LES HEUREUX
IX
LES
PERSÉCUTÉS
PERSÉCUTÉS POUR LA
JUSTICE
Heureux ceux qui sont
persécutés pour la justice,
car le royaume des cieux est à eux.
MATTHIEU V, 10.
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On a remarqué très justement
que sur les huit béatitudes, les quatre
premières promettent le bonheur à
ceux qui le cherchent, tandis que les quatre
dernières le promettent à ceux qui,
l'ayant trouvé, travaillent et même
souffrent pour la venue du règne de Dieu.
N'est-ce pas une gradation intéressante
à constater en ce qui touche aux
dispositions du coeur que Jésus
découvre dans ses auditeurs ?
J'ajoute que la première et la
dernière des béatitudes annoncent
à l'âme humaine une
satisfaction pleine et
entière, puisqu'elles lui promettent l'une
et l'autre le royaume des cieux,
c'est-à-dire le souverain bien, et cela
dès maintenant, car le verbe est au
présent et non au futur, d'un
côté aux humbles, c'est-à-dire
à ceux qui ont l'esprit de pauvreté,
de l'autre à ceux qui sont
persécutés pour la justice. Les
béatitudes intermédiaires ne
promettent qu'une satisfaction 'partielle : la
consolation, la terre, le rassasiement, la
miséricorde, la vue de Dieu, le titre
d'enfants de Dieu. Qu'est-ce à dire, sinon
que Jésus estime par-dessus tout les coeurs
humbles et ceux qui sont prêts à tout
souffrir pour le triomphe de la justice ?
Bien plus, il se complaît,
lorsqu'il va terminer, à décrire et
leurs souffrances et leur bonheur futur.
Après avoir dit d'une façon
générale : « Heureux ceux qui
sont persécutés pour la justice, car
le royaume des cieux est à eux », il
ajoute, pour développer et compléter
sa pensée : « Heureux serez-vous
lorsqu'on vous outragera, qu'on vous
persécutera et qu'on dira faussement de vous
toute sorte de mal à cause de moi.
Réjouissez-vous et soyez dans
l'allégresse, parce que votre
récompense sera grande dans les cieux; car
c'est ainsi qu'on a persécuté les
prophètes qui ont été avant
vous »
(versets 11 et 12). C'est qu'il en
savait quelque chose de ces persécutions et
de ces calomnies, lui, l'homme
de douleur, qui n'avait fait aux
autres que du bien et qui trop souvent ne
reçut en échange que du mal de la
part des hommes.
Une dernière remarque
préliminaire: les deux groupes de
béatitudes se terminent l'un et l'autre par
une allusion à la justice, mais tandis que
la quatrième parlait de ceux qui ont faim et
soif de justice et leur annonçait qu'ils
seraient rassasiés, la huitième va
plus loin, elle nous montre des gens qui, non
seulement ont faim et soif de justice, mais qui
l'aiment tellement et qui sont tellement
passionnés d'amour pour elle qu'ils sont
prêts à souffrir et même
à subir toutes sortes de persécutions
et de mauvais traitements à cause d'elle. Il
y a là évidemment quelque chose de
plus que dans les premiers et l'on comprend que la
récompense soit plus grande aussi et que
Jésus la proportionne à
l'intensité de leur amour pour elle.
Cela dit, entrons plus avant dans notre
sujet. Il existe sur la terre des âmes nobles
qui sont tourmentées par des aspirations
à la fois profondes et
élevées, divines et humaines, elles
ont compris que satisfaire le corps, lui donner ce
dont il a besoin, c'est quelque chose, mais peu de
chose, et qu'il existe dans l'homme des besoins
infiniment plus nobles qui veulent être
satisfaits aussi. Ces âmes
font contraste avec une foule innombrable d'hommes
dont la vie terre à terre n'a rien qui les
élève ; gagner de l'argent, manger,
boire et dormir, jouir plus ou moins
égoïstement, mener une bonne petite vie
facile et sans envolée, ressembler à
des chevaux de tramways qui toujours et toujours
font la même route sans rien voir au
delà, et qui n'aspirent qu'à leur
crèche après avoir toute la
journée parcouru le même chemin, tout
cela leur fait horreur, ils vibrent trop, ils
sentent trop vivement pour se contenter d'une
existence pareille.
Parmi les aspirations de ces âmes
nobles, que l'on pourrait appeler l'élite ou
l'aristocratie de la race humaine, il en est une
qui domine les autres, la recherche ardente,
infatigable, de la justice, de la justice pour eux,
cela va bien sans dire, mais davantage encore de la
justice autour d'eux pour leurs compagnons de route
qui souffrent si souvent des injustices d'ici-bas,
et tout autant de la justice en eux, car ils se
sont aperçus que c'est par eux-mêmes
qu'il fallait commencer et qu'avant de
réclamer la justice pour eux, il fallait
l'apporter autour d'eux. En effet, plus nous aimons
la justice, plus nous voulons être justes
nous-mêmes, et plus nous souffrons quand nous
découvrons au-dedans de nous des restes
d'injustice dont peut-être
jadis nous ne nous doutions même pas.
Ce sont ces âmes-là que
tourmente le besoin de justice qui nous aident
à croire à l'humanité; quand
nous les rencontrons, nous devenons optimistes et
nous nous remettons à espérer le
grand triomphe final. Autant les autres nous
attristent et nous dépriment, nous
découragent et parfois nous scandalisent,
autant celles-là nous aident à vivre
et nous réconfortent. Leur vue nous fait
l'effet d'un tonique, en les voyant nous nous
sentons plus forts, plus heureux, plus fiers
d'être hommes. Heureusement il y a eu de ces
aristocrates à toutes les époques et
dans tous les pays, dans tous les milieux et dans
tous les partis, et il y en a aujourd'hui parmi les
chrétiens et parmi ceux qui ne le sont pas ;
quelque chose de puissant, comme un secret instinct
irrésistible, nous pousse vers eux, car nous
sentons que ce sont ces hommes-là qui
sauveront la race de toutes ses
déchéances,
Quand je les vois poursuivre, sans se
lasser jamais, l'idéal de justice, il me
semble que je rencontre de ces jeunes gens
passionnés pour les courses de montagne,
qui, après avoir découvert un sommet
splendide et tout éblouissant de gloire,
n'ont plus qu'une pensée : l'atteindre,
coûte que coûte, comme Whymper le fit
jadis avec le Cervin. Alors,
quand leur résolution est prise, ils ne se
laissent arrêter par rien ni par personne, le
sommet les fascine, il faut qu'ils y arrivent et
ils sont prêts, pour l'atteindre, à
faire tous les sacrifices d'argent et de fatigue,
d'énergie physique et morale qui seront
nécessaires. Avouez que des jeunes gens de
cette trempe sont autrement plus nobles et plus
intéressants que ceux qui passent leur temps
à s'amuser ou à jouer au Kursaal. Ces
derniers, en se ruinant corps et âme, ruinent
les autres qu'ils devraient aimer, tandis que les
premiers en s'efforçant de monter toujours
plus haut font monter avec eux ceux qu'ils
considèrent comme des frères.
Hélas ! pourquoi ces hommes
altérés de justice sont-ils aussi
ceux qui souffrent le plus sur une terre comme la
nôtre ? Car il faut le reconnaître, la
justice n'est pas de ce monde, notre besoin de
justice est constamment heurté par la vue et
l'expérience des choses d'ici-bas. Du haut
en bas de l'échelle, l'injustice semble
triomphante. Trop souvent les forts écrasent
les faibles, les gros mangent les petits, les gens
prospères se montrent durs envers les
malheureux. Il en fut ainsi de tout temps, mais
aujourd'hui ces injustices nous choquent plus que
jadis, car, sous l'influence du
christianisme, la personnalité humaine
recouvre peu à peu sa valeur, aussi bien
celle d'un homme supérieur, intelligent,
riche, bien doué, que celle du plus humble,
du plus obscur. Petit à petit,
l'humanité prend conscience
d'elle-même, non pas seulement dans son
élite, mais tout autant et peut-être
plus encore dans ses petits, dans ses infirmes,
dans ses déshérités, et, chose
sublime, ce sont souvent ces êtres en marge
de la société en faveur desquels le
besoin de justice semble le plus impérieux,
précisément parce qu'ils ne peuvent
pas se défendre comme les autres. Il en est
ici comme de ces familles nombreuses où vit
un enfant chétif et retardé,
peut-être sans intelligence, c'est cet
être qui attirera sur lui le plus d'amour et
de pitié de la part de ses parents, et
même de ses frères et soeurs, on
dirait que tous se sentent obligés
d'apporter au malheureux des compensations pour
rétablir l'équilibre, il a moins
reçu que les autres, la justice demande
qu'on lui donne plus ; cela va même si loin
que parfois c'est lui, le pauvre petit, qu'on
aimera le mieux et qui jouera le premier rôle
dans les affections familiales.
De là ce gigantesque effort de
l'humanité contemporaine qui scandalisait
tant Nietzsche et tous les orgueilleux de son
espèce, pour se pencher
sur les détresses humaines et lutter avec
toujours plus de force contre les injustices
d'ici-bas. Mais aussi, avec cet effort, il a fallu
faire des découvertes navrantes, il a fallu
voir les choses comme elles sont, et le monde est
apparu et apparaît tous les jours davantage,
parce que son prince n'est pas encore Dieu mais
Satan, comme un chaos confus où le besoin de
justice est constamment heurté et même
foulé aux pieds par le règne et trop
souvent le triomphe des injustices d'ici-bas :
injustice dans la naissance, dans la position
sociale, dans la répartition des talents de
toutes sortes, injustice entre les citoyens dans
les rapports sociaux, injustice entre peuples dans
les relations internationales.
Comment ne pas faire allusion ici aux
événements contemporains qui
troublent à tel point nos consciences et qui
risquent d'enlever la foi à des multitudes
déjà peu portées à la
piété, après
l'écrasement de la Pologne, après les
persécutions bien des fois séculaires
et sans cesse renouvelées du petit peuple
Juif, après l'extermination de la nation
arménienne, sous les yeux des grandes
puissances paralysées grâce à
leur jalousie, voici les Belges, et, pour finir
cette scandaleuse histoire, la nation serbe qui est
écrasée et sur le point d'être
supprimée par de
formidables empires, plus semblables aux
bêtes féroces décrites par
Daniel, qu'au Fils de l'homme qu'il vit descendre
des nuées des cieux. Et pourquoi cela ? Tout
simplement parce que ce sont des peuples petits,
des nations faibles quoique sublimes de vaillance,
et qu'il a été décidé
dans certains milieux qu'il n'y avait plus de place
pour de telles nations dans une Europe
civilisée, la Kaltur ne le permet plus, la
Real Politik l'interdit, et alors, sans même
se préoccuper du jugement écrasant de
l'histoire, dont Schiller disait pourtant que
«l'histoire du monde est le jugement du monde
», on a osé, en plein vingtième
siècle, insulter la conscience humaine, la
fouler aux pieds et la couvrir de boue en
écrasant sans pitié ceux qui,
finalement, avait autant de droits que les autres
à vivre et à se développer,
que dis-je? qui en avaient encore plus le droit
parce qu'ils en étaient plus dignes. Et ce
n'est pas la Suisse, cet autre pays minuscule, qui,
d'après tels des maîtres de la
pensée moderne, doit disparaître
à son tour, qui sera la dernière
à protester contre de telles infamies, au
risque de sortir d'une neutralité dont elle
ne voudrait pas si elle devait être
achetée au prix de la justice. « La
neutralité morale est la négation de
la morale », a-t-on dit récemment, et
rien n'est plus juste.
Ah! que ceux qui, à l'heure
actuelle, sont persécutés pour la
justice, que ceux que l'on écrase sans
pitié et qui respirent encore sous la botte
de l'envahisseur fassent un effort suprême
pour croire à la justice de leur cause, et
que pour cela ils écoutent dans leur
détresse celui qui, à travers les
siècles, leur crie : « Heureux ceux qui
sont persécutés pour la justice, car
le royaume des cieux est à eux.» Qu'ils
sachent que l'histoire est là pour
démontrer l'écroulement certain de
tous les empires et de tous les royaumes comme de
toutes les démocraties qui ont
été fondées sur l'injustice.
L'écroulement pour se faire attendre n'en a
pas moins été toujours et n'en sera
pas moins à l'avenir certain de par les lois
divines et humaines. « Ceux, dit
l'Écriture, qui labourent l'iniquité
et qui sèment l'injustice en moissonnent les
fruits ; ils périssent par le souffle de
Dieu, ils sont consumés par le vent de sa
colère
(Job IV, 8 et 9). Malheur, dit
Jérémie, à celui qui
bâtit sa maison par l'injustice, qui n'a des
yeux et un coeur que pour le livrer à la
cupidité, pour répandre le sang
innocent, et pour exercer l'oppression et la
violence. On ne le pleurera pas en disant :
Hélas, mon frère ! Hélas, ma
soeur! On ne le pleurera pas en disant:
Hélas, seigneur ! Hélas, sa
majesté! Il aura la sépulture d'un
âne, il sera traîné et
jeté hors des portes de
Jérusalem »
(Jérémie XXII, 13 à
19).
Mais pour préparer le triomphe de
la justice, et pour se réjouir dès
maintenant à la perspective de ce triomphe,
il est une chose qu'il ne faut pas faire, il en est
une autre qui s'impose. Ce qu'il ne faut pas faire,
c'est se laisser vaincre par la vue des injustices
d'ici-bas. Il arrive en effet bien souvent
qu'après avoir lutté et souffert pour
la justice et après avoir
échoué, les hommes se lassent et se
découragent, ils renoncent à cette
justice qu'ils aimaient tant jadis et se mettent
à hurler avec les loups, c'est-à-dire
à croire que, puisque « la force
crée le droit », il n'y a pas d'autre
droit que celui de la force ; ils acceptent alors
le sceptre de fer dont on les menace, pour ne pas
être écrasés par lui, et ils se
contentent de la bonne petite vie terre à
terre, toute bourgeoise dont nous parlions plus
haut, qui est une défaite pour celui qui
avait entrevu autre chose. Mourir en beauté,
c'est-à-dire en défendant la justice,
eût infiniment mieux valu. Il en est d'autres
qui, sans tomber si bas, se contentent de se
révolter, de protester sans rien faire, ils
ne croient plus que leurs efforts puissent servir
à quelque chose et ils laissent l'amertume
envahir leur coeur meurtri. Ce sont des
révoltés qui ne vont certes pas
jusqu'à suivre l'exemple
des premiers, mais qui n'en sont
pas moins vaincus par les injustices
d'ici-bas.
J'appelle encore vaincus ceux qui
prennent, sans même se révolter,
l'attitude du bouddhisme. Bouddha fut en effet un
grand vaincu malgré sa si touchante
pitié humaine, malgré son admirable
conduite envers les malheureux, malgré
surtout l'universelle fraternité qu'il
propose aux hommes, Bouddha est un grand vaincu,
car, après avoir vu le mal en face, il en
fut tellement impressionné qu'il sentit
l'impuissance où se trouvait l'homme de
faire disparaître le mal, le seul moyen de le
supprimer était de supprimer l'existence,
d'aboutir à la grande inconscience du
nirvâna. Cela s'appelle une défaite,
car c'est croire que le mal est plus fort que le
bien et que partout où la vie consciente
existe, elle est terrassée par le mal. Les
bouddhistes sont plus nombreux qu'on ne le croit,
beaucoup le sont sans le savoir, il y en a partout,
il y en a chez nous, ce sont les
résignés, les fatalistes qui
renoncent à lutter contre une puissance plus
forte qu'eux. Ce n'est pas là l'attitude du
chrétien.
Ce qu'il faut faire, c'est
précisément adopter cette
dernière attitude, voir en face le mal et
l'injustice sous toutes ses formes, comme le fit
Jésus-Christ, non pour en prendre son parti,
mais pour croire à sa défaite, pour
l'affirmer avec courage et se
mettre résolument à lutter contre
elle. J'avoue que si je n'étais pas
chrétien, je serais un bouddhiste convaincu,
car il me semble qu'il n'y a pas d'autre
alternative que celle du christianisme,
c'est-à-dire de l'optimisme, ou du
bouddhisme, c'est-à-dire du pessimisme. Pour
être vainqueur, il faut croire que le Christ
détruira certainement l'injustice, lui dont
il est dit dans l'Ancien Testament « qu'il ne
s'arrêtera pas, qu'il ne se ralentira pas
jusqu'à ce qu'il ait établi la
justice sur la terre »
(Ésaïe XLII, 4), lui qui
criait aux foules : « Cherchez
premièrement le royaume de Dieu et sa
justice et tout le reste vous sera donné par
dessus»
(Matthieu VI, 33), lui dont un
disciple écrivait : « Nous attendons de
nouveaux cieux et une nouvelle terre où la
justice habitera »
(2 Pierre III, 13).
« Heureux ceux qui sont
persécutés pour la justice, car le
royaume des cieux est à eux. »
Qu'est-ce que cela signifie, sinon que plus
l'adversaire fait d'efforts contre nous pour
tâcher de nous écraser, parce que nous
voulons la justice, plus il nous honore puisqu'il
montre par là qu'il voit en nous des
disciples authentiques de
Jésus-Christ.
Nous serons donc heureux d'être
persécutés pour la justice, tout
d'abord parce
qu'intérieurement notre
conscience pourra nous rendre le témoignage
que nous sommes les disciples de celui qui a tout
souffert pour faire triompher la justice. Ah ! le
témoignage de la conscience, c'est bien
« ce qui fait notre gloire », comme le
disait saint Paul
(2 Corinthiens I, 12), et c'est bien
ce qui donnait aux martyrs d'autrefois et plus tard
aux Huguenots de France un tel courage, une telle
force, un tel enthousiasme lorsqu'ils descendaient
dans les arènes romaines, qu'ils montaient
sur les bûchers ou qu'ils prenaient le chemin
de l'exil après avoir tout perdu, sauf leur
Bible et leur bonne conscience. Il y a dans le
témoignage de la conscience des joies
ineffables, avant-goût de celles du ciel, que
n'ont jamais connues et que ne connaîtront
jamais les puissants qui foulent aux pieds la
justice, même s'ils réussissaient pour
un instant à conquérir le
monde.
Et puis ils sont heureux parce qu'une
secrète intuition leur annonce qu'ils
triompheront. Ils sont membres d'un royaume qui ne
passera pas, ils appartiennent à une
économie qui est bien au-dessus des
agitations d'ici-bas. À une certaine
hauteur, au-dessus des nuages, le soleil est
toujours beau, le ciel toujours pur, à une
certaine profondeur, la mer est toujours calme :
ceux qui sont persécutés pour la
justice peuvent
intérieurement être
assez haut ou avoir pénétré
assez profond pour que les tempêtes ne
puissent plus les atteindre, elles touchent tout au
plus la partie extérieure de leur
être, le fond reste calme, parce que,
là, dans ce sanctuaire, ils sont bien
à l'abri. Comment l'expérience intime
et la voix intérieure de la justice,
aimée, servie jusque dans la souffrance, ne
serait-elle pas pour eux comme un avant-goût
de ces joies infinies qui leur seront
réservées en tous cas dans le ciel,
et peut-être sur la terre quand la justice
aura définitivement triomphé. «
Nos légères afflictions du moment
présent produisent pour nous, au delà
de toute mesure, un poids éternel de gloire,
parce que nous regardons, non point aux choses
visibles, mais aux invisibles qui sont
éternelles »
(2 Corinthiens IV, 17 et 18). Par la
foi et à travers Jésus-Christ, ils
saluent à l'avance l'homme et
l'humanité accomplissant la justice, faisant
disparaître toute injustice, cette
contemplation les fait tressaillir d'une joie
indicible et les pousse à travailler avec
d'autant plus d'ardeur au triomphe final de toutes
les causes justes et vraiment bonnes. Chose
touchante, c'est alors aussi qu'ils se sentent le
mieux en communion étroite avec ceux qui les
ont devancés de l'autre côté du
voile, avec cette grande nuée de
témoins dont parle l'épître aux
Hébreux, qui regarde les
combattants et s'associe
à leurs efforts pour assurer leur victoire.
Je crois à la communion des saints, non pas
dans une contemplation oisive et stérile,
mais dans la lutte, mais dans l'amour, mais dans la
recherche ardente et persévérante de
la justice et de sa pleine victoire.
Enfin, ils sont heureux ceux qui sont
persécutés pour la justice et heureux
dès maintenant, parce qu'ils
possèdent le plus grand des biens, le plus
précieux des trésors : la certitude
de l'approbation et de la présence
même de Dieu. Plus ils souffrent de la part
des hommes, plus ils sentent le besoin de se
réfugier dans le sanctuaire intime de leur
coeur où ils trouvent Dieu et où ils
se retrouvent en Dieu. Le royaume des cieux
n'est-il pas en nous et ne consiste-t-il pas dans
la pleine possession de Dieu par nous et de nous
par Dieu ? Le Dieu de justice qui, un jour, sera
tout en tous, peut déjà mettre
ici-bas du ciel dans nos coeurs, quand il vient les
remplir de la plénitude de son amour, et
n'est-ce pas là le bonheur suprême en
comparaison duquel toutes nos joies ne sont
qu'illusion ?
Plus que vainqueurs, telle est notre
devise, Plus que vainqueurs bien que
persécutés! Car la victoire à
la foi fut acquise Par le Sauveur qui nous a
rachetés.
- Suivons le Christ jusque sur le Calvaire,
- Ayons toujours sa mort devant nos yeux.
- Si nous souffrons avec lui sur la terre,
- Nous régnerons avec lui dans les
cieux.
- Amis, croyons au pouvoir invisible
- Que le Sauveur a caché dans sa croix;
- Saisissons-la comme une arme invincible,
- Pour triompher au nom du Roi des rois!
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