MÉDITATIONS EN MARGE DE L'ÉVANGILE SELON SAINT LUC
LA PARABOLE DES
MINES
LUC,
XIX : 11 à 28.
Dans l'hospitalière maison de Zachée,
autour du Meure, les disciples sont groupés. lis
songent à cette montée vers Jérusalem
qui reste pour eux, malgré les avertissements de
Jésus, une marche vers le triomphe. Le Fils de
l'homme est venu chercher et sauver ce qui était
perdu, n'est-ce pas son peuple d'Israël qui a besoin
d'être délivré de la main de
l'oppresseur? Israélites patriotes mais aveugles, qui
désirent la restauration de leurs pays et voient en
Jésus un Sauveur humain. Comme nous comprenons leur
erreur que si souvent nous partageons!
Alors le Seigneur dit à ses auditeurs la
parabole des mines. On l'a comparée souvent à
celle des talents.
(Matthieu, XXV, 14 à 39.) Elle est
pourtant différente tant dans le récit que
dans l'application. Il est ici question non d'un
propriétaire particulier mais d'un homme
appelé à revêtir l'autorité
royale (le fait venait de se produire pour
Achélaüs au temps de Jésus). il ne confie
pas ses biens à ses serviteurs par insouciance, mais
plutôt pour discerner leur fidélité et
leur aptitude à l'aider dans sa tâche de
gouvernement. Au lieu de donner à l'un dix talents,
à l'autre cinq, au troisième un seul, il
remettra à chacun des dix serviteurs une mine (la
mine était la soixantième partie du talent et
valait 90 fr. or). Pendant l'absence du chef, il y a
rébellion dans son pays et à son retour c'est
le jugement.
Ceci met en lumière l'enseignement que
Jésus a voulu tirer de cette parabole. Elle doit nous
préparer à son retour, à son
avènement. Les disciples croyaient toucher à
la fin, à l'établissement de son royaume. Ils
auront à travailler, à peiner, à
souffrir avant de voir ce jour merveilleux se lever sur la
terre, La mine qu'ils ont reçue, c'est le message
divin du salut qu'ils doivent annoncer. En apparence, le
Maître est loin, son retour se fait attendre, son
règne est combattu, « Ce n'est pas une
petite tentation de voir le royaume de
Dieu dissipé par la trahison et la rébellion
de plusieurs. » (Calvin.)
Le serviteur cédera-t-il à la
tentation; sans nouvelles de son Seigneur perdra-t-il
courage et laissera-t-il Improductif le trésor qui
lui a été confié et qui peut devenir
pour d'autres encore que pour lui-même, si Dieu veut
bien se servir de son travail : « justice,
sanctification et rédemption » ?
Quand le Saint-Esprit eut été
donné aux apôtres, ils comprirent la
suprême leçon de cette parabole. « Le jour
du Seigneur viendra comme un voleur », dit Saint Pierre
et il ajoute : « Quels ne devez-vous pas être par
la sainteté de votre conduite et par la
piété, attendant et hâtant
l'avènement du jour de Dieu. » « Soyez
patients, affermissez vos coeurs. L'avènement du
Seigneur est proche », écrivait Saint Jacques,
et Saint Jean termine l'Apocalypse par ces mots : «
Celui qui atteste ces choses dit : « Oui je viens
bientôt. Amen! » Viens, Seigneur Jésus.
Que la grâce du Seigneur Jésus soit avec vous.
» lis attendaient tous le retour du Seigneur.
Bon courage, serviteurs d'aujourd'hui. Le chemin
est rude et long, mais à travers tous les obstacles,
le Maître vient et celui qui s'attend à lui ne
sera point confus.
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LE JOUR DES
RAMEAUX
LUC, XIX, 28 à 48.
Un jour lumineux de printemps qui met sur cette aride
Judée tout l'éclat de sa lumière. Le
chemin rocailleux qui, après Béthanie, quitte
Bethphagé, monte jusqu'au sommet de la colline,
redescend ensuite, à travers les champs d'oliviers,
jusqu'à la vallée du Cédron, Il nous
semble voir là au pas paisible de cet âne, que
son maître a laissé partir avec les disciples,
notre Seigneur, entouré de l'enthousiasme populaire.
Accomplissant les prophéties, Il l'accepte en ce
moment. Les palmes se balancent dans l'air pur du matin; les
versets de Psaumes chantés par la
foule réveillent les échos. Il y a autour de
Jésus les galiléens fidèles qui forment
son cortège habituel, puis des habitants des
bourgades traversées ou venus de la ville à
son avance, Quand les pharisiens se scandalisent de cette
effervescence joyeuse, le Sauveur répond : «
S'ils se taisent, les pierres même crieront. »
Aujourd'hui Israël reçoit son Messie, le Roi
annoncé depuis tant de siècles, le Saint de
Dieu qui vient à lui. Béni soit celui qui
vient au nom du Seigneur! Heure merveilleuse, heure divine,
pourrait-on penser!
Hélas! c'était bien malgré
l'apparence, une heure humaine, une de ces heures qui fuient
rapidement et sont suivies d'autres bien différentes.
Jésus contemplant les figures heureuses, empreintes
de vénération, qui l'entouraient, eut
peut-être un mouvement de joie. Mais il savait
pourtant ce qui l'attendait dans Jérusalem, Du haut
de la colline, Il regardait le temple, la Tour Antonia, les
toits pressés de la ville, Il pensait à elle
la cité de David, la cité sainte, centre des
traditions religieuses de son peuple. Il l'aimait. Nos
pauvres coeurs de pécheurs savent bien saigner des
malheurs de leur patrie; de quelle souffrance, le coeur du
Saint et du juste devait-il être
déchiré! Il avait apporté à
Jérusalem son message de paix et d'amour et
Jérusalem allait le rejeter. « Si tu avais connu
toi aussi, au moins en ce jour qui t'appartient ce qui
pourrait te donner la paix. Mais maintenant ces choses sont
cachées à tes yeux. »
« En ce jour qui t'appartient! » Le
royaume de Dieu s'approchait, le Roi, le Sauveur
était là et Jérusalem regardait
méprisante le modeste cortège qui suivait
Jésus; Jérusalem continuait sa vie
ordinaire... Autour du temple se dressaient les tables des
changeurs et des marchands, comme en une vraie foire dont
les abords du Saint Sépulcre donnaient encore ces
dernières années une idée; les
Pharisiens, l'air important, promenaient leurs longues robes
et leurs phylactères, les gens discutaient, allaient
et venaient, faisaient leurs affaires jusqu'au sein du
sanctuaire. Demain serait terrible, mais aujourd'hui le
salut était là tout proche et ils n'en
voulaient pas; ils laissaient l'heure divine devenir heure
humaine et s'enfuir pour toujours.
Les larmes de Jésus sur Jérusalem,
sa sainte indignation dans le temple,
nous les comprenons aujourd'hui mieux que nous ne le
faisions jadis. Nous aussi nous avons pleuré et
tremblé de tristesse et de regret devant les malheurs
et la déchéance, de notre patrie, nous aussi
nous aurions voulu chasser hors du lieu-saint les menteurs,
les profiteurs... Nous savons encore gémir et nous
Indigner; savons-nous reconnaître dans l'Église
et dans nos âmes, l'heure de Dieu quand elle sonne
pour nous, nous humilier et accueillir notre Roi venant
à nous sur sa modeste monture ?
Ce soir-là, à Jérusalem, le
peuple était, en écoutant Jésus, «
suspendu à ses lèvres ». Oh!
écouter ainsi, avant qu'il ne soit trop tard, la
parole du Seigneur, en entendant sa voix se prosterner dans
le repentir et lui rester fidèle aux heures
difficiles, aux jours de lutte et de tentation, n'est-ce pas
la grâce que nous lui demanderons ?
.
LA PARABOLE DES
VIGNERONS
LUC, XX : 1 à 19.
« Un de ces jours-là ». C'est un de ceux
de cette douloureuse semaine, la dernière que
Jésus passe ici-bas, avant sa mort. Si
l'évangéliste Jean nous a tout
spécialement conservé l'écho des
entretiens ultimes du Sauveur avec ses disciples, Luc nous
apporte son enseignement public. Autour de Lui,
l'opposition, l'antagonisme des chefs du peuple, des
scribes, des prêtres se sont ramassés,
condensés, disciplinés. lis essaient de
combattre son influence et demain soulèveront la
foule contre Lui. Jésus le sait, mais, jusqu'au bout
fidèle à sa mission, envoyé comme Il
l'a dit à la Cananéenne « d'abord aux
brebis perdues de la maison d'Israël », Il tente
auprès de son peuple un suprême effort. De cet
effort, la parabole des vignerons est, un écho
fidèle.
Depuis longtemps, les prophètes avaient
comparé le peuple de Dieu à une vigne. «
je t'avais plantée comme une vigne
excellente et du meilleur plant »,
disait Jérémie. « Chantez un cantique sur
la vigne », dit Esaïe. « Moi l'Éternel
J'en suis le gardien, le l'arrose à chaque instant
», et encore : « Mon bien-aimé avait une
vigne sur un coteau fertile. Il en remua le sol et les
pierres, y mit un plant délicieux. Il bâtit une
tour au milieu d'elle et il creusa une cuve. Puis il
espéra qu'elle produirait de bons fruits. » Il
ajoute plus loin : « La vigne de l'Éternel des
armées, c'est la maison d'Israël et les hommes
de Juda, le plant qu'il chérissait. »
Osée se sert du même thème en disant :
« Israël était une vigne féconde qui
rendait beaucoup de fruits. »
Jésus, reprenant cette image, devait ainsi
être facilement compris de ses auditeurs, surtout de
ces docteurs de la loi qui venaient de mettre en doute son
autorité et auxquels Il avait répondu avec une
si éclatante logique et une telle maîtrise de
Lui-même. Ils savent bien qu'ils sont directement
visés. Vignerons de la vigne de l'Éternel, ils
ont rejeté et persécuté les
prophètes, vont-ils recevoir le Fils et l'accepter
comme l'envoyé de Dieu ? L'heure est grave et
solennelle. C'est celle d'un dernier appel. Une fois encore,
Dieu se tourne vers ce peuple qu'il a choisi pour être
la lumière des nations et Il le le convie au
salut.
Jésus lit dans les coeurs fermés
qui l'entourent et, sévère, sa voix
s'élève : « Le maître du vignoble
viendra, fera périr ces vignerons et donnera la vigne
à d'autres. » Israël n'a pas cru en Celui
que Dieu a envoyé. Le royaume de Dieu est venu dans
son sein et il l'a rejeté. Désormais
l'Église de Jésus-Christ, celle des vrais
croyants, des fidèles disciples du Maître, sera
l'héritière de la vigne, jusqu'au jour
où le royaume de gloire s'établira, lors du
retour du Seigneur.
Les scribes, auditeurs de Jésus, tenaient
à leur héritage, aux privilèges
merveilleux donnés par l'Éternel à son
peuple. « A Dieu ne plaise! » s'écrient-il
quand Jésus leur parle du sort réservé
aux vignerons indignes. Le Sauveur se sert encore de
l'Écriture sainte pour leur répondre. Il leur
cite le
Psaume CXVIII v. 22 : « La pierre
rejetée par ceux qui bâtissaient est devenue la
principale pierre de l'angle. » « Il leur prouve
par ce Psaume qu'il doit être mis en son trône
royal par la vertu admirable de Dieu,
malgré les hommes. En somme l'autorité de Dieu
l'emportera toujours afin qu'Il (le Christ) soit la pierre
élue et précieuse qui soutient l'Église
de Dieu, son règne et son temple. »
(Calvin.)
Il n'y a rien de solide et qui demeure qui ne
soit bâti sur ce fondement-là.
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QUESTIONS DIFFICILES
LUC, XX : 20 à 44.
Après l'antagonisme déclaré, la
ruse, la perfidie. Les chefs des prêtres font
maintenant espionner le Sauveur et tâchent de le
prendre en faute. De faux disciples l'entourent de
flatteries et lui tendent des pièges, en lui posant
des questions délicates. Essayons avec nos
expériences actuelles de nous représenter la
scène. Depuis près d'un siècle les
Romains régnaient en maîtres sur la Palestine
à qui ils avaient laissé pourtant une certaine
autonomie. Naturellement ils percevaient l'impôt. En
posant à Jésus la question Insidieuse : «
Nous est-il permis ou non de payer le tribut à
César ? » ses adversaires pensaient le prendre
en faute, soit en le dénonçant à
l'envahisseur comme rebelle à son autorité,
soit en le traitant de mauvais Israélite
infidèle à l'autorité de Dieu.
La réponse du Sauveur, à
première vue très habile, est en même
temps très profonde. Elle a toujours eu une grande
influence sur l'attitude des chrétiens en face de la
loi civile et politique et doit nous aider à
régler nos rapports avec l'État, comme avec
Dieu.
Les juifs avaient abdiqué leur
liberté; lis s'étaient soumis à
l'empire romain. Acceptant sa monnaie, le contrôle
qu'il exerçait sur leur administration, il
était naturel qu'ils payassent l'impôt. Mais
sujets de César dans le domaine qui était le
sien, ils restaient spirituellement libres dans leur
conscience éclairée par Dieu, Saint Paul, dans
le chapitre
XIII de l'épître aux
Romains, reviendra sur le devoir de
l'obéissance envers l'autorité civile
légalement constituée, mais à
condition, comme le dit Calvin, « que la puissance du
glaive, les lois et jugements n'empêchent point que le
service de Dieu ne demeure en son entier entre nous. »
« Notre sire Dieu premier servi », disait Jeanne
d'Arc.
Savoir obéir à l'autorité,
quand il le faut, même au prix d'un sacrifice,
même quand il en coûte à notre esprit
d'indépendance; mais mieux encore, quand notre
conscience et celle de notre prochain est violentée,
savoir résister sans crainte des hommes, de leurs
lois arbitraires ou injustes, savoir dire comme Pierre et
Jean au sanhédrin : « Mieux vaut obéir
à Dieu qu'aux hommes. » Voilà le devoir
chrétien.
Un autre piège. Ici ce n'est pas
l'autorité romaine qu'on dresse en face de
Jésus-Christ, mais la loi de Moïse. Aux
Pharisiens s'étaient joints leurs ennemis les
Sadducéens pour essayer de prendre en faute ce Rabbi
si écouté de la foule. Les Sadducéens
étaient les sceptiques de ce temps-là : ils
niaient toute résurrection, toute idée de
survivance après la mort. Que leur question devait
paraître étrange et grossière à
Celui qui est venu nous ouvrir « la maison du
Père, le siècle à venir », ce
temps où nous serons unis dans la paix et la
lumière pour célébrer les louanges du
Dieu d'amour!
Que sera cette résurrection ? Les
bien-aimés partis avant nous dorment-ils en
l'attendant ? Ou sont-ils déjà dans ce ciel de
Dieu, du Dieu vivant vers lequel nous désirons
marcher? Mystère, les théologiens discutent un
peu comme les scribes de jadis. Qu'il suffise à notre
foi de savoir que Dieu est le Dieu des vivants, que c'est
à Lui que nous remettons nos disparus. Un jour nous
serons tous près de Lui comme ses anges, «
voyant sa face », chantant sa gloire, par la
grâce de Jésus-Christ, notre Sauveur et notre
intercesseur. « Pour Dieu tous sont vivants », a
dit Jésus. « Maître, répondirent
quelques scribes, tu as bien parlé. »
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CONTRASTES
POIGNANTS
LUC, XX, v. 45 à
XXI, v : 38.
Jésus enseignait dans le temple. Toute cette
semaine, Il parait y avoir concentré sa vie de la
journée, se retirant seulement la nuit soit à
Béthanie soit sur la montagne des oliviers, dans ce
jardin que la tradition dit avoir appartenu à un
parent de sa mère.
Dans le temple, dans les parvis
extérieurs, la foule qui s'assemblait pour la
fête de Pâques allait et venait plus que jamais.
Une fois encore le Sauveur met en garde ses disciples contre
la piété hypocrite et ostentatoire des
scribes, en revanche, Il leur signale une humble veuve,
cachée dans l'ombre d'un piller, qui vient de glisser
dans le tronc des offrandes, « tout ce qu'elle avait
pour vivre », deux petites pièces de monnaie,
deux leptons, le quart d'un quadrant (le quadrant valait
environ deux centimes).
Cet acte, dans son humilité, dans son
obscurité, a réconforté le Sauveur. Lui
dont le regard discernait autour de Lui, dans les
consciences et les coeurs tant de bassesses, de
lâchetés, d'orgueil, de cupidité, de
haine, a eu de la douceur à voir l'amour de cette
femme, sa ferveur, son esprit de sacrifice. Elle a tout
donné, sans mesure, pleine de confiance et de
foi.
Jésus va, dans un tableau terrible,
évoquer tout ce qui doit venir : les tempêtes,
les guerres, les destructions. Un moment son âme se
repose sur ce qui demeure - « la charité ».
Bénie soit l'humble femme qui, dans ces jours
douloureux, donna cette joie au Sauveur.
Le temple se dressait sur la colline de Morija,
imposant, paraissant immuable sur ses fortes assises. De la
vallée du Cédron, les disciples allant vers la
ville le contemplaient, l'admiraient. Ils discutaient entre
eux sur la valeur architecturale des belles pierres ayant
servi à sa construction. Ce temple, c'était
pour eux quelque chose de solide, d'inébranlable, une
de ces magnifiques constructions humaines
en lesquelles nous mettons trop souvent notre orgueil et
notre sécurité.
Jésus parle.., L'Esprit prophétique
l'a saisi. Il annonce la destruction du temple,
Jérusalem envahie par les armées, toutes les
horreurs de la guerre, la dispersion d'Israël. Et
derrière ces malheurs, que la
génération de ceux qui l'entourent verra
presque accomplir, il y a toute la grande angoisse finale,
le monde ravagé, des catastrophes s'accumulant,
jusqu'au jour où le Fils de l'homme reviendra avec
puissance et avec une grande gloire.
Nous avons pu, jadis, lire ce chapitre avec une
profonde sympathie pour les juifs d'autrefois qui
marchaient, sans le comprendre, vers la fin de leur pays.
Aujourd'hui Il traduit pour nous une poignante
réalité. Nous avons vu une nation
s'élever contre une autre nation et un royaume contre
un autre royaume. Nous savons ce que sont les jours de
vengeance où l'on voit les habitants des villes fuir
vers les montagnes.
« Il est advenu qu'ayant rompu le lien de la
paix avec Dieu, les hommes sont venus à se
déchirer par la discorde qui élève les
uns contre les autres; ayant refusé de s'assujettir
sous la domination de Dieu, il a fallu qu'ils aient
été abaissés par la violence des
ennemis. N'ayant pas voulu souffrir d'être
réconciliés avec Dieu, ils ont
tempêté entre eux : bref, ayant quitté
et renoncé le salut céleste, ils ont rempli de
meurtres la terre, se brigandant les uns les autres. »
(Calvin.)
Ces paroles écrites au XVIe siècle
sont encore plus actuelles aujourd'hui et comme celles de la
Bible qui les a inspirées, elles demeurent quand les
institutions humaines s'effondrent. Demeurent encore,
demeurent aussi, plus éclatantes que le tableau des
tristesses à venir, la promesse et les
recommandations du Sauveur. Le Fils de l'homme reviendra;
toutes nos angoisses, toutes les catastrophes successives
n'empêchent pas sa venue. « Quand ces choses
arriveront, redressez-vous, levez la tête, votre
délivrance approche. » Délivrance du
péché, de la persécution, de la
souffrance.
Pour ce jour inconnu qui sera le jour du
Seigneur, de notre Seigneur, et qui viendra sur nous
à l'improviste, il nous faut veiller, ne pas laisser
les convoitises ou les soucis prendre
dans notre âme la place de cette
attente, demander à Dieu de nous tenir en état
de grâce devant Lui, tout supporter parce qu'en
Jésus-Christ la grande espérance est
permise... Nous sommes à Lui, veillons, soyons
vigilants.
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LA PRÉPARATION DE
LA PÂQUE
LUC, XXII, v, 1 à 29.
La fête de la Pâque était pour les
Israélites la grande fête familiale, nationale
et religieuse à la fois. Au temps du Sauveur, le
fête des pains sans levain (Matsoth) qui en
était jadis séparée, était
célébrée en même temps. Des
milliers de juifs (l'historien Josèphe dit même
des millions) dispersés en Asie et en Europe venaient
à Jérusalem pour ces jours-là. Le
souvenir de la sortie d'Égypte, de la grande
délivrance du peuple d'Israël, du salut et de la
miséricorde accordés par Dieu se mêlait
à la joie du printemps et des moissons futures.
L'agneau sans tache était offert dans le temple, mais
le repas pascal réunissait la famille ou les amis et
il est très caractéristique de la tendresse de
Jésus pour ses apôtres qu'il ait voulu
participer à cette Pâque avec eux et avec eux
seuls dans l'intimité de la chambre haute. Un
hâte hospitalier et que nous ignorons, les recevait
dans sa maison et c'est Pierre et Jean qui ont
préparé chez lui tout ce qui était
nécessaire pour cette dernière soirée.
« L'heure étant venue de passer de ce monde au
Père, Jésus qui avait aimé les siens
dans le monde les aima jusqu'à la fin », dit
l'évangéliste Saint Jean.
Hélas! judas est là parmi les
douze, Judas dont Saint Luc nous dit que Satan était
entré en lui; il venait de s'entendre avec les chefs
des prêtres pour leur livrer son Maître. Cette
présence du traître dans la douce
atmosphère de la chambre haute pose un des
problèmes douloureux du Nouveau Testament. Nous
connaissons d'après Jean (XII, 6), l'avarice de
judas. Elle ne suffit pas à expliquer son crime.
Probablement ambitieux mais patriote
sincère, aveugle, il avait cru voir en Jésus
le Libérateur de son peuple et l'avait suivi.
Déçu dans ses rêves de gloire
personnelle et nationale, le coeur fermé aux
pensées spirituelles, son admiration s'est
peut-être tournée en haine. Jésus
comprend la lutte de ce pauvre coeur tourmenté.
À cette heure Satan est vainqueur dans cette
âme et c'est pour le Sauveur une des amères et
multiples souffrances de son agonie.
judas assistait au repas. Était-il encore
là quand le Seigneur prenant une des coupes
appelées coupes de bénédiction,
institua la Sainte Cène ? Nous l'ignorons.
Détournons nos regards de celui qui va vendre son
maître et contemplons avec adoration la figure de
notre Sauveur.
La première Sainte Cène! Autour de
Jésus, les apôtres, leurs physionomies simples
et frustes, leur attention, leur émotion, le sens du
mystère qui les enveloppe; et Lui leur Maître,
leur Seigneur, le nôtre, le geste par lequel,
accomplissant le rite de la Pâque israélite, Il
fait la transposition de l'ancienne alliance à la
nouvelle. « Prenez et mangez, ceci est mon corps.
Buvez, ceci est mon sang. » Il est présent et Il
nous est présenté, Il donne et Il se donne.
Nous touchons Ici au saint des saints de la foi et de la vie
chrétienne. Les Scribes Israélites qui
copiaient les textes sacrés faisaient une ablution
purificatrice avant d'écrire le nom de
Jéhovah. Que Dieu Lui-même purifie les pauvres
plumes et les pauvres voix humaines qui, avec des mots
infirmes et vulgaires, essaient de balbutier quelque chose
de ce que le Père aux heures de grâce
révèle par Jésus-Christ à ceux
qu'Il aime.
La présence du Sauveur est spirituelle
mais réelle à cette table ou Il nous convie.
À travers la vie, elle nous accompagne mais elle nous
est ici plus proche, plus substantielle, plus vivante aussi.
Il est le Crucifié meurtri pour nous; Il est le
Ressuscité que nous saluons; Il est le Seigneur de
gloire que nos coeurs attendent. Il est là et
l'Église qui nous enveloppe de sa prière, le
proclame avec nous. Unis aux frères qui nous
entourent à ceux qui sont au loin, à ceux qui
nous ont quittés membres de la grande Église
universelle, groupée autour de son Chef, nous
chantons avec elle et avec les anges de Dieu, le cantique de
l'Agneau.
« Faites ceci en mémoire de moi.
» Seigneur Jésus, Toi qui as souffert et qui es
mort pour nous, nous nous prosternons devant Toi. Tu veux
bien nous accepter comme Tes serviteurs, Tes enfants, Tes
amis; Tu nous invites au banquet de ton amour, loué
sois-Tu!
Il y a plus encore, plus que cette
présence merveilleuse, éblouissante, il y a la
vie que Tu veux mettre en nous. « Ceci est mon corps
meurtri pour vous, ceci est mon sang répandu pour
vous. » Tu nous nourris de Toi-même, Tu veux
être en nous. Nous sommes là pauvres,
misérables et nus, jamais plus conscients de cette
pauvreté et de cette nudité que quand Tu nous
convies à ce repas sacré. Mais là, Tu
te donnes à nous et nous faisant participants du
mystère divin de ton sacrifice, Tu nous revêts
de la splendeur de Ta vie.
Un échelon encore. Cette mort pour nous,
cette vie en nous, Tu veux nous en faire les témoins
: « Chaque fois que vous mangez de ce pain et que vous
buvez de cette coupe, vous annoncez la mort du Sauveur
jusqu'à ce qu'Il vienne. », a dit Saint Paul.
Honneur suprême et suprême joie!
Seigneur Jésus pardonne-nous les
communions successives où indignes nous n'avons pu
que balbutier sur le seuil de l'ineffable, mais accepte
aussi notre reconnaissance profonde pour tout ce que Tu nous
as donné par elles, Reçois-nous souvent
à ta table et dans ton amour. « Mon âme
soupire après le Dieu vivant. Mon âme a faim et
soif de Toi. Amen. »
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DERNIERS
ENTRETIENS
LUC, XXII, v. 21 à 39.
La première partie de la conversation qui suit le
récit de la Sainte Cène chez Luc a
été placée par plusieurs
exégètes au commencement du repas pascal. Nous
imaginons en effet difficilement les apôtres posant
toutes ces questions après le moment
mystérieux de la communion. Saint Jean nous raconte
le lavement de pieds et il nous
paraît que la parole rapportée par Saint Luc :
« je suis parmi vous comme celui qui sert » se
rattache à cette scène et à la
leçon d'humilité que Jésus donne ainsi
à ses disciples. D'autre part, Il leur ouvre en
même temps les perspectives magnifiques de son
royaume.
En attendant, l'épreuve les guette et
Jésus se tourne spécialement vers Simon
Pierre. Satan qui s'est emparé du coeur de judas, qui
essaie de pénétrer dans l'intimité de
la chambre haute, va mener autour de l'apôtre un de
ses assauts terribles. Pierre est plein d'assurance en
lui-même, s'il a aussi une âme fervente et
passionnée. Il se croit plein de courage et proclame
son dévouement! Il suivra son Maître partout.
Pauvre Pierre! la nuit vient, avec ses terreurs et ses
pièges. Le Sauveur a prévu pour toi l'heure
douloureuse de l'abandon. S'Il te dit tristement : «
Avant que le coq ne chante le retour du jour tu m'auras
trois fois renié. » Il te laisse aussi cette
parole : « J'ai prié pour Toi afin que Ta foi ne
défaille point. » Te confiant tes amis, Il
ajoute : « Quand tu seras revenu, quand la victoire de
Dieu aura triomphé en toi de la tentation, affermis
tes frères. »
C'est vers tous ses disciples que Jésus se
tourne en quittant la chambre haute. Il sait que dans les
moments terribles qui vont suivre, ils fuiront loin de Lui.
Mais Il aime à repenser à leur appel, aux
jours de Galilée, au choix qu'Il a fait d'eux.
«Jusqu'à cette heure, Il les a
épargnés en ne les chargeant point plus que
leur portée; Il leur remémore ce doux et
gracieux traitement du temps passé afin qu'ils
s'apprêtent plus allégrement à une
condition de combattre plus rude et plus fâcheuse.
» (Calvin.)
Quittant la ville, Jésus se dirige avec
ses disciples vers la vallée du Cédron et le
jardin de Géthsémané,
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