HUDSON TAYLOR
QUATORZIÈME PARTIE
CONSUME PAR
L'AMOUR
1895-1905
CHAPITRE 80
Reprise de la marche en avant
1896-1899
Faut-il s'étonner que les forces d'Hudson
Taylor, si longtemps dépensées au
service de la Mission, eussent commencé de
fléchir sous le poids de circonstances
telles que celles de son neuvième
séjour en Chine? Son activité
était maintenant entravée par des
crises de faiblesse dont il se remettait moins
complètement et moins vite qu'autrefois.
Aussi se réjouissait-il de voir ses
collaborateurs devenir de plus en plus capables et
utiles.
L'organisation intérieure,
développée lentement et à
grand prix, fonctionnait de façon heureuse.
La nomination de M. William Cooper, comme
directeur-adjoint en Chine, avait été
d'un grand secours. M. Broumton avait aussi
été désigné pour le
quartier général à
Shanghaï, où les bureaux du
trésorier étaient
transférés. Ne refusant aucun ouvrier
qui paraissait vraiment appelé par Dieu,
quelle que fût sa nationalité, son
église ou sa préparation
antérieure, la Mission avait reçu des
hommes et des femmes qui possédaient les
dons les plus divers. Si tous avaient
été des théologiens ou des
hommes exerçant des
professions libérales,
comment aurait-il été pourvu aux
détails pratiques de l'activité d'un
organisme si vaste et si complexe?
De fait, quand il devint
nécessaire de constituer un diocèse
anglican en Chine occidentale,
l'évêque se trouva dans les rangs de
la Mission. Il y eut des surintendants pour les
grands districts et, parmi eux, M. Hoste,
récemment nommé pour le sud du
Shansi. Il y eut des experts financiers pour les
affaires d'argent, souvent compliquées, des
sténographes pour alléger le fardeau
de la correspondance, un architecte, des
médecins et des garde-malades, et, enfin,
des maîtres qualifiés pour les
écoles de Chefoo dont l'importance
grandissait. Et tous ces ouvriers, indispensables,
chacun dans sa spécialité,
étaient au même titre membres de la
Mission, appelés à une oeuvre
Spirituelle en Chine.
Lorsque le nouvel évêque,
M. Cassels, revint en Chine après sa
consécration pour y assumer ses nouvelles
responsabilités, Hudson Taylor ne put le
rencontrer à Shanghaï. Il venait
d'être obligé de prendre quelques
semaines de repos et cela lui fournit l'occasion
d'un voyage en bateau jusqu'à quelques
stations du Chekiang. Accompagné de Mme
Taylor et de M. Frost, il parcourut le magnifique
district de Chuchow, occupé par les
missionnaires de Barmen et prit les mesures
nécessaires pour le céder
entièrement à ces collaborateurs,
mesure importante du point de vue de la
répartition du travail sur le champ
missionnaire. Mais, à son retour à
Shanghaï, il pouvait encore si peu porter le
poids de l'oeuvre qu'il envisageait avec
reconnaissance la perspective d'une prochaine
visite aux Indes.
Un ancien membre de la Mission, Mlle
Annie. Taylor, qui avait fait un voyage remarquable
à travers le Tibet, réclamait du
secours pour une petite troupe d'ouvriers
inexpérimentés que Dieu avait
appelés par son moyen. Ils se trouvaient au
nord de l'Inde, espérant obtenir, par
Darjealing, l'accès à ce pays si
longtemps fermé et Hudson Taylor devait, en
allant les rejoindre, participer à la
première conférence des
étudiants chrétiens à
Calcutta. Un don inattendu, fait à cette
intention, permit à Mme Taylor de
l'accompagner, ce qui, dans son mauvais état
de santé, ne fut pas un médiocre
secours. Le voyage aurait pu s'effectuer en seconde
classe si M. et Mme Taylor avaient voulu garder
pour eux seuls l'argent qui leur avait
été donné. Mais ils pensaient
à leurs collaborateurs. Ils
résolurent donc de
voyager, en troisième
classe, en cabine commune. Arrivé à
Hong-kong, Hudson Taylor put écrire les
lettres suivantes, parmi d'autres, à deux de
ses collègues :
Ayant pris ici nos dispositions et
fait nos comptes je constate qu'il nous reste une
marge nous permettant de vous réserver dix
livres sterling qui vous seront utiles pour votre
voyage au delà de Melbourne. Comme les fonds
de la Mission étaient bas à notre
départ, nous sommes reconnaissants de
pouvoir agir ainsi. Ne parlez à personne de
ceci.
J'ai trouvé que le don que
j'ai reçu à Wenchow couvre largement
les frais de voyage de ma femme. Avant fait le
trajet jusqu'ici économiquement nous sommes
heureux de vous remettre cent taëls pour votre
propre déplacement... Ne faites pas mention
de ceci, mais encaissez vous-même le
chèque à la banque.
De tels actes étaient
fréquents ; il est précieux de
rappeler ce ministère d'amour, accompli
à un prix connu du Seigneur seul et pour
l'amour de Son Nom.
Bien que le voyage aux Indes eût
été très heureux et qu'Hudson
Taylor eût retiré un grand
réconfort de sa rencontre avec les ouvriers
de ce vaste champ de mission dont les besoins
l'impressionnèrent profondément, il
n'était pas en état d'affronter un
été en Chine. D'ailleurs, une absence
de plus de deux années lui faisait
désirer d'être de nouveau en rapport
avec ceux qui s'occupaient de l'oeuvre en
Angleterre. Il revint donc en Europe, après
la séance de printemps du Comité de
Chine, en laissant avec reconnaissance les affaires
à la sage et habile direction de M. William
Cooper.
Comme les voyageurs s'y attendaient, de
grands changements s'étaient produits ; le
nouveau quartier général de la
Mission était maintenant à Newington
Green. Sachant qu'ils arriveraient de Paris pendant
la réunion de prières du samedi, ils
s'abstinrent de faire connaître l'heure de
leur train. Cependant les amis étaient dans
l'attente, et l'assemblée, plus nombreuse
que d'habitude, comprenait des visiteurs
attirés à Londres par la Convention
de Mildmay et par le jubilé de l'Alliance
évangélique universelle. Avec une
grande émotion, M. et Mme Taylor,
après avoir quitté leur voiture,
s'avancèrent vers la porte ouverte de la
salle de réunions, au-dessus de laquelle se
lisaient, gravés dans la pierre, ces mots
qui avaient tenu tant de place dans
l'histoire de la Mission :
« Ayez foi en Dieu. » Entrant sans bruit,
ils restèrent au fond de la salle tandis que
la réunion se poursuivait, de sorte que,
jusqu'à la fin, on ignora leur
présence.
L'accueil cordial qu'ils reçurent
alors charma les délégués
continentaux de l'Alliance
évangélique qui logeaient à la
Maison de la Mission.
Les nouveaux locaux étaient assez
vastes pour permettre la réalisation d'un
désir longuement caressé par Hudson
Taylor : celui de pouvoir libérer la Mission
d'une dette d'hospitalité contractée
en de nombreux pays, en recevant, à Londres,
à Shanghaï ou ailleurs, les membres de
la grande famille qui, loin de chez eux, aimeraient
avoir un home. Le quartier général de
Londres, simplement aménagé, pouvait
recevoir nombre d'hôtes et l'on avait en Mme
Williamson une hôtesse au coeur large aussi
bien qu'en pleine sympathie avec l'idéal de
la Mission.
C'est là que, dans
l'été de 1896, M. et Mme Taylor
s'établirent pour la dernière
période - nul ne s'y attendait, - de leur
service actif en faveur de l'oeuvre en Angleterre.
Leurs enfants étant dispersés, ils
n'avaient plus besoin d'un foyer personnel et,
quoique avec l'âge ils eussent
été heureux, parfois, de jouir d'un
peu de solitude, ils étaient reconnaissants
des rapports étroits que la vie quotidienne
de la Maison de la Mission leur procurait avec
leurs collègues.
La retraite de M. Broomhall avait
apporté un changement très sensible
dans l'oeuvre à Londres. Il s'y était
décidé, après vingt ans
d'inappréciables services, pendant l'absence
d'Hudson Taylor. La tâche de
secrétaire, pleine de
responsabilités, était maintenant
échue à M. Sloan, un homme sur lequel
on pouvait compter, comme d'ailleurs M. Wood
chargé des fonctions de représentant
de l'oeuvre. Hudson Taylor était ainsi libre
de se consacrer à de plus importants travaux
qui nécessitaient réflexion et
prières, à ses conférences
avec M. Stevenson et le Comité, à des
visites en Norvège, en Suède et en
Allemagne, pour prendre personnellement contact
avec les représentants des missions
associées. De plus, à mesure que les
forces lui revenaient, il était
demandé pour des conventions et des
réunions, comme autrefois, des hauts
plateaux d'Écosse à la plaine de
Salisbury, de Gloucester et de Liverpool aux
comtés de l'Est.
Est-il nécessaire de dire que le
Mouvement en avant, resté
quelque temps en suspens,
était toujours pour lui la chose importante?
Partout où il allait, il le mettait en
première ligne, réclamant une
entière consécration à Christ,
pour obéir à Son ordre inconditionnel
: « Prêcher l'Évangile à
toute créature. » L'hiver qui suivit
son retour du Continent (1896-1897), alors qu'il
était encore assez robuste pour voyager sans
cesse et participer à des réunions
sur tous les points du pays, fut laborieux. jamais
les invitations ne furent plus cordiales, ni le
coeur du peuple de Dieu plus largement ouvert.
Beaucoup de ceux qui avaient entendu ses appels,
aux jours de leur jeunesse, étaient devenus
des hommes d'âge mûr, et ceux de ses
premiers amis et de ses soutiens d'autrefois qui
restaient encore étaient, comme lui,
avancés sur le chemin de la vie. Aucune voix
n'avait, pour eux, le timbre de la sienne ; nul ne
recevait un plus chaud accueil dans les
conférences et dans les églises de
toute dénomination qui le connaissaient
depuis si longtemps.
Comme on l'aimait à Glasgow, dans
ce centre d'activité chrétienne
sympathique et vibrant du St-George's Cross
Tabernacle! Le Révérend Findlay
écrivait au sujet de ses nombreuses visites
:
Son ministère, en public et
chez nous, fut un riche bienfait. La manière
dont il était toujours disposé
à céder sa place à d'autres
orateurs, et dont il plaidait la cause des autres
missions et priait pour elles, était
particulièrement
édifiante.
Plus d'une fois il prit la parole
à notre service de communion et ce furent
des heures mémorables.
Il était toujours
préoccupé des besoins des autres, du
désir de donner et non pas de recevoir, de
procurer à tous ceux sur lesquels il pouvait
exercer son influence la joie d'une communion
permanente avec Christ.
Fatigué par le travail de
l'hiver, il accepta avec plaisir l'invitation que
lui fit M. Berger de passer, dans le Midi de la
France, une ou deux tranquilles semaines, avant de
commencer ses réunions sur le Continent. Ce
fut un bonheur pour lui d'être, une fois
encore, avec cet ami bien cher dont la vie touchait
à son terme
(1) et de mettre
en pratique lui-même la recommandation qu'il
lui avait faite quelques mois auparavant :
Reposez-vous, sur Lui. Vous
remarquerez où j'ai mis la virgule; nous
allons souvent au bout de la phrase, et nous en
oublions le commencement. Reposez-vous, comme si
rien n'était ajouté; quand vous en
avez besoin, reposez-vous de corps, d'esprit.
Reposez-vous dans Son amour, Sa puissance, Sa
force, Ses richesses.
Nous ne pouvons, faute de place, que
mentionner une, importante visite en Allemagne, aux
mois de mars et d'avril. Indépendamment de
la Mission de Barmen, un nouveau mouvement,
qu'Hudson Taylor était heureux d'encourager,
se dessinait à Kiel. Cette nouvelle
activité, d'abord branche de la Mission
à l'Intérieur de la Chine, devenue
ensuite la Mission de Liebenzell, était
appelée à rendre de grands services.
Ses directeurs et ceux de la Mission plus ancienne
de Barmen accueillirent cordialement Hudson Taylor,
qui était accompagné de M. Sloan, et
lui donnèrent bien des occasions de parler
de la Chine.
À Berlin, les réunions
furent placées sous les auspices des Unions
chrétiennes de jeunes Gens qui avaient
invité Hudson Taylor a une conférence
d'étudiants. MM. Taylor et Sloan
s'aperçurent vite que, dans certains
milieux, la Mission à l'Intérieur de
la Chine était assez mal vue. Sa base
interecclésiastique ne la recommandait
guère aux directeurs des
sociétés qui dépendaient de
l'Église nationale. Aussi, les ministres et
les secrétaires, réunis dans les
salons de Mme Palner Davies et curieux surtout de
voir quelle sorte d'homme pouvait être le
« célèbre Hudson Taylor »,
étaient-ils dans des dispositions d'esprit
assez méfiantes.
L'étranger qui se tenait au
milieu de nous, écrivait Mme Davies,
n'était pas d'un aspect imposant, et ses
cheveux blonds et bouclés le faisaient
paraître plus jeune qu'il n'était
réellement.
Mme Davies avoue franchement son
anxiété dans ses lettres ; elle
sentait, plus que ne pouvait le faire Hudson
Taylor, l'attitude critique de ceux qui le
regardaient comme une sorte de franc-tireur dans le
champ missionnaire.
Comment, en tant que chef de la Mission,
acceptait-il des ouvriers de diverses
dénominations? Tel fut le premier point
à élucider.
Récemment la Mission avait
accepté plusieurs jeunes gens de haute
éducation et de grandes promesses, membres
de l'Église nationale. Comment
pourraient-ils collaborer avec des baptistes et des
méthodistes ?
M. Taylor répliqua que
nous sommes un en Christ et que la Chine est assez
vaste pour que les ouvriers, répartis en ses
différentes provinces puissent conserver les
règles particulières de leurs
Églises. Nous avons été
heureux, dit-il, d'accueillir un
évêque anglican pris dans les rangs de
notre propre Mission. La grande tâche qui
nous sollicite déborde toutes les
divergences théologiques et notre mot
d'ordre reste : tous un en Christ.
Quand le directeur de la Mission
Gossner eut secoué ses cheveux blancs et
murmuré à l'oreille de son voisin :
« Un tel mélange de nationaux et de
dissidents serait impossible chez nous », M.
Taylor reprit :
Le Seigneur Lui-même a
choisi Ses instruments d'une manière
remarquable : les plus insignifiants sont capables,
dans Sa main, de servir à la louange de Sa
gloire. Il en est comme dans la nature : il y a des
chênes beaux et vigoureux et, à
côté, de petites fleurs des
prés, les uns et les autres placés
là par Sa main. Moi-même, par exemple,
je ne suis pas spécialement doué, je
suis timide de nature, mais mon Dieu et Père
miséricordieux s'est penché sur moi
et pendant ma jeunesse Il m'a fortifié dans
la foi, moi qui étais faible. Il m'a appris
à me reposer sur Lui et même à
Le prier pour des petites choses dans lesquelles un
autre se sentirait capable de se tirer d'affaire
tout seul.
Diverses expériences de sa
jeunesse furent racontées, ainsi le don de
la demi-couronne, le seul argent qui lui
restât, alors qu'il vivait seul et ne savait
pas d'où lui viendrait son prochain repas.
Apprendre à connaître personnellement
Dieu comme Celui qui écoute et qui exauce la
prière était la préparation
qu'il estimait de toute importance, en vue de
l'oeuvre qu'il devait accomplir.
Il savait les désirs de mon
coeur et, simplement confiant, comme un enfant, je
Lui apportais tout dans ma prière. J'ai
ainsi éprouvé, de bonne heure, qu'Il
veut aider, fortifier ceux qui Le craignent et
réaliser leurs désirs. C'est ainsi
que plus tard, à ma prière, les
ressources sont venues.
Il expliqua ensuite comment le passage :
« Ne devez rien à personne, si ce n'est
de vous aimer l'un l'autre », avait
soulevé pour lui la question de savoir s'il
était autorisé à faire une
exception pour l'oeuvre de Dieu et d'être
constamment accablé sous
le fardeau des dettes. Sa conclusion fut que ce
verset devait être pris au pied de la lettre
et que Dieu est assez riche pour subvenir à
« tous nos besoins » et qu'Il aime mieux
nous venir en aide pour prévenir nos dettes
que pour les payer. Quelques exemples
montrèrent Comment, en se fiant à la
fidélité de Ses paroles, en ne
faisant aucune dépense qui ne fût
couverte, en n'adressant aucun appel, les sept
cents ouvriers de la Mission à
l'Intérieur de la Chine reçurent ce
qu'il leur fallait
(2).
Voulez-vous nous dire, lui
demanda-t-on, s'il est vrai qu'après avoir
ému un nombreux auditoire, en plaçant
sur les coeurs les besoins de l'oeuvre
missionnaire, vous vous êtes parfois
opposé à la collecte que l'on se
disposait à faire ?
- Plus d'une fois,
répondit M. Taylor. Nous n'avons pas
l'habitude de faire des collectes parce que nous
désirons ne pas détourner des dons
qui pourraient aller à une autre
société. Nous acceptons des offrandes
volontaires, mais sans faire aucune
pression.
- On nous a dit, remarqua un
pasteur, que de cette manière de très
grosses sommes sont envoyées; mais nous
visons à développer dans nos
églises la libéralité
systématique.
- C'est très important,
répartit M. Taylor; chacun doit agir suivant
ses lumières. Le Seigneur, par égard
pour ma faiblesse, a mis son sceau sur mon travail
et mes prières, mais je suis loin de
recommander à personne de m'imiter. Vous
faites bien d'habituer les individus, et d'habituer
l'Église, à la
libéralité
systématique.
D'autres questions furent
posées, jusqu'à ce qu'à la
fin, ajoute Mme Davies, je m'interposai pour
ménager les forces de M.
Taylor.
Il se tenait debout à sa
propre demande, tandis que nous étions
confortablement assis autour de lui. À ce
moment, un rayon de soleil effleura son visage si
plein de joie et de paix, lui donnant comme un
éclat céleste, et je ne pus
m'empêcher de penser à Étienne
qui vit les cieux ouverts et Jésus à
la droite de Dieu. Un des assistants baissa la
tête, couvrit ses yeux de sa main et je
l'entendis murmurer
« Nous devons tous avoir
honte devant cet homme. »
- Vous avez raison, me
répondit le professeur à cheveux
blancs; nous ne devons pas fatiguer notre ami
davantage. Traversant la salle, il mit son bras
autour du cou de M. Taylor et
l'embrassa.
De retour du Continent, Hudson
Taylor, pendant tout l'été,
poursuivit son activité en Angleterre. Ce
n'était pas qu'un tel effort ne fût
excessif, mais les ressources manquaient et il
n'était pas homme à les demander
à Dieu sans travailler en même temps
jusqu'à l'extrême limite de ses
forces. Cette limite fut atteinte juste avant la
Convention de Keswick. Aussi, souffrant de
névralgies et de maux de tête, il dut
résilier tous ses engagements et se
soumettre au verdict du médecin : repos
complet et éloignement de la Mission pendant
plusieurs mois.
L'air de Davos, en Suisse, fit
merveille et, en automne, Hudson Taylor
reçut une réponse à sa
prière qui contribua, au
rétablissement de sa santé. Il avait
été fort préoccupé de
difficultés financières pour la
solution desquelles il semblait nécessaire
qu'il se rendit en Amérique, en Chine et
peut-être en Australie. Il dressait ses plans
de voyage quand un don de dix mille livres sterling
sauva la situation.
Un autre, plus important encore,
allait suivre. La santé du donateur, M.
Morton, déclinait depuis quelque temps.
Quelques jours plus tard il mourut, en
léguant à la Mission à
l'Intérieur de la Chine le quart de sa
fortune, c'est-à-dire. au moins cent mille
livres et peut-être même beaucoup plus.
Ce legs généreux, fait pour l'oeuvre
d'évangélisation et
d'éducation, devait être
considéré comme un don ordinaire et
non comme une dotation.
Plein de reconnaissance et dans un
vif sentiment de responsabilité, Hudson
Taylor ne pouvait pas ne pas mettre en rapport la
remise de cet important capital à la Mission
et la grande tâche qu'elle avait à
accomplir encore en Chine pour se conformer
à l'ordre divin. Avec dix mille livres
sterling par an, pendant dix ans ou davantage - car
le legs devait être versé par
annuités - que ne serait-il pas possible de
faire pour atteindre le but visé? Aussi des
articles sur le « Mouvement en avant »
commencèrent-ils à paraître
dans le China's Millions et, avant la fin de
l'année (1897), Hudson Taylor se mettait en
route pour Shanghaï avec le désir de
commencer un effort d'évangélisation
qui pourrait s'étendre à toutes les
provinces.
Il voyait clairement les dangers
auxquels une telle augmentation des ressources
exposait la Mission et sentait profondément
la nécessité d'un accroissement de
puissance spirituelle. Ce n'est pas avec de
l'argent ou de l'or que de précieuses
âmes peuvent être sauvées, ou
que des hommes et des femmes peuvent être
rendus capables de devenir les messagers de la
croix du Christ. Un nouveau baptême de
l'Esprit, de l'Esprit du Calvaire et de la
Pentecôte, était le besoin
suprême, et il le demandait avec plus
d'ardeur que jamais. Il fit plus que cela. Sachant
quelles bénédictions les «
Missions d'hiver » avaient apportées
aux Indes, il demanda aux organisateurs de la
Convention de Keswick de se charger d'une oeuvre
semblable parmi les chrétiens chinois, si
toutefois le corps des missionnaires en Chine
approuvait cette initiative. Car il ne portait pas
seulement sur son coeur la Mission à
l'Intérieur de la Chine, mais la Chine
elle-même. Il désirait voir les
quatre-vingt mille membres de toutes les
églises protestantes animés d'une vie
nouvelle et brûlants de zèle pour le
salut de leurs compatriotes.
Voilà pourquoi il recherchait
avant tout un Mouvement en avant dans la puissance
spirituelle.
Nous ne faisons pas
immédiatement appel à de nouveaux
ouvriers, disait-il, notre premier travail est de
tout préparer pour eux dans la Chine et la
plus importante préparation est d'ordre
spirituel.
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