MÉDITATIONS EN MARGE DE L'ÉVANGILE SELON SAINT LUC
LE SABBAT
LUC,
VI. 1 à 11.
Le sabbat, le jour saint consacré à
l'Éternel, une des institutions les plus
respectées de la loi de Moïse, avait
été rappelé au cours des siècles
par les prophètes : « Si tu fais du sabbat tes
délices », avait dit Esaïe, « pour
sanctifier l'Éternel en le glorifiant, alors tu
mettras ton plaisir à l'Éternel ».
Ézéchiel ajoutait : « Ces sabbats seront
Un signe entre moi et eux pour qu'ils connaissent que je
suis l'Éternel qui les sanctifie. »
Au temps de Jésus, surchargé de
prescriptions étroites, ligoté dans les
bandelettes des traditions rabbiniques, le sabbat
n'était plus un jour de joie et d'allégresse
pour le peuple d'Israël. Le Sauveur veut apporter une
fois de plus la délivrance et la
libération.
Deux occasions différentes sont
racontées dans le récit d'aujourd'hui. Un jour
de sabbat, les disciples traversant un champ de blé
prêt à être moissonné, cueillent
quelques épis, et, pour apaiser leur faim matinale,
les froissent entre leurs mains et les mangent (geste
absolument autorisé par la loi mosaïque). Mais
voici : c'est le sabbat, les adversaires de Jésus
voient en cela un travail interrompant le repos du jour, Ce
sont des docteurs de la loi, des gens penchés
constamment sur l'Écriture sainte, mais faisant
d'elle une arme pour emprisonner les âmes, et ne
sentant pas souffler à travers ses pages le vent de
l'Esprit. Le Sauveur tirera de cette même
Écriture, de l'histoire de David, qu'ils connaissent
bien, un argument décisif pour justifier le geste de
ses disciples. Puis, élevant la discussion : «
Le Fils de l'homme est maître du sabbat »,
dira-t-il avec dignité.
La seconde partie du récit a pour cadre la
synagogue, et là nous voyons se préciser la
pensée du Maître au sujet du sabbat. Non
seulement la lumière de ce jour saint ne doit pas
être cachée par le voile épais des
prescriptions humaines, mais elle doit
rayonner de la charité et de l'amour que Dieu met
dans les âmes et ceci est pour nous un enseignement
plus direct encore que le précédent.
Au sabbat mosaïque a succédé
le beau dimanche chrétien. C'est le jour saint par
excellence, nous rappelant la victoire du Prince de la vie.
C'est encore le repos de l'Éternel pour nous et pour
tous ceux dont nous avons la responsabilité... Ne pas
se charger soi-même, ne pas charger les autres de
travail ce jour-là, respirer l'air de la
détente et de la liberté, suivre
fidèlement, comme le Sauveur, les saintes
assemblées, y aller avec joie; et puis, comme
Jésus encore, pratiquer les oeuvres de l'amour,
servir son Église, les pauvres, les malades; faire de
ce repos non une occasion de plaisirs égoïstes,
mais de joie dans la charité, voilà ce que
Dieu nous enseigne par sa Parole. Puissions-nous,
après l'avoir lue, la mettre en pratique!
.
SUR LA MONTAGNE AVANT LE
CHOIX DES APÔTRES
LUC,
VI, v. 12 à 19.
La nuit, sur une montagne de Galilée; le silence.
Jésus est seul. « Il se retira », dit Luc,
La pensée de ses disciples l'accompagne. Demain Il
veut faire parmi eux un choix, dont dépendra l'avenir
de son Église. Alors plus que jamais Il a besoin de
se rapprocher de son Père. Certes Celui-ci est
toujours avec lui : « Moi et le Père nous sommes
un », dit-il. C'est l'Esprit de Dieu qui dicte ses
paroles et c'est sa puissance qui opère par lui des
guérisons. Mais le Fils de Dieu, le Saint, le juste,
éprouve le besoin Intense de ces heures de
recueillement dans le tête-à-tête avec
son Père. Il prie sur la montagne pendant la
nuit.
Quel exemple et quelle bénédiction!
Dieu veut nous ouvrir comme à son Fils, et par son
Fils, les trésors de sa communion. Créatures
d'un jour, souillées par le péché, nous
pouvons comme le Sauveur et par sa
grâce nous retirer comme lui dans la solitude pour
prier, et Dieu nous entend. Parfois c'est dans
l'intimité de notre chambre, d'autres fois c'est dans
le calme de la nature ou dans la nuit, aux heures
d'insomnie. À notre timide appel, l'amour du
Père répond.... que dis-je ? il nous attend,
il vient à notre avance. Dans l'adoration nous
répandons tout notre coeur devant Lui; et si, faisant
taire tous les bruits humains, rejetant toute distraction,
toute pensée étrangère, notre âme
se met aux écoutes, elle peut entendre la voix
divine, être conduite et dirigée par
elle.
Seigneur Jésus-Christ! c'est par ton
intercession, ta prière à toi, que cette joie
infinie peut être accordée à ceux que tu
as appelés à te connaître et à te
servir. Oh! dans ta miséricorde, donne-la
nous!
Au matin Jésus retrouva ses disciples et
choisit douze d'entre eux qu'Il voulait préparer au
ministère apostolique. « Ils sont ici seulement
destinés à une ambassade à venir
», dit Calvin; il ajoute plus loin : « Le
Maître céleste a voulu les façonner et
conduire petit à petit, vu que leur rudesse et
ignorance n'a pas pu même être corrigée
par une si longue instruction et discipline. » Tout au
long des récits évangéliques nous
verrons comment Jésus-Christ fit l'éducation
de ses douze compagnons de prédilection.
Hélas! s'il y avait parmi eux un Simon
surnommé Pierre, Jean, celui que Jésus aimait
et Jacques, son fidèle frère, Lévi
surnommé Matthieu, et les autres, il y avait aussi
judas l'Iscariot, celui qui devait le trahir.
Le Maître, fortifié et
rafraîchi par sa nuit de prière, reprend son
ministère d'amour.
.
LE SERMON SUR LA
MONTAGNE
LUC,
VI, v. 20 à 36.
Saint Luc devait connaître ce joyau de
l'Évangile selon Saint Matthieu. Dans la fin du
chapitre VI Il s'est servi de cet évangile ou a
puisé aux mêmes sources que Saint Matthieu.
Certainement les deux évangélistes
ont condensé, en un seul discours, des enseignements
successifs de Jésus que Luc a davantage
résumés. Il ne donne par exemple que quatre
béatitudes au lieu de huit, et oppose les mots «
Malheur à vous » à « Heureux »;
ce que Matthieu ne fait pas à la même place.
Ces divergences sont superficielles, le fond reste le
même.
Tout d'abord c'est l'idée fondamentale que
l'homme doit connaître sa pauvreté, sa
misère devant Dieu, pour voir s'ouvrir le royaume
divin. « Nul n'est pauvre en esprit » dit Calvin,
« sinon qu'anéanti en lui-même, il se
repose en la miséricorde de Dieu ».
C'est le paradoxe de l'Évangile. Pour
connaître la joie suprême, « la vraie joie
», dira Saint François d'Assise, il ne faut
mettre sa confiance en aucune des joies humaines. Si tu te
sais misérable et nu devant Dieu, si tu as faim
d'autre chose que des plaisirs et des bonheurs qui passent;
si tu pleures non seulement sur tes deuils et ta souffrance,
mais sur ton péché qui t'éloigne de
Dieu; si tu es persécuté, bafoué
à cause de Jésus-Christ, alors
réjouis-toi! Ton Seigneur te donnera sa paix, sa
miséricorde, sa joie. Heureux es-tu!
Mais si tu jouis égoïstement des
biens de ce monde et de leur gloire, si tu te confies en
toi-même, en ton intelligence, en tes richesses, en ta
puissance, en ton ambition, malheur à toi! Comme
dirait le prophète, tu t'abreuves « à des
citernes crevassées » au lieu d'aller à
la source d'eau vive qui seule peut étancher ta soif.
Pendant que la tempête souffle sur le monde, n'as-tu
pas compris que toutes les choses humaines sont fragiles,
passagères, et ce qui seul demeure, c'est ce que Dieu
donne aux mains infirmes et maladroites qui se tendent vers
Lui.
Le vrai chemin c'est celui de l'amour.
Comprends-le et apprends de moi à aimer, dit ton
Sauveur.
Seigneur! J'ai cru recevoir de toi cette
grâce. Il me semblait presque simple et facile de
demeurer dans l'amour. Il est doux d'aimer ceux qui nous
aiment et qui t'aiment. Si parfois un nuage passait entre
eux et moi, je savais bien qu'il serait dissipé...
Mais aujourd'hui mon âme est profondément
troublée. Aimer mes ennemis, je comprends ce que cela
comporte.
Est-ce là ce que Tu nous demandes ?
Pouvons-nous haïr le mensonge, la violence, la
cruauté, et aimer ceux qui répandent autour
d'eux la terreur, semant la haine, tuant la liberté,
pervertissant les esprits ? Comment séparer
entièrement le mai de ceux qui le commettent ?
(1)
Père! tu vois ma faiblesse, mon
désarroi. Par la grâce du Sauveur qui,
crucifié, a prié pour ses bourreaux, viens
à mon aide, et Toi-même triomphe en mon
âme. Père apprends-nous à aimer, non pas
seulement comme des païens, des hommes naturels, mais
à aimer de ce surnaturel amour que
Jésus-Christ seul peut mettre dans les coeurs, nous
souvenant que Tu nous as aimés Toi-même le
premier, nous qui ne sommes que souillure et que
misère devant Toi.
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LE SERMON SUR LA
MONTAGNE (suite)
LUC, VI. v. 37 à 45.
Le Sauveur montre à ses auditeurs les hauts
sommets de la vie spirituelle et de l'amour, mais Il veut
aussi les conduire par les chemins de l'existence
quotidienne. Il sait de quoi nous sommes tous faits :
capables un jour, grâce à Lui, de monter sur
les cimes, et le lendemain trébuchant dans les
sentiers caillouteux de la plaine.
Aimer, c'est doux, c'est facile, avons-nous dit.
Mais notre affection pour ceux qui nous entourent manque de
la miséricorde dont use à notre égard
le Dieu tout-puissant et tout-saint, Nous sommes si
sensibles à leurs maladresses, à leurs
erreurs, à leurs fautes! Une parole de critique
acerbe ou de mauvaise humeur est si vite sortie de nos
lèvres! Et, même quand nous nous taisons, notre
conscience, si Indulgente pour nous, s'érige en Juge
pour autrui, un juge sévère et sans
bonté comme sans humilité.
Ayons le courage de nous regarder en face dans le miroir de
la Parole de Dieu et de voir la poutre qui obscurcit notre
vue et bien souvent nous empêche de discerner la
beauté que Dieu a mise dans les âmes.
Nos milieux religieux ont aussi parfois le
même rigorisme pharisaïque, le même
jugement sans aménité que ceux du temps de
Jésus. Voulant conduire les autres sur la voie
droite, nous les entraînons dans le fossé comme
des aveugles.
Le divin Jardinier vient chercher des fruits dans
nos jardins. Que d'épines Il y rencontre :
amours-propres froissés, piqûres
d'épingles, que l'orgueil envenime, compassion
hautaine accompagnée de critique, parfois de
médisance, incompréhension réciproque,
rivalité. « Plus facile est d'oeuvre juger qu'il
n'est à l'oeuvre besogner », dit un vieux
proverbe français. Saint Paul écrivait aux
Philippiens : « Que l'humilité vous fasse
regarder les autres comme étant au-dessus de
vous-mêmes », et il parlait aux Corinthiens de la
charité « qui croit tout, espère tout,
supporte tout ».
« Si vous savez ces choses », dit le
Seigneur, « vous êtes heureux, Pourvu que vous
les pratiquiez. »
.
LA MAISON BÂTIE
SUR LE ROC
LUC, VI, v. 46 à 49.
« Celui qui entend mes paroles et les met en
pratique est semblable à un homme qui,
bâtissant une maison, a creusé bien avant et a
posé le fondement sur le roc. »
Bâtir sa maison sur le roc! Quelle
actualité dans cette Image pour nous qui avons vu
toutes les constructions humaines s'effondrer sous l'assaut
de la tempête. L'Église, institution divine,
est demeurée debout, parfois tremblante et
chancelante, mals résistant à l'orage, et
offrant à nos âmes l'abri de nos murs
établis sur le roc de l'obéissance à la
Parole et à la volonté de Dieu. Soyons
reconnaissants d'appartenir à cette Église et
d'être ses enfants, Travaillons
à- réparer ses brèches, à
étendre son Influence, à la défendre si
elle est attaquée, à la réveiller quand
elle s'assoupit, à être fidèle avec elle
au témoignage qu'elle doit rendre à
Jésus-Christ son Chef, son Sauveur.
Mais d'autres maisons se bâtissent autour
de nous. Chacune de nos vies, chacune de nos
personnalités peut être la maison de
l'Éternel, un temple à sa gloire.
Un mot nous frappe dans la parabole : «
creuser, creuser bien avant ». Nous pouvons donc
quelque chose pour donner à notre existence un point
fixe qui demeure malgré tous les orages. Nous ne
sommes pas les jouets d'une puissance aveugle, d'un destin
mystérieux... Certes c'est Dieu qui nous a choisis,
qui nous appelle à Lui. Il est le roc; Il nous donne
les matériaux de construction, la force de
bâtir. Instruments adaptés par Lui à
leur tâche, souples et obéissants dans la main
qui les emploie, nous ne devons pas être passifs, mais
actifs, persévérants, laborieux, creuser,
creuser bien avant jusqu'au roc solide, écouter,
mettre en pratique.
Qui chantera la beauté de l'effort
inspiré, fortifié par Dieu ? L'effort dans la
sanctification, la croissance vers cette « stature des
enfants de Dieu » dont parle l'apôtre; l'effort
dans le travail consciencieux et fidèle qu'on cherche
à étendre, à perfectionner chaque jour;
l'effort dans le service du prochain, essayant de l'aider
à trouver le roc, à bâtir sa maison.
« Une âme perdue, une seule, c'est une grande
ruine aux yeux de Dieu », a dit Godet; et cette ruine,
ce désastre, si nous n'avons rien fait pour les
prévenir, nous en sommes en partie responsables.
L'effort renouvelé chaque matin par la prière,
constamment recommencé et poursuivi pendant la
journée, et puis, au soir, humblement l'abandon
complet de tout entre les mains du Père. « Il
est bon d'être lassé et fatigué par
l'inutile recherche du vrai bien », disait Pascal,
« afin de tendre les bras au Libérateur ».
.
LE CENTENIER DE
CAPERNAÜM
LUC, VII, 1 à 17.
Un miracle qui a de nouveau pour cadre Capernaüm.
C'est une réponse à la foi, à une foi
profonde, directe, simple. C'était pourtant un
païen d'origine, un officier de l'armée
d'occupation, ce centenier. Mais il avait su se faire aimer
des juifs qui l'entouraient, par sa
générosité, par lé bien qu'il
avait fait dans la situation délicate qu'il occupait.
Aussi ce sont des Israélites qui, allant à
l'avance de Jésus sur le chemin de la ville, le
supplient de guérir le malade.
Mais le centenier, apprenant la chose, envoie une
délégation d'amis auprès de
Jésus avec ce message : « Seigneur! ne prends
pas tant de peine; car je ne suis pas digne que tu entres
sous mon toit. Aussi ne me suis-je pas jugé digne
d'aller auprès de toi; mais dis une parole, et mon
serviteur sera guéri. Car moi-même qui suis un
homme soumis à la puissance d'autrui, j'ai sous mes
ordres des soldats. Je dis à l'un : « Va! »
et il va; et à l'autre : « Fais cela! » Et
il le fait.
« Je ne suis pas digne », parole de
l'humilité profonde. Le centenier sait que des
préjugés de race pourraient empêcher
Jésus d'entrer chez lui. Ce n'est pas à cela
qu'il fait allusion, mais au sentiment de sa
culpabilité personnelle devant la sainteté
divine. Aucun des Juifs n'a encore eu ce sentiment-là
comme lui, parce que peut-être aucun n'a encore vu en
Jésus aussi pleinement la puissance de Dieu. «
Dis une parole. » Une parole, un mot, de loin...
Après la Pâque, pour convaincre ses disciples
incrédules, Thomas tout spécialement,
Jésus devra leur montrer les cicatrices des clous
dans ses mains et ses pieds. Sans rien voir, sans que le
Seigneur approche son serviteur, le centenier sait que
celui-ci sera guéri. Il croit tout simplement d'une
foi directe, entière.
Dans sa vie militaire il a appris la discipline,
l'obéissance prompte qui ne discute pas les ordres;
il connaît les
responsabilités du commandement
aussi, Il trouve tout naturel d'appliquer cela à la
vie spirituelle. Soldat loyal, il s'engage dans la cohorte
de Jésus-Christ. Saint Paul, qui connaissait cette
histoire, pensait peut-être au centenier quand il
disait à Timothée: « Souffre avec moi
comme un bon soldat de Jésus-Christ. »
Peiné par les raisonnements rabbiniques et
les arguties des pharisiens, trouvant dans la foule un
enthousiasme sans lendemain, et même parmi ses
disciples de l'incompréhension et de
l'incrédulité, Jésus admira cette foi,
« s'en émerveilla », dit Calvin, et la cita
en exemple à ceux qui l'entouraient, Matthieu,
exprimant encore plus complètement la pensée
du Sauveur, parle de ceux qui venant de l'Orient et de
l'Occident seront à table dans le royaume des cieux.
Les récits missionnaires nous font comprendre
aujourd'hui cette parole. Devant la foi de païens
d'hier, nous nous sentons à notre tour
émerveillés et humiliés.
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LA RÉSURRECTION
DU FILS DE LA VEUVE DE NAÏN
LUC, VII, v. 11 à 17.
Ce récit pourrait être dédié
aux mères. Il montre chez le Sauveur non seulement
une compréhension complète des souffrances de
nos deuils humains, mais encore une compassion toute
particulière pour la douleur des mères
privées de leurs enfants,
On imagine la scène dans la petite ville
blottie dans un repli des collines, non loin de Nazareth.
Jésus entouré de ses disciples va y entrer
après une longue marche dans la campagne. Le bruit
des lamentations et le son lugubre de la flûte se font
entendre; sortant de la porte de la ville un cortège
s'avance : une femme, une veuve, les vêtements
déchirés, des cendres sur ses cheveux
épars, soutenue par ses compagnes, marche
derrière le cercueil porté
par des jeunes gens. Toute la population de la petite ville
suit.
Le Seigneur s'est arrêté au bord du
chemin. S'il est un sentiment humain dont Il a compris toute
la douceur et la force, c'est certainement l'amour d'une
mère. Il est le Fils de Dieu, mais Il est aussi le
Fils de Marie, simple femme comme celle-ci, et Il la verra
un jour pleurer au pied de sa croix. Peut-être
songe-t-Il en ce moment à toutes les âmes
féminines qui seront déchirées par la
même souffrance, et qu'Il veut à l'avance
rassurer et consoler. Il est le Prince de la vie. Aussi, se
penchant sur le cercueil du jeune homme, Il le toucha et lui
paria : « Il le rendit à sa mère »,
dit éloquemment l'évangéliste.
« Il le rendit à sa mère!
» Un jour dans ce royaume des cieux où il n'y
aura plus ni deuil, ni larmes, ni séparation, les
mères désolées retrouveront leurs
enfants envolés. C'est la merveilleuse promesse que
ce miracle extraordinaire, la première
résurrection opérée par le Sauveur,
nous apporte. Mais il dit encore autre chose. À
côté de l'immense armée, toujours plus
nombreuse, des mères que la mort a
séparées de leurs enfants bien-aimés,
il y a aussi l'autre armée douloureuse, celle des
femmes qui voient se perdre ici-bas les fils qu'elles aiment
plus que leur propre vie, Il y a toutes les Sainte Monique
pleurant sur les entraînements, les fautes, les
débauches de leurs enfants prodigues. « Il le
rendit à sa mère. » Serrant dans le
trésor de leur coeur ce verset, elles
persévèrent dans l'angoisse et la
prière, demandant à Dieu de ramener leurs fils
dans la voie droite et de les sauver. Et le Seigneur qui,
à la porte de Naïn fut bouleversé de
compassion devant la douleur d'une femme, entend ces
supplications et les apporte au Père des
miséricordes, en les enveloppant de sa divine
Intercession.
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LA VISITE DES DISCIPLES
DE JEAN-BAPTISTE
LUC, VII, v. 18 à 35.
Jean-Baptiste ayant dénoncé à
Hérode son péché, avait
été enfermé dans la forteresse de
Machéronte, au-dessus de la mer Morte. Il y recevait
les visites de ses disciples, et les bruits du dehors
venaient jusqu'à lui. C'est ainsi qu'il entendit
parler du ministère de Jésus en
Galilée, de ce ministère plein d'amour mais
sans éclat, et le doute commença probablement
à s'insinuer dans son esprit.
Certes, au bord du Jourdain, il avait
salué en Jésus celui qu'il annonçait :
« Voici l'agneau de Dieu qui Ôte le
péché du monde », avait-il dit un jour en
montrant le Sauveur. Mais depuis lors il avait souffert, il
avait longuement attendu; Satan rôde autour des
serviteurs de Dieu aux heures d'épreuve, essayant
d'apporter le trouble dans leurs âmes. Jean avait-il
espéré que la puissance de Jésus le
délivrerait de la prison, ou avait-il eu comme tant
d'autres avant lui la conception d'un Messie glorieux
libérant son peuple de la domination romaine ? Nous
ne saurions le lui reprocher. Dans son esprit
angoissé, les questions se posaient. Jésus au
désert avait triomphé du tentateur. Jean, le
vaillant lutteur, allait-il, en proie au même
adversaire, succomber ?
Le Baptiste demande alors à deux de ses
disciples d'aller vers Jésus, lui faire part du doute
qui le tourmente. La réponse du Sauveur nous
étonne d'abord. Il n'essaie pas de rassurer le
précurseur. Devant les envoyés, Il
guérit des malades, des sourds, des aveugles, Il
montre la simplicité de son ministère.
Jean-Baptiste avait dit : « Le royaume de Dieu est
proche ». Or il est annoncé aux pauvres, aux
petits ce royaume. Il est sans gloire humaine ou
passagère, son domaine c'est le coeur des hommes, et
c'est par le sacrifice de son Roi qu'il y
régnera.
Jean-Baptiste fut-il tranquillisé,
apaisé par les récits de ses disciples?
L'Évangile ne le dit pas. Resté sur le seuil
de lanouvelle alliance, n'ayant pas vu se
réaliser ce qu'il avait annoncé, ne pouvant
comprendre ni l'originalité du christianisme, ni
cette victoire réelle dans la défaite
apparente, qui est sa caractéristique, le
Précurseur fut du moins fidèle jusqu'au bout
au message qu'il avait apporté, et Il paya de sa vie
son témoignage.
Après le départ des envoyés,
Jésus se tournant vers la foule essaie de lui faire
comprendre la leçon de cette vie de Jean et le
privilège de ceux qui, après avoir entendu la
prédication du Baptiste, peuvent écouter celle
du Fils de l'homme.
Hélas! ses auditeurs étaient, comme
nous le sommes si souvent nous-mêmes, semblables
à des enfants jouant sur les places publiques, sans
vouloir obéir au rythme du jeu. Nous nous disons
chrétiens, chrétiennes et dans
l'épreuve nous attendons de Dieu des
délivrances humaines. La leçon de la sagesse
divine s'apprend peu à peu, par et dans la
souffrance.
LA PÉCHERESSE
PARDONNÉE
LUC, VII, 36 à 50.
Ce récit est un des plus connus, des plus
fréquemment commentés parmi ceux du Nouveau
Testament. Il a même parfois été
travesti par la littérature et l'imagination
humaine.
L'atmosphère de pureté, qui entoure
la personne du Sauveur comme l'auréole placée
autour de sa tête, par les peintres primitifs, cet air
vivifiant qui souffle dans les évangiles, est
étrange pour nos poumons habitués aux miasmes
de notre vie civilisée. Facilement nous
dénaturons ce que nous ne comprenons pas... Essayons
donc de nous recueillir devant cette page de Saint Luc et
d'accueillir la leçon qu'elle nous apporte.
Le pharisien drapé dans sa propre justice
a cru faire grand honneur à Jésus en
l'invitant chez lui. Il a jugé qu'il était
inutile de lui prodiguer les marques de courtoisie
réservées aux hôtes de distinction. Il
est surtout curieux de savoir si le Rabbi de
Nazareth dont on parle tant est un
prophète. Quand, dans la maison respectable du
pharisien, pénètre une femme à
l'inconduite passée notoire, Il s'étonne et
s'irrite. Jésus a-t-il compris qui elle était
?
La pécheresse a déjà
rencontré le Sauveur, et, parce qu'elle l'a vu, parce
que d'un mot, d'un geste, d'un regard Il a illuminé
son âme, elle a cru tout simplement en Lui, en sa
miséricorde, en son amour. Elle ne demande rien. Son
coeur est labouré par le repentir, un pauvre coeur de
femme meurtri, piétiné par les hommes, mais
capable du plus grand amour; elle ne se laisse pas
arrêter par les mépris de ceux qui l'entourent.
Elle ne voit que Jésus, elle va droit à Lui,
répand son parfum et ses larmes aux pieds du Sauveur!
Elle se tient humblement derrière Lui sans rien dire.
Il est là, cela lui suffit.
Regardons à Jésus. Il est d'abord
silencieux. Il accepte l'hommage de la pécheresse, le
repas de Simon!... Mais quand Il lit le doute, l'irritation,
le mépris dans l'âme du pharisien, Il lui
raconte la parabole du créancier et des
débiteurs; Simon, Incrédule, satisfait de
lui-même mais honnête, répond droitement
à la question du Seigneur. Alors celui-ci, sans
s'adresser encore à la femme prosternée
à ses pieds, essaye d'ouvrir les yeux de son
hâte.
Ne l'entendons-nous pas nous parler à
nous-mêmes : « Vous croyez être justes,
accomplir mes commandements, vivre dans la morale, dans une
certaine dignité apparente et extérieure. Vous
êtes tentés de vous glorifier de votre nom de
chrétiens, de ce que vous appelez votre vie
chrétienne. Mais avez-vous compris le don inestimable
que je vous ai fait en vous pardonnant votre
péché, en vous attirant à moi ? Cette
femme que vous auriez jugée sévèrement,
à qui vous n'auriez peut-être pas ouvert la
porte de votre maison, a saisi ce don dans sa
plénitude. Elle m'aime entièrement, sans rien
demander d'autre que de m'offrir le sacrifice de son amour
et de sa foi dans toute leur humble ferveur. Ceux et celles
qui lui ressemblent vous précéderont dans le
royaume de Dieu. »
Dans la salle du banquet Simon a baissé la
tête. A-t-il compris la leçon du Seigneur ?
Nous ne savons. Jésus s'est maintenant tourné
vers la pécheresse : « Ma fille, ta foi t'a
sauvée, va en paix. Je jette sur toi le manteau de ma
justice et de mon pardon. »
Que d'âmes perdues selon le monde ont
depuis saisi cette promesse, cette certitude et, par elles,
trouvé le salut et la joie. Dieu en soit béni!
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