Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



HUDSON TAYLOR


QUATORZIÈME PARTIE
CONSUME PAR L'AMOUR
1895-1905


CHAPITRE 81
Parce que Tu l'as trouvé bon, Père
1898- 1 1900

 

De plus en plus, c'était sur les chrétiens de Chine, remplis de l'Esprit de Christ, qu'Hudson Taylor comptait pour l'évangélisation de, ce pays. Dans son second article sur le « Mouvement en avant », écrit de Shanghaï en mars 1898, il demandait avec instance une prompte visite en Chine des délégués de Keswick auxquels, au nom du corps missionnaire, le Dr Muirhead avait envoyé un message de cordiale bienvenue :

Puisse, ajoutait-il, l'Esprit de Dieu agir avec puissance, préparer les païens pour l'Évangile et les convertis pour des bénédictions plus complètes, en même temps qu'Il suscite parmi eux des évangélistes qualifiés ne pouvant faire autrement que de prêcher l'Évangile et de vivre une vit chrétienne.

Il y a quatre-vingt mille communiants protestants en Chine et peut-être autant de candidats. En outre, un plus grand nombre sont convaincus de la vérité de l'Évangile, quoiqu'ils n'aient pas encore la grâce et le courage de confesser Christ. S'il se produisait une large effusion du Saint-Esprit, ils pourraient tous être entraînés et l'effet produit en Chine par un quart de million de chrétiens zélés, actifs, vivant une vie sainte, serait saisissant (1).

Mais Hudson Taylor sentait également le besoin d'un beaucoup plus grand nombre de missionnaires remplis de l'Esprit et surtout d'évangélistes. Jamais auparavant, en ce qui concernait l'argent, sa route ne lui avait paru si clairement tracée, mais cela rendait d'autant plus urgent un renouveau de bénédictions spirituelles. Dix ou douze mille livres sterling par an en plus du revenu ordinaire, à dépenser au fur et à mesure en Chine, quelle sérieuse responsabilité! Cela impliquait la possibilité, non seulement de grands développements, mais de graves difficultés pour le moment où, le dernier versement ayant été fait, il faudrait poursuivre l'activité.

Il n'avait pas le moindre doute que l'affaire tout entière, le don aussi bien que la forme sous laquelle il était fait, ne vint de Dieu et il n'hésitait pas à l'accepter ; mais il voyait aussi que l'élargissement de l'oeuvre sans un accroissement de foi, de prières et de puissance spirituelle qui, seul, pouvait la rendre fructueuse et l'entretenir, reviendrait à courir au désastre

Ce fut sous l'empire de cette double préoccupation qu'il entreprit son dixième voyage en Chine.

Si l'Esprit de Dieu agit avec puissance, écrivait-il en route, nous pouvons être assurés que l'esprit du mal sera actif. Quand l'appel aux mille nouveaux ouvriers fut lancé par la Conférence missionnaire de 1890, l'ennemi commença aussitôt un autre mouvement : des soulèvements et des massacres, comme il n'y en avait jamais eu auparavant, ont suivi.

Non, certes, qu'il y eût là une raison de s'abstenir. Cela voulait tout simplement dire. que tout ce qui serait entrepris devait l'être et continué en Dieu.

Vingt et un mois séparaient maintenant Hudson Taylor de la fin de son service actif en Chine (2). Il s'en doutait aussi peu que ceux qui l'entouraient et, pourtant, en retraçant ses expériences, il est impossible de ne pas sentir que Dieu mettait les dernières touches au ministère de Son serviteur. Il assista à toutes les réunions du Comité, sauf une. Sept fois les directeurs de la Mission s'assemblèrent pour le rencontrer et il put, par leur moyen, entrer en contact avec une grande partie de l'oeuvre. Plusieurs affaires difficiles furent réglées et quelques problèmes d'ancienne date résolus d'une façon heureuse. Puis on traita de l'importante question du Mouvement en avant d'une manière qui prouvait que Dieu Lui-même agissait.

Nous sentions, écrivait Hudson Taylor, que nous nous mettions en marche sans savoir quand, comment et où Dieu nous conduirait, mais assurés que la lumière et la direction dont nous avions besoin, nous seraient données en chemin; nous n'avons pas été trompés.

Sans dessein préconçu, des ouvriers expérimentés s'étaient rencontrés à Shanghaï, venant d'Angleterre, d'Amérique, de l'Europe continentale et de l'intérieur de la Chine et, après les réunions du Comité, en janvier et en avril, tout fut préparé pour entreprendre une oeuvre dans le Kiangsi, province aisément accessible, dont un très petit nombre des quatre-vingt-dix chefs-lieux, capitales de comtés, avaient entendu la prédication de l'Évangile.

Le flot des bénédictions spirituelles montait, même avant d'arrivée des délégués de Keswick. Celui qui aime à se servir des « choses faibles » avait trouvé un vase purifié et vide qu'il Lui plaisait de remplir de Son Esprit.

« Je pars avec le sentiment de ma faiblesse », disait de son voyage en Chine Mlle Soltau qui accompagnait Hudson Taylor. Comptant sur les promesses de Dieu, elle avait entrepris un voyage qui devait durer treize mois consécutifs, touchant quarante-quatre stations pour chacune desquelles elle fut une bénédiction. Quelques années auparavant, elle avait écrit de Londres où elle occupait un poste important :

Le travail augmente constamment. Si ce n'était que je suis consciente du fait que Christ est ma vie, heure après heure, je ne pourrais pas continuer. Mais Il m'enseigne d'une façon merveilleuse qu'Il est pleinement suffisant et je suis portée quotidiennement sans aucun sentiment de tension ou de crainte.

Et il en était de même en Chine. Voyages fatigants, manque de confort, froidure et chaleur extrêmes, et, à chaque station, entretiens à coeur ouvert avec des missionnaires aimés dont beaucoup étaient comme ses propres enfants ; fréquentes réunions avec les missionnaires où les chrétiens indigènes qui s'assemblaient autour d'elle, elle aborda tout dans le même esprit de dépendance du Seigneur. Ainsi, il n'y eut aucun échec, aucun obstacle à la réalisation d'un programme complet. Hudson Taylor avait la joie de recevoir de toutes les stations les nouvelles après lesquelles il soupirait. Il apprit par M. Stevenson que la visite de Mlle Soltau à la Maison d'instruction des jeunes hommes à Anking avait été « un temps vraiment remarquable ».

Le Saint-Esprit fut répandu sur tous ceux qui assistaient aux réunions; chacun des missionnaires et des étudiants reçut un secours spirituel extraordinaire.

Ce fut une épreuve pour lui d'être empêche par sa mauvaise santé de participer à ces réunions. Pendant plusieurs mois après son arrivée, il fut plus ou moins confiné dans sa chambre. Dans ses limitations extérieures, il expérimentait la divine alchimie qui transforme l'airain en or et le fer en argent et enseigne de diverses façons que « Sa force s'accomplit dans l'infirmité ». Il écrivait, en avril, au Dr A. T. Pierson qu'il avait vu en Amérique et qui, depuis, avait été mis à l'écart par une grave maladie :

Ah ! quelle peine le Seigneur ne prend-Il pas pour nous vider et nous montrer qu'Il peut agir sans nous ! Je n'ai pas connu comme vous de longues périodes d'intense souffrance... Mais j'ai été très accablé et suis extrêmement faible, à un point tel que j'ai dû cesser toute activité publique depuis mon arrivée en Chine. J'ai pu ainsi, en toute tranquillité, méditer et prier pour tant de choses, et conférer avec beaucoup de nos ouvriers. Quelques arrangements importants ont été pris qui, je crois, porteront leurs fruits dans l'avenir... Puissions-nous tous deux être de plus en plus qualifiés pour toute oeuvre que le Seigneur peut nous confier...

Parfois Dieu peut mieux accomplir Ses desseins sans nous qu'avec nous... De plus, l'oeuvre la meilleure n'est pas caractérisée par le grand nombre. Notre Seigneur a nourri cinq mille personnes sur la colline, et l'éternité révélera les résultats que nous ignorerons jusqu'à ce jour-là. Le récit biblique ne mentionne pas de fruits immédiats. D'autre part, Jésus désaltéra une âme au puits de Samarie et, immédiatement, amena à Lui-même, par son moyen, des multitudes. Ainsi, ne pensez-vous pas que le Seigneur peut juger bon de nous éloigner des foules, et faire peut-être une oeuvre plus grande par nous pour des dizaines ou des unités que nous pouvons rencontrer sur notre route ?

Que Dieu vous conduise, cher frère, et continue à vous bénir de plus en plus. je suis toujours plus reconnaissant car « Mon Père est le vigneron »... Il y a des bergers en sous-ordre, mais aucune main inexpérimentée ne taille ou n'émonde les sarments du Vrai Cep.

Le Dr Pierson n'avait pas pu se joindre à la délégation de Keswick en Chine, mais le Révérend Ch. Inwood, qui venait de faire sur le Continent un séjour merveilleusement béni, en faisait partie. Habitué à parler par interprètes et à conduire ses auditeurs, pas à pas, des éléments de la vérité aux expériences les plus complètes et les plus profondes, il était précisément le maître qu'il fallait. De l'automne au début de l'été, il travailla sans interruption, comme le faisait Mlle Soltau. Pendant dix-sept mois, ces réunions spéciales se poursuivirent, M. Inwood trouvant un vaste champ d'action en dehors de la Mission à l'Intérieur de la Chine. En parcourant le pays, il entra en rapport avec toutes les sociétés missionnaires qui travaillaient en Chine et, malgré la fatigue et les dangers, il considérait cette année comme la meilleure qu'il eut jamais passée au service du Maître.

Dans l'intervalle, Hudson Taylor s'était fortifié et, même avant l'arrivée de M. Inwood, avait Pu faire plusieurs voyages. Pendant son séjour à Shanghaï, il avait rencontré plus de deux cents membres de la Mission ; plus tard, des visites à Chefoo et Kuling lui fournirent une occasion d'exercer son ministère, dans un plus large cercle que ses lettres dépassèrent encore, communiquant à d'autres la grâce qui le soutenait lui-même et dont, constatait-il avec reconnaissance, tous pouvaient avoir une part.

Allez de l'avant avec la force du Seigneur, écrivait-il... remerciez-Le de vous donner le sentiment de votre propre insuffisance : c'est quand vous êtes faible qu'Il peut être fort en vous.

Ne craignez pas de laisser Sa lumière briller au travers de votre vie... Qu'aucun orgueil ne vous empêche d'être à la disposition de Dieu pour donner le message, quel qu'il soit, qu'Il veut vous confier. Ne vous préoccupez pas de ce que les gens pensent de vous... Si vous êtes conscients d'une chute ou d'un péché, ou si vous êtes dans le doute, confessez-le au Seigneur immédiatement, et acceptez Sa promesse de vous purifier et de vous restaurer... Je prie pour vous. Mon coeur est près de vous par la prière. Jamais je ne fus plus reconnaissant envers Dieu pour vous que maintenant.

Aucune peine ne lui semblait trop grande s'il pouvait amener une âme à une bénédiction plus complète. En cela, il pensait d'abord à ses propres enfants.

Il y a deux aspects à considérer dans beaucoup de vérités, écrivait-il à sa fille quelques semaines plus tard; l'humain et le divin.

Ainsi en est-il du baptême de l'Esprit. L'ordre « soyez remplis » en indique le côté humain. Le coeur ne peut être rempli de deux choses à la fois. Si vous voulez remplir d'air un verre qui est plein d'eau, il faut d'abord le vider. Cela nous montre pourquoi une réponse progressive est faite à notre demande d'être rempli de l'Esprit. Il faut que nos péchés et tout ce qui possède notre coeur nous soit montré, puis que nous en soyons délivrés. La foi est le canal par lequel nous recevons toute grâce et toute bénédiction, et Dieu accorde en fait ce qui est reçu par la foi. « Être rempli » ne produit pas toujours des sentiments d'exaltation, ni des manifestations uniformes, mais Dieu tient toujours Sa parole... Nous ne pouvons recevoir tout ce qu'Il nous donne, si notre coeur et notre vie sont, en quelque mesure, remplis de nous-mêmes.

De plus en plus, à mesure que l'année 1898 s'écoulait, la situation politique et sociale se troublait. Tandis que, des âmes étaient sauvées en plus grand nombre que jamais, l'agitation politique qui n'avait cessé de grandir depuis la guerre japonaise, et l'amertume des sentiments provoqués par l'intrusion des puissances étrangères, hâtaient une crise dont la nature n'était que trop évidente. La réaction dont Hudson Taylor avait prévu les conséquences pour un effort général d'évangélisation prenait une forme grave. Des tentatives prématurées du jeune empereur pour introduire des réformes avaient produit dans le pays une véritable fermentation. Les discussions ouvertes dans la presse européenne concernant le « partage de la Chine » exaspéraient les autorités, et le gouvernement impérial avait perdu toute influence sur le peuple, au point qu'Hudson Taylor écrivait en juillet : « Il reste peu d'espoir d'éviter une catastrophe complète. »

Un grand soulèvement, dont le gouvernement n'avait pas encore triomphé, s'était produit au printemps, dans la Chine occidentale ; des émeutes locales éclataient fréquemment. Enfin l'impératrice douairière avait repris les rênes du gouvernement, châtiait cruellement les réformateurs trop zélés et confinait le malheureux empereur dans ses appartements privés. Ceci se passait en septembre et, rapidement, des mesures sévères se succédaient, pour renverser la politique des dernières années et couper court aux prétentions des étrangers.

Inutile de dire que ce changement d'attitude du gouvernement encourageait les sentiments nationalistes. Comme les missionnaires étaient les seuls étrangers à l'intérieur du pays, ils se trouvaient particulièrement en butte à l'hostilité. La situation devenait périlleuse et donnait lieu aux plus vives appréhensions.

Hudson Taylor aimait à redire que, pendant trente-deux ans, Dieu avait veillé sur la Mission avec tant de sollicitude que, ni par la violence, ni par accident, ni en voyage, aucune vie ne s'était perdue. Fréquemment ses lettres, au cours de cette année troublée, rappelaient ce fait, vraiment remarquable si l'on considère l'oeuvre de défrichement accomplie dans les provinces de l'intérieur, et que, sans interruption, jour et nuit, par terre ou par eau, des voyages se poursuivaient. Des naufrages s'étaient produits en mer et plus souvent sur les rapides du Yangtze, mais, si des biens matériels avaient alors été perdus, ainsi que dans les émeutes, les vies avaient toujours été préservées, souvent d'une manière merveilleuse. Aussi la paisible confiance que Dieu protégerait Ses serviteurs, spécialement les femmes sans défense qui travaillaient seules dans des stations parfois éloignées, grandissait-elle dans son esprit. Il se réjouissait de leur foi et de leur zèle, non moins que de la bénédiction qui reposait sur leurs travaux. À ce moment même, malgré la persécution et le danger imminent, deux cent cinquante convertis étaient reçus dans l'Église, sur les stations du Kwangsin occupées par des dames missionnaires, et un millier de candidats demandaient le baptême...

C'était encore une femme qui avait pu mener à bien la difficile et périlleuse entreprise de s'établir dans le Hunan, la province de Chine si longtemps la plus hostile aux étrangers. Avec un seul aide indigène et accompagnée d'une Chinoise, elle avait franchi tranquillement la frontière du Kiangsi, sous les yeux même des soldats qui la gardaient, incapables d'établir le moindre rapprochement entre ces voyageurs poudreux et les étrangers redoutés qu'ils devaient arrêter. En 1896, une lettre de cette vaillante Norvégienne annonçait à Hudson Taylor que le Seigneur Jésus avait établi Sa demeure dans le coeur de quelques habitants de la province et que, si elle était expulsée, Il ne le serait pas, Lui, car, disait-elle, les coeurs qui L'ont reçu ne sont pas disposés à L'abandonner. Mais de nouveaux jours se levaient pour le Hunan. Mlle Jacobsen ne fut point chassée, au contraire, M. Georges Hunter, le Dr Keller et d'autres encore furent si heureux dans leurs travaux que cette période troublée fut celle de l'établissement de quatre stations dans la province.

Hudson Taylor partit à cette époque pour l'extrême Ouest de la Chine. Malgré la révolte du Szechwan qui se développait encore et l'agitation qui régnait dans tout le pays, M. et Mme Inwood devaient assister à la Conférence de Chungking, en janvier 1899, et il avait décidé de les accompagner avec sa femme. Le voyage, d'abord en bateau a vapeur, puis en barques indigènes, n'était pas une entreprise sans importance, en hiver surtout, pour des personnes qui n'étaient pas habituées aux rapides ; mais il fut possible, à chaque centre missionnaire, de trouver du secours et de pourvoir au confort des voyageurs. Combien cela différait des expériences du temps passé où, avant l'organisation de la Mission, Hudson Taylor, surchargé de travail et de responsabilités, devait veiller à tout lui-même. Il conservait le souvenir d'un voyage, heureusement court, où son compagnon plein de bonne volonté mais dépourvu de sens pratique, à qui il avait confié ses bagages, arriva avec son coolie sur le quai d'embarquement au moment même où le bateau partait. Hudson Taylor avait dû coucher sur le pont, cette nuit-là, s'accommodant, comme il le disait, d'un soulier et d'un parapluie pour oreiller, et de l'air froid de l'hiver pour couverture. Personne plus que le chef de la Mission n'appréciait davantage les sacrifices grâce auxquels des missionnaires capables et dévoués facilitaient maintenant les travaux de leurs frères.

Mais tout l'empressement de ses collaborateurs ne pouvait l'empêcher d'apprendre la terrible nouvelle qu'il reçut à Hankow du premier martyr inscrit dans les annales de la Mission à l'Intérieur de la Chine. Le drame s'était déroulé au loin, dans la province du Kweichow, où l'Australien William Fleming avait trouvé la mort avec son aide P'an, un converti de la tribu des Noirs Miao qu'ils évangélisaient. C'était en cherchant à protéger son ami que M. Fleming avait perdu la vie.

Quelle triste nouvelle ! écrivait Hudson Taylor le 22 novembre 1898, bénie pour les martyrs mais triste pour nous, pour la Chine, pour leurs amis. Plus que triste, pleine de menaces ! Elle semble montrer que Dieu est sur le point de nous mettre à l'épreuve d'une nouvelle manière, de nous accorder de plus grandes bénédictions à travers de plus vives souffrances... Puisse, d'une manière ou d'une autre, l'oeuvre être approfondie et non entravée par tout cela.

La Conférence de Chungking fournit à M. Inwood l'occasion d'exercer son utile ministère et à Hudson Taylor de se rencontrer avec quelques-uns des chefs de la Mission. Mais il dut renoncer à l'espoir qu'il caressait de rendre visite à plusieurs des stations de l'Ouest. Premièrement, une nouvelle révolte du Yü-Man-Tze rendait les voyages fort dangereux ; puis la maladie l'atteignit, si grave qu'on désespéra presque de sa vie. Mme Taylor, qui le soignait jour et nuit, se rendait compte que tout était inutile ; il semblait, à tout instant, que le coeur allait cesser de battre. Comprenant quelle perte serait pour la Mission ce départ soudain, alors que personne n'était préparé à prendre sa place, elle s'attacha à Dieu par la prière et par la foi, pour la guérison de son mari.

Dans la chambre silencieuse, elle s'agenouilla : « Seigneur, nous ne pouvons rien, que Ta volonté soit faite, aide-nous, »

La première parole d'Hudson Taylor, qui ne savait rien de cette prière, fut pour dire : « Je me sens mieux. » Et, dès ce moment, il se rétablit.

Le voyage de retour a Shanghaï lui rendit des forces, mais il dut passer l'été de 1899 soit dans les montagnes, soit à Chefoo. Il était préoccupé en constatant que les ouvriers étaient si lents à s'offrir pour le Mouvement en avant. Il en manquait encore quelques-uns, pour former le premier groupe de vingt, tandis que l'argent pour les entretenir était là, en abondance. Cela paraissait extraordinaire et contrastait avec ses premières expériences. Aussi en était-il confirmé dans sa conviction que l'or et l'argent, quoique nécessaires, ne sont que d'une importance secondaire. Cependant, l'état troublé du pays l'aidait à prendre patience. Politiquement, les choses paraissaient aller de plus en plus mal. Le mouvement contre les étrangers, favorisé par l'impératrice douairière, grandissait en puissance et il s'écoulerait sans doute encore longtemps avant que les conditions normales de la vie fussent rétablies. Hudson Taylor devait Se rendre en Australie et en Nouvelle-Zélande, puis à New-York, pour la Conférence missionnaire universelle. Un intérêt tout spécial s'attache à ce printemps et à cet été qui furent témoins des derniers actes de son ministère en des pays et au milieu de collaborateurs qu'il aimait depuis longtemps. Il se doutait si peu que la fin de son oeuvre en Chine approchait qu'il dressa les plans de construction d'un cottage où il espérait trouver, avec Mme Taylor, quelque repos, loin, du va-et-vient de, la Maison missionnaire de Shanghaï. Cette petite maison d'été, la seule habitation qu'ils eussent projeté de construire pour eux-mêmes, consistait en un petit salon et deux petites chambres à coucher, au-dessus de la cuisine et des chambres de domestiques, avec une véranda des trois côtés. Cette véranda constituait la grande attraction car, de là, l'on voyait les collines boisées qui s'étendaient au loin, sur un paysage magnifique, jusqu'à la plaine, six cents mètres plus bas.

Frais, même pendant les nuits d'été, l'emplacement était idéal pour un sanatorium et Hudson Taylor avait acheté une partie de la colline lorsque la propriété s'y acquérait encore pour peu d'argent. Il devint bientôt le lieu de rendez-vous favori des étrangers et un service de vapeurs, y conduisait en deux jours de Shanghaï.

Ce fut pour avoir manqué le bateau que M. et Mme Taylor se retrouvèrent, une fois de plus, dans la vieille demeure de Hangchow où ils avaient eu le temps de descendre en attendant le prochain départ. La visite ne fut que de quelques heures, mais que de souvenirs elle évoqua! Plus de trente ans s'étaient écoulés depuis que le petit groupe du Lammermuir avait trouvé un abri dans la maison voisine et y avait commencé l'oeuvre qui, maintenant, s'étendait aux provinces les plus éloignées. Tous se rappelaient et aimaient Fuh-ku-niang, la fillette à la figure ouverte, qui avait été la première à visiter les femmes chez elles et qui en avait conduit beaucoup au Sauveur. Longtemps elle avait supporté, avec son mari, la fatigue et la chaleur du jour ; leurs heures de travail touchaient à leur fin. Volontiers ils les auraient consacrées avec leur cher vieux pasteur au soin de l'Église et à l'oeuvre de salut qui avait toujours occupé la première place dans leurs coeurs. Mais la Mission réclamait plus que jamais les conseils et la sympathie d'Hudson Taylor. Ainsi, un missionnaire était venu en mai à Shanghaï, résolu à quitter la Mission si, pour la réparation des torts qui lui avaient été causés dans une récente émeute, on ne passait pas outre au principe absolu de ne pas faire appel aux consuls. Hudson Taylor estimait fort ce frère et son activité. Il savait que c'était un homme qui avait de solides convictions et un caractère énergique. Prévenu de son intention par M. Stevenson, il retarda l'entrevue d'un jour ou deux qu'il consacra à la prière. Il mettait ainsi en pratique ses propres paroles :

Qu'est le ministère spirituel ? Si vous voyez que je suis dans mon tort, vous pouvez, par la prière, par l'action spirituelle, par l'amour et par la patience, éclairer ma conscience et me faire revenir de mon erreur.

Pendant ce temps, le jeune missionnaire, ardent et impatient, commençait à envisager les choses d'une manière différente. Bien que pas un mot n'eût été prononcé contre son attitude, il ne put s'empêcher de sentir qu'il était étranger à l'Esprit de Christ. Il se doutait peu qu'Hudson Taylor, qui paraissait trop occupé pour lui consacrer quelques minutes, passait des heures à intercéder pour lui. Mais une influence secrète accomplissait ce qu'aucun raisonnement et, moins encore, aucun acte d'autorité n'eût produit.

Avant que M. Taylor m'eût dit un mot, raconta-t-il, mes dispositions étaient changées. Je vis que j'avais entièrement tort et que le principe de la Mission était juste. M. Taylor n'y fit pas allusion pendant notre premier entretien; il se borna à m'informer, quand la cloche du dîner sonna, qu'il aimerait poursuivre notre conversation à trois heures.

Je me sentais coupable d'accaparer son temps et, bien que j'eusse résolu de ne pas aborder moi-même le sujet, je décidai de lui dire mon changement d'attitude. À l'heure fixée, j'allai à lui et dis :

« M. Taylor, je sens que je dois vous faire savoir tout de suite que je vois les choses différemment et que je suis prêt à vous remettre toute l'affaire, pour agir selon vos conseils. »

C'était là une décision virile, digne d'un noble caractère. Le soulagement d'Hudson Taylor fut si grand qu'il ne put que dire : « Dieu en soit remercié ».

Cette expérience, continue le Dr Keller, constitua une crise et un point tournant dans ma vie. Elle m'enseigna de la manière la plus claire que les desseins fortement conçus peuvent être modifiés et le coeur des hommes touché par la prière seule.

Cet été-là, a Chefoo, M. et Mme Taylor eurent bien des occasions d'entrer en rapport avec les professeurs et les élèves des trois florissantes écoles. Le mois passé au milieu d'eux fut plein d'intérêt.

Plus de cent cinquante enfants, en bonne santé et appliqués à leur tâche, disait Mme Taylor, c'est bien un sujet de reconnaissance.

Jouissant du bonheur des garçons et des filles, M. et M"me Taylor n'étaient jamais lassés d'assister à leurs jeux et de voir, par eux-mêmes, tout ce qu'il était possible. L'anniversaire de la fondation de l'école fut une belle journée. Une course en bateau, le matin, suivie de matches de cricket et de tennis, préparèrent cette jeunesse à jouir d'un après-midi tranquille, que devaient marquer des chants et un message d'Hudson Taylor. Après le thé, sous les saules, plusieurs photographies furent prises et la fraîcheur du soir favorisa une charmante réunion dans la cour intérieure.

Ce fut une belle nuit de clair de lune : à peine avait-on besoin de lampes près des pianos. Une des maîtresses, Mlle Norris était une excellente musicienne, et l'agréable soirée s'acheva au milieu des chants et des récitations.

M. et Mme Taylor comprenaient fort bien quel effort constant représentait le souci de toutes ces jeunes vies dans des conditions souvent fort éprouvantes. Aussi leur sympathie profonde allait-elle à ces maîtres et maîtresses qui avaient besoin de tant de patience et de persévérance. Dans une lettre adressée aux institutrices en charge de l'école des jeunes filles, Mme Taylor leur écrivait le 26 juin 1899 :

Je vous aime et vous apprécie, et suis si heureuse de mieux vous connaître maintenant. Bien que nous vous ayons quittés, nos coeurs sont près de vous. Je vous remercie de votre confiance et désire vous adresser à toutes un message d'adieu. Le voici : Soyez décidées à mettre à l'épreuve ce que peuvent faire la foi et l'amour. Attachez-vous à Dieu... La vocation à laquelle nous avons été appelés est de vivre une vie surnaturelle, d'être « plus que vainqueurs » jour après jour. Consacrez-vous à Dieu pour être toujours plus remplies de Lui, et pour Le servir avec Sa force... Le seul remède à toute insuffisance, et la solution à toute difficulté, c'est d'avoir toujours davantage Christ dans notre vie et de dépendre de plus en plus de Lui.

Jusqu'à la fin ce ministère continua, tant par la plume que par d'autres moyens, jusqu'au jour du départ de Shanghaï pour l'Amérique. Mme Taylor était déjà à bord du paquebot mais son mari écrivait encore des lettres de sympathie et d'encouragement à ceux dont les besoins étaient sur son coeur. Il ne termina qu'à minuit. La Maison de la Mission était silencieuse en cette belle nuit de septembre. Seul M. Stevenson l'accompagna au navire. Ils allèrent tous deux en chaise à porteurs dans les rues désertes. Puis M. Stevenson rentra seul pour reprendre le fardeau des responsabilités.

Dès lors, les événements se déroulèrent avec une effrayante rapidité, jusqu'au dénouement de 1900. Hudson Taylor poursuivait son voyage en Australie, quand l'impératrice douairière publia l'édit enflammé qui ouvrait cette terrible année. Placardées dans toutes les villes importantes, ces paroles brûlantes ne perdirent rien de leur force par la libre traduction que les lettrés en donnèrent à la masse ignorante. On vit qu'une guerre à mort était déclarée et la société patriotique secrète des Boxers, vouée à l'extermination de tous les étrangers, se développa sous la protection impériale jusqu'à ce que le mouvement se fût étendu, comme un incendie, à tout le pays.

À cette époque, Hudson Taylor et ses compagnons de route après avoir rencontré de chauds amis et participé à maintes réunions en Nouvelle-Zélande, étaient en route pour New-York où ils devaient assister à la Conférence universelle. Des missionnaires de toutes les parties du monde s'assemblèrent à cette occasion et l'on pria beaucoup pour la Chine où la situation devenait désespérée. Après la Conférence, Hudson Taylor envoya son fils et sa belle-fille à Londres, pour prendre part aux assemblées annuelles de la Mission tandis qu'il restait encore quelque temps en Amérique. Mais le souci que lui causait l'état des affaires en Chine, en même temps qu'un programme trop chargé pour un seul homme, déterminèrent un grave déclin de ses forces.

M. et Mme Taylor arrivèrent à Londres, en juin. Là, sous l'impulsion d'un sentiment d'urgente nécessité qu'elle ne s'expliquait pas, Mme Taylor fit les préparatifs pour prolonger le voyage jusqu'à ce coin paisible, à la montagne, où la santé de son mari avait été si merveilleusement raffermie quelques années auparavant. Celui-ci, incapable de parler en public et d'écrire, approuva ce projet, reconnaissant de pouvoir, à Londres comme à Shanghaï, laisser la tâche en de si bonnes mains. À Davos, ils avaient trouvé d'excellents amis, en la personne d'une dame anglaise et de son mari, M. et Mme Hofmann, qui recevaient des visiteurs dans leur pension de famille, à un prix modéré. Se bornant à écrire qu'ils arrivaient, les voyageurs se mirent en route quelques jours seulement avant la réunion de prières de Newington Green, à Londres, à laquelle assista Mme Hofmann et où l'on annonça, pour la première fois, que de terribles événements se passaient en Chine. Si Hudson Taylor avait attendu ce moment-là, il n'aurait pu quitter Londres. Les Boxers étaient entrés dans Peiping et y avaient commencé leur oeuvre de destruction. Des centaines de chrétiens étaient massacrés et les autorités chinoises avaient déclaré la guerre. Les légations étrangères étaient en état de siège et des décrets impériaux ordonnaient aux vice-rois et aux gouverneurs d'appuyer partout le soulèvement.

Lorsqu'elle apprit qu'Hudson Taylor se trouvait déjà à Davos, Mme Hofmann se hâta d'apporter secours et réconfort à ses amis, en ce temps de grande détresse. Ce fut là que le coup les atteignit. Télégrammes sur télégrammes annonçaient des soulèvements, des massacres, la chasse aux réfugiés dans les stations de la Mission, jusqu'à ce que ce coeur qui, si longtemps, avait présenté au Seigneur ses bien-aimés collaborateurs n'en pût supporter davantage et fût près de cesser de battre.

Sans la protection offerte par cette vallée reculée où l'on pouvait dans une certaine mesure lui cacher les nouvelles, Hudson Taylor lui-même eût été du nombre de ceux dont les vies furent sacrifiées pour Christ et pour la Chine dans l'indicible horreur de cet été. Mais il continua de vivre, appuyé sur Dieu. « Je ne puis pas lire, disait-il dans les pires moments, je ne puis pas penser, je ne puis pas même prier, mais je puis avoir confiance. »


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(1) La pensée d'Hudson Taylor, telle qu'elle est exprimée dans ces articles, était qu'il fallait créer des centres, confiés à des missionnaires déjà expérimentés, où les nouveaux ouvriers, à leur arrivée en Chine, pourraient étudier la langue et s'initier à leur tâche d'évangélistes ; où ils pourraient revenir de temps en temps pour se reposer après leurs voyages. Les évangélistes chinois devraient aussi avoir des études bibliques et recevoir une certaine préparation dans ces centres.

Une équipe itinérante spéciale devrait ensuite être formée, écrivait-il. Ses membres devraient être désireux de se consacrer à une oeuvre itinérante sans songer à se marier ou à s'installer avant que ce travail particulier soit terminé. Cette tâche, ardue, demanderait un grand renoncement, mais elle procurerait beaucoup de bénédictions et de joie...
Ainsi préparés, les ouvriers devraient partir deux à deux, c'est-à-dire deux missionnaires et deux aides indigènes, pour les districts fixés à l'avance, pour vendre les Écritures et les traités et prêcher la Bonne Nouvelle...
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(2) De janvier 1898 à septembre 1899

 

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