Mer Méditerranée et aboutirent en Italie.
Ce n'était point la fin de leur épopée militaire; au contraire, elle ne faisait que commencer. La situation de l'Empire, qu'ils croyaient calme, devenait critique. Dioclétien, monté sur le trône impérial en 284, apprit que dans les Gaules les paysans s'étaient révoltés. Ils avaient même à leur tête Amandus, un général romain qui s'était proclamé empereur. il fallait au plus vite mettre fin à ce soulèvement. Dioclétien s'associa Maximien, auquel il donna le titre de «césar», et le chargea de la répression.
Maximien concentra ses troupes dans le Nord de l'Italie. La légion thébaine - comme on l'appelait, alors que numériquement le contingent des Égyptiens était loin de former une légion (1) - y fut jointe. On ne comprenait guère le langage de ces soldats africains, au teint foncé, qui, pour lutter contre la nostalgie et pratiquer leur culte, se tenaient toujours ensemble. C'était cependant de bons camarades qui riaient bruyamment toutes les fois qu'ils n'arrivaient pas à se faire comprendre, et ils mettaient tout le monde de bonne humeur.
Ce fut dur pour eux, hommes de la vallée du Nil, de passer les Alpes. ils n'avaient jamais vu de neige et le froid en fit bien mourir quelques-uns en route. Maurice était monté en grade, on l'appelait «commandant», Victor avait renoncé à devenir officier. Tous deux résistaient bien à la température ; ils se voyaient souvent et espéraient retrouver un jour le soleil d'Égypte.
Pour l'instant ils marchent avec la troupe qui descend dans une vallée sauvage au fond de laquelle coule un fleuve, le Rhône, qui leur paraît semblable à un canal plutôt qu'au Nil lui-même, le fleuve par excellence. ils franchissent un défilé et la plaine s'étale devant eux, verte et prospère. Ils installent leur camp à Agaune (2) et attendent les ordres, au pied de très hautes montagnes dont les sommets sont cachés par les nuages.

L'ennemi n'est pas loin. il faudra l'attaquer sans tarder. Maximien, césar et général en chef, ordonne, en bon païen, un sacrifice général aux dieux protecteurs qui va de pair avec la prestation de serment de fidélité. Cet ordre du jour passe presque inaperçu parmi la plupart des soldats : une cérémonie de plus ! Mais les Thébains chrétiens se concertent. Bien sûr, ils sont d'accord d'être fidèles au césar jusqu'à mourir en combattant sous ses ordres ; ils ont accepté cette obéissance en devenant soldats. Mais personne au monde, pas même l'empereur, ne pourra les obliger à participer à des rites païens. Ils sont chrétiens ; donc ils ont rompu définitivement avec tout culte idolâtrique. Sans hésitations, ils refusent de participer à une cérémonie au cours de laquelle ils devraient renier leur foi chrétienne.

Manquement à la discipline : leur cas est porté à la connaissance de l'empereur qui entre dans une colère terrible. Il veut absolument ramener les soldats thébains rebelles au respect de ses décrets. Aussi se décide-t-il à recourir à un châtiment exemplaire prévu par les lois romaines : la décimation. En présence de toutes les troupes rassemblées à Octodure et à Agaune, la légion thébaine comparaît. ils sont tous là, ces enfants de la Haute-Égypte, aucun n'a flanché. On tire leur nom au sort et chaque dixième est battu de verges d'abord, puis décapité. Les autres ne sont nullement terrorisés par cette exécution barbare. Ils prient et se préparent à mourir avec le même courage. Le commandant Maurice, l'instructeur Exupère et le sénateur Candide, tous trois chrétiens de la Thébaïde, ne cessent d'engager leurs compagnons d'armes à être fidèles jusqu'à la mort ; ils se décident eux-mêmes à faire profession de leur foi dans une lettre adressée à Maximien :

« Illustre César, écrivent-ils, nous sommes tes soldats, mais en même temps les serviteurs de Dieu. Nous te devons le service des armes, c'est vrai. Mais nous ne pouvons en rien suivre des ordres qui sont en opposition au culte que nous devons à Dieu seul. Nous ne sommes pas des révoltés, nous préférons mourir plutôt que de désobéir à Dieu, notre créateur, notre maître et le tien aussi, que tu le veuilles on non. Nous sommes chrétiens. »

L'empereur devient blême en lisant ces lignes. Il ne veut pas céder : ce serait reconnaître que quelqu'un est plus fort que lui. Il ordonne les exécutions. Quel carnage ! Les cadavres empuantissent la plaine d'Agaune, tandis que les bourreaux se partagent, à titre de gratification, les équipements des victimes. Maurice périt comme les autres, malgré son grade. Quant à Victor, il fut oublié dans la décapitation en série. Ce fut le seul survivant des chrétiens de la légion thébaine. Il quitta le Valais, se cacha dans les montagnes, et l'on raconte encore aujourd'hui qu'il fut l'un des premiers missionnaires de l'Helvétie. On a retrouvé, paraît-il, sa trace à Soleure.

Un fait est à souligner : ces légionnaires de la Thébaïde étaient de race noire. Une des plus anciennes statues de Maurice le prouve. Son visage est négroïde. On sait que les Nubiens furent très tôt chrétiens.


Table des matières

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1) Une légion = 6000 hommes.
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2) Aujourd'hui Saint-Maurice, en Suisse.

 

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