Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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TROISIÈME PARTIE

Autour du Sinaï


L'ermite et son fils

 

Au temps des persécutions dirigées contre l'Église par certains empereurs romains, de nombreux chrétiens d'Égypte sont partis pour le Sinaï, montagne qui leur était chère par les souvenirs bibliques qu'elle évoquait dans leur coeur. Ils n'avaient aucune difficulté à y trouver des grottes où ils menaient une vie frugale, se nourrissant des légumes de leurs maigres jardins et des fruits de leurs petits vergers, quand il y avait un peu de terre arable.
Leur principale occupation était la prière, fruit de la joie et de la reconnaissance, comme l'a dit l'un d'entre eux. Ils allaient même jusqu'à prétendre qu'il faut se souvenir de Dieu plus souvent qu'on ne respire ! Loin de la civilisation, au milieu d'un désert qui n'était pas nécessairement aride, ils pensaient pouvoir vivre en toute tranquillité, dans une perpétuelle communion avec Dieu. Ces ermites passaient la semaine dans la solitude, chacun dans sa caverne. Le dimanche ils se réunissaient tous dans une église construite par eux pour célébrer la sainte cène.

Malheureusement, des bandes de nomades pillards parcouraient la contrée et dès qu'elles rencontraient des gens sur leur passage, elles les massacraient impitoyablement pour s'emparer de leurs biens. Aussi les caravanes ne traversaient pas volontiers ces régions montagneuses peu sûres.

Les ermites, devenus de plus en plus nombreux au cours des années, furent souvent attaqués par une tribu encore plus féroce que les autres, les Blemmyes, de triste mémoire. Venant de Nubie, au sud de l'Égypte, ils passaient la Mer Rouge sur des radeaux et ravageaient toute la côte. Un jour, au nombre de trois cents, ils débarquèrent dans le joli petit port de Raïthou (1), et comme ils apprirent que des moines y avaient élu domicile, ils se ruèrent sur leur maison. Les portes étaient fermées. ils les enfoncèrent et exigèrent du supérieur la livraison de tous les biens du couvent. Comme il n'y avait rien à voler, les agresseurs furieux se mirent à abattre sauvagement tous les moines ; un seul réussit à s'échapper.
Dans la maison se trouvait un garçon de quinze ans, nommé Sergius. Les assassins auraient consenti à l'épargner, à cause de son jeune âge. Mais Sergius refusa leur proposition et ne voulut en aucun cas se séparer de ses compagnons. Il fut tué comme les autres.

Le nombre de martyrs s'éleva, cette fois-là, à quarante-trois. Tout l'Orient chrétien se souvient de ce massacre. il y a de nombreuses chapelles dédiées aux quarante martyrs, et même un petit monastère, dans le massif du Sinaï, au fond d'un vallon sauvage parsemé d'immenses blocs de granit gris et rose. On y accède par une piste de chameau, pierreuse et sablonneuse. Un verger d'oliviers cache la maison aujourd'hui inhabitée.

Après le massacre des quarante martyrs, les Blemmyes revinrent encore dans cette région peuplée de nouveaux ermites qui avaient recommencé une vie de retraite. Parmi eux se trouvait un ancien préfet de Constantinople nommé Nil, si réputé pour sa sagesse qu'on ne l'appelait pas autrement que Nil le Sage.
Élevé à l'une des plus hautes charges de l'Empire byzantin, époux modèle et excellent père de famille, il résolut une fois sa tâche accomplie, d'aller terminer sa vie dans le silence, comme ermite au Sinaï. Quelque mille ans après, en Suisse, Nicolas de Flue agissait de même, en se retirant dans un vallon alpestre.
Nil s'en ouvrit à son épouse qui, partageant la foi de son mari, consentit à son départ, malgré le déchirement qu'elle éprouva dans son coeur. Un beau jour de l'an 390, il quitta à la fois la cour brillante de Constantinople et sa chère famille. Sa fille resta auprès de sa mère. Son fils, Théodule, l'accompagna. Le père et le fils se mirent en route vers le Sinaï, refuge par excellence des ermites dont toute la chrétienté connaissait la vie spirituelle ardente. on les appelait les athlètes du Christ.

Si la plupart de ces solitaires vivaient dans les cavernes naturelles de la montagne, certains dressaient une tente ou se construisaient une maison de pierre. Nous savons déjà qu'ils se contentaient du strict nécessaire. Ils ne mangeaient même pas tous les jours, car ils s'imposaient de fréquents jeûnes, et quand ils pouvaient se procurer quelques olives, ils les destinaient à leurs hôtes. Ils ne connaissaient pas l'argent, ils se prêtaient ou se donnaient les uns aux autres ce dont ils avaient besoin. Point d'envie parmi eux. Si l'un s'apercevait que l'autre avait quelques provisions en plus, il s'en réjouissait, car il savait que son voisin partagerait avec lui en cas de nécessité. Ils se rendaient visite l'un à l'autre, non pas pour bavarder. De quoi auraient-ils pu parler ? Leur vie extérieure était si monotone qu'elle ne présentait aucun intérêt.
Mais leur vie intérieure avait une profondeur extraordinaire, et leurs entretiens consistaient en un échange d'expériences spirituelles. Il émanait de ces rencontres une véritable émulation qui les assimilait aux sportifs. Un sportif doit maîtriser son corps et s'abstenir de beaucoup de choses : alcool, tabac, repas copieux, etc... pour se maintenir en bonne forme en vue de la performance qui lui permettra de remporter le prix. De même l'ermite s'astreint à une dure discipline pour se rapprocher de Dieu, et cette discipline passe par le chemin de l'humilité, le plus difficile à suivre. L'ermite voudrait s'oublier totalement pour laisser la grâce divine agir en lui, et toujours il est menacé par l'orgueil qui le pousse à se vanter de ses propres efforts, de ses propres mérites.

Nil et son fils étaient heureux dans leur nouvelle condition, librement choisie. Proches l'un de l'autre, ils se retrouvaient, le premier jour de la semaine, et se rendaient ensemble à l'église pour célébrer le culte avec leurs frères en la foi. Pendant bien des années il en fut ainsi. Nous le répétons volontiers.

Un certain dimanche, alors que les ermites, chargés de quelques victuailles, s'apprêtaient à prendre le chemin de leurs grottes, les Blemmyes firent irruption dans l'église, saccageant tout. Ils brandissaient des épées sous les yeux de ces pauvres chrétiens qui ne s'attendaient pas à pareille attaque. Les Bédouins poussaient des cris féroces. Il ne leur fut pas difficile de venir à bout des ermites sans défense. Ceux-ci, dépouillés de leurs vêtements, durent défiler devant leurs agresseurs qui leur firent subir toutes sortes de tortures avant de leur couper la tête. Quelques-unes des victimes échappèrent au carnage, les jeunes en particulier. Les Blemmyes groupèrent ces derniers et les emmenèrent dans l'espoir de les vendre comme esclaves. Théodule dut prendre place dans la colonne. Quant à Nil, qui n'avait pas été massacré, il réussit à se cacher derrière un rocher et de là, les larmes dans les yeux, il vit son fils s'éloigner, pensant que c'était pour toujours...
Ce fut, pour les survivants, une soirée de désolation. Les Blemmyes semblaient s'être retirés. Mais le lendemain ils réapparurent, plus avides de meurtres que jamais. Ils fouillèrent toutes les grottes pour en chasser les derniers habitants en vue d'un nouveau carnage. Trois solitaires cheminaient à travers le désert sans se douter de la présence de ces brigands. Malheur à eux ! Ils furent repérés et transpercés de flèches.

Quelques jours plus tard, les ermites épargnés se risquèrent sur ces lieux et enterrèrent les cadavres des moines massacrés. Nil n'eut désormais qu'une pensée : retrouver son fils mort ou vivant. Il fit tout d'abord des recherches aux environs du Sinaï et s'informa auprès de chacun si l'on n'avait pas retrouvé le corps de Théodule.
Presque lassé de poser toujours les mêmes questions aux voyageurs de passage, il tomba enfin sur quelqu'un qui put témoigner que Théodule avait bel et bien été emmené par les Blemmyes. Certainement avait-il été vendu comme esclave. Restait à savoir où habitait son maître. Nil réussit à obtenir ce renseignement. Comme l'endroit indiqué - Eleya, au sud de Bersabée , en Palestine - n'était pas très éloigné du Sinaï, il résolut de s'y rendre. Accompagné de deux guides, il se dirigea vers le nord. À dos de chameau le voyage n'était point pénible. Un jour, nos amis rencontrèrent une caravane conduite par un jeune chamelier. Bien entendu, Nil ne manqua pas de l'interroger sur son fils, et quelle ne fut pas sa joie d'apprendre que Théodule était au service de l'évêque d'Eleya.

Personne n'aurait pu suivre Nil tellement il courait, porté par la bonne nouvelle qu'il venait d'entendre. Il n'éprouvait aucune fatigue et brûlait les étapes. Arrivé à destination il trouva facilement la maison de l'évêque, et c'est en présence de celui-ci que la rencontre tant attendue eut lieu. La joie du père et du fils était sans borne. Ils s'embrassèrent longuement. Une fois l'émotion du revoir passée, Théodule raconta ses aventures.

Les Blemmyes l'avaient donc emmené avec plusieurs autres. il fut enchaîné à un camarade de captivité afin de prévenir toute évasion. Le soir, au bivouac, quand les tentes furent dressées, les ravisseurs se mirent à boire et se préparèrent à célébrer le sacrifice du matin. C'était l'une de leurs coutumes païennes. Quand ils avaient des prisonniers, ils désignaient l'un de ceux-ci comme victime du sacrifice à l'étoile Lucifer, qui brille d'un très vif éclat immédiatement avant l'aube. Théodule fut désigné par le sort. Pour accomplir le sacrifice, il n'y avait qu'un très bref instant, à l'apparition de l'étoile.
Ce qui sauva le jeune ermite, ce fut la beuverie de ces Bédouins barbares. Ayant trop bu, ils dormaient encore au moment où le sacrifice devait avoir lieu. Le soleil était déjà haut à l'horizon quand ils se réveillèrent. Ils ne purent procéder au Sacrifice rituel, et comme ils s'en allaient, une caravane passait. Les brigands l'arrêtèrent et offrirent Théodule pour quatre deniers d'or, soit environ quarante francs suisses. Prix trop élevé pour un esclave : aucun des hommes de la caravane n'en voulut. Les Blemmyes s'irritèrent et menacèrent de tuer Théodule plutôt que de le céder à vil prix.
C'est à ce moment critique qu'un caravanier chrétien soupçonna quelque drame. Alors que le marchandage semblait devoir ne pas aboutir, il paya la somme demandée et prit livraison de son esclave, qu'il confia plus tard à l'évêque d'Eleya. Théodule fut tout de suite apprécié pour ses qualités : il était consciencieux et travaillait avec joie.

L'évêque, qui était le chef de l'église d'Eleya, se sépara avec peine de son esclave, car Théodule était devenu un frère pour lui et un collaborateur sur lequel il pouvait compter. Mais il ne put rien faire pour le retenir. Nil et son fils reprirent le chemin du Sinaï, retournant à leur vie de solitude dans la reconnaissance envers Dieu.


Table des matières

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1 Aujourd'hui il s'agit du petit port de Tor. Dans toute l'histoire des débuts du christianisme en Égypte, les ermites jouent un rôle primordial. Souvent ils ont sauvé la foi en la gardant dans toute sa pureté.

 

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