MÉDITATIONS EN MARGE DE L'ÉVANGILE SELON SAINT LUC
LA
TRANSFIGURATION
LUC, IX, v. 28 à 36.
Il faut probablement situer ce récit sur le mont
Hermon. Sa haute silhouette couronnée de neige se
dessine au nord du lac de Génésareth. Dans le
voyage que Jésus et ses disciples avaient fait
jusqu'à Césarée de Philippes Ils
s'étaient probablement arrêtés au retour
au pied de la montagne.
Jésus recherche la solitude et
emmène ses apôtres les plus proches : Pierre,
Jacques et Jean, avec lui. Comme au soir de
Géthsémané, ces trois jeunes gens sont
appesantis par le sommeil et s'endorment. Ils savent que
leur Maître puise sa force dans ces nuits de
prière; peut-être parfois leur esprit a-t-il
essayé de sonder le mystère de cette communion
avec Dieu. Pour eux, ce soir, et pour nous avec eux, le
voile va s'entrouvrir. « Les choses cachées
appartiennent à l'Éternel notre Dieu, mais les
choses révélées sont pour nous. »
(Deutéronome XXIX, 29.) Il y a des
heures où, devant les yeux éblouis de tel de
ses enfants, le Seigneur montre un reflet de sa gloire.
« Tandis que Jésus priait, dit Saint Luc, son
visage parut tout autre et son vêtement devint d'une
blancheur éclatante. »
Réveillés les disciples
étonnés, stupéfaits, contemplent ce
spectacle étrange et merveilleux. Leur Maître
n'est plus le rabbi galiléen qui, vêtu comme
eux, les pieds pleins de poussière, parcourt les
sentiers de la campagne. Près de Lui, rayonnant de la
splendeur de Dieu, les deux héros de l'Ancien
Testament Moïse et Élie s'entretiennent avec
Lui. Les apôtres suivent la conversation. Il y est
question du prochain départ pour Jérusalem et
de ces souffrances mystérieuses auxquelles
Jésus avait fait allusion à
Césarée-de-Philippe.
La gloire du ciel inonde la montagne, et pourquoi
?... pour aboutir à la vision de cette mort
ignominieuse! Oh! cela ne sera pas. Pierre s'adresse
à Jésus : « Il fait bon ici; restons-y.
Permets que j'y dresse trois tentes, » Le ciel s'est
ouvert au-dessus de leurs têtes;
pauvres hommes, ils voudraient toujours avoir les yeux
fixés sur ce spectacle magnifique et demeurer
là.
Alors la nuée les couvrit et ils eurent
peur. Ce n'est pas encore l'heure de contempler l'invisible.
Ce qu'il faut, c'est saisir la déclaration du
Père : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé,
écoutez-le », et suivre ensuite Jésus
seul, Jésus le Fils de l'homme, le Maître de
Nazareth, qui les a appelés à Lui. Saisis de
crainte, les trois disciples descendirent des hauteurs sans
parler à personne de ce qu'ils avaient vu. Beaucoup
plus tard, écrivant sa deuxième
épître, Pierre revient sur ce souvenir et dit :
« Nous-mêmes nous avons entendu cette voix venant
du ciel quand nous étions avec Lui sur la sainte
montagne. »
À travers les siècles, sous des
formes diverses, les serviteurs de Dieu ont eu parfois des
visions rappelant, de très loin, mais rappelant quand
même, celle de la transfiguration : Étienne et
Saint Paul, Saint Jean dans l'île de Pathmos, Saint
François d'Assise et Jeanne d'Arc, Pascal, Adolphe
Monod, et combien d'autres encore, nous ont transmis
l'écho d'heures merveilleuses où le ciel leur
a paru tout proche. De modestes chrétiens inconnus,
se taisant par humilité, auraient peut-être pu
en faire autant. Dieu dans sa miséricorde infinie
permet quelquefois aux pauvres yeux humains d'entrevoir
comme dans un éclair, la splendeur vers laquelle Il
veut que nous marchions. Minutes bénies entre toutes!
Leur souvenir reste dans les âmes comme une
espérance quand la nuée vient et replonge les
pèlerins dans la nuit terrestre. Mais Jésus
reste, Jésus est là.
« Le chrétien (j'entends : celui qui
descend de la sainte montagne), non seulement a vu
Jésus là-haut sur les sommets rayonnants de la
pureté et de la bonté, mais il ramène
Jésus avec lui et ne s'en sépare jamais. Le
combat qu'il livre sans cesse, il ne le livre pas seul; il a
Jésus pour renouveler ses armes, pour diriger ses
plans, pour panser ses blessures et le consoler même
dans ses défaites. » (Benjamin Couve.)
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EN DESCENDANT DE LA
MONTAGNE
LUC, IX, v. 37 à 50.
Ils redescendaient tous les quatre vers la plaine;
Jésus pensif marchait devant, Pierre, Jacques et Jean
le suivant silencieux. Avec impatience on les attendait. La
foule, une fois de plus, la foule agitée, houleuse,
se porte au-devant du Maître. Elle discute avec bruit.
Un enfant démoniaque est là, secoué de
violentes crises; depuis plusieurs heures le groupe des
disciples demeurés en bas essaie en vain, impuissant,
de chasser ce démon. Le pauvre père
angoissé se précipite vers Jésus pour
lui expliquer la scène.
Là-haut c'était la paix, la gloire
de Dieu, la sérénité du ciel
retrouvée; en bas c'est la terre, son tumulte, ses
laideurs, ses souffrances. Si en lisant ces pages de
l'Évangile nos âmes saisissent en tremblant ce
contraste, quel devait-il être pour Celui qui venait
de respirer à nouveau, pendant quelques heures,
l'atmosphère de sa Patrie bénie!
Maintenant Il sentait passer sur Lui et
l'envelopper le souffle vicié de ce monde qu'Il
était venu sauver. Le péché humain et
ses douloureuses conséquences étaient
étalés devant le Seigneur dans toute son
horreur.
« 0 race incrédule et perverse!
s'écrie le Maître, jusques à quand
serai-je avec vous! jusques à quand vous
supporterai-je!» La coupe est toute pleine, l'âme
du Sauveur déborde de dégoût et
d'angoisse. Mais son amour est le plus fort. « Il
guérit l'enfant et le rendit à son
père. »
La foule a compris. C'est Dieu qui est en
Jésus de Nazareth. Elle se réjouit. Il a
vaincu le mal... Mais le Sauveur regarde ses disciples qui
ont pitoyablement échoué dans leur mission. Il
essaie de leur montrer une fois de plus le chemin du
sacrifice; ils ne comprennent pas; ils ont peur de
l'interroger; le grand mystère de la
Rédemption leur est encore caché. Comme ils
sont faibles et comme nous les sentons proches de nous,
même Pierre, Jacques et Jean qui
n'ont pas saisi la leçon des heures passées
sur la montagne! Voyez, des ambitions personnelles les
possèdent encore. Lequel est le plus grand parmi eux
? Vanités humaines, concurrence, désir de
domination, que de fois dans sa lutte contre les
démons l'Église a été
arrêtée par cela! Que de fois la foule la
regardant a pu dire : « J'ai prié tes disciples
de le chasser; ils n'ont pas pu. »
Jésus prit un petit enfant, le mit
auprès de Lui et leur dit:
« Celui qui reçoit ce petit enfant en
mon nom me reçoit et celui qui me reçoit,
reçoit Celui qui m'a envoyé. Car celui qui est
le plus petit entre vous tous, C'est celui-là qui est
le plus grand»
Être petit, rester petit! Combien de temps,
d'épreuves, de douleurs nous faudra-t-il, Seigneur
Jésus, pour apprendre de Toi la suprême
leçon de l'humilité ?
.
VERS JÉRUSALEM
LUC, IX, v. 51 à 62.
« Le temps où Jésus devait être
enlevé du monde approchait. Il prit résolument
le chemin de Jérusalem. »
Le ministère galiléen se termine;
les doux horizons du lac disparaissent. Quand le Sauveur y
reviendra, ce sera comme en passant. Si Saint Luc note trois
fois qu'à des moments divers Jésus se dirige
vers Jérusalem
(IX, 51 ;
XIII, 22;
XVII, 11) il fait de cette ville le centre
d'attraction de l'histoire évangélique durant
cette période de la vie du Sauveur. « Saint Luc
entendait mettre toute cette section sous le signe de
Jérusalem et de la Passion. Cette orientation du
ministère de Jésus n'est pas sans
émouvoir, Elle donne à tout l'enseignement
quelque chose de plus pathétique et de plus
émouvant », dit le Père La
grange.
Désormais les discours et les paraboles
deviendront dans le récit de
l'évangéliste plus nombreux que les miracles
et les guérisons. Plus que limais ceux qui suivront
le Maître seront des voyageurs et
des pèlerins, et l'hostilité des pharisiens,
adversaires de Jésus, grandira autour d'eux.
Entre la Galilée et la Judée un des
deux chemins fréquentés alors comme
aujourd'hui passe par la Samarie. Le pays est
déjà plus rude; les gens l'étaient
aussi. Séparés des Juifs par leurs traditions
religieuses, frères bâtards de la
révélation d'Israël. une grande
hostilité éloignait ces Samaritains des
Judéens, Aussi quand Jésus et le
cortège de ses disciples demandèrent à
une de leurs villes de les recevoir un soir, comme ils se
rendaient à Jérusalem, on le leur refusa.
C'est alors qu'éclate le zèle intempestif de
Jacques et de Jean, ce zèle ardent qui, sans la
prudence de l'Esprit, « n'est que bouillons qui s'en
iront à la fin en écume » (Calvin), ce
zèle amer qui a été si souvent semence
de persécutions, de violence, de haine, au nom
même du Dieu d'amour. « Vous ne savez de quel
esprit vous êtes animés », leur dit
Jésus. « Pour nous, nous savons que nous sommes
passés de la mort à la vie parce que nous
aimons nos frères », écrira, de longues
années plus tard, le même apôtre Jean,
quand le Saint-Esprit, l'Esprit du Christ, dominera son
âme.
Les trois conversations qui nous sont ensuite
rapportées se sont engagées au bord du chemin.
Le premier interlocuteur, un scribe (dit Matthieu),
habitué probablement à l'étude, au
calme travail intellectuel, est mis par Jésus en
présence de la vie errante et nomade du Fils de
l'homme. A-t-il réfléchi, pesé le
sacrifice demandé ? Est-il prêt à ne pas
savoir où reposer sa tête? Luc ne nous donne
pas sa réponse.
Au second, Jésus adresse
spontanément Lin appel; lui désire
obéir, mais il a un vieux père qu'il voudrait
d'abord ensevelir... Non, la mission que le Seigneur donne
doit passer avant tout, même avant les plus
légitimes devoirs humains.
Le troisième est plein de bonne
volonté, mais marchande son acceptation : « je
viendrai plus tard, permets que je fasse autre chose
d'abord. » Atermoiements, regrets, Jésus
n'accepte rien de semblable. Pour être propre au
Royaume de Dieu il faut résolument mettre la main
à la charrue, comme Lui-même résolument
se dirige vers Jérusalem où plus tard se
dressera sa croix.
Terribles exigences de l'Évangile! Le
Seigneur sait où le bât nous blesse, où
le renoncement parait douloureux. Chacun de ceux qui veulent
le suivre doit passer Individuellement par ce
chemin-là. Les protestations de
fidélité, les émotions religieuses, les
bons désirs, ne valent pas grand-chose.
Obéissance, acceptation tranquille des sacrifices
demandés, et jour après jour, marcher
derrière Lui là ou Il veut bien nous mener,
ainsi formera-t-Il ses disciples.
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L'ENVOI DES SOIXANTE-DIX
DISCIPLES
LUC, X. 1 à 20.
Luc place l'envoi en mission des soixante-dix disciples
probablement au moment de l'entrée de Jésus en
Judée. Il est le seul évangéliste
à rapporter ce récit, et les recommandations
qu'il met alors dans la bouche de Jésus sont celles
que Marc et surtout Matthieu font adresser aux
apôtres. Il en est de même pour les reproches
aux villes impénitentes de la Galilée que
Matthieu relate à un moment où Jésus
n'avait pas encore quitté ce pays. Certainement Luc
ne suit plus de très près dans son
évangile celui de Marc et se fie alors davantage aux
récits des témoins qu'il a interrogés,
Beaucoup des pages de son livre sont désormais
originales et complètent les écrits de ses
prédécesseurs.
Peu importent d'ailleurs le temps et le lieu
où Jésus envoya ces soixante-dix disciples.
Derrière ce groupe d'israélites probablement
Galiléens pour la plupart, gens simples et frustes
qui allaient préparer son ministère en
Judée, nous voyons comme en une grande fresque tous
les fidèles pionniers de l'Évangile à
travers les âges. Eux aussi errants et pauvres,
agneaux au milieu des loups, marqués par Dieu de son
sceau, ont annoncé sans trêve : « Le
Royaume de Dieu est proche ». Saint François
d'Assise et Pierre Valdo, Farel et Félix Neff,
Livingstone et Coillard, des riches plaines de l'Ombrie aux
vallées abruptes des Alpes, aux
forêts vierges de l'Afrique.... la magnifique cohorte
des messagers de Dieu, « la nuée de
témoins », les ouvriers de la récolte
divine apportant leurs gerbes aux pieds du Maître de
la moisson.
Il y a de la joie dans le récit de Saint
Luc. C'est pleins d'allégresse que les soixante-dix
reviennent vers Jésus, lui disant : «Seigneur,
les démons mêmes nous sont assujettis en ton
nom» et Jésus leur répond cette phrase
mystérieuse et prophétique : «Je voyais
Satan tomber du ciel comme un éclair. » Oh!
Seigneur Jésus-Christ, à certaines heures le
poids de ce monde de péché t'oppressait
jusqu'à la plus intense souffrance, mais ce
jour-là, c'est l'espérance, la certitude de ta
victoire à laquelle tu veux associer tes serviteurs,
qui soulève ton âme! Tu les as vues, tu les a
contemplées à l'avance, ces multitudes de
toutes nations et de toutes langues que tu donnerais
à tes disciples le pouvoir de t'amener. Loué
sois-tu!
Mais il y a aussi dans cette page de la
sévérité et de la tristesse. Cette
Galilée où Jésus vient de vivre les
mois passés, ces villes où Il a
séjourné, qui ont pu entendre son enseignement
et contempler ses miracles, elles ne l'ont pas
accepté pour leur Sauveur. Curiosité,
enthousiasme, effervescence, reconnaissance d'un jour; puis
le lendemain tout est oublié. Capernaüm au bord
du lac continue son trafic, Chorazin et Bethsaïda ne
sont pas converties... Quel avertissement actuel et
terrible! « C'est un point bien digne d'être
noté, dit Calvin, que la profanation des dons de Dieu
ne demeure jamais impunie, et que selon que chacun en aura
eu davantage il sera aussi puni plus grièvement, s'il
pollue et profane vilainement les grâces que Dieu lui
avait données. » Veillons et prions pour ne pas
tomber dans la tentation.
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L'ÉVANGILE
RÉVÉLÉ AUX PETITS
LUC, X, 21 à 24.
Un autre sujet de joie pour le Sauveur : dans cette
Judée où les prescriptions rabbiniques
dénaturent la loi de Dieu à force de la
surcharger, Jésus proclame que l'Évangile
qu'Il apporte est révélé aux petits et
aux simples, et que si on vient à Lui en toute
humilité, par Lui on connaîtra le
Père.
Y a-t-il là une glorification de
l'ignorance comme on a voulu parfois le dire ? Le Seigneur
du ciel et de la terre a-t-il placé l'homme au milieu
de ces merveilles pour qu'il ne cherche pas à en
pénétrer les secrets; lui a-t-il donné
une Intelligence pour qu'elle se rouille sans servir comme
un instrument inutile?
Nous savons bien que ce n'était pas
là la pensée de Jésus. Mais si le
domaine de la spéculation, de la recherche, de la
découverte, reste ouvert, vaste comme le ciel devant
les esprits humains, Il y a aussi celui de la
Révélation. L'homme le plus intelligent ne
peut expliquer le miracle de l'Incarnation ni celui de la
Rédemption; il ne peut que croire tout simplement
comme un enfant. C'est là la merveilleuse
originalité de l'Évangile; il est pour tous,
savants et ignorants, grands et petits, riches et pauvres,
pourvu qu'ils passent et les uns les autres par la porte
étroite de la repentance et de la foi.
Certes cette foi peut s'exprimer en des termes
différents selon qu'elle est celle d'un
théologien constamment penché sur les
mystères de Dieu, celle d'une salutiste cherchant les
brebis perdues, celle d'une modeste femme de ménage
qui ne sait que prier, ou celle d'un petit enfant ouvrant
son âme toute neuve à la lumière de
Dieu. Mais c'est la foi toute nue, l'acceptation
entière, l'abandon complet entre les mains du
Seigneur. Elle seule compte; les systèmes et les
dogmes sont comme les béquilles qui soutiennent sa
démarche chancelante, Mais ils ne sont pas elle, la
foi donnée par Dieu, reçue de Lui, retournant
à Lui.
J'ai connu un célèbre chimiste qui
me disait un jour : « Notre intelligence ne pouvait
saisir Dieu, Il s'est fait homme pour que nous puissions le
connaître et l'aimer. » J'ai connu un philosophe
émérite qui écrivait en parlant de
Jésus : « Le Christ est plus près de nous
que nous-mêmes. Il est plus au fond de nous que
nous-mêmes. C'est une présence de tous moments.
» Et j'ai vu, avec quelle profonde émotion, de
petits enfants aller au Sauveur pour être bénis
par Lui.
« Heureux les yeux qui voient ce que vous
voyez! » Oh! Seigneur! comment ne te rendrions-nous pas
de continuelles actions de grâce pour ce don de la foi
que tu répands si librement sur ceux qui te le
demandent. Seigneur, nous Croyons, aide-nous dans notre
incrédulité!
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LE BON
SAMARITAIN
LUC, X, 25 à 37.
Après la foi, par la foi l'amour...
Quand on a suivi la route qui descend de
Jérusalem à Jéricho à travers
des gorges arides, parfois étroites, on comprend ce
que pouvait avoir de réel et de vivant pour les
contemporains de Jésus la parabole du Bon Samaritain.
Encore aujourd'hui, un voyageur isolé suivant cette
route risque d'être attaqué en chemin. D'un
fait divers tout ordinaire comme ceux que le public aime
à lire dans les journaux quotidiens, le Sauveur a su
tirer un de ses enseignements les plus nécessaires et
les plus précieux.
Un docteur de la loi interroge Jésus. Nous
les verrons souvent en Judée poser des questions au
Maître, ces scribes versés dans
l'Écriture, qui scientifiquement la connaissent si
bien et spirituellement la comprennent si mal.
Celui-ci pourtant, devant la réponse de
Jésus : « Tu veux hériter la vie
éternelle; la loi de Dieu est là pour
l'instruire; qu'y lis-tu ? » résume parfaitement
cette loi. L'amour pour Dieu total,
entier, peut-être croit-il le posséder. Seul
l'Éternel lisant dans son coeur pourra le juger
à cet égard, mais ce prochain qu'il doit aimer
comme lui-même, quel est-il ?...
Génération après
génération, les hommes ont cherché la
solution de ce problème, et il y en a peu qui l'aient
trouvé complètement. N'y a-t-il pas en chacun
de nous un peu du prêtre et du lévite? Si
à certaines heures le Bon Samaritain domine, si notre
coeur est bouleversé de compassion devant telle ou
telle misère, combien de fois aussi ne nous
détournons-nous pas de la malheureuse victime des
brigands! Dieu met son amour dans nos coeurs, mais les
préjugés humains, la vie qui marche et nous
entraîne, la tâche qui nous est donnée et
prend le plus clair de notre temps, nous empêchent de
nous arrêter au bord de la route pour ramasser les
blessés et panser leurs plaies. Nous passons
journellement auprès de grandes détresses
morales ou physiques sans les deviner ou les
remarquer.
Qui est mon prochain ? ou plutôt : de qui
suis-je le prochain ? De tous ceux que Dieu place sur le
sentier de ma vie; en premier lieu de ceux qui m'entourent
et que je dois constamment envelopper de douceur, de
patience, d'amour, supporter, aider. je voudrais mieux
savoir deviner les blessures secrètes qu'ils portent,
vaillamment peut-être. Ensuite les autres, ceux qu'on
appelle les indifférents et qu'on croise sur son
passage. Puis-je d'un mot, d'un sourire, mieux encore d'une
intercession cachée, leur faciliter la route, les
rapprocher du Sauveur Enfin ceux qui souffrent et qui se
perdent. Oh! l'immense armée douloureuse et
misérable... Jésus les embrassait tous dans sa
compassion miséricordieuse. Hélas! mon coeur
et mes bras sont trop étroits pour cela, mais quand
l'un d'eux est là... Oh! mon Dieu, apprends-moi
à l'aimer comme moi-même, à le secourir
et essayer de le consoler comme je désire être
moi-même secourue et consolée dans mes
détresses. Et les Samaritains, ceux que tant de
choses humaines et légitimes paraissent
séparer de nous. Être le prochain de l'ennemi
des siens, Seigneur, est-ce possible ?
Mon Dieu, ta loi est difficile. Apprends-nous
à en sentir toute la grandeur et à te demander
chaque jour la force de lui obéir.
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