Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



La Grande Soif


CHAPITRE DOUZIÈME

Nous arrivons de nuit à Pontareuse et je ne peux que deviner le site, les bâtiments.
Autour de la table se trouvent réunis M. et Mme Piaget, leurs deux jeunes filles et dix-sept pensionnaires d'âges divers, tous buveurs de classe. Fatigué, je parle peu et ne regarde guère mes commensaux.
Le repas terminé, le directeur lit, commente un passage de la Bible et prie. Voilà du nouveau pour moi. J'écoute d'une oreille distraite et c'est avec empressement que j'accompagne M. Piaget jusqu'au pavillon situé à peu de distance du bâtiment principal dont toutes les places sont occupées. Ma chambre est au premier étage, claire, propre. Un miracle, après des mois de vie animale dans le hangar disloqué de Laval.
- Bonne nuit !

Ce voeu est presque superflu. Après cette longue journée de voyage et de buvaille, je m'anéantis dans un lourd sommeil.
Le lendemain, j'ai encore mal aux cheveux. Un de mes « camarades » m'apporte le petit déjeuner, abondant, excellent, et je n'apparais que vers midi. Après le dîner, M. Piaget me montre la propriété, admirablement située, d'où l'on voit le lac et, très loin, les cimes blanches des Alpes. Chemin faisant, je suis mis au courant du régime de la maison.
- Comme vous pourrez le constater, notre établissement n'a rien d'une prison. À quelques exceptions près, nous ne recevons que des hommes qui nous viennent librement, parce qu'ils souhaitent trouver la force de vivre dans la sobriété. Pas de murs, pas de haies, pas de fossés. À quoi bon ? La grande muraille, infranchissable, c'est la conscience de chacun. Je veux espérer que la vôtre parlera haut.
Ces mots me frappent. Une muraille infranchissable qui s'appelle la conscience? Être son propre gardien, son propre surveillant ?
- Bien entendu, chacun travaille ici. L'oisiveté donne de mauvais conseils. Quel est votre métier ?
- J'en connais une bonne douzaine. Terrassier, si vous voulez...

Je dis ça, parce que nous nous trouvons devant un chantier. On agrandit de moitié la maison principale. Les fondements seuls sont tracés. Un homme y travaille.
- Oui, ça me plaît. Et puis, comme ça, je vous laisserai un souvenir de mon séjour.

Mon compagnon est un charpentier assez silencieux. Je lève la pioche, j'enlève la terre avec la pelle, puis m'arrête. Une pensée me tourmente, me creuse. À peu de distance on voit, en contrebas, le clocher et les toits de Boudry. Mais ce n'est pas ça qui m'intéresse. C'est grand, ce Boudry, un bourg, presque une petite ville. Il y a donc des cafés; dans ces cafés, du vin, des liqueurs. Voilà près de deux jours que je n'ai rien bu et mon gosier réclame ; si je m'élançais à travers champs, dans moins de cinq minutes la bouteille serait sur la table. Mais ces paroles m'atteignent, comme si on me les jetait à très haute voix: « La grande muraille, c'est la conscience de chacun. » Où est-elle, cette muraille ? Elle me paraît d'autant plus haute qu'elle est invisible.
Puisque je suis, désormais, mon gardien, ai-je le droit de bafouer ce métier inattendu et de m'autoriser à prendre la fuite ? C'est embêtant, ça, d'être son gardien et de se trouver dans le cas, si l'on file à travers champs, de se tromper soi-même. Je me remets à frapper le sol de la pioche avec une rage sourde. Un quart d'heure après, nouvel arrêt, nouvelle discussion avec moi-même. Encore la pioche... Encore l'arrêt, l'affreuse lutte, accablante. Tout près, cette maison, peut-être un café... Ah ! comme il est plus facile de sauter les murs des prisons !
La journée terminée, je suis éreinté. Mais le travail n'y est pour rien.

Le lendemain, ça recommence. Les arrêts sont plus fréquents encore. Constamment mon regard saute sur les toits de Boudry, s'arrête sur le verre et la bouteille dont je lis l'étiquette, comme si elle était devant moi. Les fondements sont heureusement plus profonds et la terre rejetée me cache presque l'horizon, puis tout à fait. Je besogne au pied d'un haut remblai. S'il empêche la vue, il n'empêche pas la soif. Elle me rabote la langue. Sans cesse je rentre à la maison pour boire du thé. Des cinq et des six litres par jour. C'est fade. Ça glisse sur le palais comme de l'eau tiède. Du liquide, quand-même... Pour me dompter, à chaque gorgée, je me répète : « Je ne veux plus me faire de mal. »
Depuis quand suis-je au travail ? Douze jours. Est-ce que cette soif ne s'éteindra pas ? De guerre lasse, je grimpe sur le remblai et dévore des yeux l'amas des toits bruns... Vas-y ! Es-tu bête, mon pauvre vieux ! Dire que tu as de l'argent. Ne le sens-tu pas ? Il te brûle la poche. Résister, pourquoi ? Ta conscience ? Il n'y a qu'à t'asseoir dessus. Vas-y ?... Et pourtant je n'y vais pas.
Mais cette lutte me tue. Je deviens sombre, je ne parle plus à personne, même pas à M. Piaget qui met dans ses poignées de mains, dans son regard une confiance telle que je suis prisonnier... de lui, bien sûr, un peu, mais surtout de moi-même, et c'est ça le pire. Le soir, dans ma chambre, je me maudis, j'envoie Pontareuse au diable, je me débats contre ma passion toujours présente qui enfonce son aiguillon, et je finis par m'endormir la rage au coeur.

Pour, discuter avec moi-même le moins possible, je m'abrutis de travail. Soir après soir j'assiste au culte, j'écoute chant, lecture et prière. La ferveur, la sincérité de celui qui lit ou explique la Bible est telle qu'elle m'impose le respect. Les sarcasmes meurent sur mes lèvres. Je réfléchis. Tous les détails de ma vie, à la fois douloureuse et folle, me reviennent, m'assiègent. Sur chacun d'eux, ou presque, le mot alcool est gravé.

Un soir, dans ma chambre, avec plus de curiosité que d'intérêt, j'ouvre la Bible qu'on m'a donnée. Mes regards tombent sur les Psaumes. Et voilà que je ne peux plus m'arrêter. Plusieurs, semble-t-il, ont été écrits pour moi. Et je relis : Aie pitié, ô Dieu, aie pitié de moi. Mon âme se retire vers toi, je me réfugie sous l'ombre de tes ailes jusqu'à ce que les calamités soient passées. Je crie au Dieu très haut, à Dieu qui accomplit son oeuvre pour moi. Ailleurs: Selon la grandeur de tes compassions, efface mes forfaits. Lave-moi parfaitement de mon iniquité et nettoie-moi de mon péché. Car je connais mes transgressions et mon péché est toujours devant moi.

Une autre fois, je lis l'histoire de Job qui avait eu tout le bonheur possible. Réduit à la plus sordide misère il n'en continue pas moins à bénir Dieu. J'admire, mais je me reconnais incapable d'une pareille résignation.

La conversion de Saul de Tarse me bouleverse. Cet homme « respirant encore la menace et le meurtre contre les disciples du Seigneur » est durement terrassé sur le chemin de Damas. Autour de lui une lumière resplendit comme un éclair. Dompté, tremblant, il demande : « Seigneur, que veux-tu que je fasse?» Des écailles tombent de ses yeux. Un homme nouveau est né qui aura la force de dire: « Nous nous glorifions même dans les afflictions, sachant que l'affliction produit la patience, la patience, la vertu éprouvée, la vertu éprouvée, l'espérance... » N'aurai-je donc pas, moi aussi, mon chemin de Damas ? Cesserai-je un jour, d'être un misérable esclave ? Une lettre de mon père adoptif, est à portée de ma main. Je la prends et la relis. Avec une affection pressante il me demande, il me supplie une fois encore de rompre avec mon passé, de « naître de nouveau ». Alors, j'essaye de balbutier une prière, de demander à la force suprême de me soutenir, d'éclairer mon esprit. Mais une voix ricane en moi: « Tu pries, pauvre ami ? » Quel calvaire que cette lutte qui jette l'un contre l'autre le vieil homme, tant aimé, et celui qui cherche à naître! Une chose, pourtant, peu à peu, m'apparaît comme certaine tout ne fut que stupidité et folie dans mon existence. Ma volonté, mon énergie, je ne les ai déployées que pour mal faire, pour me démolir et démolir les autres par le mauvais exemple. Ma vérité fut faiblesse et lâcheté. C'est l'évidence même Mais ces mots blessent mon orgueil, me torturent et je souffre plus que je ne peux dire. La vérité - pas ma vérité d'hier - me brûle comme un feu. Que de fois je me suis évadé des hospices, des prisons, des asiles au péril de ma vie, pour ne plus être prisonnier, en réalité pour me constituer prisonnier de mon vice! Je n'arrive plus à dormir. Le repos d'esprit n'existe plus pour moi. Que c'est épouvantable, ce sentiment d'être une faiblesse, une nullité, au moment même où il faudrait sentir en soi une force invincible !

Vers ce temps-là un de mes protecteurs, M. Jules Guex, vient me voir à Pontareuse. Il a traversé l'Allemagne et l'Italie pour me rendre visite. Depuis des années, je le sais, il prie pour la délivrance « de notre pauvre Paul ». Va-t-il être exaucé? Sa présence m'est un grand réconfort, m'humilie aussi profondément, car je réalise, comme jamais encore, que depuis des années plusieurs hommes ! - et quels hommes ! - nomment quotidiennement dans leurs prières le misérable ivrogne que je suis, plus ardents, plus affectueux après chaque chute, plus confiants après chaque tromperie. Pourquoi cela ? Parce que Dieu vit en eux. S'ils n'y croyaient pas, où en serais-je ? Depuis longtemps j'aurais sombré sans laisser de traces… À cause d'eux, par eux, Dieu cesse soudain d'être un mot, une force lointaine qu'on accepte un jour à moitié, qu'on nie le lendemain. Il est près de moi, il vit, il agit, il a pitié, il console et relève...

Aux ronces de l'étroit sentier que je gravis, je laisse en lambeaux ma haine des hommes, mon orgueil. À genoux dans ma chambre, je pleure au pied de la croix sur laquelle le Christ saigne pour le rachat de tous les hommes, même et surtout des plus misérables. Du fond de mon abîme je jette mon cri : Seigneur, aie pitié de moi ! Arrache-moi au joug de mon tyran ! Si tu te charges de ma faiblesse pour me donner ta force, ma vie t'appartiendrai Seigneur, aie pitié de moi !
L'aurore pointe que je lutte et supplie encore. Déjà un début d'exaucement : chassant le grand vide de la tristesse, l'espérance monte en moi.

Un saint ? Non, certes, un pauvre homme qui tâtonne, qui ne croit plus guère en lui, qui cherche sa force hors de lui, plus haut que lui. Je m'applique, par des expériences, à découronner cet alcool que j'ai tant aimé et adoré. Il donne des forces! ai-je dit mille fois après tant d'autres. Ne buvant que de l'eau, du thé, du lait, je charge chaque jour de nombreux tombereaux de sable et cela par une forte chaleur. Je me rappelle les minutes de travail fébrile après l'absorption des petits et grands verres, après quoi venait une sourde fatigue, un état d'épuisement qui demandait, qui exigeait de nouveaux verres suivis d'une nouvelle excitation, bientôt d'une prostration que plus rien ne pouvait éloigner. Maintenant, plus d'efforts saccadés ; le travail suit son cours, régulier. Sa journée accomplie, l'homme sobre a chargé peut-être un quart de tombereau en plus que le buveur que j'étais.
À son réveil le bambocheur est fatigué, courbatu, de mauvaise humeur ; pour la chasser, pour « tuer le ver », un coup d'alcool est nécessaire. Il le croit, du moins, et se rend à la besogne énervé, les muscles en coton. Après sept heures d'un bon sommeil l'ouvrier qui s'abstient de l'alcool, ou n'en boit que très peu, se sent reposé, dispos. Je le constate chaque jour. Qui me disait cela, voici peu de temps encore, en entendait de belles !

Parmi les pensionnaires de Pontareuse quelques-uns, le très petit nombre, y sont parce que leur famille les a contraints. Ceux-là ne pensent qu'à boire en cachette. Certes, ce n'est pas à moi à leur jeter la pierre. À l'occasion d'un départ, ils organisent un dîner qu'on arrosera de vin, de liqueurs et me demandent de prêter ma chambre - le pavillon est à l'écart - pour cette agape. La tentation est grande. Que faire ? Ni dénonciateur, ni complice. Allez où vous voudrez, sauf chez moi. Cette première et petite victoire me donne quelque espoir pour l'avenir.
Le domestique tombe malade. Le directeur vient à moi :
- Vous sentez-vous assez fort, moralement, pour conduire à Neuchâtel, plusieurs jours de suite, des chargements de bois ? Ne répondez pas trop vite. Réfléchissez !

Je réfléchis.
- Oui, vous pouvez compter sur moi.

Se promener seul, loin de l'établissement, tout à fait libre, passer devant des dizaines de cafés sans arrêter le cheval et entrer un moment, un tout petit moment, pour boire un petit verre, ça, c'est une tentation ! Chaque fois, je dois me raisonner, me raidir, presser l'allure du cheval, tourner la tête d'un autre côté, mais je tiens bon.
Mon séjour à Pontareuse se termine brusquement. Un certain lundi matin, comme je termine le chargement de la voiture de bois, survient le charpentier avec lequel j'ai creusé les fondements de l'annexe. Il rentre chez lui. Comme il est marié, père de plusieurs enfants, on l'autorise parfois à visiter sa famille le dimanche. Alors, malgré ses promesses, il boit et revient à Pontareuse de fort méchante humeur. Tout le monde le craint, car il est sournois et brutal. Ce lundi, dès qu'il me voit, sans raison aucune, il me cherche querelle. Je le prie de me laisser tranquille. Il grommelle que les Français n'ont qu'à rester chez eux et assaisonne son propos d'insultes. Mon amour-propre se cabre. Je riposte que les Français valent bien les Suisses. Dans un subit accès de colère, l'homme bondit et me porte un coup de la lime à aiguiser les scies qu'il tient à la main. J'évite l'estocade et riposte par un direct à la figure qui expédie le belliqueux charpentier à terre, la joue fendue. Le directeur accourt. Les camarades, témoins de la bataille, témoignent en ma faveur. J'ai été provoqué, attaqué, mais le jugement ne m'est pas favorable.
- Le coup qui a blessé, c'est vous qui l'avez porté. Et vous avez eu tort de frapper si fort. Voyez comme le malheureux saigne.

Je dois partir. Je fais ma valise. Pendant ce temps le directeur téléphone de côtés et d'autres. On me recevra, pour divers travaux, dans une campagne, Grandchamp, à trois kilomètres de Boudry, en attendant qu'une autre solution intervienne.
Là, je vis de beaux jours. Mes journées achevées, on m'autorise à me servir dans la bibliothèque fort bien garnie, et la nuit est souvent avancée quand je me décide à fermer le livre que je dévore. L'histoire des premiers chrétiens et de la Réforme me passionne particulièrement.
Un dimanche, avec un camarade employé à la préfecture de Neuchâtel, grande excursion dans la montagne. Sur le chemin du retour, peu avant Boudry, mon compagnon s'arrête chez un parent et je traverse seul le bourg.
Le café du Lion d'Or retient mon attention. On m'a raconté que Marat est né là. Ayant lu je ne sais combien de livres sur la Révolution, l'histoire du tribun m'est familière et cela m'intéresserait fort de visiter l'intérieur de sa maison natale. Pour cela, il n'y a qu'à entrer et à commander une consommation. On accède au café par quelques marches. Je gravis la première. Une force intérieure m'y retient. Je fais demi-tour et franchis une centaine de mètres. Demi-tour encore, et me voici sur la deuxième marche. Quelle lutte ! Des mains invisibles me poussent vers la porte. Une seule bouteille! Personne n'en saura rien, Qui me connaît dans ce café ? Et Marat, t'appelle. S'il pouvait savoir, il rirait bien de ta timidité...
Mon coeur bat à gros coups... Je me raisonne: « Tu étais esclave. Vas-tu te reconstituer prisonnier ? C'était bien la peine de batailler pendant des mois et d'appeler Dieu à ton secours! » Je redescends les deux marches et m'éloigne à grands pas. Nouvel arrêt. Nouvelle discussion avec moi-même. « Tu as fait une longue course, tu as soif. De qui as-tu peur ? » Je suis attiré comme par un aimant. Cette fois, une, deux, trois marches. Avancer la main, la poser sur la poignée de la porte, entrer d'un air innocent, c'est tout simple. Une voix. Hein ? Qu'est-ce qu'elle dit ? « La conscience est la barrière infranchissable. » Et ces gens, qu'est-ce qu'ils veulent ? Je vois autour de moi mes protecteurs. Ils me regardent avec tristesse. « Vous voulez vraiment me priver de mon plus grand plaisir ? Une fois, une dernière fois ! » Derrière la porte vitrée apparaît la maîtresse de céans. Je la vois avec ses cheveux noirs, sa bonne figure. Elle semble me dire : À quoi rêves-tu sur cette marche d'escalier ? Entre donc ! » Cette invite muette produit l'effet contraire et je m'enfuis comme un voleur jusqu'à une fontaine où je me désaltère à longs traits.
Peu après, seul dans ma chambre, je relis le récit de la tentation. Alors Jésus lut emmené par l'Esprit dans le désert pour être tenté par le diable... Il le mena sur une montagne fort haute et lui montra tous les royaumes du monde et leur gloire et lui dit: « je te donnerai toutes ces choses si, te prosternant, tu m'adores. » Alors Jésus lui dit: « Arrière, Satan, car il est écrit: « Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et tu le serviras lui seul. » Alors le diable le laissa.
Arrière, Satan !... Alors le diable le laissa. Moi, quand cessera-t-il de me tourmenter ?

Sans cesse, changeant de visage et d'arguments, il revient à la charge. À Perreux, dans l'asile d'aliénés situé près de Pontareuse, où je passe quelques semaines comme infirmier, il est tenu en échec par la discipline de la maison ; mais il prend sa revanche, quand il me trouve au service d'un entrepreneur de transports, entouré de camarades qui tous aiment à boire. Les occasions de vider bouteille sont multiples, les clients ont le verre facile. D'abord, je refuse. Les sarcasmes pleuvent: « Alors, le vin te fait mal ? Quelle mazette ! Tu as signé la tempé ? Tu te consacres à la tisane, au sirop, à l'eau de fontaine. Veille-toi de ne pas tourner à la grenouille. » Ces quolibets me sont insupportables. Pourquoi pas un verre ? Un second l'accompagne, un troisième. Et chaque jour la dose augmente. Et chaque jour, aussi, la lutte reprend en moi, épuisante. J'ai honte de ma faiblesse, je m'accuse d'être un trompeur, un lâche, un hypocrite, car je n'ose avouer ma chute à mes protecteurs.

Pour ne pas tomber plus bas que jamais, fuyons. Et je quitte la contrée où j'avais cru trouver la victoire définitive, cette Suisse qui est maintenant pour moi une seconde patrie. Adieu, Pontareuse, et pardon !


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