MÉDITATIONS EN MARGE DE L'ÉVANGILE SELON SAINT LUC
LE JUGE INIQUE
LUC, XVIII, 1 à B.
En avril 1916, dans un temps douloureux comme celui-ci,
le vénéré pasteur Charles Babut
commentait, pour son Église, le verset 3 de ce
passage : « Fais-moi justice de ma partie adverse.
» Suivons ce guide excellent dans notre
méditation d'aujourd'hui et résumons ses
enseignements.
« Fais-moi justice de ma partie adverse.
» Si c'est au juge que la plaignante s'adresse, ce
n'est pas lui qu'elle accuse. La réclamation n'est
pas précisément un murmure contre les voies
divines, une protestation de l'homme qui souffre contre les
décrets de la Providence. La veuve se plaint d'un
tort qu'elle subit, d'une injustice qui lui est
infligée par un homme. Elle sait que le juge a pour
mission de faire prévaloir le droit sur la force;
quel que soit le caractère personnel de ce magistrat,
elle est persuadée qu'il ne pourra pas à la
longue se dérober à son devoir! Jésus
se rend bien compte de l'opposition radicale qui existe
entre le caractère de Dieu et celui du juge inique.
Ce juge n'a nul souci du droit et n'éprouve aucune
sympathie pour la plaignante; Dieu est la justice même
et Il est plein de compassion pour ses enfants
opprimés et persécutés. Dieu ne se
fatigue jamais de nos prières. Il n'y répond
pas tout de suite. Il a pour cela des raisons dignes de sa
bonté et de sa sainteté. Il ne se hâte
pas de frapper et punir le méchant parce qu'Il veut
son salut et sa vie, et lui laisse le temps de se convertir.
Il ne se hâte pas non plus de délivrer le juste
parce qu'il faut que le juste apprenne à prier,
à attendre, à croire, à espérer.
Les délais de l'intervention de Dieu peuvent aussi
avoir d'autres raisons qui échappent à notre
ignorance et sont toujours dignes de sa sagesse!
« Cette justice qu'on réclame de Lui,
Il ne pourra l'accomplir et la manifester qu'à la fin
du monde, alors que Jésus-Christ reviendra pour juger
les vivants et les morts et pour assigner à toute
âme d'homme la place qui lui appartient. »
Ceci posé, le prédicateur montre
l'application de ces principes. Il parle d'abord des
événements de son temps et conclut en disant :
« Ce ne peut être la vraie et définitive
volonté de Dieu que la force l'emporte sur le droit,
le mépris des faibles sur la justice envers tous.
»
Puis il parle de la guerre en
général : « Dès aujourd'hui, de
toutes les âmes qui ont une étincelle de foi
devrait s'élever vers le ciel une supplication
ardente, Opiniâtre comme celle de la veuve, elle
devrait assiéger le trône du Très-Haut
jusqu'à ce qu'enfin le ciel s'ouvre et que la colombe
de la paix descende sur l'humanité consolée.
»
Enfin, dit M. Babut, le vrai nom de notre partie
adverse c'est le mal, c'est le péché.
Délivre-nous, ô Dieu, du mal que nous fait
l'ennemi, l'oppresseur, de ces affreuses mêlées
où coulent des torrents de sang. Délivre-nous
de ces vices tels que l'alcoolisme, l'immoralité,
l'amour de l'argent, l'esprit de faction, les haines de
parti. Délivre chacun de nous de sa partie adverse,
de l'Ennemi qu'il porte dans son sein et qui l'empêche
d'avoir communion avec toi et de se consacrer à ton
service et au service de ses frères.
0 Dieu, si J'ose maintenir mon droit en face des
hommes qui m'opprimèrent injustement, devant toi je
suis privé de tout droit et je n'espère qu'en
ta miséricorde; ton Fils bien-aimé a pris ma
cause en mains. Jésus-Christ a répondu
d'avance: « je vous le dis, Dieu vengera bientôt
ses élus », c'est-à-dire avant tout,
qu'Il achèvera de les sauver.
Il est vrai qu'ils ne peuvent être
sauvés que par la foi, et dans les derniers mots de
la parabole, Jésus-Christ demande (avec une sorte de
mélancolie qui nous émeut profondément)
si quand le Fils de l'homme viendra, Il trouvera de la foi
sur la terre. Ne voulez-vous pas vous joindre à moi
pour lui faire cette solennelle promesse : Oui, Seigneur,
à quelque moment que tu reviennes tu trouveras de la
foi, car nous sommes décidés à croire
en toi de toute notre âme, en dépit de toutes
les difficultés, de toutes les obscurités et
à persévérer dans le bon combat de la
foi jusqu'à l'entière victoire. » C.
Babut (Sermons prêchés pendant la guerre.)
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LE PHARISIEN ET LE
PÉAGER
LUC, XVIII, 9 à 14.
Ces deux prières sont aussi différentes que
la nuit l'est du jour. La première (peut-elle
même s'appeler une prière ?) est un monologue
où Dieu ne joue que le rôle d'un témoin
à qui l'on demande son approbation. Confiance en
soi-même, reconnaissance bouffie d'orgueil,
mépris à l'égard du « reste des
hommes » ces trois sentiments s'étaient... Comme
il ignore, ce pharisien, qui se croit si vertueux, ce qu'est
celui auquel il s'adresse.
La deuxième est le cri d'angoisse,
l'ardente supplication de l'âme qui a entrevu son
Indignité totale, sa misère complète,
à la clarté éblouissante de la
sainteté divine. Cette vision est
terrible!...
Ce n'est pas le remords ordinaire, la repentance
quotidienne, le regret de l'enfant de Dieu d'avoir
offensé son Père; ce n'est pas non plus la
certitude intellectuelle de notre péché, de
notre perdition sans Jésus-Christ. C'est tout cela,
mais c'est encore davantage. On peut avoir
répété durant des années avec
conviction : « Nous reconnaissons et nous confessons
que nous sommes de pauvres pécheurs, nés dans
la corruption, enclins au mal, Incapables par
nous-mêmes de faire le bien », sans avoir
été visité par cette aveuglante
lumière...
Quand elle est projetée sur un être
à une heure de sa vie (parfois c'est la
dernière) ses yeux s'ouvrent entièrement sur
l'abîme profond qui sépare la créature
pécheresse de son Créateur absolument saint et
juste. Devant la splendeur inaccessible, la majesté
de Dieu, cette créature tremble... Tout son
passé, même le meilleur, lui apparaît
comme une chose souillée; elle se voit nue,
misérable, impure, criminelle, et le désespoir
la saisit. « le suis comme le brigand sur la croix
», disait à son lit de mort une sainte fille,
fidèle servante de Jésus-Christ. J'ai vu une
admirable chrétienne que mon coeur
vénérait s'écrier au
seuil de l'éternité : « je suis une
grande pécheresse, Dieu m'accordera-t-il son pardon?
» Elle ne retrouva la paix que dans la certitude
répétée du salut en
Jésus-Christ. « J'ai pensé que j'y
croyais depuis longtemps; je n'avais jamais bien compris ce
que cela signifiait », dit-elle.
0 sainte croix, unique espérance! Le
péager qui ne te connaissait pas encore t'a saisie
par une inspiration de Dieu.
« Il s'en retourna justifié dans sa
maison. » Préserve-nous, Père, de la
sécurité, de l'orgueil spirituel, qui
endorment et nous cachent notre profonde misère.
LES PETITS
ENFANTS
LUC, XVIII, 15 à 17.
Au commencement des dures semaines qui
précèdent la Passion, un tableau exquis et
reposant.
« On présenta à Jésus
de petits enfants », dit Luc. Derrière cet
« on » nous aimons à nous figurer les
mères désirant que la
bénédiction du Sauveur reposât sur leurs
tout petits. Nous ne pouvons cette fois-ci comprendre ni
excuser les disciples qui les repoussaient. Il n'y a rien de
plus naturel ni de plus doux que de voir les âmes
toutes fraîches et neuves de nos enfants
s'épanouir à la lumière du Seigneur
Jésus comme les fleurs du matins humides de
rosée, sous la caresse du soleil.
Les petits enfants, leurs figures attentives,
leurs yeux confiants, leurs coeurs qui accueillent tout
simplement les récits de l'Évangile, leurs
voix fraîches s'essayant à chanter les
cantiques, les mains jointes, les têtes brunes ou
blondes s'inclinant dans la prière, quel spectacle
charmant! Leur parler du Sauveur, tâcher de leur faire
connaître son amour et sentir sa présence,
c'est un ministère privilégié entre
tous, et de l'avoir exercé de longues années,
il reste au soir de la vie un précieux
souvenir.
Mais ces petits qu'on voudrait présenter
à Jésus, ils sont aussi
pour nous un enseignement, une parabole vivante. «
Quiconque ne recevra pas le royaume de Dieu comme un petit
enfant n'y entrera point. » Qu'est-ce que recevoir,
accueillir le royaume de Dieu comme un petit enfant
?
C'est en courbant le front qu'on se pose cette
question. Comment retrouver dans la vie adulte ses
expériences, ses déceptions, ses blessures,
son orgueil aussi, cette entière dépendance
des petits, cette foi ingénue dans ceux qui les
aiment, cette faiblesse qui se laisse guider et
protéger ? Le merveilleux est leur domaine. Ils y
croient simplement s'ils sont vraiment des enfants comme
ceux que Jésus prenait dans ses bras en Judée
et non des êtres déjà
déformés par l'influence pervertissante de
leur milieu.
Redevenir petit devant Dieu, recevoir sans
calcul, sans aucune prétention personnelle, comme un
cadeau gratuit, le don surnaturel et magnifique de Dieu;
savoir jusqu'au fond de sa conscience, qu'on ne
mérite rien, qu'on n'a rien choisi, rien
décidé par soi-même, que c'est Dieu seul
qui nous cherche et nous appelle; à genoux dans la
poussière accepter ce qu'il nous offre, 'C'est
redevenir petit avec toute la joie reconnaissante et humble
d'un enfant.
Être petit, c'est être heureux Rester
petit, c'est être sage.
.
LE JEUNE HOMME RICHE
LUC, XVIII, 18 à 27.
D'une tendresse particulière, Jésus aimait
les enfants. Il aimait aussi les jeunes, ceux dont
l'âme enthousiaste et droite saisit la vie qui est
devant eux, pour la faire utile et belle. Un d'entre eux
s'approche du Sauveur ce jour-là : sa jeunesse est
pure, fidèle aux commandements de Dieu, Il le dit
lui-même. Il est un « des principaux du pays
» et possède de grandes
richesses, L'existence s'ouvre pleine
devant lui. Pourtant insatisfaite des choses d'ici-bas, son
âme soupire après la vie éternelle,
C'est ce qui l'amène à Jésus. Il y a
contradiction, conflit dans ce coeur d'homme. Il est
solidement attaché à la terre et il soupire
après le ciel. Le Seigneur lui montrera-t-il comment
concilier les deux tendances ?
Jésus le regarda, « Il l'aima »,
nous disent Marc et Luc. Le Seigneur donne tout de suite la
preuve de cet amour en appelant le jeune homme au
renoncement total, à la vocation la plus haute :
« Va, vends tout ce que tu as. Puis viens et suis-moi.
Dépouille-toi de tout dès la première
heure. Tu seras marqué du sceau de mes élus,
de mes témoins. »
Appel magnifique et terrifiant à la fois.
Parce qu'il l'a entendu, Moïse Ira affronter le
Pharaon, Gédéon quittera sa paisible vie
d'agriculteur pour devenir le chef d'une bande de soldats;
Jérémie « est pris au collet par Dieu et
forcé de faire la chose au monde pour laquelle il se
sent le moins prêt »; Saul terrassé sur le
chemin de Damas, apprend trois jours après par
Ananias « tout ce qu'il doit souffrir pour le nom du
Seigneur ».
À travers l'histoire de l'Église
les martyrs, François d'Assise, Jeanne d'Arc, Calvin
abandonnant ses chères études pour suivre
Farel à Genève, tant d'autres encore connus et
inconnus ont fait la même expérience. Ils ont
obéi, accepté; le jeune homme riche a
reculé. « Il s'en alla tout triste parce qu'il
avait de grands biens. »
Jésus le voyant partir se tourna en
soupirant vers ses disciples. « Qu'il est difficile
à un riche d'entrer dans le royaume de Dieu! »
et employant la forme imagée d'un proverbe connu en
Orient pour montrer la force de sa pensée, le
Seigneur ajouta : « Il est plus facile à un
chameau de passer par le trou d'une aiguille qu'à un
riche d'entrer dans le royaume de Dieu. » Il faut pour
cela un miracle de la puissance de Dieu!
Pauvre jeune homme, tu as retrouvé ce
soir-là ta fortune, tes maisons, tes terres,
probablement la considération de tes concitoyens...
Mais tu es resté malheureux, découragé,
déçu; le regard du Sauveur a été
posé sur toi avec tendresse et tu n'as pas voulu
comprendre ton privilège immense; tu n'as pas
saisi le trésor sans prix qui
t'était offert. Il t'est resté au coeur la
nostalgie de cette vie haute à laquelle tu avais
été appelé. À tous les biens
d'ici-bas tu as dû trouver un goût de cendre!
Es-tu mort dans le désespoir ou es-tu revenu un jour
aux pieds du Sauveur?
Heureux les jeunes entendant la voix pressante du
Maître à la croisée des chemins, et qui,
sans hésiter, dans le dépouillement total et
la soumission entière, répondent : « Me
voici, Seigneur, pour faire ta volonté. »
.
ENTRETIENS DE JESUS AVEC
SES DISCIPLES
LUC, XVIII : 28 à 34.
Le jeune homme est parti. Les disciples groupés
autour de leur Maître ont assisté en silence
à cette scène, Ils ont compris la tristesse du
Sauveur et peut-être veulent-ils le consoler de sa
déception par le souvenir de leur propre
fidélité. Pierre, généralement
le premier à parler, dit alors : « Pour nous,
nous avons tout quitté et nous t'avons
suivi.»
« Quelle étonnante audace! »
s'écrie Saint Jérôme. Pierre
était un pécheur, il n'était point
riche; il gagnait sa subsistance à la force du
poignet et par l'exercice de son métier, et pourtant
il parle avec confiance : « Nous avons tout
abandonné. » Et comme ne suffit il ajoute, ce
qui est parfait :
« Nous nous sommes mis à ta suite.
»
Oui, cette poignée d'hommes
dévoués avaient quitté leurs foyers,
leurs métiers, leurs villes ou leurs villages et
depuis de longs mois, jour après jour, d'étape
en étape, ils partageaient la vie errante de
Jésus. « Nous t'avons suivi, nous te suivons.
» Quelle douceur, quelle force dans ces simples
paroles! Aussi c'est sur eux que repose maintenant le regard
plein de tendresse du Sauveur. Ils sont là ces
quelques-uns, bien faibles, avec leurs défauts que
Jésus connaît, leurs Incompréhensions,
leurs lâchetés, et après eux, Il
discerne tous ceux qui du même élan et avec la
même bonne volonté feront,
pour le suivre, Lui, le Seigneur, et par sa grâce, le
sacrifice de laisser famille et patrie, les parents qui
vieillissent, les enfants qui grandissent, la maison
où l'on voudrait vivre, parfois le mari ou la femme
que l'on aime.
Certes la bénédiction de Dieu
répond à leur amour et à leur foi;
s'ils cherchaient la vie éternelle, comme le jeune
homme riche, elle leur apparaîtra au bout du sentier,
non comme une récompense, mais comme un don
précieux du Père. Dès ici-bas
d'ailleurs, ils ne seront pas seuls, Il l'a promis. Hudson
Taylor, le créateur de la Mission intérieure
de la Chine (China Inland Mission) ayant dû envoyer en
Angleterre les aînés de ses enfants, voyant
mourir sa jeune femme et ses plus petits, seul, au milieu de
grandes difficultés et de soucis sans nombre,
écrivait : « Jour après jour, heure
après heure, Jésus tire de sa plénitude
de quoi apaiser la soif de mon coeur, quand le suis le plus
désolé. Dieu seul sait ce que l'absence de
Marie est pour moi. Mais si le vide était moins
grand, le connaîtrais moins la puissance de Dieu et le
réconfort de son amour. Aucun langage ne peut
exprimer ce qu'Il a été et est pour moi.
jamais Il ne me quitte. Il me donne sa propre paix, sa
propre joie. »
Et ce n'est pas tout. Le long du chemin, pour le
pèlerin solitaire, des frères et des soeurs se
lèvent et lui tendent la main. Pour ceux qui ont tout
quitté pour Dieu, la communion des saints devient une
précieuse réalité, un secours de chaque
jour. Demandons-le aux missionnaires, ils nous le diront
avec reconnaissance et émotion.
Est-ce dans le même entretien que
Jésus prenant à part les douze chercha
à leur expliquer une fois de plus ce qui l'attendait
dans Jérusalem dont chaque journée de marche
le rapprochait. Plus encore que sur le chemin de
Césarée et s'appuyant sur l'Ancien Testament,
il leur parla, en termes précis et clairs, de la mort
au-devant de laquelle Il allait. Hélas même
ceux-là qui entre tous l'aimaient, ne le comprirent
pas.
Quand Luc, écrivant son évangile,
le constatait douloureusement, son coeur devait
déborder de souffrance et de regret comme celui de
Pascal : «Jésus est seul dans la terre, non
seulement qui ressente et partage sa peine mais qui la
sache. »
Cette solitude d'âme du Sauveur, au seuil
de sa passion, cette souffrance insondable qu'Il portait
jour après jour avec Lui, au milieu des siens et des
acclamations de la foule, cette croix ignominieuse qui
l'attendait dans la ville sainte de son peuple, y
songeons-nous assez ? Nous avons essayé de le suivre,
dans les matins lumineux, au bord du lac... Le soir descend,
le crépuscule vient. Maître, fais-nous la
grâce de ne pas te délaisser dans ces heures
douloureuses et de rester avec toi jusqu'au bout.
.
À
JÉRICHO
LUC, XIX, 1 à 11.
Jésus continuait son chemin vers Jérusalem.
L'Évangile selon Saint Jean nous raconte le voyage
qu'il fit à Béthanie appelé par Marthe
et Marie auprès de Lazare. Après la
résurrection, de celui-ci Il retourna à
Ephraim (Jean Xi, 54) où Il séjourna jusqu'au
moment où la Pâque approchait. C'est
probablement de là qu'il se dirigea vers
Jéricho où se réunissaient les
caravanes montant à Jérusalem pour les
fêtes.
Jéricho était une belle ville au
sein d'une verdure luxuriante qui contrastait avec le
voisinage désertique de la Mer Morte et les montagnes
arides entourant Jérusalem.
Est-ce à l'entrée ou à la
sortie de la cité que le Sauveur guérit
l'aveugle dont Marc nous donne le nom (Bartimée, fils
de Timée) ? Les évangélistes ne sont
pas d'accord là-dessus. Peu importe. La foule
passait, bruyante, affairée; le pauvre aveugle, au
bord du chemin, interpella le Sauveur par ce nom de «
Fils de David » qui lui avait jusqu'alors
été donné rarement.
Quand Jésus, malgré ceux qui
voulaient faire taire Bartimée, s'arrête et le
fait chercher, le dialogue est court mais incisif : «
Que veux-tu que je te fasse ? - Seigneur, que je recouvre la
vue. » La puissance de guérison répond
à la foi de l'aveugle. « Il suivit Jésus
glorifiant Dieu. Tout le peuple voyant cela
rendit gloire à Dieu. » Un
souffle d'allégresse passe sur la foule, elle sent
que Dieu est là. Elle chante sa grandeur.
Un homme de petite taille juché sur un
sycomore regarde ce qui se passe. C'est Zachée, le
chef des douanes, fonctionnaire Important dans cette ville
commerçante. Il se sait jalousé pour sa
richesse, peut-être méprisé comme tous
les péagers aux ordres de l'autorité romaine.
Il n'a pas craint les plaisanteries des gamins, Un grand
désir de voir Jésus l'étreint.
L'impression est si sérieuse que le respect humain
disparaît. Il a essayé honnêtement de
réparer les torts qu'il a pu faire et donne aux
pauvres la moitié de ses biens. Mais il a soif
d'autre chose, aussi quel honneur, quelle joie pour lui.
Dans la grande ville affairée, c'est sous son toit
que le Maître va demeurer et, répondant aux
murmures de la foule, Jésus dit expressément :
« Aujourd'hui le salut est entré dans cette
maison car celui-ci est aussi un fils d'Abraham. » Fils
d'Abraham par l'élection de Dieu, fils d'Abraham par
la droiture du caractère, par la foi. Jésus
ajoute : « Le Fils de l'homme est venu chercher et
sauver ce qui était perdu, »
C'est là le centre de son message et nul
ne l'a mieux mis en lumière que Saint Luc.
L'Église a-t-elle saisi ce message dans
son intégrité ? N'est-elle parfois
tentée de le restreindre, de l'amoindrir et de ne pas
voir le geste du Sauveur se penchant sur tous les perdus,
même sur ceux qui s'obstinent dans le mal. A-t-on
parfois le devoir de secouer la poussière de ses
souliers sur ceux qui ne veulent pas recevoir le message ou
doit-on sans cesse lutter et persévérer ?
Où est la vérité entière telle
que la conçoit la miséricorde de Dieu ?
Seigneur, aide-nous dans notre Incrédulité et
pardonne-nous la faiblesse de notre foi et de notre amour.
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