Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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DEUXIÈME PARTIE

RÉCITS ÉGYPTIENS


« Maintenant va, je t'enverrai en Egypte »

En ce siècle, Liliane Trasher à Assiout

I

En 1910, dix jours avant la date fixée pour le mariage, une jeune Américaine prit la grave décision de rompre ses fiançailles. Elle travaillait dans un orphelinat de la Caroline du Nord, non loin de la côte Atlantique des États-Unis d'Amérique, et elle n'avait qu'une idée en tète : partir comme missionnaire en Afrique. Son fiancé, jeune pasteur, qui ne cessait de l'assurer de son amour le plus profond, ne se sentait pas du tout poussé à vivre dans ce continent lointain. Liliane avait longuement réfléchi : si elle se mariait, elle devrait renoncer à sa vocation. Le débat intérieur avait été déchirant ; finalement, après des nuits de prière, elle avait eu le courage de dire non au mariage. Ce fut très douloureux à la fois pour le fiancé et pour elle. Mais désormais elle pouvait librement dire à Dieu : « Maintenant, Seigneur, je suis prête à partir ! »

Elle n'avait que cinq dollars pour toute fortune. C'était peu pour entreprendre un si long voyage. À vingt-trois ans, on ne doute de rien. Grâce à l'aide de quelques amies, elle se mit en route pour Pittsburgh, où se réunissaient des missionnaires qui pourraient sans doute l'orienter, mais voyant qu'elle avait assez d'argent pour aller plus loin, elle se rendit à Washington dans une famille dont on lui avait donné l'adresse.
L'accueil ne fut pas très chaleureux. La personne chez qui elle arriva à l'improviste lui dit immédiatement : « Oh ! Mademoiselle Trasher, je ne peux pas vous recevoir dans ma maison, car j'héberge déjà une famille de missionnaires qui revient d'Assiout, en Haute-Égypte. Mais entrez quand même et partagez notre repas. » C'est ainsi que Liliane Trasher fit la connaissance du révérend Brelsford à qui elle fut présentée, un peu imprudemment, comme missionnaire en partance pour l'Afrique.
Vivement intéressé par la nouvelle arrivée, M. Brelsford la questionna: « Dans quelle partie de l'Afrique allez-vous ? »

La pauvre jeune fille fut fort embarrassée et finit par articuler : « Je ne sais pas encore. »

Le missionnaire reprit: « Oh ! je comprends, vous attendez certainement que votre comité vous indique le lieu de votre future résidence ? »
- Je n'ai aucun ordre à recevoir d'un comité, répondit Liliane.
- Alors, qui vous envoie? continua le révérend. Vos parents, je suppose ?
- Non, mes parents ne sont pas du tout d'accord avec mes projets.
- C'est drôle tout cela. Vous avez au moins votre billet de bateau ?
- Je n'ai qu'un dollar.

Ici le ton de la conversation changea et le missionnaire recommanda vivement à Liliane de retourner au plus vite chez ses parents. Mais la jeune fille avait une telle confiance en Dieu, qu'elle était persuadée que s'Il l'avait appelée à son service en Afrique, Il lui procurerait les moyens de s'y rendre.
Liliane resta quelques jours à Washington et reprit l'entretien avec le révérend Brelsford. Celui-ci, à force de la questionner, se rendit compte non seulement du sérieux de sa vocation, mais encore de la qualité de sa préparation. Miss Trasher avait, en effet, suivi les cours d'un institut biblique. Le missionnaire l'invita à venir travailler dans son oeuvre d'Assiout. En acceptant avec joie cette offre, elle put expliquer en toute sincérité à celui qui la lui faisait : « Voyez-vous, je n'avais pas l'intention d'aller à Washington. Je sais maintenant que Dieu m'a conduite ici pour vous rencontrer ! »

L'aventure de la foi commençait. Les fonds nécessaires pour le voyage lui furent procurés par les moyens les plus inattendus, et le 8 octobre 1910, Liliane Trasher pouvait s'embarquer à New York à destination du Proche-Orient. Avant le départ, dans sa cabine, entourée de sa soeur et de ses amies, elle ouvrit sa Bible pour en lire un passage et, sans chercher, tomba directement sur l'ordre donné à Moïse « ... Maintenant va, je t'enverrai en Égypte. » (Actes 7 : 34). C'était comme une confirmation que Dieu donnait à sa propre vocation.

La traversée fut sans incident. Le débarquement à Alexandrie plongea la Jeune Américaine dans une cohue indescriptible. Sur le bateau, un porteur s'empara de ses modestes bagages et franchit en hurlant la foule ; après bien des bousculades, il parvint à la douane. Liliane ne s'arrêta pas dans le grand port méditerranéen, mais elle prit sans tarder le train pour Le Caire. Son plus grand désir était de se mettre au travail le plus tôt possible.

Depuis la capitale de ce pays qui allait devenir sa seconde patrie, elle avait encore quelque 400 kilomètres à parcourir pour atteindre Assiout. Le train la conduisit tout le long du Nil, ce fleuve majestueux qui procure à la vallée son extraordinaire fertilité. Au-delà d'une large bande de terre cultivable, apparaissent les collines arides, annonciatrices du désert.
Elle aperçut les fellahs derrière leurs charrues primitives, dont le modèle n'a pas varié depuis le temps des pharaons. Tout en traversant l'Égypte, elle pensait au pays de Goshen, à l'est d'Alexandrie dans le Delta, le territoire où Joseph installa sa famille venue de Canaan. Le Nil lui rappela Moïse sauvé des eaux. Vit-elle le sphinx et les grandes pyramides ? Sans doute, mais les souvenirs bibliques dont cette terre est pétrie l'intéressaient davantage. Une prière montait de son coeur plein de reconnaissance et de confiance.

II

Quel changement de décor pour Liliane ! Tout était absolument différent de ce qu'elle avait vu auparavant. Assiout avait, à cette époque-là, 50.000 habitants et cachait beaucoup de misère dans ses rues poussiéreuses aux maisons trop légèrement bâties, car si les journées sont chaudes, les nuits sont froides. Elle se sentit tout de suite attirée vers les enfants qui sautillaient joyeusement sur le sol de sable, et elle éprouva une vive sympathie pour ce peuple résigné et souriant. Mais comment entrer en contact avec ces gens, vêtus de robes flottantes, qui ne parlent que l'arabe ? « Eh bien ! se dit-elle, il faut apprendre leur langue». C'est ce qu'elle fit à peine arrivée dans la maison du révérend Brelsford.
Ensuite, dès qu'elle put un peu parler l'arabe populaire, une autre question la hanta : comment venir en aide à ce peuple? Liliane n'eut pas à choisir le genre de travail qui lui conviendrait le mieux. Trois mois après son installation à Assiout, quelqu'un lui demanda de rendre visite à une mourante et de prier pour elle. Quand elle pénétra dans la maison, elle s'aperçut que cette pauvre femme avait une petite fille de trois mois qui gémissait, affamée. La mère mourut et l'enfant, dont personne ne pouvait s'occuper, fut confiée à Liliane.
Ce fut le début de l'oeuvre de sa vie : la fondation d'Un orphelinat ouvert à tous les orphelins délaissés, sans distinction de race ni de religion. Bien entendu, le bébé qu'elle prit dans sa chambre empêcha, par ses cris nocturnes, les gens de la maison de dormir, et ils prièrent la jeune fille de se séparer de lui, faute de quoi ils deviendraient malades. Mais elle refusa et préféra quitter le bâtiment de la mission. Pour une cinquantaine de francs suisses par mois, elle loua une petite maison. L'argent qui lui restait, elle le consacra à l'achat d'un mobilier de fortune. Sa première installation fut très simple : les lits étaient faits de branches de palmiers, et la nourriture dépendait des dons qu'elle recevait. Elle voulait vivre par la foi, sachant que Dieu pourvoirait à ses besoins, si cette oeuvre lui était agréable.

Peu après, Liliane apprit qu'un frère et une soeur de sa première protégée étaient pratiquement abandonnés. Elle enfourcha aussitôt son âne et alla les chercher. Elle accueillit ensuite un garçon. Mais elle ne fut guère encouragée dans son entreprise. Les missionnaires l'avertirent qu'elle ne recevrait sans doute jamais assez de fonds des Américains pour ouvrir un véritable orphelinat. Elle répliqua qu'elle comptait avant tout sur les Égyptiens, et vraiment la générosité de certaines familles chrétiennes d'Assiout, entre autres, s'est toujours manifestée quand il le fallait.
Un autre obstacle, c'était la méfiance du petit peuple ignorant. Que pouvait-elle bien faire avec ces enfants ? se demandaient les gens. N'allait-elle pas les élever pour les vendre plus tard comme esclaves ? Ces doutes n'étaient rien à côté de la terrible épreuve qui devait frapper l'orphelinat cinq mois après la réception du premier enfant. C'était au début de juillet 1911. Un garçon tomba malade. Fièvre élevée , très inquiétante. Le médecin appelé à son chevet diagnostiqua, hélas, une peste bubonique. Deux autres orphelins auscultés présentaient les mêmes symptômes : c'était grave. Même les enfants non atteints furent conduits à l'hôpital et gardés dans l'isolement le plus complet. La maison fut désinfectée de fond en comble.

Liliane, très attristée, se demanda si, après ce coup dur, l'oeuvre encore naissante ne devrait pas fermer ses portes. Et de nouveau c'est dans la Bible qu'elle lut ce message réconfortant : « Retournez à la forteresse, captifs pleins d'espérance ! Aujourd'hui encore je le déclare, je te rendrai le double, dit l'Éternel. » (Zacharie 9: 12). La promesse a été tenue des milliers de fois.
C'est près de 7000 enfants que Miss Trasher eut à sa table pendant cinquante ans d'activité. Beaucoup d'entre eux sont aujourd'hui grands-parents et occupent des situations en vue dans le pays. Ils revenaient souvent revoir celle qu'ils considéraient comme leur véritable mère.

Un jour, un homme nommé Seïf tua sa femme infidèle et fut jeté en prison. Alice, sa fille âgée de huit ans, fut placée à l'orphelinat. Très heureuse parmi les centaines d'autres enfants qui s'y trouvaient, elle rendait chaque semaine visite à son père. Un garçon plus âgé l'accompagnait, car il est impossible à une petite fille d'aller toute seule à la prison. Mais, une fois, Alice voulut absolument que Miss Trasher la conduisît. Elles arrivèrent devant la porte du sombre édifice toujours gardé par des policiers armés. Le geôlier leur ouvrit et les escorta jusqu'aux cellules des criminels. Dès qu'Alice vit son père, elle cria : « Papa, regarde, voici maman ! ».
C'est le seul titre qu'on a pu lui donner, et si l'on demande 'a quelqu'un en Égypte : «Avez-vous déjà vu Maman ? » il ne peut être question que de la mère des orphelins d'Assiout.
Il y en a d'ordinaire un nombre qui dépasse le millier. De vastes bâtiments suffisent à peine pour contenir cette population enfantine qui s'accroît sans cesse, car on ne refuse personne à l'orphelinat. Rien ne fait défaut : de beaux dortoirs, une école, une «nursery» pour les tout petits, une chapelle de mille places, et naturellement des cuisines et des salles de douche. Il y a plus : une grande et jolie piscine, offerte par un généreux Égyptien, ami de l'hygiène.

L'argent nécessaire pour la bonne marche de la maisonnée est toujours arrivé à temps ; quelquefois c'était à la dernière minute, mais les enfants n'en ont jamais souffert ni les collaborateurs rétribués. Il faut beaucoup de personnel pour qu'une si nombreuse famille vive normalement. Maman ne peut pas tout faire ; c'est pourquoi elle a trouvé d'excellentes aides : ce sont les veuves. Partout leur existence est difficile, elles sont désorientées dès que leur mari est mort. À l'orphelinat, Miss Trasher leur confie une belle tâche : elles s'occupent à la fois de leurs propres enfants et de ceux des autres. L'oeuvre s'étend ainsi non seulement aux orphelins, mais encore aux veuves !

Que de fois Liliane a prié pour que les enfants ne manquent ni de nourriture ni de vêtements, et les exaucements ont été multiples. Un jour, quand elle vit les garçons venir pour la prière matinale dans un accoutrement misérable, elle s'écria: « Oh ! Seigneur, tu vois mes chers enfants. Ils ont vraiment besoin d'habits ! » À ce moment-là, la caisse était vide. Mais le facteur vint quelques jours après apporter un avis réconfortant : il y avait à la poste une lettre recommandée pour Liliane. Elle s'y rendit aussitôt, et l'envoi qui lui était destiné lui fut remis, avec, dans l'enveloppe, la valeur de 250 francs suisses. Une de ses Jeunes amies du Caire avait pensé à l'orphelinat juste au bon moment. Liliane courut dans titi magasin acheter le tissu.
Ce miracle permanent, les musulmans eux-mêmes reconnaissent qu'il vient de Dieu.
Quand Liliane était plus jeune, elle descendait souvent au bord du Nil et, à l'arrivée des bateaux de plaisance, elle invitait les touristes qui débarquaient à visiter son orphelinat. Ne vaut-il pas une attention ? N'est-il pas aussi un temple, le plus beau de tous, celui de l'amour du prochain ? Plusieurs visiteurs en ont été si émerveillés qu'ils sont devenus des soutiens de l'oeuvre.
Et que de fois Miss Trasher a parcouru les villages ! Elle les a préférés aux monuments célèbres. Les villages, c'est la vie d'un peuple ; et les enfants, c'est l'avenir d'un pays. Elle a fait de longues randonnées sur son âne, collectant parmi les villageois à qui elle parlait des orphelins. Mais un jour quelqu'un lui dit : « Il y a assez de gens riches et de personnes de bonne volonté pour vous aider. Restez auprès de vos enfants, ils ont besoin de vous. » La personne qui lui tint ce langage lui fit non seulement un don important, mais s'adressa elle-même aux gens aisés de la ville, et Liliane ne se fatigua plus à parcourir la campagne.
il n'y a jamais un lit vide à l'orphelinat. Parfois un enfant est placé à la tête et un autre au pied du même lit. Pourquoi ? Un nouveau pensionnaire est arrivé inopinément, et on lui a quand même trouvé une place.

En septembre 1947 une épidémie de choléra ravagea certaines régions voisines d'Assiout. Consciente du danger de contagion, Miss Trasher décida de ne plus prendre de nouveaux enfants. Mais voilà qu'un dimanche de ce mois tragique, en sortant de l'église, elle rencontra un pauvre homme en haillons qui avait à ses côtés deux jeunes garçons visiblement sous-alimentés. Le vieil homme expliqua que leur mère était morte et qu'ils avaient marché pendant dix jours pour atteindre Assiout. Liliane sentit qu'elle ne pouvait pas repousser ces enfants.
Hélas ! le matin suivant, on vint lui annoncer que le plus petit des deux garçons reçus la veille avait vomi et souffrait d'une forte diarrhée. Il n'y avait pas de doute, c'était le choléra qui venait de se déclarer. L'enfant immédiatement isolé mourut quelques heures plus tard, malgré l'intervention rapide du médecin.
Or, il se trouvait dans la « nursery », où le malade avait passé la nuit avec une cinquantaine d'autres enfants. Le malade avait vomi dans la chambre. Tous furent mis en quarantaine et vaccinés contre le terrible fléau. La maison contaminée fut gardée par des soldats. Cela tint de nouveau du miracle : aucun enfant ne contracta le choléra. Avec quelle joie un culte d'actions de grâces fut célébré, une fois la quarantaine levée, on ne saurait l'imaginer.

Guerres et émeutes n'ont pas non plus abattu la confiance de Miss Trasher qui est toujours restée au milieu de ses enfants, malgré les ordres de partir. Voici un épisode, entre beaucoup d'autres. Déjà des maisons avaient été incendiées dans le quartier, et le combat faisait rage à la porte de l'orphelinat. Edouard, le bras droit de la directrice, mit son costume indigène et sortit devant les émeutiers xénophobes, s'écriant : « Vous devriez avoir honte de vous attaquer à cet orphelinat. Ce sont des enfants égyptiens qui s'y trouvent. La dame américaine a donné sa vie pour prendre soin d'eux et elle ne vous a fait aucun mal. Allez plus loin. » Ces paroles énergiques produisirent leur effet. Le chef des émeutiers en reconnut le bien-fondé et calma sa bande qui évacua les lieux.

Le travail de l'orphelinat d'Assiout ne s'arrête pas aux soins matériels ni à l'éducation. Il va plus loin, vous l'avez pressenti. L'orphelinat forme une paroisse qui a son propre pasteur. Les enfants de parents chrétiens - nombreux en Haute-Égypte - sont instruits selon l'Évangile ; ceux qui désirent recevoir le baptême sont baptisés. Les fêtes religieuses sont célébrées, Noël bien entendu, mais surtout Pâques avec toute l'Église d'Orient. Il y a une vie spirituelle intense, une ambiance de foi joyeuse et rayonnante dans cette institution qui continue à vivre dans l'esprit de Jésus-Christ.

Liliane Trasher est décédée très âgée en pleine action. Alors qu'elle avait 75 ans, en 1962, on lui demanda si elle ne songeait pas à se retirer. Elle a répondu : «Je n'ai jamais été aussi heureuse qu'aujourd'hui dans cette oeuvre que Dieu m'a confiée. Je ne voudrais pas la quitter pour tout le bien-être de l'Amérique. Car c'est LA VIE que d'être capable d'aider ceux qui ont besoin de vous et ceux qui n'ont personne d'autre que vous. Oh ! ce furent de merveilleuses années !» Puis haussant les épaules, elle ajouta : « Et si Dieu ne m'avait pas envoyée, Il aurait envoyé quelqu'un d'autre. Mes chers enfants n'auraient pas été perdus. »


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