MÉDITATIONS EN MARGE DE L'ÉVANGILE SELON SAINT LUC
LE FEU SUR LA
TERRE
LUC, XII, 49 à 59.
« Je suis venu jeter le feu sur la terre.
»
Le feu réchauffe, mais consume et purifie
aussi. l'Évangile n'est pas seulement une
lumière à la clarté de laquelle il fait
bon marcher dans le sentier tracé par Dieu. C'est
encore autre chose : c'est une flamme dévorante qui
doit peu à peu détruire en nous et autour de
nous tout ce qui n'a pas le droit de vivre.
En nous d'abord : notre âme est un champ de
bataille, Il n'y a pas d'armistice possible avec le
péché. Il faut que Dieu règne, et s'Il
règne Il chasse impitoyablement ce qui s'oppose
à sa puissance. L'opération est douloureuse et
doit être cent fois reprise et continuée.
Bénissons Dieu de ce qu'Il coupe, taille et
brûle ainsi en nous, souvent dans l'épreuve et
la souffrance.
Autour de nous ensuite. Jésus, qui l'avait
expérimenté, ne le cache pas à ses
disciples. À cause de Lui, de sa volonté, de
ses appels, une division peut se produire au sein de la
famille en apparence unie. « Christ qui est proprement
auteur de paix, par la malice des hommes est fait occasion
de troubles », dit Calvin.
À l'exemple de son Seigneur, l'enfant de
Dieu peut être obligé d'entrer dans la lutte
contre ceux qu'il aime. Que doit-il faire ? D'abord
s'éprouver soi-même pour être sûr
que sa volonté propre, se déguisant sous le
vêtement de la volonté divine, n'intervient pas
dans la bataille, Mais quand le devoir est impératif
et que c'est Dieu qui ordonne, aller de l'avant sans
hésiter, dans un esprit de douceur, de pardon, de
désintéressement complet. La flamme qui
brûle doit être pure et s'élever vers le
ciel. C'est la flamme de l'amour.
Il en est de même dans le monde. Les
chevaliers de Dieu sont appelés au combat. lis sont
aussi appelés à souffrir. lis ne doivent pas
courber la tête devant les manifestations de
Satan. C'est l'épée de
l'Esprit qui a mené toutes les grandes batailles
contre les diverses formes du mal : alcoolisme,
immoralité, haine de race, mensonge, amour de
l'argent, etc... Et Il y a toujours eu des blessés
parmi les grands héros chrétiens. Mais que
leur importe!
« Acceptez d'être mal jugée,
rejetée, déshéritée,
calomniée. Acceptez tout pour l'amour de
Jésus-Christ. Et vous deviendrez une femme puissante
et utile au Royaume de Dieu », écrivait la noble
Blanche Peyron à une de ses filles
spirituelles!
« Si le monde est doux pour toi, pense que
Jésus-Christ est plus doux encore. Si le monde est
amer à ton égard, console-toi; le Christ a
supporté pour toi toutes les amertumes. » (Saint
Augustin.)
.
À PROPOS DE
CATASTROPHES
LUC, XIII, 1 à 9.
Une catastrophe qui bouleverse les esprits autour de
Jésus, un de ces faits divers douloureux dont tout le
monde parle. On le raconte au Maître; les juifs, en
général, croyaient (le livre de Job et
l'histoire de l'aveugle-né (Jean, IX) nous le
montrent) qu'un grand malheur était le
châtiment d'une faute particulière. Il est si
facile d'accuser son prochain, même en le
plaignant!
Jésus saisit cette occasion et celle d'un
autre incident tragique arrivé depuis peu (nous
n'avons pas de détails sur ces malheurs) pour faire
un appel direct et puissant à la conscience de ceux
qui l'écoutent et Il illustre sa pensée par
une parabole.
Il y a des paraboles de grâce : celles de
la brebis perdue, de l'enfant prodigue; mais dans celle du
figuier stérile, c'est une parole d'avertissement
sévère que nous entendons.
Le figuier est en Orient un arbre magnifique, un
des plus utiles et qui souvent donne ses fruits plusieurs
fois dans l'année. Celui-ci planté par le
Maître du jardin, reste stérile,
inutile malgré les soins de trois
années. Le peuple de Dieu, auquel depuis tant de
siècles l'Éternel a donné sa loi,
envoyé des prophètes, prodigué son
amour, a-t-il porté du fruit? Le temps de la patience
divine n'est-il pas pour lui terminé ?
Le temps de la patience divine... Comme les
Israélites à l'époque de Jésus,
nous sommes menacés de le voir prendre fin. Où
sont les fruits de paix, de joie, de douceur, de
bienveillance portés par ce monde créé
par amour et qui vit dans la haine? Ne mérite-t-il
pas de voir souffler sur lui le vent terrible de la
tempête qui peut l'emporter au loin et le
détruire ? « L'ire de la colère de Dieu
vient contre les rebelles », disaient les
Réformateurs.
Mais le divin jardinier fait entendre sa voix.
Son intercession s'élève vers le Dieu saint
qui est aussi le Père des miséricordes. Encore
cette année, un temps de répit!... Au nom du
Seigneur Jésus-Christ, ô notre Dieu, aie
pitié de nous, aie pitié de l'humanité
dont nous sommes et ne la détruis pas encore. Par ta
grâce le figuier stérile peut encore porter des
fruits! Père! c'est pour ta gloire que nous
t'implorons. Que ta volonté soit faite sur la terre
comme au ciel.
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ENCORE UNE
GUÉRISON
LUC, XIII, 10 à 17.
Ce récit nous rappelle le chapitre VI de Saint Luc
et la guérison de l'homme à la main
sèche, ainsi que les enseignements du Sauveur
à propos du sabbat.
Des mois se sont écoulés depuis
lors. Jésus a continué à exercer son
ministère errant; où se trouve-t-Il en ce
moment ? Est-ce en Judée, en Galilée ? Nous
l'ignorons, mais la puissance du Guérisseur est
restée la même et l'antagonisme des chefs du
peuple et des pharisiens contre Lui n'a fait que grandir. On
a l'impression qu'ils guettent le Sauveur, prêts
à le prendre en faute dès qu'ils croient la
chose possible, l'on voit petit à
petit s'approcher le moment où la
jalousie et l'envie, transformées en haine,
décréteront l'arrestation du Sauveur et
dresseront sa croix.
Dans la synagogue d'une des villes où
Jésus passe, un jour de sabbat. Tant qu'Il enseigne
devant l'auditoire attentif on ne Lui dit rien. Mais quand,
dans sa compassion toujours active, Il guérit une
pauvre femme, l'hostilité se déclare et une
fois de plus la discussion reprend entre le Maître et
ses adversaires.
Deux paroles nous frappent dans ce récit,
toutes les deux prononcées par Jésus. La
première, lapidaire, adressée à
l'infirme : « Tu es délivrée. » Le
Seigneur a rarement employé ce mot délivrance.
Il exprime pourtant merveilleusement son action
libératrice dans tous les domaines, et a pour nos
oreilles le son pur et argentin d'une cloche dans la
campagne. La délivrance! Les prophètes
l'avaient annoncée : « Bientôt celui qui
est courbé sous les fers sera délivré
», disait Esaïe. Zacharie l'a chantée au
seuil de l'Évangile, et Saint Paul, reprenant cette
idée et l'élargissant, nous montre la
création tout entière soupirant après
cette délivrance « de la servitude de la
corruption pour avoir part à la liberté
glorieuse des enfants de Dieu ».
Seigneur Jésus-Christ, tu es le vrai,
l'unique Libérateur du mal, du péché,
de la souffrance, de toutes les servitudes.
L'autre parole, contenue dans la réponse
de Jésus au chef de la synagogue, concerne encore la
femme malade. Il la nomme « cette fille d'Abraham
». Ainsi Il justifie tout d'abord par cela même
la sympathie qu'Il lui a témoignée. Ce qu'un
Israélite fait tout naturellement pour une part de
son bien, pour le boeuf ou l'âne qu'il emploie, ne
doit-il pas le faire pour quelqu'un de sa race et de sa
famille? Son Interlocuteur doit le comprendre. Mais il y a
là quelque chose de plus. Les adversaires de
Jésus se glorifiaient d'être les descendants
d'Abraham; le Maître le leur a plusieurs fois
reproché, ne trouvant pas dans leur esprit
l'héritage spirituel du grand ancêtre.
D'autre part, avec leurs préjugés
pharisaïques, Ils devaient doublement mépriser
la malade : c'était une femme, et, de plus, une
infirme « tenue dans les liens de Satan depuis dix.
huit ans », Mais le Sauveur, de son regard clairvoyant,
a lu dans cette âme. Il a
discerné en elle la foi, l'obéissance qui ont
fait d'Abraham le Père des croyants et font d'elle
son héritière, sa fille. Jésus par sa
parole, non seulement redresse la taille courbée,
mais encore Il donne à cette femme et à tant
d'autres filles du patriarche leur place dans l'Israël
nouveau, dans l'Église. Luc est le seul
évangéliste à raconter cet
épisode. Il aime une fois encore à mettre en
lumière l'attitude de Jésus envers les femmes
et cette compassion toujours prête à s'exercer
vis-à-vis de celles qui souffraient.
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DEUX COURTES
PARABOLES
LUC, XIII, 18 à 28.
Deux images, deux tableaux, dont la précision et
le pittoresque devaient faire comprendre aux auditeurs de
Jésus les vérités profondes qu'Il leur
enseignait.
Le sénevé d'abord. Au bord de nos
chemins et dans nos champs nous rencontrons cette plante
commune à fleurs jaunes, de la famille des
crucifères et qui n'atteint pas un mètre (80
cm.) en France. En Orient, elle pousse bien davantage,
devient touffue comme un arbuste et les oiseaux peuvent
nicher dans ses branches. Sa semence est pourtant
très fine, presque imperceptible, comme celle de
l'ancolie par exemple.
Merveilleuse prophétie de l'histoire de
l'Église! La loi des petits commencements a
été une de celles qui ont constamment
réglé le développement du Royaume de
Dieu. Autour de Jésus, quand la foule s'est
dispersée, il reste une poignée de
fidèles. Au jour de la Pentecôte, ils
étaient encore en petit nombre dans la chambre haute,
et peu à peu la plante en grandissant a étendu
ses rameaux. Chaque communauté chrétienne a,
par le Saint-Esprit, fait la même expérience.
Le petit groupa réuni autour de Lydie, au bord de la
rivière, est devenu le belle Église de
Philippes, la joie et la couronne de l'apôtre Paul
Lui-même écrivait aux Corinthiens : «
Parmi vous qui êtes appelés Il n'y a pas
beaucoup de sages selon la chair ni
beaucoup de nobles. » Ainsi la prédication de
l'Évangile s'est répandue peu à peu en
Europe.
Au temps de la Réforme, en 1509,
Lefèvre d'Étaples expliquait
l'épître aux Romains à
Saint-Germain-des-Prés. Appelé à Meaux
par Briçonnet, il évangélisa quelques
pauvres tisserands qu'on appelait « Bibliens ».
C'est l'humble berceau de l'Église
réformée de France. L'histoire des Missions
continue de notre temps cette épopée.
Nous-mêmes, quand Dieu nous a fait la grâce de
nous appeler à participer à son oeuvre,
n'avons-nous pas vu de très humbles commencements
grandir et se développer sous son influence ? «
Une chose faible, plus faible qu'un enfant, devient une
chose forte pourvu qu'elle soit une chose vraie », a
dit Carlyle. Le Saint-Esprit est grand bâtisseur des
cathédrales de Dieu.
Deuxième tableau. Une femme travaille la
pâte pour faire son pain. Elle sait bien que sans le
levain celle-ci reste lourde et indigeste. C'est lui qui la
fera lever, la transformera, la rendra excellente.
Déposé par le message de Jésus dans la
lourde pâte du monde, l'Esprit de l'Évangile
l'a aussi transformée. L'histoire de la civilisation
est là pour le certifier. Certes la puissance du mal
a battu en brèche cette influence purifiante et
sanctifiante; à certaines heures nous sommes
tentés de nier tout progrès et de dire comme
l'Écclésiaste : « Il n'y a rien de
nouveau sous le soleil; ce qui s'est fait, c'est ce qui se
fera encore. « Pourtant que de conquêtes de
l'amour dans le domaine social et charitable!
L'Évangile reste encore et toujours la puissance de
salut.
L'histoire des Missions est dans ce domaine une
magnifique illustration : au Lessouto par exemple, où
un siècle après l'arrivée du premier
missionnaire, la guerre entre tribus, l'esclavage,
l'oppression de la femme, le fétichisme avec ses
conséquences avaient presque entièrement
disparu; la race tout entière était
transformée par la prédication de
l'Évangile de Jésus-Christ!
Le Sauveur avait saisi cette
réalité de son Église, plante de
sénevé, levain du monde. Alors la
bénissant à l'avance pour tout ce qu'elle
serait en Lui, par Lui, pour Lui, Il lui décerne son
titre le plus glorieux et l'appelle « le Royaume de
Dieu».
.
LA QUESTION DOULOUREUSE
LUC, XIII, 22 à 35.
Autour de ce Royaume de Dieu le monde demeure, et dans le
sein de l'Église même l'influence de ce monde
pénètre. La question posée à
Jésus sur le chemin de Jérusalem reste
tragique : « Seigneur, n'y a-t-il qu'un petit nombre de
gens qui soient sauvés? »
Saint Paul et après lui les Pères
de l'Église, Saint Augustin, Calvin et les
Réformateurs, Port-Royal avec Pascal, les grandes
âmes du catholicisme et les théologiens actuels
ont essayé de donne des réponses diverses.
C'est un des points d'interrogation douloureux qui se posent
à la conscience des croyants et qui par des
interprétations opposées les séparent
entre eux.
Remarquons qu'ici encore Jésus, selon son
habitude, n'a pas donné une réponse directe
à la question, mais a ramené ses auditeurs sur
le terrain pratique de la vie et non de la
spéculation. « Efforcez-vous d'entrer par la
porte étroite », par ce chemin difficile de
l'obéissance et de l'abandon complet à la
volonté de Dieu. Calvin commence ainsi ce passage :
« Quand Il dit qu'on tasche ou qu'on s'efforce, Il
donne à entendre qu'on ne peut parvenir à la
vie éternelle sans de grandes et merveilleuses
difficultés. Que les fidèles emploient tout
leur soin et leur diligence à ceci plutôt que
d'être par trop curieux de la grande troupe de ceux
qui s'égarent hors du chemin. »
Le Sauveur sait qu'il n'y a pas que de la
curiosité dans la question douloureuse; loin de
là. Il y a l'angoisse de la perdition des âmes,
le désir intense du salut pour tous, la tristesse de
penser à ceux qui sont dans les
ténèbres. Aussi Jésus joint à
son exhortation la promesse : « Il en viendra de
l'Orient et de l'Occident, du Nord et du Midi, qui se
mettront à table dans le Royaume de Dieu.
»
Fions-nous à Dieu et saluons la
bienheureuse espérance...
Dans la maison du Père, Lui seul peut
compter ceux qu'il accueillera. Nous ne pouvons que
travailler, prier et nous réjouir comme les anges du
ciel de ce que les noirs et les jaunes, les enfants
prodigues et les femmes perdues s'assoiront au banquet des
noces de l'Agneau.
- Jour de délivrance
- Longtemps attendu.
- Jour où la souffrance
- Aura disparu.
- 0 jour salutaire
- Où Dieu régnera,
- Notre âme t'espère,
- Notre oeil te verra.
Et les Juifs ? Ceux qui, groupés en ce moment
même sur le chemin de Jérusalem, entourent le
Maître ? La pensée de Jésus est
ramenée vers eux par le conseil d'un Pharisien lui
annonçant qu'Hérode veut le faire mourir. Le
Seigneur se tourne vers la ville dont on veut
l'éloigner. Plusieurs fois Il l'a visitée en
lui apportant le message du salut. Demain elle va le
repousser encore, comme elle l'a fait pour les
prophètes qui l'ont précédé.
« J'ai voulu rassembler tes enfants comme une poule
rassemble sa couvée sous ses ailes, et vous ne l'avez
pas voulu! » Quelle tendresse, quelle douleur dans ces
paroles, et pour nous quel nouveau sujet d'intercession que
ce peuple de Dieu persécuté à travers
les siècles et qui ignore encore son Sauveur... Mais
Il le connaîtra et alors la fin viendra.
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À PROPOS DES
REPAS
LUC, XIV, 1 à 24.
Il est question de repas tout au long de ce passage.
D'abord Jésus est Invité chez un Pharisien
d'importance (peut-être un membre du
sanhédrin). C'est pour le Seigneur l'occasion
d'une guérison; puis il donne aux
invités une leçon d'humilité et
à l'hôte une leçon de
générosité. Enfin, à table
même, raconte à ses auditeurs la parabole du
grand festin.
« Soit que vous mangiez, soit que vous
buviez, soit que vous fassiez quelque autre chose, faites
tout pour la gloire de Dieu », dit Saint Paul. Le
Sauveur a en tout temps et tout lieu rempli ce programme. Ce
geste de manger avec d'autres, si banal en apparence,
parfois si grossier même, est pour Lui une occasion
magistrale de faire connaître à ceux qui
l'entourent la volonté de Dieu.
Il s'est assis à la table de Lévi,
le péager méprisé. Avec la même
simplicité, Il pénètre dans la demeure
aristocratique de ce pharisien, ouverte un jour de sabbat.
Probablement dès l'entrée, Il guérit
l'hydropique et montre aux docteurs de la loi combien leur
enseignement sur l'observation du jour de repos manque de
justice et de charité.
Mais voici Jésus entrant dans la salle du
banquet. Une foule d'amis de l'hôte s'y presse et
cherche égoïstement, comme toute foule humaine,
à s'emparer des meilleures places. Le Sauveur la
contemple et au delà de la maison dans laquelle Il se
trouve, Il voit le monde où constamment les faibles
risquent d'être écrasés par les forts,
où chacun ne pensant qu'à soi, essaie de se
débrouiller, de parvenir, où règne trop
souvent ce qu'on a appelé « la foire d'empoigne
». En sera-t-il de même parmi ses disciples ?
Chercheront-ils à s'élever devant les hommes,
à se mettre en avant? Le point d'interrogation est
posé devant nos consciences.
L'égoïsme prend bien des formes et
peut se draper même dans le manteau de
l'hospitalité. « Quand tu donnes un dîner
ou un souper, n'invite pas tes frères, ni tes amis,
ni tes parents ni des voisins riches. » Maître!
toi qui t'es assis au foyer de Marthe et de Marie, nous
interdirais-tu la douceur de recevoir sous notre toit ceux
que nous aimons ? Non. Jésus ne voulait pas nous
enlever cette joie; mais ce qu'il enseigne ici à ses
auditeurs, c'est le désintéressement dans
l'amour, le don sans pensée de récompense, le
bonheur d'ouvrir sa maison et son coeur largement,
librement, sans préjugé, à tous ceux
qui en ont besoin!
« Exercez l'hospitalité, dit l'auteur
de l'épître aux Hébreux, c'est en la
pratiquant que quelques-uns ont logé des anges.
sans-le savoir. » Elle était bien
évangélique cette coutume de l'ancienne France
qui réservait à la table familiale la place du
pauvre.
La pensée d'un des assistants
s'élève alors jusqu'à la maison du
Père et sa question donne à Jésus
l'occasion de répondre par une parabole, celle du
grand festin. Elle est destinée certainement d'abord
au peuple juif, que Dieu n'a cessé depuis des
siècles de convier au grand repas de sa
miséricorde et de son amour. Israël a
trouvé toujours des excuses pour se dérober
à cette Invitation. Le temps est venu où les
serviteurs du Maître iront au-dehors « dans les
chemins, le long des haies », appeler les aveugles et
les boiteux, ceux qui ne sont pas d'Israël mais, qui
auront leur place dans le Royaume de Dieu.
L'Église de Jésus-Christ est
maintenant l'héritière du peuple de Dieu. Elle
est conviée au grand repas dans la maison du
Père. Les invitations sont adressées
individuellement et c'est individuellement que les
réponses doivent venir; aucune excuse ne peut
être acceptée. Chrétiens! attention.
Mais ici le privilège est double. Appelés par
Dieu, les serviteurs trouveront leur grande joie à
aller de sa part convier, au près et au loin, tous
ceux avec qui ils entreront dans la maison du Père.
Au jour bienheureux, elle sera remplie de tous ses enfants.
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SUIVRE
JÉSUS
LUC, XIV, 25 à 35.
De nouveau de grandes foules marchent derrière
Jésus. Probablement elles appellent cela le suivre.
Mais Lui connaît l'inconstance, la fragilité
humaine. Une fois de plus, Il place devant ses auditeurs les
exigences de l'Évangile, en leur demandant par deux
paraboles successives de réfléchir et de
« calculer la dépense » avant de se
décider pour Lui. « L'enfer est
pavé de bonnes intentions »,
dit le proverbe, et nos résolutions sont aussi
nombreuses que les feuilles des arbres de la forêt,
mais emportées aussi facilement qu'elles par les
tourbillons de vent.
Le verset
26 a
fait verser des flots d'encre et dressé contre
l'Évangile bien des adversaires. (Matthieu le
rapporte sous une forme adoucie.) Faut-il pour être
disciple de Jésus renoncer à l'amour familial
et en venir à haïr tous les siens ?
Jésus ne dédaignait pas le paradoxe
pour exciter l'attention de ses auditeurs; Il parlait
à des Israélites chez lesquels
l'autorité paternelle était très forte,
parfois tyrannique. Il y a quelques années, j'ai vu
à Jérusalem un couple juif converti au
christianisme et ayant fait baptiser son enfant, être
pour cela rejeté et exclu de sa famille.
Ce que le Sauveur voulait souligner, c'est que
l'amour de Dieu et le service de Jésus-Christ doivent
passer avant tout dans la vie du chrétien; il y a des
situations tragiques où ceci demande un sacrifice
complet, déchirant, à celui ou celle qui veut
obéir; ou encore l'acceptation silencieuse et sereine
d'une épreuve constante.
« Haïr sa propre vie », «
porter sa croix », suivre, comme dit l'Imitation de
Jésus-Christ, « la voix royale de la Sainte
Croix » : c'est l'expérience d'un Saint Paul qui
pouvait dire aux Galates : « Dieu me garde de chercher
ma gloire ailleurs que dans la croix de notre Seigneur
Jésus-Christ, par qui le monde est crucifié
pour moi, comme moi je le suis pour le monde »; et plus
loin : « Je porte en mon corps les stigmates de
Jésus! » Notre grand Pascal écrivait
aussi : « je ne vous demande ni santé, ni
maladie, ni vie, ni mort... Donnez-moi, Ôtez-moi; mais
conformez ma volonté à la vôtre, et que
dans une soumission humble et parfaite, et dans une simple
confiance, je me dispose à recevoir les ordres de
votre providence éternelle et que j'adore
également tout ce qui vient de vous. »
La vole de la croix! lis y marchaient les
martyrs, les galériens pour la foi, les
prisonnières de la tour de Constance. Passer par ce
chemin abrupt et douloureux, le suivre jusqu'au bout, sans
se plaindre et sans faiblir, c'est être le sel de la
terre... Peut-être est-ce pour cela que si souvent le
sel a perdu sa saveur.
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