Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
REGARD
Bibliothèque chrétienne online
EXAMINEZ toutes choses... RETENEZ CE QUI EST BON
- 1Thess. 5: 21 -
(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



TROISIÈME PARTIE

Autour du Sinaï


Au Sinaï, avec la Bible comme guide de voyage

 

Le voyage que je vais vous raconter est celui d'une grande dame d'Espagne, Ethérie, en 393 peu après l'introduction du christianisme comme religion officielle de l'Empire romain. Cette personne très distinguée habitait la Galice, à l'extrémité de l'Europe occidentale, c'est-à-dire au bout du monde, comme on le croyait encore à cette époque... La Galice est une région tournée vers l'Océan Atlantique ; la pèche en a toujours été une des principales ressources. Mais si elle mérite une mention particulière dans notre récit, c'est que la religion chrétienne y avait droit de cité au IVe siècle et même la vie monacale s'y était développée. Une tradition soutient que l'apôtre Jacques, l'un des douze, en fut le premier missionnaire. Il serait demeuré sept ans en Galice. Dans tous les cas, son souvenir est resté vivant. C'est en Galice que se trouve la ville de Saint-Jacques de Compostelle, centre de pèlerinage très populaire depuis le Moyen-Age. La coquille de Saint-Jacques, insigne des pèlerins provient du fait que, lors du passage d'un bras de mer, des disciples de l'apôtre auraient été couverts de coquilles !
Ethérie a inauguré les pèlerinages bien avant l'arrivée des premiers pèlerins à Saint-Jacques de Compostelle, mais dans un sens inverse. Elle est partie de la Galice vers les « lieux saints » pour voir avant tout Jérusalem, en passant par le Sinaï. Un voyage aller et retour de 6.000 kilomètres qui dura trois ans. Un exploit considérable. Il fallait, pour entreprendre une telle aventure, un courage et une foi extraordinaires. Sans doute ne se rendait-elle pas compte de la distance qu'elle aurait à parcourir, ni des dangers auxquels elle s'exposait, ne serait-ce que la fatigue.

Qui est cette femme si croyante que rien ne retient ? Encore jeune, dans la trentaine, elle avait une santé de fer, une volonté et une résistance à toute épreuve. Appartenait-elle à un couvent ? Sans doute à une communauté de femmes pieuses qui avaient renoncé au mariage pour mieux se consacrer, à côté de leurs occupations quotidiennes, à la prière. Chez elles il y avait aussi une soif de connaissance inhérente à leur foi, et déjà le goût des pèlerinages s'était répandu. Ethérie n'est donc pas la première à se mettre en route, mais son journal de voyage fut partiellement conservé. Il était destiné à ses amies et rédigé en latin populaire, ce qui prouve que son auteur avait une certaine culture. Témoignage unique, bien qu'incomplet. On peut même affirmer que c'est la première relation que nous ayons d'un pèlerinage au Sinaï, fait Bible en main.

Ethérie était fortunée, avait des esclaves à son service et pouvait disposer, pour voyager, d'une escorte de soldats romains. il est fort probable qu'elle était parente de l'Empereur Théodose qui régnait à cette époque. Nous ne savons rien de son départ, sinon qu'elle fut bien protégée. Pour elle, elle disposait certainement d'une calèche à deux roues tirée par deux chevaux dont un cocher tenait les rênes. Un parasol dans la main d'une compagne l'abritait. Elle était bien reçue partout grâce à son diploma. On dirait aujourd'hui : son passeport diplomatique qui lui ouvrait toutes les frontières et toutes les portes, ce qui lui permit de traverser sans difficulté toute l'Afrique du Nord. On la recevait, ainsi que sa suite, avec les honneurs dûs à son rang. Une partie de son récit a disparu. Nous pouvons cependant la suivre dès son arrivée au Sinaï. Des moines de la région lui servaient de guides. Écoutons ses impressions : « On nous montrait tout, conformément aux Écritures. Chemin faisant, nous sommes arrivés à un endroit où, justement, les, montagnes entre lesquelles nous avancions s'écartent et forment une vallée immense à perte de vue, tout à fait plate et extrêmement belle : au-delà de la vallée apparaissait la sainte montagne de Dieu, le Sinaï... Cette vallée est immense, vraiment ; elle s'étend au bas du flanc de la montagne de Dieu...
Nous avions donc cette vallée à traverser, pour pouvoir nous engager dans la montagne. C'est dans cette vallée immense et très plate que les fils d'Israël séjournèrent pendant les jours où Moïse monta sur la montagne du Seigneur, et il y fut quarante jours et quarante nuits. C'est dans cette vallée que fut fabriqué le veau d'or, à un endroit qu'on montre encore aujourd'hui, car une grande pierre s'y dresse. C'est encore dans cette vallée, à son extrémité, qu'est l'endroit, où Dieu parla à deux reprises du buisson en feu à Moïse qui faisait paître les troupeaux de son beau-père ». Plus loin, Ethérie est saisie par la majesté de la montagne « La montagne, vue des alentours, a bien l'air d'être unique; cependant, quand on s'y engage, on en voit plusieurs, mais c'est l'ensemble qu'on appelle montagne de Dieu ; l'une d'entre elles, au sommet de laquelle est l'endroit où descendit la majesté de Dieu, comme il est écrit, est bien plus haute que toutes les autres... c'est si vrai que, une fois l'ascension faite, toutes les montagnes sans exception que nous avions vues si élevées, étaient tellement au-dessous de nous qu'on aurait dit de petites collines minuscules.» C'est bien l'impression que nous fait toujours l'accès au Mont Moïse. Pour y arriver, il y a en dernier lieu une pente assez raide. Si jusque là il est possible de voyager à dos de chameau, il faut faire la dernière étape à pied, et c'est pénible pour ceux qui ne sont pas habitués aux excursions en montagne., Avec joie, mais non sans peine, Ethérie atteint l'endroit où la loi fut donnée à Moïse, le lieu « où descendit la majesté du Seigneur, le jour où la montagne était toute fumante. » La loi: les dix commandements de Dieu, le décalogue qu'on ne peut s'empêcher de lire là où il a été donné aux hommes, là où Moïse en prit connaissance au milieu d'un orage retentissant.

Notre grande dame espagnole, qui a pourtant parcouru tant de pays, est émerveillée à la fois par la beauté de l'église qui s'y trouve et le panorama grandiose qui s'étale devant elle. On a retrouvé les vestiges de cette église qui était vraiment un édifice de première importance tant par son étendue que par le style de son architecture. Malheureusement elle a été détruite et remplacée par une modeste chapelle sans attrait particulier. Un ermite accueille chaleureusement Ethérie et sa suite. Il ne doit pas recevoir souvent des visites ! Non seulement il leur fait voir l'église mais il les conduit aussi dans la fameuse grotte « où Moïse aurait vu passer la gloire de Dieu ». Tous écoutent avec recueillement - et l'on ne saurait faire autrement, parvenu en de tels lieux - la lecture du chapitre 20 de l'Exode, et un service de communion est célébré.

Tout ce que raconte Ethérie s'avère vrai, encore aujourd'hui. La vue est merveilleuse et très étendue. «Je veux que vous le sachiez, vénérables dames, mes soeurs, (C'est pour elles qu'Ethérie tient son journal de voyage ; elles sont restées en Galice et ignorent tout de l'existence des « lieux saints » qu'elles connaissent par la Bible) de l'endroit où nous nous tenions, à savoir au pied de l'enceinte de l'église, au sommet de la montagne du milieu, nous voyions au-dessous de nous les montagnes que nous avions escaladées les premières avec peine... L'Égypte, la Palestine, la Mer Rouge, le pays des Saracènes (nomades qu'on nommera plus tard les Sarrazins) qui s'étend à perte de vue, les saints hommes (les moines qui les accompagnaient) nous montraient chacun de ces points». Ces «moines», tels que les nomme Ethérie, étaient des ermites qui vivaient dans leurs cavernes mais qui se réunissaient souvent pour célébrer la communion et qui connaissaient selon la tradition, les lieux où avaient passé Moïse et Elie. Ils étaient des lecteurs fervents de la Bible, grâce aux manuscrits en leur possession. On ne peut qu'admirer leur zèle à lire les Saintes Écritures et à prier. Ils furent d'excellents guides. Le monastère n'existait pas encore.

La descente se fit par un autre chemin que la montée. Des chapelles s'élevaient partout comme points de repère du parcours de Moïse. Devant l'une d'elles, était entretenu le « buisson ardent», où Moïse avait reçu vocation. « Ce buisson, aujourd'hui encore, est vivace et produit des fruits. » Cette remarque d'Ethérie est toujours vraie, puisque la chapelle et le buisson soigneusement maintenu, grâce à ses «pousses», constituent le centre du couvent construit par l'Empereur Justinien beaucoup plus tard que le pèlerinage dont nous parlons, en 517, pour protéger les ermites contre les attaques fréquentes des Bédouins. Les ermites devinrent alors des moines, et cependant chacun vit dans une cellule composée de deux pièces, l'une pour dormir, l'autre pour prier.

Un des endroits, non loin du monastère actuel, frappa notre voyageuse : « Nos accompagnants nous ont montré l'endroit où Moïse s'était tenu devant le buisson, quand Dieu lui dit : « Délie la courroie de ta chaussure, car l'endroit où tu te tiens est une terre sainte » (cette coutume, noterons-nous entre parenthèses, est toujours observée dans certains sanctuaires coptes et chez les musulmans pour entrer dans leurs mosquées)

Ethérie poursuivit son voyage à travers le pays de Gessen, ou Gossen, le territoire en Basse-Égypte, habité jadis par les israélites qui y gardaient leurs troupeaux : «Nous avons traversé toute la terre de Gossen, entre des vignes qui donnent du vin... entre des vergers, des champs très bien cultivés, des jardins magnifiques au bord du Nil, entre de très riches domaines qui avaient été autrefois les propriétés des fils d'Israël. Bref, je pense que nulle part je n'ai vu plus beau pays.» Cette description correspond fort bien à ce que la Bible nous apprend des regrets des Israélites : «Il nous souvient des poissons que nous mangions pour rien en Égypte, des concombres, des melons, des poireaux et de l'ail » (Nombres, chapitre 11, verset 5). ils disent, par comparaison, du désert : « Ce n'est pas un lieu où l'on puisse semer, et il n'y a ni figuier, ni vigne, ni grenadier, ni même d'eau à boire » (même livre, chapitre 20, verset 5). Moïse lui-même rappellera à son peuple « le pays d'Egypte... que tu ensemençais et que tu arrosais avec ton pied, comme un jardin potager » (Deutéronome, chapitre 11, verset 10). Les fellahs arrosent toujours leurs champs avec leur pied, c'est-à-dire en aplanissant les rigoles qui irriguent le terrain. Malheureusement aujourd'hui cette région, autour du site archéologique de Tanis, est entièrement désertique, alors qu'au temps d'Ethérie c'était encore une région agricole très prospère. Les Arabes ont abandonné ces cultures.
Même le Sinaï n'était pas le désert qu'on croit. Les très nombreux chrétiens qui s'y étaient réfugiés au temps des persécutions y avaient trouvé des sources près des grottes qu'ils occupaient, ce qui leur permettait d'y entretenir des jardins restreints mais fertiles et des vergers riches en arbres fruitiers. Hélas ! trop souvent des bandes de Bédouins y effectuaient des rafles destructrices, ce qui nécessita - nous l'avons déjà dit - la construction d'un monastère aux murailles infranchissables. Mais à l'intérieur du monastère les moines possèdent toujours un très beau jardin. Du VIe au VIIIe siècle, le monastère a vécu une brillante période. L'invasion arabe - malgré une certaine protection accordée aux moines - lui fut très néfaste. Cependant la vie monastique continua et les bâtiments furent respectés. Par contre, la ville de Pharan, à l'entrée du massif du Sinaï, fut totalement saccagée, alors que l'Église y était solidement établie. Les Arabes devenus musulmans rendirent la vie si insupportable aux chrétiens qu'ils durent fuir, et la cité tomba en ruines. C'est tout ce qu'on voit de Pharan aujourd'hui, en montant vers le Sinaï. Quant au monastère, il eut, à travers les siècles, une histoire mouvementée et ne survécut parfois que grâce à la ténacité de quelques moines qui refusèrent de le quitter.

 

Le vaisseau du désert.




Table des matières

Page suivante:
 

- haut de page -