MÉDITATIONS EN MARGE DE L'ÉVANGILE SELON SAINT LUC
JEAN-BAPTISTE AU
DÉSERT
LUC, III : 1 à 14.
Les années ont passé dans le recueillement
et le silence. L'évangéliste qui, au temps de
la naissance de Jésus-Christ a fait peu de
chronologie, veut maintenant indiquer le moment
précis du ministère du Sauveur. Il est
précédé de l'apparition de
Jean-Baptiste. A l'empereur Auguste avait
succédé Tibère, qui avait
déjà partagé avec lui le pouvoir. Il
régnait depuis quinze ans sur l'empire romain, auquel
la Judée, jadis terre conquise, avait
été rattachée comme province, pourvue
d'un procurateur. C'était alors Pilate, tandis que le
pouvoir avait été réparti entre les
membres de la famille des Hérodes dans les autres
parties de la Palestine.
Appelé par Dieu à être «
une voix », selon la vieille expression des
prophètes, le fils de Zacharie et d'Élisabeth,
retiré au désert, paraît sur la
scène. C'est une personnalité étrange,
appartenant encore à l'Ancien Testament. Sur le seuil
du Nouveau. Dans les steppes désolées qui
s'étendent entre la mer Morte et le Jourdain, sur les
montagnes abruptes qui séparent ce pays de
Jérusalem, il parle, et sa prédication
ressemble au paysage qui l'entoure. Comme lui, elle est
dure, sévère, pleine de grandeur. Les foules
viennent entendre. Arrachant à ses auditeurs leur
manteau de propre justice et d'orgueil, Jean-Baptiste leur
dévoile leur péché. Il leur parle de
repentance, de pénitence. Elles seules peuvent
préparer le chemin de Celui qui va venir, et qu'il
annonce en des images successives pleines de force et de
rude poésie.
Luc ne s'attarde pas à décrire,
comme Matthieu ou Marc, l'aspect extérieur de
Jean-Baptiste; mais il nous permet de voir dans son
caractère, avec sa consécration entière
à sa tâche, son courage et son humilité.
Son courage! Il ne se contente pas d'une prédication
générale, Il parle individuellement à
ceux qui l'écoutent, leur montrant leur
culpabilité particulière et
ce qu'ils doivent faire pour renoncer
à leur péché. Soldat, publicain,
monarque même, s'ils veulent recevoir « le salut
que toute chair verra », ils doivent se convertir et
changer de vie, Le prédicateur le leur dit en face.
Un jour, dans la forteresse de Machéronte, il expiera
de sa vie même la hardiesse et la
fidélité de son message.
Ce vaillant est un humble. Lui, il n'est rien
qu'un héraut. Quand la foule croit voir en lui le
Messie, il la détrompe en des termes que lui
empruntera à travers les siècles la ferveur
pleine d'humilité des croyants : « je ne suis
pas digne de dénouer la courroie de ses sandales.
» - « Il faut qu'il croisse et que je diminue.
»
Oh! nous comprenons, en méditant ce
passage, ce que plus tard Jésus dit à ses
disciples : « Parmi ceux qui sont nés de femme
il n'est point de plus grand prophète que Jean.
» Ce qu'il a ajouté ensuite : « Cependant
le plus petit dans le royaume de Dieu est plus grand que lui
», nous fait sentir notre privilège infini
d'enfants de Dieu, réconciliés avec Lui, par
le sacrifice du Sauveur.
.
LE BAPTÊME DE
JÉSUS
LUC, III, 15 à 22.
Au bord du Jourdain, Jean baptisait ceux qui venaient
à lui. Les Israélites étaient
habitués à considérer l'eau comme un
signe de purification et devaient comprendre ce symbole de
la repentance : Occasion nouvelle pour le précurseur
de leur annoncer Jésus-Christ : « Moi je vous
baptise d'eau ; lui Il vous baptisera du Saint-Esprit et de
feu. » C'est Lui seul qui dispense la grâce de la
miséricorde divine; c'est Lui seul qui vous
régénérera et vous donnera l'Esprit de
Dieu. Toujours et en tout je ne puis que préparer son
chemin.
Un jour, parmi ceux qui demandaient à
recevoir le baptême, Jésus se présenta.
Luc n'insiste pas sur cette scène, racontée
plus au long dans Matthieu et dans Marc.
Le fait important pour lui est la consécration divine
accordée au Fils par le Père, les cieux
s'ouvrant, la colombe descendant sur le baptisé, et
la voix disant : « Celui-ci est mon Fils
bien-aimé. J'ai mis en lui. toute mon affection.
»
C'est donc le Seigneur, celui qui a vécu
de toute éternité dans l'unité avec
Dieu, qui vient simplement recevoir le baptême des
mains d'un homme pécheur. Ce sacrement prendra
à nos yeux de ce fait une souveraine
grandeur.
Le baptême que probablement, petits enfants
ignorants, nous avons reçu jadis, est-il pour nous ce
qu'il devrait être ? Avons-nous compris qu'au seuil de
notre vie une grâce nous avait été faite
? Non seulement l'Église nous a marqués de son
sceau, non seulement nos parents, parrains et marraines ont
pris à notre égard des engagements, mais Dieu
lui-même nous a déclarés siens par ce
moyen. Plus tard, nous avons participé maintes fois
à cette cérémonie du baptême sans
y discerner peut-être rien de plus qu'une touchante
manifestation familiale et religieuse. Pourtant toute la
vertu du sacrement, « signe visible de la grâce
invisible », y était attachée. C'est un
« Évangile visible », comme le dit une
ancienne confession de foi
(1) et le Seigneur passant
par ce chemin l'a sanctifié.
Il n'est jamais dit qu'il ait baptisé
lui-même, mais entre son baptême dans le
Jourdain et son ordre aux disciples le jour de l'Ascension
se déploie tout son ministère, et ses
apôtres, ayant reçu le Saint-Esprit, feront du
baptême, administré par leurs soins,
l'entrée dans l'Église de Jésus-Christ.
.
LA TENTATION
LUC, IV, 1 à 13.
Le Saint-Esprit, dans sa plénitude, repose sur
Jésus-Christ. Le voici seul au désert, et
Satan s'approche. Aux heures de grâce et d'adoration
il guette ainsi les âmes, lui, le terrible ennemi de
l'action de Dieu. Récit mystérieux du combat
entre l'ange des ténèbres et la Lumière
du monde. Parmi toutes les pages bénies de
l'Évangile, celle-là peut nous être d'un
particulier secours.
Dieu vient de proclamer - « Tu es mon Fils
bien aimé! » et le diable insinue par deux fois
: « Si tu es Fils de Dieu... » As-tu vraiment
entendu la voix du Père, es-tu sûr de cette
consécration, de cet appel à le servir ?
Regarde, tu souffres, comme un homme, de la faim, tu
partages vraiment la misère et les faiblesses de
l'humanité. Si tu crois avoir en toi la puissance
divine, pourquoi ne l'emploierais-tu pas à te
nourrir, à faire un miracle, à demander aux
anges de venir t'épargner toute douleur, toute peine
?
Tu es venu pour sauver ce monde, ne dois-tu pas
l'éblouir par ta puissance, ta force, le contraindre
à t'acclamer comme roi en dominant sur lui? Je puis
te donner tous les royaumes de la terre et leur gloire;
incline-toi seulement devant moi, et, au lieu de choisir le
chemin du renoncement et de la pauvreté, de la
souffrance, prends la voie large qui s'ouvre devant toi. Tu
es le fils de Dieu; montre-le! Les hommes le croiront s'ils
voient en toi un vainqueur. »
Toutes proportions respectueusement
gardées, les mêmes tentations ont, à
travers les âges, accablé les serviteurs de
Dieu. Se servir des dons de Dieu pour soi-même,
prendre des moyens humains pour faire son œuvre à
Lui, essayer d'échapper à la souffrance, avoir
l'esprit de domination, n'est-ce pas la grande misère
de l'Église ? N'est-ce pas aussi notre
péché personnel de chrétiens ? Nous
avons succombé si souvent jusque dans le
service de Dieu à
J'égoïsme, à la lâcheté,
à l'orgueil! nous vivons dans la compromission, dans
l'hypocrisie; nous approuvons parfois la violence; nous
employons trop souvent pour combattre le mal,
déchaîné autour de nous, des armes que
lui-même a forgées. Si la grâce de Dieu a
parfois triomphé dans la bataille, c'est parce que le
Sauveur lui-même est alors venu à notre aide
par son Esprit, et que, comme Lui, nous avons cherché
un secours dans sa Parole.
Souvenons-nous de ces heures-là dans
l'humble reconnaissance. Satan avait rôdé
autour de nous, insidieux, subtil; nous allions succomber.
Dans un cri d'angoisse, nous avons tendu les mains vers
Dieu, et peut-être aussi saisi notre Bible comme une
arme défensive. La lutte a été parfois
longue, toujours douloureuse. Dans le désert,
après qu'elle eut été pour un temps
terminée, les anges sont venus réconforter et
servir Jésus. Pour nous, quand le Seigneur a
remporté en nous la victoire, près de son
enfant, « vainqueur mais tout meurtri, tout meurtri
mais vainqueur », Il est resté le consolateur,
l'ami, le frère. Qui pourra alors raconter et
décrire la douceur de sa présence et de sa
paix!
« La langue ne peut le dire
Ni la bouche l'exprimer. »
.
DANS LA SYNAGOGUE DE
NAZARETH
LUC, IV, 14 à 30.
Les trois premiers évangélistes : Matthieu,
Marc et Luc, font commencer le ministère du Sauveur
par la Galilée. Notre pensée aime à le
suivre, sous le ciel magnifique de l'Orient, dans ce paysage
riant et calme, sur les sentiers pierreux qui traversent les
collines, au sein d'une nature dont la pureté
harmonieuse cadre si bien avec l'âme du
Maître.
Le premier récit de Luc se passe à
Nazareth dans la synagogue que la tradition croit retrouver
dans une église grecque d'aujourd'hui. D'après
le verset 23 il semble bien que Jésus
avait déjà enseigné
à Capernaüm ou dans les cités
avoisinantes, avant de revenir à Nazareth; ou
peut-être l'évangéliste a-t-il
condensé, comme certains commentateurs le supposent,
en un seul, les épisodes de deux visites successives
à Nazareth. Peu importe. Jésus est là,
dans cette synagogue, comme depuis son enfance, il est venu
chaque sabbat, Jusqu'alors Jésus n'avait probablement
été qu'auditeur, mais le temps est
arrivé pour lui de sortir de l'obscurité et
d'annoncer l'Évangile du royaume. Les yeux de tous
sont fixés sur lui avec curiosité; ne
l'ont-ils pas vu grandir au milieu d'eux, jouant jadis avec
leurs enfants dans les rues ou travaillant avec Joseph dans
l'atelier paternel. Il appartient en une certaine mesure
à ses concitoyens, et tant qu'il reste dans les
généralités, commentant le message du
prophète, ils admirent ce jeune homme qui est devenu
un « Rabbi » si éloquent. Qu'il fasse au
milieu d'eux, à la gloire de Nazareth, les choses
extraordinaires qu'il a faites ailleurs!
Jésus ne le veut pas. Il lit dans les
coeurs, et de même qu'il a refusé à
Satan de se servir de sa puissance dans un but d'orgueil ou
d'égoïsme, Il ne cède pas au désir
de vanité de ses concitoyens. Il vient de Dieu et Il
est envoyé à tous; son message est pour tous.
On ne l'enfermera pas entre les murs étroits d'une
cité.
Alors éclate la colère de ceux qui
l'entourent. On montre près de Nazareth la montagne
de la contradiction où on veut que le Christ,
emmené, faillît être tué ce
jour-là. Mais, passant au milieu de ses adversaires,
Il s'en va calme, poursuivant son. chemin. L'heure du
sacrifice suprême n'avait pas encore
sonné.
Nazareth! pendant trente ans tu as caché
sans en avoir conscience un trésor inestimable, et tu
n'as pas compris ton privilège au jour où tu
as été visitée. Pourtant ton nom est
resté attaché à celui du Sauveur, et,
dans tous les temps, il a fait battre le cœur des
croyants.
Comprendre quand le Sauveur est près de
nous, et, sans tarder, accepter son message, c'est la
grâce que nous ne devons pas laisser échapper
comme le firent les habitants de Nazareth. «
Aujourd'hui, si vous entendez sa voix, n'endurcissez pas vos
cœurs. »
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À CAPERNAÜM
LUC, IV, 31 à 44.
Si Nazareth subsiste encore, blottie dans un repli de
collines au pied des noirs cyprès, Capernaüm
n'est plus qu'un souvenir, un amas de ruines dans un paysage
exquis. La route qui de Cana descend vers Tibériade
s'enfonce dans la dépression du lac. Celui-ci,
dominé au fond par les neiges de l'Hermon et les
montagnes abruptes de la Transjordanie, vient baigner de ses
eaux bleues des rives toutes odorantes d'orangers, de
citronniers, de lauriers-roses, avec des buissons de
marguerites jaunes, et de ces anémones rouges : les
« lis des champs », disait le Sauveur. C'est
là qu'autrefois s'élevaient Chorazin, Magdala,
Bethsaïda, là où maintenant il n'y a plus
que cette merveilleuse brousse fleurie, où campent
les Bédouins aux tentes rayées de brun, et
où les Sionistes ont commencé leurs cultures.
Capernaüm, au nord du lac, parait avoir
été le port important au temps de Jésus
qui en fit le centre de son activité en
Galilée.
Il avait commencé son ministère
d'amour. Il enseignait les jours de sabbat dans les
synagogues, comme Saint Paul plus tard, et Il
guérissait les malades; ce que le médecin Luc
notera toujours avec joie. Dans le passage que nous avons
sous les yeux aujourd'hui, nous voyons d'abord le Seigneur
aux prises avec ces mystérieux esprits impurs dont
tant de pauvres êtres étaient
possédés. Eux lui rendent un témoignage
qu'Il n'accepte pas. Mais, terrible aux démons, Il
est plein d'amour pour leurs victimes.
Puis dans l'intimité de la maison de
Simon, qui n'est pas encore Pierre l'apôtre,
Jésus guérit de la fièvre la
belle-mère. Douceur de le prier pour les malades
qu'on aime! Au coucher du soleil c'est autour du Sauveur la
foule de ceux qui souffrent. On comprend les graveurs, les
peintres comme Rembrandt qui ont illustré cette
scène magnifique. Elle a été en tout
temps pour les malades un sujet de
consolation et d'espérance. Les mains divines du
Sauveur se posant sur les plaies, les Infirmités, sa
parole chassant la douleur. Ceux qui étaient venus en
se traînant péniblement jusqu'à lui,
s'en retournant librement, joyeusement, Béni sois-tu,
Seigneur! pour tous les blessés du corps et de
l'âme qui près de toi ont trouvé la
guérison, le calme, et aussi pour tous les hommes et
toutes les femmes qui à ton exemple se sont penches
sur la souffrance humaine et ont essayé de
l'apaiser.
La nuit est descendue sur Capernaüm, une de
ces belles nuits d'Orient toute palpitante d'étoiles,
et quand l'aube est arrivée, Jésus, sortant de
la maison qui l'abritait, s'est retiré dans la
campagne, déserte à cette heure. Pour puiser
cette force, cette autorité, que tous reconnaissaient
en lui, il fallait les heures de
tête-à-tête avec son Père, la
communion retrouvée dans le silence et la solitude.
Mais même là Il ne s'appartient plus à
lui-même; la foule le cherche et le veut; elle
s'accroche à lui. Il faut la convaincre qu'il doit
continuer dans d'autres villes son ministère d'amour.
jours de paix, jours de lumière dans cette
Galilée tranquille où le message du Royaume
était reçu dans des cœurs simples, et
où les chrétiens croient aujourd'hui encore
retrouver la trace des pas de leur Maître.
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LA PÊCHE
MIRACULEUSE ET L'APPEL DE SIMON
LUC, V, 1 à 11
Le lac riant et calme est le cadre de ce nouveau
récit. Quelques détails pittoresques le
rendent particulièrement vivant. C'est un matin
ensoleillé, près du rivage, les
pécheurs (quatre amis qui ont déjà
rencontré Jésus (voir
Jean, 1,35 à 43) lavent leurs filets.
Le Seigneur, assis dans la barque de l'un d'eux, enseigne la
foule. Comme le choeur des tragédies antiques, elle
est toujours à l'arrière-plan pendant ce temps
du ministère en Galilée.
Jésus a remarqué les gestes, les figures
fatiguées de ceux qui ont travaillé toute la
nuit sans rien prendre. Se servant de cette
expérience du labeur quotidien comme d'un symbole, il
ordonne, et le miracle s'accomplit. Alors Simon, le premier,
s'aperçoit qu'en ce Maître plein
d'autorité, Il y a une puissance surnaturelle. Il a
peur, comme nous-mêmes sommes saisis de crainte quand
la majesté du Dieu saint se découvre à
nous, et que nous nous voyons si faibles et pécheurs
devant lui. La réponse du Sauveur à Pierre est
pleine de souveraine douceur : « Ne crains point. Tu
seras pêcheur d'hommes. »
Pêcheur d'hommes! « Les hommes sont
errants et égarés en ce monde comme en une
grande mer pleine de trouble et de confusion, jusqu'à
ce qu'ils soient recueillis par l'Évangile »,
dit Calvin. Pour cette vocation magnifique d'amener à
Lui ceux qui se perdent ainsi, Jésus choisit
d'humbles travailleurs, qu'Il va garder près de lui
et former. Eux quittent tout pour le suivre,
obéissant simplement à sa voix.
Pêcheur d'hommes, il est appelé
à l'être, ce Simon Impulsif qui est devenu
Pierre. Passant de la foi enthousiaste à
l'incompréhension complète, un jour il
confessera que Jésus est le Saint de Dieu, un autre
il le reniera... Puis, après les heures d'angoisse et
de repentir, un matin encore sur les bords de ce même
lac il verra se renouveler le miracle de la pêche, et
quand Il aura reconnu le Seigneur, se jettera à l'eau
pour le rejoindre. Humilié, plein de tristesse et de
honte, Il sera rétabli par Jésus dans sa
charge d'apôtre. « Pais mes brebis », lui
dira le Sauveur. L'humble pêcheur de Galilée
deviendra à Pentecôte le prédicateur
puissant de l'Évangile.
« Pêcheur d'hommes », «
berger du troupeau », sous ces deux Images
employées par Jésus transparaît toute la
grandeur du ministère. « Pêcheur d'hommes
», le missionnaire, l'évangéliste,
portant de lieu en lieu, de continent en continent, le
message de Dieu, allant vers tous : pécheurs,
égarés, païens, essayant de les amener au
Père. « Nous faisons fonction d'ambassadeurs
pour Christ », disait Saint Paul. C'est l'apôtre
Pierre lui-même qui répondait au
sanhédrin : « Il n'y a de salut en aucun autre;
car il n'y a sous le ciel aucun autre nom qui
ait été donné aux
hommes par lequel ils puissent être sauvés.
» « Berger du troupeau », le pasteur qui sans
cesse veille sur son Église, console, reprend,
exhorte les petits et les grands, les brebis et les agneaux.
Il aime de la tendresse de Jésus-Christ ceux qui lui
sont confiés, prêt à donner sa vie pour
eux s'il le faut, « Mes bien-aimés », dit
encore Saint Paul qui fut à la fois pasteur et
missionnaire, « faites toute chose sans murmure et sans
hésitation, afin que je puisse me glorifier au jour
du Christ de n'avoir pas travaillé en vain,
même si je sers de libation pour le sacrifice et le
service de votre foi. »
Pêcheurs d'hommes, bergers du troupeau, la
grande tâche apostolique demeure devant tes
serviteurs, ô notre Dieu! Envoie des ouvriers dans ta
moisson!
.
LE LÉPREUX ET LE
PARALYTIQUE GUÉRIS
LUC, V, 12 à 26
L'oeuvre d'amour du Sauveur se continue à travers
villes et campagnes, mais dans ces deux nouveaux
récits de guérisons, Luc a mis bien en
lumière la foi de ceux qui allaient vers
Jésus. Le lépreux d'abord. Chez lui la foi est
spontanée, vivante, vraie. « Si tu le veux tu
peux me rendre net. » À cette foi le
Maître répond tout de suite, et le malade
guéri s'en va plein de joie remplir les prescriptions
de la loi. Par cela même, il rend son
témoignage mieux encore que par des paroles.
Jésus revient ensuite vers Capernaüm
(Marc nous l'apprend), et c'est dans, ce centre de son
activité en Galilée que se place le second
récit. Nous ne savons tien des sentiments personnels
du paralytique. Est-ce lui qui avait désiré
approcher, ou d'autres en avaient-ils eu pour lui
l'idée ? Peu Importe. Ce qui est souligné,
c'est la persévérance de ces quatre amis qui,
malgré la foule, arrivent à hisser leur malade
sur le toit, et, enlevant les tuiles à faire
descendre le brancard jusqu'aux pieds du Sauveur. Fatigue,
moqueries, rien n'arrête ces vaillants. lis savent
que la guérison de celui qu'ils
aiment est entre les mains de Jésus; ils le lui
amèneront malgré tous les obstacles.
Gens de peu de foi! nous dirait le Sauveur,
à nous, les lecteurs de cette page des
évangiles, et gens de peu d'amour aussi! Avons-nous
su apporter jusqu'auprès de Jésus-Christ ceux
pour lesquels nous sommes dans l'inquiétude, qu'ils
soient physiquement ou moralement malades. Le temps des
miracles est passé! dit-on. Qui sait ceux que Dieu
réserve encore à la foi soumise et patiente,
à l'intercession régulière,
persévérante, constante des croyants qui
savent s'unir pour prier ainsi!
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VOCATION DE LÉVI.
QUATRE PARABOLES
LUC, V, 27 à 39.
Lévi! un publicain récoltant les
péages pour l'envahisseur de la Palestine, vivant au
milieu de gens tarés. Les pharisiens s'indignent
d'entendre le Seigneur l'appeler à lui; nous aurions
peut-être fait de même. Et quand ils voient
Jésus et ses disciples assis à un banquet,
chez ce même Lévi, mangeant et buvant au milieu
d'autres publicains et de gens de mauvaise vie, cette
indignation se répand en critiques violentes.
Jean-Baptiste au désert prêchant
l'Évangile du royaume comme ce même
Jésus de Nazareth, avait au moins donné
à ceux qui le suivaient une austère
règle de vie, Il leur avait enseigné le
jeûne et la prière. Les pharisiens qu'il avait
appelés « race de vipères » ont
oublié ses reproches virulents, lis ne songent
à opposer sa conduite à celle de Jésus
que pour confondre celle-ci.
Le Maître répond avec calme et
dignité à leur double objection. D'abord au
sujet de Lévi et de ses compagnons. Il a
été envoyé auprès des malades,
des pécheurs, de ceux qui reconnaissent leur
culpabilité devant Dieu. Les pharisiens se croient
justes; ils n'ont pas besoin de Lui. Qu'ils ne
s'étonnent donc point qu'Il se tourne vers ceux qui
implorent son secours.
Quant au jeûne que ses adversaires
voudraient imposer à ses disciples, Jésus par
quatre paraboles successives, nous montre sa manière
de voir à ce sujet. D'abord Il explique l'attitude de
ses disciples. Ceux-ci sont les amis de l'époux. lis
l'entourent au jour de ses noces et leur joie est grande. Le
jour viendra où Il leur sera enlevé, et alors
ils connaîtront le jeûne de la tristesse et de
la persécution. Il nous apprend ensuite que le
Seigneur est venu apporter un message de vie qui ne cadre
pas avec les strictes prescriptions pharisaïques. Les
docteurs avaient surchargé la lettre de la Loi en
oubliant l'esprit. Ce message c'est la pièce neuve
qui déchire le vieux vêtement, c'est le vin
nouveau qui fait sauter les vieilles outres. Pour l'accepter
il faut des âmes transformées, ouvertes
à ce souffle vivifiant. Jésus dira ailleurs
qu'Il est venu non abolir mais accomplir la loi de
Moïse; ici ce n'est pas contre elle qu'Il
s'élève, mais contre l'étroitesse
formaliste de ceux qui veulent emprisonner la vie religieuse
dans des habitudes, des rites, des traditions humaines; ils
étouffent cette flamme de l'Esprit que le Fils de
Dieu est venu allumer dans les âmes.
Certes ceux qui suivront Jésus
pratiqueront parfois l'ascétisme, tout comme les
disciples de Jean. Nous voyons les chrétiens
d'Antioche, au livre des Actes, jeûner au moment de la
nomination de leurs anciens. La tradition de certains jours
réguliers de jeûne s'est conservée dans
les Églises protestantes jusqu'à nos jours;
mais c'est sans aucune idée d'obligation ni de
mérite. Là où est l'Esprit de Dieu,
là est la liberté de ses enfants. Oh! si nous
savions mieux reconnaître ses manifestations
bénies quand nous les rencontrons sur notre chemin,
et accepter quand il faut que ce vin bouillonnant fasse
rompre les vieilles outres de nos préjugés!
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