Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



HUDSON TAYLOR


QUATORZIÈME PARTIE
CONSUME PAR L'AMOUR
1895-1905


CHAPITRE 82
Les eaux paisibles
1900-1904

 

Dans la maison missionnaire de Pingyang (au sud du Shansi) un petit groupe d'étrangers se préparait à entreprendre un terrible voyage de mille six cents kilomètres à travers un pays infesté de Boxers, pour atteindre un refuge sûr. Le pasteur indigène à cheveux blancs, devenu si invalide par l'âge qu'il pouvait à peine, marcher, était venu leur dire adieu et s'entretenait avec l'une des femmes missionnaires quand un pressant message l'appela au-dehors. Un ami angoissé le suppliait de rentrer immédiatement chez lui. C'était au péril de sa vie, lui disait-il, qu'il témoignait de la sympathie à des étrangers. Un édit impérial venait d'arriver disant que ceux-ci et tous ceux qui étaient en rapport avec eux devaient être exterminés ; il fallait se cacher pour sauver sa vie. Le vieillard revint tranquillement vers ses amis, les missionnaires, et termina l'entretien en disant :

« Les royaumes peuvent périr, l'Église ne peut être détruite. »

C'est dans cette confiance que lui et des centaines de chrétiens chinois scellèrent de leur sang leur témoignage (1).

Parmi ceux qui échappèrent à la mort, dans le district du pasteur Hsi, se trouvait un cher vieillard dont la profession de foi était bien simple. Longtemps il avait dirigé un refuge pour fumeurs d'opium, où il avait été témoin de la puissance de Dieu. Dans toute la région l'on savait l'efficacité de ses prières et l'on s'adressait à lui en cas de maladie ou de difficulté. Li-Pucheo n'était pourtant pas un homme instruit ; il ne savait pas même lire. Mais il savait une chose, c'est que le Seigneur Jésus est ressuscité des morts et que, par conséquent, tout est possible.

Avant le terrible été de 1900, toutes les fois qu'un village était en danger, que la chapelle était pillée et les chrétiens dispersés, il répétait avec une paisible confiance : « Je sais que Jésus-Christ est ressuscité des morts. » Ce fait glorieux lui semblait le gage de la résurrection de l'Église et, jamais, ni avant, ni après ces longs mois d'angoisse, son attente ne fut trompée.

Pour Hudson Taylor, rien ne restait, sinon l'unique et simple foi : « Seigneur, Tu as été pour nous un refuge de génération en génération. » Pendant longtemps il avait trouvé sa force et son repos en Dieu ; cet asile ne lui faisait pas défaut, maintenant. Tout ce qui pouvait être ébranlé s'écroulait autour de lui, mais il y a des choses qui ne peuvent être ébranlées et qui demeurent fermes dans la tempête.

« Avant d'avoir des enfants à moi, disait-il souvent, j'avais la pensée que Dieu ne m'oublierait pas, mais lorsque je devins père moi-même, j'appris que Dieu ne peut pas m'oublier. »

En dernière analyse, n'est-ce pas sur cet amour, sur ce coeur de Père, que nous devons nous appuyer? Dans l'obscurité et la confusion, au milieu de la tourmente produite par le péché, je puis ne rien voir, ne rien comprendre, n'être capable de rien, pas même de prier parfois ; mais je connais Dieu. De Son point de vue, tout est intelligible, nécessaire, tout produit le plus grand bien.

Mais combien il souffrait tandis que les semaines s'écoulaient sans qu'il pût alléger ou même partager les souffrances de ses frères. Pendant plus de trente ans il avait été le premier à se hâter vers le lieu du danger, sans s'épargner lui-même, pour peu qu'il fût possible de venir en aide aux collaborateurs qu'il aimait si fidèlement. Et, maintenant, à l'heure de leur épreuve suprême, il était contraint de se, tenir à l'écart, sans pouvoir faire autre chose que de prier pour eux.

Il ne pouvait pas écrire. À la vérité, au milieu d'août, au moment des plus terribles nouvelles, la vie semblait le quitter si rapidement qu'il pouvait à peine traverser seul sa chambre. Son pouls descendit à quarante pulsations par minute. L'angoisse le tuait et ce ne fut qu'en lui dosant les nouvelles que l'on put maintenir le léger fil de sa vie.

Avec la délivrance des légations et la fuite de la cour loin de Peiping, le 14 août, la folie des Boxers commença à s'apaiser et Li-Hung-Chang fut de nouveau appelé à la barre pour guider son pays désorienté, dans ses négociations avec les puissances étrangères.

Mais, avant cela, la Mission à l'Intérieur de la Chine avait perdu cinquante-huit de ses membres, sans compter vingt et un enfants, tués avec leurs parents ou morts dans des tortures auxquelles ceux-ci purent survivre. Dans toute la correspondance de cette époque, il n'est pas un sentiment amer contre les persécuteurs, pas un désir de vengeance, pas une demande de dédommagement. Les dispositions de cette tendre mère, qui, mourant après des semaines d'un voyage épuisant au cours duquel elle avait été témoin de la mort d'un de ses enfants et des souffrances prolongées des autres, disait à son mari : « J'aurais voulu vivre et revenir là-bas, parler encore de Jésus à ces pauvres gens », ces dispositions semblaient animer tous les coeurs.

Quant à la difficile question des indemnités, Hudson Taylor avait immédiatement déclaré que la Mission n'en demanderait pas et n'en, accepterait pas, si l'on en offrait pour les vies perdues. Lorsque, plus tard, outre une lourde indemnité, des châtiments implacables furent infligés par certaines puissances, il alla plus loin et, en plein accord avec les comités, refusa tout dédommagement pour les pertes matérielles de la Mission, tout en laissant les particuliers libres d'accepter, s'ils le désiraient, d'être. indemnisés de leurs dommages personnels. Cette attitude, vivement critiquée par certains, fut chaudement approuvée par le Ministère anglais des Affaires étrangères et par son représentant à Peiping, qui fit à la Mission un don de cent livres, en témoignage de son « admiration » et de sa sympathie.

Lorsque, ses forces revenues, Hudson Taylor put supporter de connaître le détail de ce qui s'était passé, il ne s'épargna pas la lecture d'une page de journal ou de lettre. La neige était tombée sur les montagnes, quand, par un beau matin d'octobre, il se rendit chez sa belle-fille qui préparait la biographie du pasteur Hsi. Un courrier venait précisément d'apporter des nouvelles du district de Hsi qui l'avaient profondément ému. Ses larmes coulaient tandis qu'en marchant dans la petite, chambre il parlait des dernières lettres qu'il avait reçues, écrites la veille de leur mort, dans une station éloignée, par Mlles Whitchurch et Searell.

« Oh, disait-il au cours du récit, imaginez-vous ce que ce dut être d'échanger le spectacle de cette populace meurtrière pour le ravissement de Sa présence!

Ils ne regrettent rien, poursuivit-il, dès qu'il put retrouver sa voix, maintenant qu'ils possèdent une couronne qui ne se flétrit point! Ils marcheront avec Lui, en vêtements blancs, car ils en sont dignes! »

Un peu plus tard, parlant de son désir d'aller à Shanghaï pour être au milieu de ceux qui y cherchaient un refuge, il ajouta :

«Je ne pourrais pas faire grand'chose, mais je sens qu'ils m'aiment. S'ils pouvaient venir vers moi dans leur tristesse et si je pouvais seulement pleurer avec eux, ce serait un réconfort pour plusieurs. »

Tendrement, sa belle-fille lui fit comprendre combien cette sympathie serait précieuse, mais aussi combien ce serait plus qu'il n'en pourrait supporter.

Incapable d'aller lui-même en Chine, Hudson Taylor éprouvait un grand soulagement de penser que M. Stevenson était assuré de l'aide d'un homme manifestement préparé par Dieu pour ces circonstances critiques. M. Cooper était tombé sous la hache du bourreau et il semblait que rien ne pouvait compenser, pour la Mission, la perte d'un chef si sage et si puissant par la prière. Mais, sur le voeu d'Hudson Taylor, M. D. Hoste, surintendant du Honan, passait l'été à Shanghaï. Il se trouvait donc à portée pour donner à M. Stevenson un secours précieux. Sentant que sa propre vie pouvait lui être retirée d'un moment à l'autre, Hudson Taylor désigna, au mois d'août, M. Hoste comme directeur général-adjoint de la Mission. Ce n'était pas une mesure improvisée. Depuis des années, il demandait à Dieu de lui indiquer son successeur et ce fut avec une vive reconnaissance qu'il vit M. Hoste devenir apte à ces fonctions.

Avant même de quitter la Chine, Hudson Taylor ne doutait pas que ses prières fussent exaucées et, bien que la nomination de M. Hoste ne fût rendue publique que quelques mois plus tard, après l'approbation cordiale de M. Stevenson et des Comités de Londres et de Chine, il sentit avec joie qu'une mesure importante avait été prise pour la sauvegarde des intérêts de l'oeuvre entière.

Il trouvait dans les dispositions d'esprit que manifestaient les lettres de ses correspondants un autre, sujet de reconnaissance.

J'ai écrit, disait-il à la fin de l'année, à quelques-uns des parents de ceux que nous avons perdus, pour les consoler dans leur chagrin et, à ma grande surprise, ils oublient leur propre deuil pour me dire leur sympathie.

On comprendra sans peine combien il était touché quand des pères et des mères, non seulement lui écrivaient dans un esprit de résignation, mais encore faisaient des dons et exprimaient même le voeu que d'autres de leurs enfants fussent appelés par Dieu à Le servir dans le champ missionnaire. En réponse à une lettre de sympathie venue de Shanghaï, signée par trois cents membres de la Mission, il écrivit :

En lisant vos signatures, une à une, nous ayons remercié Dieu de vous avoir épargnés pour nous et pour la Chine. Les tristes circonstances que nous avons traversées ont été permises de Dieu pour Sa gloire et pour notre bien... Sans aucun doute, Il permettra la reprise de l'oeuvre maintenant arrêtée, et dans des conditions plus favorables.

Nous Le remercions pour la grâce qu'Il a accordée à ceux qui ont souffert. C'est un honneur qu'Il nous a fait, en tant que Mission, de passer par une épreuve si profonde et d'avoir eu un si grand nombre de nos membres jugés dignes de la couronne du martyr. Plusieurs de ceux qui ont été épargnés ont peut-être plus souffert que ceux qui ont été repris, et le Seigneur ne l'oubliera pas. Nous ne pouvons dire combien il nous a été pénible d'être si loin de vous à l'heure de la détresse...

Quand la reprise du travail sera possible dans l'intérieur du pays, nous trouverons peut-être beaucoup de changements, mais les principes que nous avons mis à l'épreuve pourront être appliqués de nouveau, parce qu'ils sont fondés sur la Parole immuable de notre Dieu. Apprenons chacun les leçons que Dieu veut nous enseigner, et soyons préparés par Son Esprit pour tout service auquel Il nous appellera en attendant qu'Il vienne.

Ce fut seulement en été 1901 qu'il se vit contraint d'abandonner pour longtemps tout espoir de retourner en Chine. Un petit accident, dans la vallée de Chamonix, réveilla son ancien mal de la colonne vertébrale et, pendant plusieurs mois, il fut plus ou moins perclus. Il paraissait impossible, au premier abord, qu'une simple glissade sur des aiguilles de pin eût des conséquences graves, Mais ce fut la réponse de Dieu aux prières de Son serviteur qui lui demandait de le diriger. Tout simplement, la route était barrée.

Une courte visite en Angleterre, quelques mois plus tard, lui procura d'heureuses rencontres avec des amis de la Mission, mais ce fut trop pour ses forces. Tout ce qu'il put faire, à la veille de son soixante-dixième anniversaire, fut de retourner en Suisse, reconnaissant de la vie simple et retirée qui lui permettait, avec Mme Taylor, de servir encore la Mission par la prière et la correspondance.

Afin de jouir du voisinage de leur amie, Mme Berger, M. et Mme Taylor s'installèrent aux Chevalleyres, au-dessus de Vevey et du lac Léman. Aucune voie ferrée n'escaladait alors la montagne. Le château de Blonay, avec sa vieille tour grise, dominait un paysage d'une beauté toujours renouvelée. Plus haut, sur les pentes boisées des Pléiades, au milieu des vergers et des prairies, se trouvait une pension simple. mais charmante. L'entrée, au nord, était au niveau de la route, mais les chambres du rez-de-chaussée, au sud, étaient surélevées par rapport au jardin. C'était exactement ce que cherchait Mme Taylor. Deux chambres avec un balcon, et une véranda au soleil levant, offraient le confort nécessaire.

Ils y arrivèrent en été 1902 et y trouvèrent des soins empressés et une sympathie toujours en éveil. Depuis le vieux comte et la comtesse, jusqu'aux paysans qu'ils rencontraient dans leurs promenades quotidiennes, presque toujours les visages s'éclairaient et les coeurs se sentaient attirés vers ce missionnaire à cheveux blancs et sa dévouée compagne. L'amour rayonnait de leur vie, malgré les bornes que leur imposait une langue étrangère, et jamais amour ne s'attira une réponse plus cordiale que dans le dernier lieu de repos de leur pèlerinage terrestre.

Peu à peu, la pension devint comme, une sorte de rendez-vous pour des hôtes anglais, pour des amis venant faire à M. et Mme, Taylor de plus ou moins longues visites. Cela leur procura une société agréable et bien des occasions de prier ensemble pour la Chine. Ce petit salon devint, en vérité, au milieu des montagnes, comme un centre de la Mission, dont l'influence bénie se fit sentir au loin.

Ce n'est pas tant ce que votre père disait, que ce qu'il était qui m'apporta une bénédiction, écrit M. Rob. Wilder. Emerson dit : « Les âmes ordinaires paient avec ce qu'elles font, les nobles âmes avec ce qu'elles sont. » Votre père répandait autour de lui le parfum de Jésus-Christ. Cela m'impressionna beaucoup de voir un homme dont la vie avait été si active et qui était réduit à une vie si retirée, incapable de prier plus de quinze minutes de suite et cependant toujours joyeux.

Une des raisons du bonheur tranquille de ces jours-là venait du fait que M. et Mme Taylor n'avaient plus à se quitter. Leur amour était toujours le même et chacun s'adaptait parfaitement aux besoins de l'autre. Ils purent d'abord sortir souvent ensemble, jouissant de petites excursions, en chemin de. fer ou en bateau, et de longues et patientes escalades qui s'achevaient dans une contemplation ravie du haut d'un sommet familier. Peu à peu, comme d'autres pouvaient accompagner Hudson Taylor, Mme Taylor y trouva une excuse suffisante pour rester plus souvent à la maison. En Mlle Williamson son mari trouva une compagne dont l'amour pour la montagne était égal au sien. Et, toujours, qu'elle écrivit ou qu'elle tricotât, Mme Taylor les accueillait au retour avec une tasse de thé ou de joyeuses nouvelles. On passait de longues heures à développer des photographies ou à étudier les fleurs que l'on avait cueillies. Hudson Taylor prenait un plaisir remarquablement vif dans ces simples choses, aussi bien qu'à contempler la nature et à recevoir des amis. Il en jouissait comme un enfant. Ne pouvant plus faire qu'une lecture facile, il gardait toujours le même amour pour la Parole de Dieu. Dans sa soixante et onzième année, il lut la Bible du commencement à la fin, pour la quarantième fois en quarante ans (2). Sa correspondance se faisait presque entièrement par la plume de sa femme ; les livres de, copies de lettres qui existent encore montrent quels étroits rapports il entretenait avec ses amis de Chine et du monde entier.

Jusqu'à l'automne de cette année 1902, il resta directeur général de la Mission. Il recevait des rapports réguliers de M. Hoste, de M. Stevenson et d'autres. À deux reprises, M. Frost et M. Sloan vinrent en Suisse pour le voir. Lors de sa seconde visite, M. Sloan fut nommé directeur-adjoint de la Mission en Angleterre. Quand M. Hoste arriva de Chine, en novembre 1902, Hudson Taylor comprit que le moment était venu de déposer des responsabilités qu'il ne pouvait plus assumer. Beaucoup de problèmes se posaient, relatifs aux reconstructions et du développement du champ d'activité. Des occasions magnifiques s'offraient. La semence répandue dans les larmes et arrosée de sang, promettait une riche moisson. La bénédiction de Dieu avait reposé sur la nomination faite deux ans auparavant ; aussi, en plein accord avec tous les directeurs et comités, Hudson Taylor transmit-il avec reconnaissance à M. Hoste l'entière direction de la Mission. Le changement s'était Produit peu à peu et il fut à peine sensible. M. et Mme Taylor restaient aussi étroitement attachés à l'oeuvre que jamais, mais M. Hoste avait assumé une responsabilité lourdement accrue.

Le sentiment l'en accablait : « Je n'ai maintenant personne, disait-il, au lendemain de ce transfert, personne sauf Dieu. »

Mais l'affection et la confiance de ses collègues se manifestèrent plus vivement, quand sa nomination fut connue. « Je suis reconnaissant, écrivait M. Orr Ewing, que vous ayez choisi celui qui, parmi nous, est peut-être le plus un homme de prière. »

Ceux qui savaient regarder par delà les apparences, voyaient bien quelle souffrance était pour Hudson Taylor le fait d'être incapable de travailler. Le sacrifice et le travail sont également doux pour la cause de Jésus ; mais, ajoutait-il, « le plus dur c'est de ne pouvoir rien faire ».

Ce fut alors qu'un nuage vint brusquement obscurcir tout l'horizon. Un télégramme, en juillet 1903, annonça aux auteurs de ce livre que le médecin venait de diagnostiquer chez Mme Taylor une tumeur intérieure. Sa mère étant morte d'un cancer, tout était à craindre. Un chrétien dévoué, membre du Comité américain de la Mission, le Dr Howard Kelly, chirurgien d'une réputation mondiale, qui se trouvait alors en Suisse, fut appelé en consultation avec l'habile Dr Roux.

C'était bien un cancer, mais M. et Mme Taylor ne le surent jamais et leur crainte s'évanouit. Quand la malade fut examinée, sous le chloroforme, le mal trop avancé rendait toute opération inutile. M. et Mme Taylor n'en demandèrent pas davantage : ils en conclurent avec gratitude qu'une opération n'était pas nécessaire. Il ne s'agissait donc, pour eux, que d'une simple tumeur et leur soulagement fut si grand qu'ils n'éprouvèrent plus que de la reconnaissance.

Les années 1903 et 1904, qui auraient pu être remplies de tant de douleurs et d'appréhensions, ne le furent que de tendresse délicate et de grâce. Pour ceux qui savaient ce qui les attendait, c'était un miracle quotidien de voir, au lieu d'un coucher de soleil assombri, une lumière grandissante. Rien n'était changé ni troublé, dans leur vie en commun. Mourant du cancer, Mme Taylor s'occupait de ceux qui l'entouraient et non pas d'elle-même, vivant encore pour son mari et pour la Chine. Dans ses journées de faiblesse et de souffrance, elle s'appuyait encore davantage sur Dieu.

L'hiver fut passé à Lausanne, pour être à proximité du Dr Roux et Mme Taylor apprécia à sa valeur le privilège d'habiter en ville et d'avoir le tramway à la porte. Tant qu'elle put marcher, plus ou moins librement, elle trouva un réconfort dans le culte de l'Église anglaise et les nombreuses visites à des amis. Puis, quand la faiblesse augmenta, avec quelle joie elle retrouva les fleurs du printemps, la paix et la beauté des Chevalleyres! De retour dans leur vieille demeure, entourés comme auparavant de soins affectueux, leur coupe semblait déborder. Jamais les nouvelles de Chine n'avaient été plus encourageantes.

Dieu aide M. Hoste dans la direction et le développement de la Mission, écrivait M. Frost après une visite à Shanghaï. Il y a, parmi les ouvriers indigènes aussi bien qu'étrangers, un esprit extraordinaire d'union et de dévouement. Des portes s'ouvrent et des âmes, en nombre toujours plus grand, sont gagnées à Christ.

M. et Mme Taylor se réjouissaient de ce que l'accroissement de leurs ressources leur permit de faire, à cette époque, nombre de dons inattendus. Il semblait que le Seigneur eût hâté la procédure légale du règlement de, la succession d'un oncle de Mme Taylor en Australie, pour lui permettre de consacrer elle-même, tant qu'elle le pouvait encore, les quinze cents livres Sterling qu'elle reçut. Donner avait été la jouissance de sa vie et elle devait avoir la joie de donner jusqu'au bout. Plusieurs chèques de cent livres furent adressés au trésorier de la Mission avec des paroles d'affectueux encouragement, tandis que d'autres lettres et d'autres dons partaient dans d'autres directions.

Alors s'épanouirent le dernier printemps et le dernier été qu'ils passèrent ensemble.

Je suis devenue faible, écrivait-elle en mars 1904, avant de quitter Lausanne. Mais la bonté du Seigneur et sa compassion se renouvellent chaque matin... Mon cher ami est toujours frêle... Nous sommes très bien assortis et tous deux si reconnaissants de pouvoir vivre une vie tranquille sans effort.

Elle jouissait beaucoup de la chaise longue sur la véranda où elle passait toujours plus de temps.

J'ai des jours pénibles souvent, écrivait-elle, mais je ne souffre plus comme autrefois... Le Seigneur tient nos jours dans Sa main et tout est bien... Je n'ai qu'à me reposer sur Lui; mes jours de travail sont passés et je ne puis plus que Lui parler de vous, les ouvriers actifs dans Sa vigne... Nous ne savons pas ce qui nous attend, mais nous Le connaissons, Lui, et cela suffit.

À la fin de juin, la chère malade dut renoncer à se lever, ce qu'elle avait fait aussi longtemps que possible pour ne pas rompre le cercle de famille. Hudson Taylor jouit beaucoup d'une visite de son plus jeune fils Charles et de la compagnie de sa fille Amy qui aidait à soigner Mme Taylor. Celle-ci avait toujours peur d'être à charge à ses bien-aimés et, vu les circonstances, il semblait difficile de se procurer une garde-malade. Bien que cela ne devînt jamais nécessaire le Seigneur y pourvut aussi.

Les Bonjour, écrivait-elle, sont toujours empressés à nous rendre service. La femme de chambre parle anglais et est une garde-malade très habile et très agréable. Si je viens à avoir besoin d'elle la nuit, je pourrai la garder, les Bonjour se procureront une autre domestique. Est-il possible d'être plus aimable ?

Depuis que je n'ai plus essayé de me lever, j'ai été mieux en quelque mesure... le passe des journées paisibles et tranquilles, quoique faible et quelquefois souffrante... Le Seigneur me prend à Lui peu à peu et doucement, ce qui m'est une grande grâce à cause de mon mari.

Avant qu'elle pût accourir aux Chevalleyres, sa belle-fille reçut à Keswick, où la retenait un engagement antérieur, une lettre précieuse :

16 juillet 1904. - Ici, dans ma paisible chambre, je te soutiendrai par la prière quand tu seras au milieu de la foule. J'apprends la leçon de la faiblesse et de la dépendance. Peut-être l'apprends-tu aussi dans le domaine spirituel, d'une autre façon. Oh ! si l'on avait toujours été dépendant du Seigneur dans Son service !

« S'appuyer sur le Bien-Aimé », c'est toujours « monter ». Tout est en Lui : repos, direction, ressources suffisantes et satisfaction profonde. Qu'Il nous rende capables de demander de grandes choses pour Sa gloire.

Ce sera délicieux de te voir ici, si le Seigneur le permet; mais je vis au jour le jour, sans savoir ce que le lendemain apportera. « Mes jours sont en Ta main » et c'est une bénédiction qu'il en soit ainsi. Tu verras de quel secours me sont Howard, Amy et leur cher père, tous si aimants et toujours prêts à me gâter de toutes manières. Le Seigneur est si bon pour nous ! Il semble que nous ne puissions rien désirer de plus; mais seulement Le louer !


Table des matières

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(1) Le pasteur Hsi aurait été certainement du nombre des victimes si Dieu ne l'avait rappelé à Lui quatre ans auparavant. Son collègue Song était le pasteur de Pingyang auquel il est fait allusion ci-dessus.
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(2) Parlant par expérience, Hudson Taylor disait: « Ce qu'il y a de plus difficile dans la vie du missionnaire, c'est de maintenir la lecture régulière de la Parole de Dieu, faite avec prière. Satan trouvera toujours une occupation pour vous au moment voulu pour vous en détourner, ne fût-ce qu'une réparation à un contrevent. »

 

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