HUDSON TAYLOR
CINQUIÈME PARTIE
SEPT MOIS AVEC
WILLIAMS BURNS
1855-1856
(de vingt-trois
à vingt-quatre ans)
CHAPITRE 27
Une source dans une terre aride
décembre 1855
Une source d'eau dans une terre aride. Une
amitié bénie dans laquelle Dieu se
manifeste à l'heure du besoin : telle fut
pour Hudson Taylor l'amitié de William
Burns.
Seul, déçu et
indécis, il avait vraiment besoin de
secours. Les difficultés auxquelles il se
heurtait comme missionnaire protestant, alors que
les prêtres catholiques jouissaient d'une
grande liberté, venaient entraver son oeuvre
d'une manière qu'il n'avait pas
prévue. Écrivant à cette
époque aux secrétaires de la
Société, il se demandait s'il ne
ferait pas mieux de partir pour l'intérieur,
en renonçant
délibérément à la
protection consulaire. Mais il voulait
premièrement leur avis et se sentir soutenu
par leurs prières.
Il m'est défendu de
séjourner dans l'île,
écrivait-il à M. Pearse; de plus,
j'apprends que si je voyage dans l'intérieur
en restant quelques jours ici et là, je
cours le risque d'avoir à payer une amende
de cinq cents dollars. J'ai donc
décidé de vous écrire pour
savoir si vous voudriez vous porter garants de
cette somme au cas où je serais
condamné. Seriez-vous d'accord que j'aille
évangéliser dans l'intérieur
sans me placer sous la protection du
Consul?
Malgré l'échec de
ma tentative d'établissement à
Tsungming, je suis très reconnaissant des
résultats qui ont été obtenus.
J'ai de bonnes raisons de croire que nos trois
convertis sont sincères et qu'il y a donc
là des résultats éternels. Que
Dieu veille sur eux et les bénisse ! Mais
combien cela me rend pénible l'abandon de
cette oeuvre ! Le propriétaire qui nous a
loué la maison et les amis qui nous ont
reçus seront sans doute
persécutés. Tout ce que je puis
faire, c'est de les remettre au Seigneur dans la
foi et la prière. « Il vaut mieux se
confier en l'Éternel que de se confier en
l'homme. Il vaut mieux se confier dans le Seigneur
que de mettre sa confiance dans les princes. »
Que Dieu nous accorde la grâce de ne pas
être confondus en ceci, car si des Chinois
qui ne sont pas convertis souffraient à
cause de nous, ce serait navrant.
Priez pour moi, priez pour moi !
J'ai un immense besoin de vos prières. D'un
côté, je ne veux pas fuir le danger,
ni, d'un autre côté,
semer le trouble, ou, par manque
de patience, préparer des difficultés
pour l'avenir. J'ai besoin de plus de grâce,
d'une mesure plus grande de l'esprit de mon
Maître, d'une plus entière soumission
à la volonté de Dieu, et aussi d'une
plus grande hardiesse. Ces mandarins sont pour la
plupart traîtres et cruels à
l'excès.
... Ce n'est pas une petite foi
qu'il me faudra pour aller parmi eux sans espoir de
protection, excepté celle de Celui à
qui « toute puissance » est
donnée. je sais que cela suffit.
Puissé-je vivre dans cet état de
grâce !
Hudson Taylor avait espéré
en appeler au ministre de Grande-Bretagne, Sir John
Bowring, dont la visite à Shanghaï
était attendue. Mais celui-ci n'arriva ni
à la date fixée, ni par le courrier
suivant. Cela lui donnait l'occasion de
réfléchir encore et de prier ; et,
pendant ce délai, il fut mis en contact avec
celui que Dieu avait préparé pour lui
venir en aide.
Le nom de William Burns était
très aimé en Écosse et
béni dans de nombreuses familles. Car on se
souvenait partout avec reconnaissance du
réveil de 1839. Le jeune
évangéliste d'alors qui avait
été de lieu en lieu avec une grande
puissance spirituelle et avait parcouru le pays au
milieu de marques merveilleuses de la
présence de Dieu, était maintenant un
missionnaire usé par le travail : les
cheveux grisonnants déjà, plein de
douceur d'esprit, mais de ferveur aussi, avec un
pouvoir de sympathie accru par l'expérience
et par la communion des souffrances de
Christ.
À l'époque où nous
le rencontrons, il venait de faire une tentative
pour évangéliser la vallée du
Yangtze et pour atteindre Nanking, la capitale des
rebelles. Mais il avait échoué dans
ses efforts et était revenu à
Shanghaï par les canaux; au cours de ce
trajet, il avait consacré plusieurs mois
à l'évangélisation de ces
contrées très accessibles et
où de grands besoins se faisaient
sentir.
Nous ne savons pas au juste où et
dans quelles circonstances les deux missionnaires
se rencontrèrent. Il est bien permis de
penser que, dès l'abord, une puissante
sympathie les attira l'un vers l'autre. Le regard
perçant du grave Écossais eut vite
fait de découvrir dans le jeune Anglais un
esprit de la même trempe que le sien et de
deviner qu'il avait besoin de secours. Ils
manquaient l'un et l'autre de compagnon et
décidèrent bientôt d'unir leurs
forces pour l'oeuvre à laquelle ils se
sentaient appelés tous les deux.
Ils s'entretinrent de l'affaire de
Tsungming et des conséquences qu'elle
comportait pour l'avenir. Le point de vue spirituel
de M. Burns eut tôt fait de changer toute la
situation. Il ne s'agissait pas, disait-il, de
maintenir des droits. Pourquoi s'en prendre aux
causes secondaires? Rien n'eût
été plus facile au Maître
à qui « tout pouvoir » est
donné que d'établir
définitivement son serviteur à
Tsungming, si telle avait été Sa
volonté. Et si Son plan était autre,
à quoi bon essayer de faire intervenir le
Gouvernement ? Et il ajoutait que le serviteur de
Dieu ne doit pas résister, mais être
prêt à se laisser conduire par de
telles indications de la volonté divine, en
s'appuyant, pour accomplir une oeuvre qu'il n'a pas
choisie, non sur le secours de l'homme, mais sur la
direction infaillible et la puissance
d'En-haut.
Aussi, plein de reconnaissance, Hudson
Taylor commença-t-il à se rendre
compte que « tout était bien ».
Une épreuve lui avait été
dispensée, au sujet de laquelle il
s'était peut-être
découragé trop vite. Car Dieu
conduisait tout avec sagesse et amour ; Il ne
laisserait pas entraver Son oeuvre N'avait-Il pas
d'ailleurs préparé pour Son serviteur
une bénédiction inattendue en lui
donnant l'ami le plus secourable qu'il eût
jamais connu?
Dixième Voyage
(décembre 1855-janvier 1856)
Au milieu de décembre, Hudson Taylor
quitta Shanghaï une fois de plus, pour un
dixième voyage, le premier qu'il faisait en
compagnie de M. Burns. Ils s'installèrent
dans deux bateaux, ayant chacun ses auxiliaires
chinois et une bonne provision de livres ; ainsi
ils restaient indépendants l'un de l'autre
et pouvaient cependant se prêter une aide
mutuelle. Homme très pratique, M. Burns
avait une méthode personnelle, que son
compagnon fut heureux de suivre.
Ils choisirent un centre important, la
ville de Nanzin, au sud du Grand Lac, dans le
Chekiang, et y restèrent dix-huit jours, y
compris Noël et le jour de l'An. Ils partaient
chaque matin, avec un plan bien
arrêté, visitant, soit ensemble, soit
séparément, différents
quartiers. M. Burns était d'avis de
commencer tranquillement par les alentours d'une
ville où l'on n'avait encore que rarement ou
jamais vu d'étrangers et d'avancer
progressivement vers des quartiers plus populeux Ce
qu'ils firent, avec
succès, depuis les faubourgs jusqu'au
centre. Là, ils visitèrent les
temples, les écoles, les maisons de
thé, retournant régulièrement
prêcher dans les endroits les plus
favorables. Ils eurent ainsi la joie de voir les
mêmes auditeurs revenir souvent et purent
convoquer dans leurs bateaux les plus attentifs
d'entre eux pour des entretiens
particuliers.
Les lettres d'Hudson Taylor contiennent
des détails très intéressants
sur ces journées si remplies, toujours
commencées et terminées par la
prière avec leurs aides chinois. Elles
donnent en particulier le récit d'une
scène qui se déroula un soir dans une
maison de thé. C'était le 28
décembre ; la matinée avait
été remplie par la prédication
à des auditoires nombreux et
l'après-midi occupé à recevoir
des visiteurs sur les bateaux. L'obscurité
était arrivée sans qu'ils songeassent
à souper. les allumèrent leurs
lanternes et partirent pour la ville. L'Ami
invisible les accompagnait, car le journal d'Hudson
Taylor relate
« Nous avons été
grandement bénis. » Et il continue
:
J'aimerais pouvoir vous
décrire la scène. Figurez-vous une
grande chambre, au rez-de-chaussée,
faiblement éclairée, remplie de
tables carrées arrangées de telle
façon que huit personnes peuvent s'asseoir
à chacune... Partout, dans la salle, des
ouvriers buvaient du thé et fumaient de
longues pipes de bambou terminées par une
tête en cuivre, tandis qu'un garçon
allait et venait avec un chaudron de cuivre rempli
d'eau bouillante.
À peine étions-nous
entrés que la lanterne de M. Burns attira
l'attention. C'était une lanterne toute
simple, comme on en voit souvent en Angleterre,
avec des verres sur trois côtés et un
miroir sur le quatrième pour
réfléchir la lumière. Mais,
ici, c'était une curiosité.
Bientôt tout un groupe nous entoura.
Quelques-uns de ces hommes paraissaient
éduqués. Je portais naturellement le
costume indigène; M. Burns avait une robe
chinoise qui cachait tout, sauf son col et ses
chaussures, et portait un bonnet dont il avait
enlevé la partie supérieure. Ainsi,
il n'y avait pas grand'chose à observer sur
lui.
Rapidement, la conversation
devint intéressante. Nous n'eûmes pas
besoin de chercher à éveiller leur
intérêt pour l'Évangile, car
eux-mêmes nous questionnèrent. L'un
demanda : - Toutes les idoles sont-elles fausses ?
Un autre : - Quel profit y a-t-il de croire en
Jésus ? - Si Jésus est dans le ciel,
comment pouvons-nous l'adorer ici ? -
c'était une question bien naturelle. Par
contre un autre disait Faites-moi voir Dieu et
Jésus, et je croirai en eux.
Un des auditeurs suggéra
à M. Burns de se faire raser la tête
comme moi et d'adopter une coiffure chinoise comme
la mienne, dans la pensée que cela lui irait
mieux. Puis, un homme qui nous avait suivis
de lieu en lieu voulut
absolument payer notre thé. Nous
causâmes librement de différents
sujets avec le sentiment très net de la
présence de Dieu.
Le conseil donné à M.
Burns ne fut pas inutile. Il avait
déjà été frappé
du précieux avantage que le costume chinois
donnait à Hudson Taylor, que l'on
écoutait, malgré sa jeunesse, plus
volontiers que lui. Quelquefois même, on
l'invitait à entrer dans des maisons
particulières pour y annoncer
l'Évangile, tandis qu'on demandait à
M. Burns de rester au dehors à cause des
distractions que sa présence en costume
européen pouvait donner. Moins d'un mois
après, le 26 janvier, M. Burns
écrivait à sa mère
:
Je profite d'un jour pluvieux
pour t'écrire. Il y a quarante et un jours
que j'ai quitté Shanghaï en compagnie
d'un excellent jeune missionnaire anglais, Hudson
Taylor. Nous sommes très heureux ensemble et
une force l'un pour l'autre.
Il faut que je te raconte un fait
un peu extraordinaire : le 29 décembre, j'ai
adopté le costume indigène. M. Taylor
le portait déjà depuis quelque temps
et j'avais remarqué que cela lui
était utile dans ses relations avec les
foules. J'ai donc suivi son exemple et je m'eu
trouve très bien.
Ce changement procura de tels
avantages à M. Burns qu'il ne remit plus
jamais le costume européen. À Nanzin,
tout le monde en était content.
Les deux missionnaires parlaient le
plus souvent dans des maisons de thé, mais
furent invités aussi dans des
intérieurs indigènes, surtout lorsque
M. Burns eut adopté le costume chinois.
Hudson Taylor raconte, dans une lettre à
l'une de ses soeurs, les impressions qu'il eut
ainsi :
C'était très
intéressant de voir toute la famille
réunie et de pouvoir parler de Celui qui est
mort pour expier les péchés du monde.
Tout près de moi se trouvait une gentille
petite fille de dix ans environ; à
côté d'elle, son frère, un
garçon de quatorze ans, à l'air
intelligent. Près de lui, M. Burns, puis un
jeune homme de vingt ans, et ainsi de suite. Les
hommes étaient assis autour de la table,
ainsi que la mère; deux filles plus
âgées et une autre femme restaient
derrière, à peine visibles. Pendant
que je parlais, à leur intention, des
prières de ma mère et de ma soeur
avant ma conversion, je remarquai qu'elles
étaient très attentives. Puisse Dieu
donner bientôt à la Chine des soeurs
et des mères chrétiennes ! Pendant
que nous revenions à nos bateaux, je ne
pouvais retenir des larmes de joie et
de reconnaissance à la
pensée que nous avions été
amenés à adopter ce costume sans
lequel nous ne serions certainement pas si bien
reçus.
Par-dessus tout, le contact avec M.
Burns était précieux pour Hudson
Taylor en répondant aux besoins de son
coeur. M. Burns savait aussi le danger d'une vie
missionnaire sans enthousiasme. Le niveau spirituel
s'abaisse, on perd le contact vivant avec le
Seigneur, et l'on en arrive à ôter
à la croix du Christ toute son action. Il
savait cela, mais il avait vu à l'oeuvre la
fidélité de son divin Maître
pour aider les Siens.
J'ai prêché dimanche
dernier sur Matthieu 24 : 12, écrivait-il un
jour : « Parce que l'iniquité se sera
accrue, la charité du plus grand nombre se
refroidira »; et j'ai senti, hélas !
que ces paroles s'appliquaient solennellement
à l'état de mon propre coeur. Sans la
puissance vivifiante du Seigneur qui est l'Esprit,
comme le contact quotidien avec le paganisme est
endormant ! Mais le Seigneur est fidèle et
Il a promis d'être « comme des sources
d'eau dans un lieu aride et comme l'ombre d'un
grand rocher dans un pays brûlant »
Esaïe 58 : 11).
Il comptait sur ces promesses et ne
les avait jamais trouvées en défaut.
La présence du Seigneur était aussi
réelle pour lui en Chine qu'elle l'avait
été dans sa patrie. Son biographe dit
qu' « il ne se croyait pas le droit
d'accomplir l'un quelconque de ses devoirs
religieux sans avoir conscience de la
présence de Dieu. Sans elle, il n'aurait pas
pu parler, même à une poignée
d'enfants dans une école du dimanche ; avec
elle, il pouvait se tenir sans être confus
devant les plus puissants et les plus sages du pays
». La prière lui était aussi
naturelle que la respiration et la Parole de Dieu
aussi nécessaire que la nourriture
quotidienne. Il était toujours joyeux,
toujours heureux, montrant la vérité
de ses propres paroles :
Je crois pouvoir dire, par
grâce, que les lieux ne diffèrent pour
moi que par l'absence ou la présence de
Dieu.
La vie simple était son plus
grand bonheur. « Il jouissait de la
tranquillité et du luxe de n'avoir à
s'occuper que de peu de choses » et il pensait
que, pour un chrétien, l'état le plus
heureux sur la terre était « d'avoir
peu de besoins ».
Si un homme a Christ dans son
coeur, aimait-il à répéter, le
ciel devant les yeux, et juste assez de
bénédictions temporelles qu'il lui en
faut pour vivre en sécurité, le
chagrin et la souffrance n'ont que
peu de prises sur lui...
Être uni à Celui qui est le berger
d'Israël, marcher tout près de Celui
qui est à la fois le soleil et le bouclier,
c'est tout ce qu'il faut à un pauvre
pécheur pour le rendre heureux entre cette
vie et le ciel.
Instruit et plein d'esprit,
c'était un délicieux compagnon, et
ceux qui l'ont connu en Chine remarquaient le
contraste entre « son esprit et ses
pensées, habitués aux choses
élevées, et son coeur, qui se
contentait de choses si humbles ». Il avait
une étonnante provision d'anecdotes qui
donnaient beaucoup de charme à sa
société. Il aimait à raconter
ses expériences pour le profit des autres,
et si elles pouvaient provoquer la
gaîté, toujours elles encourageaient
le zèle et la foi. Il prenait un vif plaisir
à la musique sacrée, à la
grande joie de son jeune compagnon. Ils chantaient
ensemble beaucoup de cantiques en anglais et en
chinois, et le plus souvent, ils parlaient entre
eux la langue de leurs auxiliaires
indigènes. William Burns « vivait de
préférence et habituellement à
la façon chinoise » et Hudson Taylor
était tout à fait d'accord avec cette
manière d'agir, si courtoise à
l'égard de ceux qui les entouraient. Le fait
qu'ils n'appartenaient ni à la même
société missionnaire, ni à la
même dénomination religieuse, ni au
même pays, n'altérait en rien leurs
relations. M. Burns avait le coeur beaucoup trop
large pour qu'il fût possible aux
circonstances ou aux croyances de le
rétrécir. Il se sentait à
l'aise avec tous les chrétiens protestants
et collaborait avec des missionnaires de plusieurs
sociétés, allemands, anglais et
américains, avec la plus grande bonne
volonté et l'esprit le plus universel, ayant
en vue l'avancement du règne de Dieu et non
celui de sa cause particulière.
Cependant, sa fidélité
à ses convictions était
inébranlable, et il n'hésitait jamais
à rendre son témoignage en face du
mal. Il lui arrivait de dénoncer le
péché d'une manière terrible :
ses auditeurs tremblaient, écrasés
par le sentiment de la présence de Dieu.
C'est ainsi qu'au cours de ce voyage, il monta un
jour sur la scène d'un théâtre
chinois, en présence de milliers de
spectateurs, et interrompit la
représentation d'une pièce immorale
en exhortant le public à se repentir et
à se tourner vers le Dieu vivant.
Mais c'était vis-à-vis
de lui-même qu'il était le plus
sévère, dans le véritable
esprit de l'apôtre : « Nous supportons
tout, de peur de faire obstacle à
l'Évangile du Christ. » Il y a dans son
journal des échos de bien
des journées ou des nuits passées en
prière, « à chercher la
sainteté personnelle, condition fondamentale
d'un ministère béni ». Et
pourtant il se sentait complètement indigne
de représenter le Seigneur qu'il aimait.
« Puissé-je avoir, écrivait-il,
le coeur d'un martyr, si je n'ai pas la mort d'un
martyr et la couronne d'un martyr.
»
Cet homme, tel qu'il avait
été et tel qu'il était, avec
sa précieuse amitié, était un
don de Dieu à Hudson Taylor. Pendant
plusieurs mois, ils vécurent et
voyagèrent ensemble et les exigences de
l'oeuvre commune les amenaient à manifester
des qualités d'esprit et de coeur qui, sans
elles, seraient restées cachées. Une
semblable amitié est l'une des plus riches
bénédictions de la vie. Elle ne se
commande pas. Elle naît spontanément
entre deux coeurs poussés l'un vers l'autre
par leurs affinités. Hudson Taylor, si jeune
qu'il fût encore, était capable
d'apprécier, après de longues
années de solitude, toute la valeur de ce
don. Sous cette influence, il progressa
intérieurement et comprit dès lors sa
propre personnalité et sa vocation d'une
manière qui devait influencer tout le reste
de sa vie. L'exemple de M. Burns valait mieux pour
lui que tous les cours qu'il eût pu suivre,
parce que sa vie, devant lui, là en Chine,
enseignait tout ce qu'il avait besoin de
connaître.
Pour en revenir à leur
premier voyage en commun, les deux missionnaires
passèrent dix-huit jours à Nanzin.
les y eurent de nombreux entretiens avec des
personnes intéressées par
l'Évangile. Et, sans avoir la joie de
moissonner tout de suite, comme cela était
arrivé précédemment à
M. Burns dans les environs d'Amoy, ils sentirent
cependant l'un et l'autre que leurs prières
pour Nanzin étaient
exaucées.
Je voudrais avoir à te
parler d'une effusion du Saint-Esprit dans cette
ville, écrivait Hudson Taylor à sa
soeur. Il n'a pas plu au Seigneur de nous
l'accorder. Mais il y a bien des gens ici qui ont
beaucoup appris quant au chemin du salut; plusieurs
se sont agenouillés pour prier avec nous et
ont confessé qu'ils croyaient à la
vérité de nos enseignements.
jusqu'ici, nous n'avons pas vu de profonde
conviction de péché, ni des coeurs
vraiment changés. Il est vrai que, lorsque
la semence est répandue, elle pousse
rarement tout de suite. Il faut souvent que l'hiver
se passe et la moisson vient. De même ici,
quoique nous ne voyions pas maintenant tout ce que
nous pourrions souhaiter, nous savons que notre
travail « n'est pas vain dans le Seigneur
».
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