HUDSON TAYLOR
QUATORZIÈME PARTIE
CONSUME PAR
L'AMOUR
1895-1905
CHAPITRE 84
Prières dont l'exaucement est encore
à venir
L'apôtre de la Birmanie, Adoniram Judson,
apprit, moins de deux semaines avant sa mort,
l'exaucement de prières qu'il avait
adressées à Dieu avec ardeur des
années auparavant et qui semblaient sans
réponse. Longtemps, il avait porté
sur son coeur la cause des Juifs, au point de
songer à fonder pour eux une mission en
Palestine, mais en vain. Et voici, quelques jours
avant de mourir, il apprit que quelques Juifs
s'étaient convertis à
Trébizonde, après la lecture d'un
traité qui racontait sa propre vie, et
qu'ils avaient fait demander à
Constantinople un maître chrétien. Les
yeux pleins de larmes, le vieux missionnaire
s'écria :
Je n'ai jamais prié avec
ardeur, avec zèle, pour une chose
quelconque, sans qu'elle me fût
accordée. Et cependant, j'ai toujours eu si
peu de foi. Que Dieu me pardonne et purifie mon
coeur de tout péché
d'incrédulité.
Quel riche héritage Hudson Taylor
laissait au pays qu'il aimait, à
l'Église de Dieu en Chine, pour laquelle il
avait donné sa vie!
En un sens, les prières de sa vie
entière étaient exaucées.
Mais, dans un autre sens, ces prières ne
nous indiquent-elles pas encore de vastes
possessions dont il nous faut nous emparer?
Hudson Taylor ne pouvait douter que le
Seigneur voulût faire entendre à
« toute créature », en Chine, la
joyeuse nouvelle du salut. Et sa conviction ne fut
ébranlée ni par les obstacles
successifs qui surgirent, ni par la crise des
Boxers.
Ce travail ne sera pas accompli sans
crucifixion, avait-il dit à la
Conférence de la Mission à
l'Intérieur de la Chine de mai 1890, sans
que nous soyons prêts à
exécuter à n'importe quel prix le
commandement du Maître. Mais, ceci fait, je
crois au fond de mon coeur que cet ordre sera
exécuté. S'il est une occasion, dans
ma vie, où j'ai eu l'assurance d'être
conduit par Dieu, c'est bien en écrivant et
en publiant les articles dont le premier a paru en
novembre dernier.
Les événements indiquaient
que les temps n'étaient pas encore venus,
mais qui dira qu'ils ne sont pas accomplis
maintenant? Nombre de symptômes montrent que
c'est dans cette direction que l'Esprit de Dieu
agit. Un récent examen des travaux
missionnaires en Chine pendant les dix
dernières années, prouve clairement
qu'un nouvel esprit d'évangélisation
s'empare de l'Église de Chine. Dans la
province du Honan, par exemple, peuplée de
vingt-cinq millions d'âmes, toutes les
Sociétés et Églises sont unies
dans un même effort pour prêcher
l'Évangile « à toute
créature » dans l'espace de cinq
années. Ce mouvement commença au
début de 191,7 ; son but précis
était de « faire appel à la
collaboration de tous les chrétiens du Honan
et de porter l'Évangile à la
connaissance de tous les non chrétiens de la
province ». Et cet effort, qui réclame
les prières et la sympathie de tous ceux qui
désirent la venue du règne de Dieu,
n'est qu'une partie d'un mouvement plus vaste qui,
à des degrés divers, se fait sentir
dans toute la Chine.
Des nouvelles aussi encourageantes
viennent du Hunan où l'école biblique
flottante s'affirme comme une méthode
efficace pour préparer des hommes sachant
gagner des âmes. Organisé par le Dr
Keller, ce mouvement remarquable a pour but «
la rapide et complète
évangélisation des vingt-deux
millions d'habitants de cette province », par
de petites troupes itinérantes qui
travaillent en accord avec toutes les
sociétés missionnaires. Profitant des
nombreux canaux, les étudiants de
l'École biblique, qui doivent avoir une foi
vivante et une vocation sérieuse, passent la
plus grande partie de l'année, sous la
direction d'un maître chinois exercé
et sous la surveillance des surintendants
missionnaires, dans un bateau aménagé
pour en recevoir une douzaine. Sur l'appel d'un
missionnaire, ils se rendent dans un district et y
passent tout le temps nécessaire pour
atteindre par le message du salut la population
entière.
Nous avons maintenant trois groupes
à l'oeuvre, écrivait le Dr Keller en
1917 et nous espérons en organiser trois
autres cette année. Dans des centaines de
familles, les gens ont rejeté
l'idolâtrie et ont accepté Christ
comme leur Sauveur et Seigneur. Des classes
bibliques ont été formées, de
nouvelles Églises organisées et
plusieurs milliers d'hommes qui n'avaient jamais
entendu l'Évangile auparavant ont vu leurs
préventions se dissiper et leurs coeurs
s'ouvrir à l'Évangile.
Une fois par an les groupes se
réunissent pendant deux mois, en vue d'une
étude spéciale de la Bible, dans les
montagnes où un sanctuaire
célèbre attire chaque année
des centaines de milliers de pèlerins.
Là, les étudiants, auxquels se
joignent les pasteurs et les
évangélistes de toute la province,
font une oeuvre féconde parmi les
pèlerins dont des jeunes gens
zélés et religieusement bien
disposés forment une bonne part. Beaucoup de
conversions du plus haut intérêt ont
été enregistrées en 1916. Le
Dr Keller estime que cette méthode de
travail pourrait être adaptée aux
besoins particuliers des autres provinces et
contribuerait utilement à résoudre le
problème de l'évangélisation
de la Chine dans cette
génération.
On a trouvé, dans la Bible
d'Hudson Taylor, une petite carte de la province du
Kweichow qui indiquait, en particulier, les
stations où commençait le
travail.
Témoin de tant de prières,
cette feuille de papier parle de la sollicitude du
missionnaire pour ces fils sauvages des montagnes
qui, en hostilité perpétuelle avec
leurs voisins chinois, adoraient des démons
et s'adonnaient aux superstitions les plus
grossières. M. J. Adam, qui avait
travaillé avec zèle au sein de la
tribu des Miaos, près d'Anshun, rencontra
Hudson Taylor à Dundee, lors de son premier
retour en Europe. L'oeuvre était difficile,
mais pleine de promesses, et M. Adam ignorait
comment il pourrait la poursuivre. Il avait la
charge d'une station, aucun collaborateur ne
s'offrait : que faire? Fallait-il renoncer à
atteindre ces tribus et se borner à
travailler parmi les Chinois? Ni lui, ni Hudson
Taylor, en se séparant à Dundee, ne
pensaient à la réponse que leurs
prières étaient sur le point de
recevoir. Le magnifique mouvement de réveil,
commencé dans le district d'Anshun, allait
s'étendre à la province voisine, le
Yunnan, faisant entrer ces pauvres montagnards par
milliers dans le Royaume de Dieu et suscitant parmi
eux d'ardents missionnaires pour propager
l'Évangile de tribu à tribu, en
cercles de bénédictions toujours plus
vastes.
« Le soleil ne s'est jamais
levé sur la Chine sans me trouver en
prière », pouvait dire Hudson Taylor
à la fin de ses longues années de
travail dans ce pays. Et peut-être aucun de
ses travaux n'a plus contribué que ses
prières à produire les fruits que
nous constatons aujourd'hui. Mais il ne se
contentait pas de prier.
Ce volume dit quelque chose de
l'activité qui accompagnait son
intercession.
J'ai besoin, écrivait-il
à Mme Taylor, au cours d'une, de leurs
nombreuses séparations, de renoncer à
moi-même et à toi, pour la vie des
Chinois et celle de nos collaborateurs. Remarque
dans 1 Cor. 1:18, comment la Croix est mise en
rapport avec la puissance. Bien des vies ne
manquent-elles pas de puissance parce qu'elles
n'aiment pas la Croix ? Puisse notre vie être
remplie de la puissance de Dieu.
Les besoins qui l'émouvaient,
l'ordre du Christ - que nous aussi, nous appelons
Maître et Seigneur - demeurent les
mêmes. De grands changements sont survenus et
surviennent encore en Chine. L'oeuvre missionnaire
réclame, pour s'adapter à de
nouvelles situations, de nouvelles méthodes
qui sont étudiées et
appliquées avec prière. Mais les
grands faits qui les nécessitent sont les
mêmes. L'idolâtrie n'a point
lâché prise. Un membre de la Mission
qui écrit de l'extrême Nord-Ouest, en
juin 1918, raconte que dans une ville des milliers
d'hommes et de femmes sont voués par serment
à l'adoration rituelle, à des heures
déterminées. Entre autres, quinze
cents femmes se sont engagées à se
rendre à un certain temple le
deuxième et le sixième jour de chaque
mois ; là, elles s'agenouillent sur les
vérandas et dans la cour, chacune tenant
à deux mains et à hauteur de son
front une baguette d'encens. Elles doivent garder
cette position et réciter des prières
jusqu'à ce que la baguette d'encens soit
consumée, ce qui est fort long. À
chacun de ces jours d'adoration, des offrandes
d'argent doivent être faites pour la
construction et l'embellissement des temples et la
fabrication de nouvelles idoles. Et ce n'est
là qu'une ville parmi les centaines
où ne réside encore aucun
missionnaire. Ces pauvres gens, dans leurs
ténèbres, n'ont-ils pas besoin de
lumière? N'est-ce pas aussi pour eux qu'a
été répandu le Sang
précieux qui seul peut nous purifier du
péché et nous rapprocher de Dieu?
Quelle ne sera pas notre responsabilité si,
connaissant ces choses, nous ne faisons pas tous
nos efforts - par nos prières, nos dons ou
notre service direct la vie éternelle! -
pour les amener à la connaissance de la vie
éternelle !
Beaucoup a été fait, mais
il reste à faire beaucoup plus encore si
nous voulons profiter fidèlement de
l'occasion présente, la
plus glorieuse peut-être
qui se soit jamais offerte à des
chrétiens. « Quand la Chine bougera,
disait Napoléon, cela changera la face du
monde. » La Chine a bougé, elle
bouge.
Nous devons avancer sur nos genoux,
écrivait l'évêque Cassels en
considérant les besoins et les
possibilités de ce vaste pays. Il faut nous
appuyer sur Dieu d'une façon toute nouvelle
dans la prière... Je remercie Dieu de ce que
la Mission vit par la prière. Mais je dis
que Dieu fera une chose nouvelle pour nous quand il
y aura un nouvel esprit de prière parmi
nous. Dieu fera une chose nouvelle pour nous quand
il y aura un nouvel esprit de consécration
parmi nous.
Si celui dont nous avons suivi les pas
à travers une vie de travail et de
sacrifice, mais de joie rayonnante dans la
communion de Christ, pouvait nous parler
aujourd'hui du sein de la gloire éternelle,
ne nous répéterait-il pas ce qu'il
disait au milieu du combat :
Il est nécessaire que nous
nous donnions nous-mêmes pour la vie du
monde, comme Il a donné Sa chair pour la
nourriture de ceux qui étaient sans vie et
des âmes dont la vie ne peut être
entretenue que par le même pain vivant. Une
vie facile et sans renoncement à
soi-même n'aura jamais de
puissance.
Porter du fruit implique porter
sa croix. « Si le grain de blé
tombé en terre ne meurt, il demeure seul.
» Nous savons comment le Seigneur Jésus
a porté du fruit - non pas en portant Sa
croix, simplement, mais en mourant sur elle.
Sommes-nous vraiment en communion avec Lui,
à cet égard ? Il n'y a pas deux
Christ : l'un, bon marché pour les
chrétiens bon marché, l'autre
souffrant et sans cesse en travail, pour les
croyants exceptionnels. Il n'y a rien qu'un Christ.
Voulez-vous demeurer en Lui et, ainsi, porter
beaucoup de fruit ?
Qu'il plaise à Dieu de
nous faire sentir que l'enfer est quelque chose de
si réel que nous ne puissions en avoir de
repos, que le ciel est quelque chose de si
réel que nous ayons besoin d'y voir les
hommes sauvés, que Christ est si réel
que notre ambition suprême soit de faire de
l'Homme de douleurs, l'Homme de la joie par la
conversion d'un grand nombre de ceux pour lesquels
Il disait : « Père, je te demande que
là où je suis, ceux que tu m'as
donnés soient aussi avec moi, afin qu'ils
voient ma gloire. »
Pour l'intelligence du récit, il
faut se souvenir que ce chapitre a
été écrit en 1918 (Note des
éditeurs).
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