HUDSON TAYLOR
D0UZIÈME PARTIE
LA MARÉE
MONTANTE
1881-1887
CHAPITRE 69
Le prix du progrès
1885-1886
Combien l'Église connaît peu son
glorieux Maître pour considérer
l'oeuvre missionnaire comme un sacrifice !
Être Ses ambassadeurs, Ses témoins,
Ses collaborateurs, avoir part, en quelque mesure,
« à la communion de Ses souffrances
» afin de « Le connaître et la
puissance de Sa résurrection » et, dans
un sens plus profond, de « gagner Christ
», tout cela peut-il être autre chose
qu'un gain, infini et éternel ?
Depuis longtemps, Hudson Taylor
était convaincu de cette
vérité ; une lettre, écrite
pendant son voyage à travers la France,
exposait très simplement comment il pouvait
en être ainsi. Il avait disposé de la
plus grande partie d'une banquette vide quand,
à Lyon, des voyageurs entrèrent dans
le wagon au milieu de la nuit. Ce devait être
de nouveaux mariés et, très
fatigué, il se sentit d'abord prêt
à regretter de ne pouvoir s'étendre,
faute de place.
Mais ils me donnèrent une
leçon, écrivit-il à Mme
Taylor. Il y avait, dans leur manière
d'être, quelque chose d'indescriptible qui
révélait combien ils étaient
tout l'un pour l'autre. La jeune femme paraissait
adorer son mari. Ses yeux suivaient tous ses
mouvements. Quand elle le touchait, il y avait dans
son geste quelque chose d'inexprimable. Ils
étaient oublieux de la présence de
toute autre personne. Désirait-elle quelque
chose, dans une gare, il volait presque pour le lui
chercher - et quels remerciements ses yeux lui
donnaient ! On souriait, mais je pensais : Combien
mon Seigneur est infiniment plus digne d'être
adoré et aimé que ne peut
l'être ce jeune mari ! Comme Il m'aime
davantage ! Il est mort pour moi, Il vit pour moi;
Il se réjouit de m'accorder les
désirs de mon coeur. Est-ce que je L'aime
ainsi ? Puis-je être oublieux de tous les
autres, à cause de Sa présence et de
Son amour ? Est-ce ma joie de laisser tout - y
compris toi-même, ma bien-aimée - pour
Lui plaire ? Oh ! cet amour m'a fait du bien et il
m'en fait encore. La douleur de la
séparation est bien réelle, mais
Jésus est réel, Lui aussi. Il sera ta
part suffisante pendant mon absence comme Il sera
la mienne pendant que tu es loin
de moi. Soyons reconnaissants de ce que notre lune
de miel ait duré tant d'années et
dure encore. Mais, surtout, cherchons à
être davantage à notre Seigneur,
à trouver toujours plus de choses en Lui, au
fur et à mesure que nous avançons.
Nous ne serons jamais seuls, n'est-ce pas
?
Comme il approchait de Shanghaï,
quelques semaines plus tard, un vif sentiment de sa
responsabilité le saisit à la
pensée de tout ce qui l'attendait. Une
absence de deux années, à une
époque d'incomparable développement
de la Mission, avait accumulé beaucoup de
problèmes pour la solution desquels il avait
tant besoin de sagesse et de force.
Bientôt nous serons en pleine
bataille, écrivait-il de la Mer de Chine le
21 février 1885, mais le Seigneur est
puissant, au milieu de nous; aussi nous avons
confiance et ne serons pas
effrayés.
Pendant ce temps le mouvement,
commencé à Édimbourg parmi les
étudiants, gagnait en étendue et en
profondeur.
Les étudiants, écrivait
le Dr Moxey, regardent en général
leurs camarades pieux comme
efféminés, inaptes à la rame
ou au cricket, bons seulement à chanter des
psaumes. Mais les mains puissantes et les bras
musculeux de l'ex-capitaine des sept de Cambridge,
étendus en un geste de supplication tandis
qu'il expose éloquemment la vieille histoire
de l'amour rédempteur, renversent leurs
théories. Et quand M. Studd, dont le nom
leur est familier comme celui du plus
célèbre joueur de balle de toute
l'Angleterre, ajoute aux paroles de son
frère, l'athlète, quelques phrases
ardentes mais calmes, témoignage personnel
rendu à l'amour et à la puissance du
Sauveur, l'opposition et la critique sont
désarmées. On voit des professeurs et
des étudiants fondre en
larmes.
Nous avons vécu des heures
inoubliables, écrivait un des
étudiants. Les trois quarts de l'auditoire
votent pour l'after-meeting et la grande salle se
remplit d'hommes troublés au sujet de leur
âme... Nous devions quitter la salle à
dix heures et demie, mais nous avons obtenu la
permission de rester jusqu'à minuit.
jusqu'à ce moment la salle fut pleine
d'auditeurs demandant avec angoisse : « Que
faut-il faire pour être sauvé?
»
Ces précieuses journées de
janvier 1885 s'écoulèrent rapidement,
et il restait à faire les visites d'adieux
à Oxford et à Cambridge.
Je désire vous recommander mon
Maître, disait Studd en prenant congé
de ses camarades de l'Université de
Cambridge. J'ai goûté à la
plupart des plaisirs que ce
monde peut donner, mais je puis dire que ces
plaisirs ne sont rien, comparés à ma
joie présente. J'ai eu, jadis, autant
d'amour pour le cricket qu'un homme peut en avoir,
mais quand le Seigneur Jésus vint dans mon
coeur, je trouvai que je possédais quelque
chose d'infiniment meilleur. Mon coeur
n'était plus au jeu; je n'aspirais
qu'à gagner des âmes et à
servir Jésus-Christ.
Quel témoignage
précieux rendu aux réalités
spirituelles, écrivait en commentaire le
Révérend Searle. Quelque excentrique
que Von puisse estimer cette conduite, elle a
démontré qu'il existe des puissances
invisibles capables de dominer le coeur d'un homme
plus que n'importe quels motifs au monde. Nous, qui
pouvons nous souvenir de cet homme fort et qui
savons quelle ovation il eût reçue
comme capitaine d'une équipe victorieuse
dans un match international, nous pouvons aussi en
quelque mesure apprécier son sacrifice ou
plutôt la nouvelle force qui s'est
emparée de lui.
C'était cette puissance
cachée, ce jaillissement de joie
intérieure, qui exerçait tant
d'attraction et que les foules de gens voulaient
voir eux-mêmes. D'Exeter Hall (quartier
général des Unions chrétiennes
de jeunes gens) à Londres, vint une ardente
requête en vue d'une dernière
réunion et le départ des
missionnaires dut être retardé d'un
jour. Tout le groupe vint donc à Londres
pour une dernière soirée d'adieux, et
la vaste salle fut remplie d'un auditoire
compact.
Ce fut, nota un journaliste, un
témoignage remarquable rendu à la
puissance du Christ glorifié pour attirer
à Lui, non seulement les faibles et les gens
simples, mais aussi les forts et les gens les plus
cultivés.
Je ne pus, écrivit Lin
autre auditeur de cette rencontre mémorable,
que réfléchir longuement aux
principales raisons de la puissance de ce mouvement
qui a entraîné homme après
homme, dans ce groupe, de nobles jeunes gens... Ces
raisons se ramènent à une seule - la
spiritualité sans compromis d'une vie
dépendante de Dieu, indépendante du
monde, telle que la démontre le programme de
la Mission... Je n'hésite pas à dire
que l'organisation d'une réunion pareille
eût été impossible à une
mission dont le but n'eût pas
été aussi nettement défini ou
dans laquelle les grandes vérités
telles que la conversion, la paix et la joie par la
foi, la puissance sanctifiante du Saint-Esprit, la
nécessité absolue de prêcher
Christ parmi les païens... eussent
été délaissées ou
falsifiées
(1).
Tout cela causait une joie profonde
à Hudson Taylor et à ses compagnons
d'oeuvre en Chine ; aussi des réunions
furent-elles préparées pour le
passage de la petite troupe de Cambridge dans
différents ports d'escale, et d'autres
à Shanghaï et à Peïping.
Comme il était urgent de mettre ces jeunes
gens à l'étude du chinois, les
réunions furent écourtées et,
bientôt, ils se mirent en route en costume
indigène, vers le Shansi au nord et vers
Hangchung à l'ouest.
Hudson Taylor ne s'attendait pas
à rester longtemps en Chine, car des
affaires importantes le réclamaient en
Europe. Il espérait mettre à
exécution, au cours de cette sixième
visite, les plans qu'il avait mûris et
prendre contact avec l'oeuvre de
l'intérieur, spécialement dans le
Shansi. Il fallait maintenant des surintendants
pour diriger les nombreux ouvriers et un
directeur-adjoint pour le remplacer pendant ses
absences. Il était aussi souhaitable qu'un
Comité de Chine pût aider le directeur
ou son adjoint, comme le Comité de Londres
l'avait fait en Europe, et il était
important d'organiser des cours pour l'étude
de la langue.
On pouvait bien supposer que le
grand Adversaire ne reculerait devant rien pour
faire obstacle à ces projets. Des choses
merveilleuses s'étaient produites et
devaient se produire encore, suscitant son
opposition. Les mois s'enfuirent et, à la
fin de 1885, Hudson Taylor écrivait
:
Une lutte corps à corps
avec les puissances des ténèbres,
telle que j'en ai rarement vue, a rempli une bonne
partie de l'oeuvre de l'année; mais,
jusqu'ici, l'Éternel nous a
secourus.
« La Mission est devenue
populaire », écrivait d'Europe M.
Broomhall, mais, en Chine, Hudson Taylor faisait
une expérience bien différente et il
n'avait personne auprès de qui il pût
décharger son coeur. Voici quelques extraits
de ses lettres :
15 oct. : Une grande mise
à l'épreuve et une grande
bénédiction sont imminentes. Mon seul
repos est en Dieu.
1er nov. : Il faut demander une
effusion du Saint-Esprit. Aussi longtemps que la
devise est pratiquement : « Non pas Christ,
mais moi », la meilleure organisation ne
saurait donner la victoire sur le monde, la chair
et Satan. La devise doit être
changée.
9 nov. : Voilà trois
semaines que je suis en route, écrivait-il
après une maladie due au
surmenage; Satan est à l'oeuvre : il nous
crible de tous les côtés, mais au
milieu de tout cela, Dieu se révèle.
L'oeuvre avance merveilleusement.
11 nov. : Je suis assuré
que tu pries pour nous : la lutte est dure. Satan
nous presse de partout, mais le Seigneur
règne et Il triomphera.
14 nov. : Je crois que nous
sommes à la veille d'une grande
bénédiction et peut-être aussi
d'une grande épreuve de notre foi. Le
Seigneur notre Dieu est au milieu de nous, «
puissant pour sauver »; ayons confiance en
Lui. Prie beaucoup, prie sans cesse, car Satan fait
rage contre nous. Mais Dieu utilise encore ses
redoutables machinations pour affiner et purifier
Son peuple et l'amener aux plus grandes
bénédictions : être les
témoins de la Croix.
Ces mois d'hiver furent les plus
pénibles et Hudson Taylor eut un
avant-goût de ce que serait la privation,
pendant le voyage qu'il projetait après le
Nouvel an chinois, du réconfort que lui
procurait l'arrivée des lettres.
Je me demande comment tu
supporteras d'être privée de lettres
pendant les trois mois de mon séjour dans
l'intérieur du pays. Cette privation me sera
terrible, mais elle ne peut être
évitée. Ton absence m'est une grande
et perpétuelle épreuve, au milieu de
toutes les difficultés. Mais les
encouragements sont merveilleux - aucun autre mot
n'approche de la vérité - et je ne
peux en dire, par écrit, même la
moitié. Personne ne se fait une idée
de l'oeuvre immense qu'accomplit notre Mission. Je
m'attends à une année
merveilleusement bénie... Quelquefois je me
sens écrasé, mais les progrès
étonnants, l'amour extraordinaire de nos
gens, les effets qui en résultent
auprès et au loin, valent bien cela. Et si
toi et moi sommes appelés - parmi beaucoup
d'autres - à des sacrifices, le
regretterions-nous ? Bien loin de nous en plaindre,
ne voudrons-nous pas, ne serons-nous pas jaloux de
gagner à n'importe quel prix (et Dieu sait
combien il est grand) de tels bienfaits
?
Puis, deux mois plus tard, quand ses
plans furent une fois de plus renversés
:
Nous ne devons pas jeter nos
croix, ni nous plaindre de la discipline.
Bientôt tout cela sera passé et nos
séparations terminées. Nous ne
pouvons nous attendre à donner l'assaut sans
souffrance au royaume de Satan.
Quant aux progrès
réalisés, il est difficile,
maintenant que l'organisation de la Mission est
complète, de se représenter ce
qu'était alors la tâche de
l'organisateur. Ce n'était que peu à
peu que chacun devenait apte
à ses diverses fonctions. Et souvent une
délégation de, l'autorité
d'Hudson Taylor était regardée avec
méfiance, et même combattue, faute
d'être comprise. Le sentiment familial qui
caractérisait les débuts avait
été très précieux aux
premiers ouvriers de la Mission. Ils étaient
accoutumés à traiter directement avec
Hudson Taylor pour tout ce qui réclamait
aide et conseil. Il devint beaucoup plus difficile
qu'il ne l'avait pensé d'associer les autres
à toutes les responsabilités. Mais la
nomination de surintendants pour plusieurs
provinces, les dispositions prises pour recevoir
les nouveaux ouvriers en des homes ou
l'enseignement de la langue leur était
donné, l'amélioration dans le domaine
matériel et financier de l'oeuvre à
Shanghaï, furent une partie du résultat
des travaux d'Hudson Taylor, en 1885
(2).
Deux fois, pendant l'année,
une maladie sérieuse l'avait appelé
à Yangchow ; deux fois une vie d'un prix
incalculable pour la Mission avait
été en péril. En
réponse à la prière, Mlle
Murray se rétablit et le plan qu'il avait
formé alors qu'il semblait qu'elle
était désormais incapable de
travailler, était parvenu à
maturité.
« Seigneur, se bornait-elle
à dire, je suis si faible et si malade ;
pourquoi donc M. Taylor me parle-t-il de cela
maintenant? » Mais sa longue convalescence fut
illuminée par le sentiment d'une vocation en
vue d'un service bien nécessaire, et la
mère de la maison d'instruction des femmes,
dont le coeur plein d'amour devait être la
source d'une bénédiction qui
s'étendrait à toutes les parties de
la Mission, ressortit de cette maladie toute
prête pour l'oeuvre
projetée.
À Anking, des dispositions
avaient été prises aussi pour
consolider l'oeuvre et y établir un centre
d'instruction pour les jeunes gens pendant les
premiers mois de leur séjour en Chine. M. W.
Cooper fut nommé surintendant de la province
et pasteur de l'Église d'Anking, tandis
qu'en la personne de M. Baller, qui
lui fut bientôt
associé, les étudiants
trouvèrent un maître et un ami
modèle.
L'oeuvre plus ancienne dans le
Chekiang fut ensuite organisée. M. Meadows,
le missionnaire le plus âgé, fut
nommé surintendant, avec M. Williamson, de
l'équipe du Lammermuir, comme
aide.
Mais ce ne fut qu'à la fin de
l'année qu'Hudson Taylor trouva enfin, avec
reconnaissance, l'homme capable d'être son
adjoint à la direction. M. J. W. Stevenson,
missionnaire en Birmanie, où il
s'était distingué par des services
exceptionnels, venait de rentrer en Chine,
après dix ans d'absence. La main de Dieu
l'avait préparé pour un rôle
plus important. Il avait reçu une si
manifeste bénédiction d'En-haut qu'il
put accepter ces fonctions.
Le Révérend
Stevenson, écrivait Hudson Taylor aux
membres de la Mission, en mars 1886, a
accepté d'être nommé
directeur-adjoint. Je suis assuré que vous
partagerez ma reconnaissance envers Dieu pour ce
choix; je sens que c'est là l'un des pas en
avant les plus importants que nous ayons faits, ces
derniers temps. je réclame vos
prières pour NI. Stevenson, afin qu'il soit
fortifié spirituellement, afin que la
sagesse et la grâce d'En-haut lui soient
données dans la mesure des lourdes
responsabilités de sa tâche.
Souvenez-vous aussi, dans vos prières, des
surintendants. Sans une pleine puissance
spirituelle, aucune expérience des choses,
aucune capacité ne suffit pour l'important
service qu'ils ont assumé.
Hudson Taylor avait beaucoup
souffert, en 1885, de ne pouvoir, ensuite
d'empêchements réitérés,
visiter comme il l'espérait les provinces du
Nord. Des raisons impérieuses
réclamaient sa présence dans le
Shansi, alors que des complications sans fin le
retenaient à Shanghaï ou l'appelaient
ailleurs. Plus d'une fois, il fut sur le point de
partir. Ce ne fut qu'une année plus tard
qu'il comprit que les obstacles eux-mêmes
faisaient partie du plan, de Dieu. Sans la maladie
de Mlle Murray, par exemple, il n'eût pas
fait un voyage dont les conséquences
prouvèrent la nécessité. Bien
haut, sur la rivière Tsientang, se trouvait
une station qu'il dut visiter lui-même. Or,
en franchissant la ligne de partage des eaux du
côté de la province du Kiangsi, le
voyage de retour par le lac Poyang était
à peine allongé. Les rivières
Tsientang et Kwangsin étaient, à
cette saison, d'une exceptionnelle beauté.
Dans l'espoir que le changement complet que serait
la vie de bateau aiderait
à rétablir la santé de Mlle
Murray, Hudson Taylor décida de l'emmener
avec lui ainsi que plusieurs dames missionnaires de
Yangchow.
Ce fut ainsi qu'en mai et juin 1886
arrivèrent dans ce district, où ils
étaient depuis longtemps attendus, les
messagers de l'Évangile dont le coeur aimant
et la vie de prière apportaient la
bénédiction divine. Dix années
s'étaient écoulées depuis la
dernière visite d'Hudson Taylor aux
convertis du capitaine Yü, près de
Yüshan. Les petites annexes,
disséminées sur les collines et le
long de la rivière, n'avaient vu que
rarement un missionnaire de passage. Mais un
changement venait de s'y produire. Une jeune
missionnaire de vingt ans avait passé
quelques jours de vacances dans cette belle
contrée. Soignée par
l'évangéliste indigène et sa
femme, elle avait, pendant une semaine,
partagé leur domicile et couché dans
une mansarde à laquelle on accédait
par un escalier semblable à une
échelle. Mais cette double
considération n'écartait pas les
visiteurs qui, du matin au soir, emplissaient la
chambre. Agnès Gibson les accueillait tous
et consacra des vacances bien nécessaires
à leur raconter la vieille histoire de
l'Évangile, qui n'avait jamais paru plus
touchante.
Les cultes du dimanche en furent
transformés. Lors de la première
visite d'Hudson Taylor, ils ne groupaient que des
chrétiens, hommes ; l'opposition de leurs
femmes était telle qu'ils avaient dû
louer une chambre pour pouvoir librement lire et
prier. Main tenant, les femmes étaient aussi
nombreuses que les hommes et une
délégation féminine disait :
« Nous avons besoin pour nous d'une dame
missionnaire. Si une visite d'une semaine a pu
produire un tel changement, que ne
résulterait-il pas du séjour
permanent d'une dame missionnaire? »
(3).
Hudson Taylor ne pouvait
répondre, mais il était en
présence de ce qu'il avait longtemps
désiré. Descendant, avec les
demoiselles Murray et leurs jeunes compagnes, le
fleuve Kwangsin, à travers des villes
où aucune voix n'avait parlé de
l'amour de. Jésus, il vit l'accueil que ces
aimables visiteuses recevaient, non
seule ment des petits groupes de
chrétiens dans des annexes isolées,
mais partout et de toute la population. Il pensa,
avec reconnaissance, que les temps étaient
venus et que le Seigneur avait envoyé Ses
messagers. L'oeuvre qui les appelait était
difficile, et il assumait une lourde
responsabilité de plus en leur permettant de
l'entreprendre, mais il ne pouvait faire autrement.
Allant par la foi, il prit toutes les mesures pour
le retour et l'établissement dans cette
région populeuse des demoiselles
Mackintosch, Gibson et Guex. Jamais confiance en
Dieu ne fut plus pleinement justifiée par
les résultats
(4).
Rentré à Shanghaï
après six semaines d'absence, Hudson Taylor
se trouva en présence d'un autre
problème. Il arrivait le dernier jour
où était encore possible l'achat d'un
terrain à bâtir qu'il désirait
acquérir. C'était un terrain de huit
mille mètres carrés environ,
admirablement situé, mais dont on demandait
près de deux mille cinq cents livres
sterling. Il semblait providentiel qu'il pût
arriver à temps, mais il n'avait pas
d'argent disponible et perdait ainsi cette
dernière occasion. Que faire? Il
était du moins possible de prier. Si Dieu
voulait que la Mission possédât ce
terrain, Il pouvait le lui procurer. Le clair
devoir était d'en référer
à Lui, ce que l'on fit le, 14 juin, à
la réunion de prières de midi, et ce
fut là que l'exaucement fut
donné.
Parmi les nouveaux arrivés se
trouvait un homme sur qui reposaient, deux ans
auparavant, lorsqu'il entendit l'appel de la
Mission, de lourdes
responsabilités d'affaires. Il ne
s'était senti libre de répondre
qu'après en avoir été
déchargé. Des délais
inattendus l'avaient retardé, de sorte qu'il
ne put rejoindre Hudson Taylor à
Shanghaï que le jour de la vente du terrain,
et presque à la réunion de
prières même. Le résultat fut
le don suffisant qu'il fit pour couvrir l'achat de
la propriété entière, suivi,
un peu plus tard, par le don de tous les
bâtiments nécessaires à
l'établissement du quartier
général de la Mission. C'était
une merveilleuse réponse, une magnifique
anticipation du développement qui se
préparait.
Lorsque, deux jours plus tard,
Hudson Taylor partit pour son voyage dans le Nord,
son coeur était rempli des joyeuses
nouvelles reçues de M. Stevenson
:
Je suis si comblé de joie,
écrivait-il, que je puis à peine m'en
croire moi-même. Le Seigneur a fait pour nous
de grandes choses. Je Le bénis pour la paix
et la joie qui remplissent mon âme et aussi
pour les flots de bénédictions qui
ont été répandus hier soir sur
nos frères et soeurs de Hanchung, avec une
telle abondance que nous avons eu de la peine
à soutenir ce moment de gloire. Le Seigneur
nous a donné une merveilleuse manifestation
de Sa présence, mais nous sommes heureux
qu'Il tienne encore à notre disposition des
réserves infinies de grâce et de
puissance. Dans les réunions avec les
chrétiens indigènes, la
bénédiction a été comme
une brise céleste, nous remplissant de joie
et d'espoir pour l'avenir. Il y a ici nombre de
chrétiens décidés et d'un
courage indomptable. Je n'ai jamais
été si rempli d'espoir, en ce qui
concerne l'avenir de l'Évangile dans ce
pays.
|