Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



L'ORDRE DE DIEU

VII

Tu ne commettras point d'adultère.
par R. de PURY

Tu ne commettras point d'adultère.
Exode 20/14.

Comme on vous l'aura dit et répété, il s'agit, dans ces commandements, des choses que Dieu veut sauver, veut restaurer, veut recréer. Ces dix commandements sont comme l'énumération de toutes les parties de la grande délivrance, c'est l'indication précise de la portée et de la réalité concrète du salut qui nous est révélé le jour de Pâques, de la grande restauration entreprise par Dieu de son domaine dévasté et pillé, par le péché des hommes.

Qu'est-ce que Dieu veut, au juste, sauver dans ce septième commandement ? Ou mieux : Qu'est-ce que Dieu déclare au croyant qu'il a sauvé, qu'il a restauré, quand il lui fait cette promesse : « Si tu crois en Jésus-Christ, si tu es ressuscité avec Jésus-Christ, tu ne commettras pas d'adultère » ... ? Qu'avions-nous donc perdu, qui nous est là rendu et qui veut là nous être conservé?

L'émerveillement d'Adam, aux premiers jours de la Création, lorsqu'il se réveille et découvre à ses côtés celle qui est chair de sa chair et sa compagne pour tous les instants ! L'unique chose qui n'était pas bonne dans la Création, la solitude de l'homme (« Il n'est pas bon que l'homme soit seul») est balayée par cette présence de la femme; ce seul vide encore dans l'univers tout neuf est maintenant comblé. Ils sont ensemble une seule chair. Ils font ensemble la découverte de ce que Dieu leur a donné d'être. Ils deviennent ce qu'ils sont l'un par l'autre et l'un pour l'autre. Adam n'est un homme que par Eve, Eve une femme que par Adam. Dans la différence de leur sexe, ils se découvrent merveilleusement semblables, et dans leurs ressemblances merveilleusement divers. C'est leur dissemblance d'homme et de femme, leur dissemblance de corps et de sentiment, qui rend leur unité tellement pleine, indissoluble et inépuisable. Adam et Eve sont ensemble la Créature à laquelle Dieu soumet la Création, ensemble ils sont le roi de l'univers, ensemble ils ne sont devant leur Créateur qu'un cri d'amour et de reconnaissance.

L'adultère, ce mot n'a absolument aucun sens. Nul ne songe, dans le paradis de Dieu, sur la terre sainte du septième jour, qu'il puisse exister quoi que ce soit d'autre de bon et de désirable que ce que Dieu veut et donne. Adam et Eve sont sans péché, c'est-à-dire que tout ce qu'ils reçoivent de Dieu l'un avec l'autre et l'un par l'autre, comble absolument leur attente. La Parole de Dieu est l'unique mesure de leur existence commune et de leur joie. C'était là le mariage, l'union conjugale primitive, dont aucun rêve aujourd'hui ne pourrait seulement approcher, et dont toutes les lunes de miel ne sont que les plus tristes caricatures. Car un abîme insondable, l'abîme de la chute, sépare tous les époux de cette union première.

En effet, tandis que la Création entière, durant le septième jour qui ne devait jamais finir, chantait la louange du Seigneur, un être, dans les replis de sa pensée obscure, découvrait le néant, découvrait le mensonge, découvrait la convoitise - c'était le serpent - et qui ne vivrait plus que pour faire part à l'homme de sa découverte et lui faire croire son mensonge : « Est-ce que tu vas rester une créature ? Tu ne comprends pas que tu pourrais être plus que cela. Dieu, lui, ne dépend de personne. Toi, pourquoi dépendrais-tu de lui ? Il est plus beau de ne dépendre que de soi-même... ! Moi, je connais un meilleur Dieu qui ne t'aurait pas défendu... »

Avec cette pensée qu'ils accueillent, avec ce mensonge qu'ils croient : « être autre chose que ce que Dieu a voulu, être plus qu'une créature », et par le poids même de cette pensée, Adam et Eve sont précipités dans l'abîme et dans la malédiction, et la distance qu'ils ont voulu supprimer en voulant être plus qu'une créature, en convoitant la place de Dieu, cette distance que Dieu, dans sa miséricorde, leur tenait cachée, voici maintenant qu'ils ont dû la mesurer par une chute effroyable; cette distance de la créature au Créateur, elle est maintenant là, terrifiante, irréductible, infranchissable. Les voici projetés jusqu'au fond de l'enfer par cette pensée qui décompose leur existence comme un venin : être plus que des créatures, ne dépendre que de soi.

Cette pensée les sépare à jamais de Dieu. Elle les tient tout au bout de la distance qu'ils ont voulu supprimer. Ils sont, maintenant, l'homme et la femme que nous connaissons, dans ce monde que nous connaissons. Ils sont ensemble encore, liés sans doute, mais non plus par l'amour et la louange, liés par la complicité du grand mensonge, par la convoitise commune. Ensemble, ils ont convoité la place de Dieu. Ensemble, ils sont tombés dans le gouffre de la mort, où, semblables à Dieu, ils ne dépendent plus que d'eux-mêmes.
Adam et Eve se retrouvent, chassés du paradis, ayant perdu leur Créateur. Ils sont là toujours mari et femme. Mais voici que leur union conjugale est perdue. Voici que les dégâts ne peuvent être limités. Voici que chassés de la terre sainte, ils ne peuvent emporter avec eux les valeurs divines de cette terre. Ils se retrouvent ensemble, mais voici, que cette pensée même qui les avait précipités loin de Dieu, est là, maintenant, entre les deux (1).

Cette pensée de convoitise qui leur avait fait dire nous voulons être plus que ce que Dieu nous a faits, nous voulons autre chose, nous voulons un Dieu meilleur, cette pensée est là, qui dissout leur union conjugale. De même qu'Adam, dans un éclair satanique, avait entrevu la possibilité d'un Dieu meilleur que celui qui l'avait créé, il entrevoit maintenant tout d'un coup la possibilité d'une femme meilleure que celle qui lui a été donnée. La convoitise religieuse, la convoitise originelle, enfante la convoitise sexuelle. Le germe de l'adultère est semé avec cette pensée : je serais plus heureux avec une autre femme. Et dans le même instant, la femme pense : j'aurais plus de plaisir avec un autre homme. Et l'homme pense: une autre femme me comprendrait mieux. Et la femme pense : avec un autre homme, je m'épanouirais. Et l'homme pense : ma femme pourrait bien... Et la femme pense : si au moins mon mari... Et chacun se fabrique le conjoint de ses rêves, c'est-à-dire le conjoint de sa convoitise, comme il se fabrique le Dieu de ses rêves, le Dieu de sa convoitise. Le cycle infernal est déclenché. Rien ne pourra l'arrêter. Celui qui a voulu autre chose que la seule Parole du seul vrai Dieu et l'existence qu'il recevrait de cette Parole, celui-là s'est condamné lui-même à vouloir éternellement posséder autre chose que ce qu'il a, et être autre chose que ce qu'il est. Il s'est destiné lui-même au pain qui ne nourrit pas et à l'eau qui ne désaltère pas.

Avec la convoitise, le germe de l'adultère est semé entre Adam et Eve, le germe de l'infidélité. Certes, la convoitise va germer dans tous les domaines de la vie humaine, mais dans le domaine qui nous occupe, dans le domaine des relations de l'homme et de la femme, elle va se servir de la puissance du désir sexuel pour causer des dégâts incalculables. Bien entendu, ce n'est pas le désir sexuel par lui-même qui est un mal, au contraire. Il est un des plus grands bienfaits de Dieu, dans la limite du service que Dieu réclame de lui comme puissance d'unité entre les sexes. Mais la convoitise à laquelle l'homme est livré depuis sa chute, s'empare de cette puissance, et l'enfourchant, va semer la ruine dans les familles et dans les peuples : soit que le moment arrive où l'on découvre la femme avec laquelle on prétend être plus heureux qu'avec la sienne et que l'adultère alors se consomme, soit que l'occasion ne se présente pas ou que la peur de l'opinion, des ennuis ou de l'enfer maintienne entre les époux l'adultère à l'état de convoitise, de rêverie littéraire on cinématographique, l'union conjugale n'en est pas moins dissoute devant Dieu, et la famille et l'éducation des enfants et le sort de l'humanité compromis.

Dès lors il faut bien voir qu'on ne peut se limiter à la famille seulement, si l'on vent mesurer le champ d'action de l'adultère. Car, on sait que la convoitise et la déception sexuelles finissent par colorer et orienter la vie entière des individus et des peuples. Et nous sommes loin d'imaginer jusqu'où cette convoitise va pousser ses ramifications. La manière dont un homme subjugue et tyrannise sa femme n'est pas étrangère à la façon dont un dictateur tyrannise et subjugue l'opinion publique. La rupture d'une parole donnée à son épouse ou à son époux n'est pas sans rapport avec les parjurations dont est tissée l'histoire de ces dernières années. Quand la famille est détraquée, la nation est détraquée. Et le mouvement qui porte un homme vers la femme de son voisin n'est pas étranger au mouvement qui porte un peuple vers une province de son voisin. Il y a l'adultère familial et il y a l'adultère national. Il y a la prostitution individuelle et il y a la prostitution collective. Les événements de ces derniers temps donnent à ce sujet pas mal à réfléchir. Bernanos n'avait certes pas tort d'écrire, en parlant de la guerre que nous préparaient les États totalitaires : « Quand le soir tombe, la journée faite, le coeur nous manque pour aller danser autour du feu sacré, comme des nègres, en évoquant le grand esprit totalitaire, au roulement de mille tambours. La communion avec la force obscure de la race, que voulez-vous, c'est très joli, mais nous savons trop bien comment finissent ces sortes de messes. Car si les pauvres hommes disposent d'un grand nombre de moyens pour atteindre au paroxysme nerveux, il n'y a qu'une sorte de spasmes pour les détendre... Tôt ou Lard, nous retrouverons ces gens-là couchés dans le sang et la boue, ronflant pêle-mêle avec les oriflammes et les guirlandes... » (Nous autres Français, p. 9).

On a constaté avec raison que la guerre ou plutôt le goût de la guerre était une déviation sexuelle monstrueuse, faisant apparaître en tout honnête homme un goût secret du carnage et du viol, qui n'est autre que l'exaspération d'une convoitise insatisfaite. « Il y a dans tout homme, disait Ivan Karamazov, un tigre qui jouit des cris de sa victime » (2).

Il fallait noter cela, car il est certain que les dégâts de l'adultère, de tant de vies familiales et la tolérance dont jouissent certains trafiquants de chair humaine, tout cela dépasse le cadre familial, tout cela est en rapport direct avec l'incendie du monde, tout cela porte des fruits dont nous goûtons l'amertume. (Comme le disait un garçon dans un chantier : « Ma contribution au désastre de la France, elle s'appelle Émilienne ».)

C'est pourquoi aujourd'hui le septième commandement atteint les peuples entiers dans leur vie nationale. De sorte que le grand problème, presque l'unique problème demeure : les peuples vont-ils abandonner leur gouvernement, pécheur assurément, mais légitime, vont-ils se parjurer ? vont-ils tous, les uns après les autres, se laisser séduire et commettre le grand adultère politique ou se faire tuer plutôt que de se coucher dans le lit de l'infamie ?

Juqu'ici nous avons tâché d'indiquer les proportions du désastre et la portée universelle de ce commandement. Nous avons jeté un regard sur notre monde adultère. Il nous faut revenir d'une manière plus précise au ménage d'Adam et d'Eve, au ménage que nous sommes tous, et constater nos réactions devant ce commandement. L'homme et la femme dans leur convoitise sont maintenant confrontés avec la volonté de Dieu, placés sous la loi, loi qui nous apparaît de prime abord comme une dure barrière autour de notre convoitise, loi qui veut nous priver de la femme de nos rêves, nous empêcher de réaliser le bonheur parfait avec un autre homme, loi qui nous enchaîne l'un à l'autre. Mais, pourquoi donc n'oserions-nous pas ? Pourquoi ne sommes-nous pas libres d'assouvir nos rêves à notre guise ? Nous ne dépendons que de nous-mêmes, cependant ! Que vient faire cette barrière, ce gendarme ? Pourquoi Dieu se mêle-t-il de nos affaires ? Ainsi nous apparaît la loi, tout d'abord, loi maudite parce qu'elle révèle notre malédiction, nous fait mesurer la catastrophe et ce que nous avons fait des dons de Dieu.
Être ensemble, être attachés l'un à l'autre, c'était pour Adam et Eve, dans le repos du septième jour, la bénédiction suprême que Dieu leur accordait, la plus grande joie parmi toutes celles de la Création. EL voici que cette bénédiction, leur convoitise l'a transformée en une malédiction. Cette joie, leur péché l'a transformé en une corvée. Tout ce qu'ils recevaient de Dieu comme un don merveilleux et un sujet de louange, maintenant qu'ils ne le reçoivent plus que d'eux-mêmes, a vite fait de les ennuyer et de se corrompre dans les mains de leur envie. Etre ensemble, voilà, ô ironie ! que c'est devenu une obligation. S'appartenir l'un à l'autre irrévocablement, cela fait peur, car on pourrait un jour avoir assez l'un de l'autre. L'homme pécheur est livré à la quantité, obligé de faire des comptes. Il ne sait plus qu'un être humain, une personne humaine créée à l'image de Dieu est un mystère à jamais inépuisable, une présence infinie et non pas une denrée qui s'épuise. C'est pourquoi l'ordre de Dieu ne peut pas ne pas lui apparaître comme une obligation, une restriction, un empêchement. L'accomplissement de la loi devient forcément une corvée pour notre nature corrompue. Nous admettons sans doute qu'une telle loi puisse avoir son utilité, voire même sa nécessité pour diverses raisons pratiques, sociales et patriotiques, comme les cartes de sucre sont utiles et nécessaires. Mais enfin, ce sont là réglementations et restrictions dont on se passerait bien volontiers et qu'on observe à regret, quand on les observe.

C'est ainsi que nous sommes sous ce que Paul appelle la malédiction de la loi, aussi longtemps que notre coeur n'est pas changé, aussi longtemps que notre convoitise n'a pas expiré avec Jésus sur la Croix. Je ne dis pas que la loi n'ait pas, de cette manière aussi, son utilité, et que, par exemple, la moralité des Égyptiens n'ait pas gagné à connaître les tables de la loi du Sinaï et à vouloir les appliquer. Il peut être nécessaire que la loi de Dieu fasse office de gendarme, mette une barrière au débordement de l'homme pécheur et que le septième commandement soit pris pour une carte de femme. Mais ce n'est point là son office propre. Et nous avons, nous, peuple d'Israël, nous les rachetés de la malédiction de la loi, nous les délivrés de l'esclavage, autre chose à découvrir dans ce commandement. Nous avons à y découvrir le don que, dans sa miséricorde, Dieu veut nous faire à nouveau de cette union conjugale perdue, la restauration de ce mariage dissous par la convoitise et cela non par quelques préceptes ou encouragements, mais par la révélation et le don de sa propre fidélité. En sorte que nous puissions dire là aussi, avec le Psaume 119 : « combien j'aime tes commandements, c'est par eux que tu m'as fait revivre ! ».

Tout ce que Dieu fait pour son peuple est un miracle de fidélité. La brèche taillée dans la maison de servitude, la trouée du jour de Pâques, puis la subsistance quotidienne de l'Église dans le monde, sont la révélation d'une fidélité qui surpasse toute compréhension. « Celui qui a fait la promesse est fidèle » ... « Celui qui vous a appelés est fidèle », répète l'Écriture. Même au long d'effrayantes parenthèses, durant des servitudes de quatre cents ans, ou de soixante-dix ans, durant des « moyen-âge » où toute fidélité humaine peut être éteinte, durant des épreuves infinies où il paraît que Dieu a oublié le monde, sa fidélité veille sans relâche, elle est le fil qui relie le jour où Il nous a donné sa Parole, à cet autre jour où Il tiendra Parole.

Dieu est fidèle, Dieu tient la Parole qu'il nous a donnée dans son amour, il garde envers et contre tout, l'alliance qu'il a conclue avec son peuple. Si la foi consiste à croire Dieu sur Parole, la foi n'est donc possible qu'avec la certitude, non seulement que Dieu a parlé, mais encore qu'il tient Parole, qu'il est fidèle à ses engagements. Une parole qui n'est pas tenue n'est rien de plus qu'un mensonge. Le Diable peut bien nous faire toutes les promesses de Dieu, s'il le veut, mais il ne peut pas les tenir, il ne peut pas les rendre vraies. La fidélité de Dieu n'est donc rien d'autre que la vérité de sa Parole. Elle est là au centre de tout ce qu'il nous dit. Elle est la raison de notre foi, de notre obéissance, de notre espérance. La seule idée que Dieu pourrait ne pas tenir parole, nous jette aussitôt dans le royaume du père du mensonge.

En arrachant son peuple au pays d'Égypte, Dieu a tenu la promesse qu'il avait faite à Abraham. Il n'a cessé de montrer sa fidélité, de Moïse à Daniel, de Jérémie à Jean-Baptiste; et finalement, de Noël à Vendredi-Saint, il a vécu cette fidélité. « Je suis le Seigneur ton Dieu, un Dieu fidèle, un Dieu qui ne t'a pas lâché quand tout s'en allait et quand toi-même tu voulais t'en aller, et quand même tu m'avais déjà lâché depuis longtemps ». Nous apprenons en Jésus-Christ ce qu'est la fidélité de Dieu, une fidélité absolue, une fidélité jusqu'à la mort, un engagement sans aucune réserve. Le but que Dieu poursuit, il le poursuit jusqu'au bout. La brebis infidèle, il la cherche jusqu'à ce qu'il l'ait trouvée. Et quand elle s'en va de nouveau, il ne se lasse pas de la rechercher sans cesse. Cette fidélité est à base de miséricorde et de patience, car Dieu aurait chaque jour cent raisons de nous expulser de sa maison. Il nous supporte pourtant et nous garde son alliance. Où serions-nous, si Dieu raisonnait une seule minute comme il nous arrive sans cesse de raisonner à l'égard de notre mari (ou de notre femme) quand nous trouvons qu'il n'est pas ce que nous voudrions et quand les reproches s'accumulent dans notre coeur ? La fidélité de Dieu est une fidélité qui supporte, qui recouvre et qui pardonne notre infidélité.

C'est ce Dieu-là, et pas un autre, n'est-ce pas, c'est ce Dieu-là et non pas une convention, et non pas une morale, et non pas une religion, qui nous dit : « Tu ne commettras pas d'adultère ! » C'est ce Dieu qui nous a donné sa Parole, qui s'est lié à nous, qui a conclu avec nous cette alliance irrévocable, c'est le Dieu qui a été pour nous comme un époux, qui déclare : « Tu ne commettras pas d'adultère ». Autrement dit : « Tu auras pour ta femme, tu auras pour ton mari, la fidélité que j'ai pour toi ».

Ainsi, la révélation de la fidélité de Dieu est aussi celle de la puissance du mariage (comme la révélation que nous sommes la propriété de Dieu est aussi celle de la puissance du droit de propriété).

Aimez vos femmes comme Christ a aimé son Église, ayez pour elles là fidélité que Dieu a pour son peuple. « Soyez parfaits comme il est parfait » se traduit ici : Soyez fidèles comme il est fidèle ! Que votre parole, une fois donnée, vous ne puissiez pas plus la reprendre que Dieu ne peut reprendre la sienne. Pour tenir parole, pour garder son alliance, il a été jusqu'à se livrer lui-même.
C'est à l'intérieur de cette fidélité miséricordieuse et gardé par elle, que repose le mariage chrétien. C'est dans la mesure où les époux se savent liés à Dieu et liés entre eux par cette fidélité, que leur vie conjugale correspond à la promesse : «Tu ne commettras pas d'adultère », et retrouve quelque chose de sa profondeur et de son intensité premières.

Oh, je ne voudrais surtout pas faire montre d'optimisme. Quoi de plus ridicule et de plus illusoire que cette réclame que l'on est toujours plus ou moins amené à faire pour les mariages chrétiens, dans ce genre de conférences. La volonté de Dieu n'est pas une recette de bonheur conjugal, bien qu'en un certain sens elle puisse l'être. Les époux chrétiens ne sont pas des anges. Les ménages chrétiens ne sont pas des idylles. 0 justement pas ! Je craindrais même de dire qu'ils sont plus facile ou plus heureux que les ménages païens. Ce serait peut-être faux, en tous cas mal compris.
Je dirais plutôt que le grand avantage des époux chrétiens est d'avoir été, une fois pour toutes, débarrassés, par la foi en Jésus-Christ, de l'illusion païenne du caractère idyllique du mariage. La foi donne à l'homme la connaissance de lui-même. Il sait à quoi s'en tenir. Il sait ce qu'il est. Il sait aussi ce que Dieu est. Il y aura entre époux chrétiens les mêmes chutes, les mêmes difficultés, les mêmes douloureuses barrières qu'entre les époux païens. Mais, il n'y aura pas de mauvaises surprises, pas de déceptions et d'amertume, parce qu'il n'y avait pas d'illusion. Rien, dans aucun domaine, ne peut plus vraiment surprendre et désespérer celui qui a été une fois pour toutes et définitivement surpris par la Croix de Jésus-Christ.
La Croix est plantée au milieu des nations, au milieu des familles. Les peuples souffrent effroyablement les uns par les autres, l'homme et la femme souffrent l'un par l'autre peut-être davantage encore que des peuples qui se font la guerre. Mais, tout cela n'est que l'ombre de ce que les hommes ont fait et continuent de faire souffrir à leur Seigneur. Les époux chrétiens le savent, et c'est énorme. Certes, ils se font souffrir mutuellement autant que les autres, car ils sont des hommes et des femmes pareils aux autres et, sur le plan humain, leur union est aussi compromise. Oui, leurs difficultés et leurs misères conjugales sont les mêmes, mais le résultat n'est point le même. Alors que cette souffrance déprime et déçoit le ménage païen, et finit par tuer la vie conjugale, à tel point qu'un moment vient où tout est perdu, elle ne peut tuer la vie conjugale des chrétiens; rien n'est jamais perdu pour eux, au contraire, elle ne peut être qu'un rappel incessant de la perdition dont ils ont été sauvés par la fidélité de Dieu. - Bien ne va plus, voici qu'on ne parvient plus à se rejoindre, à s'entendre, et que tout ce qu'on essaye de dire ou d'entreprendre tourne mal ! Rien ne va plus et le péché triomphe ! Christ est mort entre nous. C'est affreux. Il semble que tout soit perdu. Et tout le serait, en effet, pour des incrédules. Mais, rien n'est perdu, car Christ est ressuscité, et les époux qui tombent, tombent ensemble dans la fidélité de Dieu et s'y retrouvent, et tout recommence, et tout est de nouveau possible par le miracle de la grâce et du pardon. Non, rien n'est perdu, rien ne peut mourir, quand Dieu est là. L'amère souffrance de tout à l'heure, et qui sera celle de bien d'autres jours encore, car ils traîneront leur égoïsme jusqu'à la tombe, cette souffrance conjugale, cette espèce de haine qui vient de s'infiltrer entre eux, n'a fait que les replacer devant l'immense nécessité du pardon de Dieu et dans l'attente du jour où ils seront à jamais délivrés de leur péché et n'auront plus à lutter pour obéir.

Si l'on voulait indiquer en quoi consiste de façon précise la grâce du septième commandement et donner une image de la différence qui existe certainement entre le ménage croyant et le ménage incrédule, on pourrait comparer la vie conjugale à un couple de danseurs de corde. Qu'il s'agisse d'un couple chrétien ou d'un couple païen, je veux dire d'un couple converti ou d'un couple inconverti, ils se trouvent l'un et l'autre en face des mêmes dangers, du même travail pour conserver leur équilibre. Il peut même fort bien arriver que le ménage païen le conserve plus longtemps et que son harmonie semble plus grande. La différence n'est pas dans la façon dont ils parviennent à se maintenir et à se ressaisir. La différence éclate le jour de la chute, le jour où l'équilibre est perdu. Quand le couple païen tombe, il tombe sans que rien puisse le retenir, il s'écrase au sol par le poids de son double égoïsme, et l'union conjugale s'y tue. Le ménage croyant tombe aussi. Le péché qui habite en nous lui fait à maintes reprises perdre l'équilibre de la vie commune. Mais, il tombe alors dans le filet de la fidélité de Dieu. Il y est infailliblement retenu. Il peut s'y faire mal, mais non pas s'y faire du mal. L'abîme est comblé et le ménage peut reprendre sa vie conjugale, avec un coeur brisé et nouveau. Non, le septième commandement n'est pas la promesse du parfait bonheur. Il est celle de la fidélité de Dieu qui sauve jour après jour des pécheurs de l'adultère, qui élève autour d'eux le rempart de sa miséricorde et réunit sans cesse à nouveau par son pardon cet homme et cette femme que leur convoitise, et leur humeur mauvaise ont séparés.

Mais aussi, la grâce du commandement fait plus que de protéger, de garder, de réconcilier sans cesse les époux que le Malin ouvertement ou secrètement divise. Elle les éduque, elle les rapproche de plus en plus, elle les adapte l'un à l'autre. Elle fait que, lentement et progressivement, à travers bien des chutes et côtoyant l'abîme, grâce à une intimité corporelle et spirituelle toujours plus profonde, les époux fidèles deviennent ce qu'ils sont dans la Parole de Dieu : « une seule chair,,, et acquièrent toujours mieux cette unité promise, qui déborde sur toute leur vie. On peut bien en noter quelques signes et sans vouloir faire de la propagande au septième commandement et vanter le bonheur qu'il peut réserver aux époux, remarquer pourtant cette sorte d'assimilation mutuelle qui s'accomplit. Leur manière de penser se rapproche, ainsi que leur façon d'envisager les problèmes de l'existence. Leurs écritures viennent à se ressembler. Ils savent l'un de l'autre ce que personne d'autre ne sait. Ils deviennent comme des amis intimes. Unité réelle, unité concrète. La vie leur est de moins en moins possible l'un sans l'autre. Dans tous les domaines et avec toutes leurs différences d'homme et de femme, ils sont un, ils sont ensemble. Séparés l'un de l'autre par les circonstances, ils ont l'impression quasi physique d'être partagés en deux, de n'être que la moitié d'eux-mêmes, de ne penser plus qu'à moitié, de ne regarder plus qu'à moitié ...

Cependant la Bible est singulièrement discrète à ce sujet. On dirait que la grave question du bonheur conjugal, comme celle du malheur conjugal, ne se pose pas pour elle. À part le Cantique des Cantiques, l'éblouissante célébration du ravissement de l'homme et de la femme, à peine trouve-t-on ça et là quelques notations furtives sur le bonheur de la vie. « Ta femme bien-aimée... ton mari bien-aimé... » mentionne le Deutéronome qui, par ailleurs, accorde une année entière de répit aux jeunes mariés : « Quand un homme sera nouvellement marié, il n'ira point à la guerre, et on ne lui imposera aucune charge; pendant un an, il sera libre de rester dans sa famille et il réjouira la femme qu'il aura épousée » (24/5). (Pareillement Eccles. 9/9).

Mais, le plus fort des signes de l'unité conjugale et du bonheur de la fidélité, c'est sans doute l'émerveillement qui grandit et qu'aucune habitude ne lasse : d'être ensemble, d'être l'un avec l'autre, ceux que Dieu associe au mystère de sa création, ceux que Dieu utilise pour semer le grand champ de sa création et pour multiplier les créatures auxquelles le salut sera offert, et continuer jusqu'à son terme l'histoire du monde, d'être, dans la grande joie du moment des semailles, ceux qui préparent la récolte finale. Une telle connaissance porte à sa plénitude la joie de la conception et donne tout son sens à l'enfantement.

« De tous les champs, écrit Landry dans Baragne, Nicolas guettait le plus petit, celui qui donnerait un sens à tous les autres. Il suivait d'un oeil attentif les gestes ronds, les hanches solides, le plus petit des champs de l'homme, là, entre les bras, entre les jambes, protégé et en même temps bien exposé au bon de la chaleur. Le plus petit des champs, et qui se sème et qui rapporte mille fois et mille fois son grain » (p. 248).

Quand le grain a levé, quand la récolte est mûre, quand après les soucis et les tourments de l'éducation, le père et la mère discernent pour la première fois dans leurs enfants les traces de la grâce de Dieu, et qu'ils' constatent que leur union a porté un fruit éternel, un homme que Christ a racheté de sa convoitise, une voix de plus dans la foule immense des bienheureux, alors ils touchent du doigt le sens dernier du septième commandement et de cette fidélité qui leur était commandée. « Le père fera connaître à ses enfants La fidélité, » (Es. 38/19), chante Ézéchias. La fidélité de Dieu a sauvé l'union conjugale de la convoitise et de l'adultère, pour pouvoir sauver ensuite les fruits de cette union. Ainsi, l'homme et la femme, dans l'union de leur corps, sont associés au miracle de la création, pour être par la suite, quand ils élèveront leurs enfants, dans la connaissance de Jésus-Christ, associés au miracle de la rédemption.

Tu ne commettras point d'adultère ! veut donc dire : Tu feras connaître à tes enfants ma fidélité - cette fidélité dont tu as vécu comme membre de l'Église, cette fidélité dont votre union conjugale a vécu, qui fut son fondement et son rempart et qui est aujourd'hui sa raison d'être. Car, ce n'est point seulement notre bonheur d'époux et notre salut qui sont engagés dans ce commandement, ce n'est pas notre seule existence temporelle et éternelle, c'est aussi l'existence temporelle et éternelle des enfants qui naissent de cette union - et des générations futures. Ce n'est pas ici le lieu d'aborder la question de la vie de famille et le problème de l'éducation. Il suffira de noter que la présence des enfants entre les époux fait éclater avec une force sans pareille l'impossibilité, la monstruosité de l'adultère. Car, s'il est grave d'être infidèle à sa femme ou à son mari, il l'est peut-être encore davantage de l'être à ses enfants, et l'on ne peut l'un sans l'autre. Si donc la convoitise et l'infidélité sexuelles ont dans l'espace des répercussions universelles et finissent par la guerre mondiale - ce qui déjà n'est pas si mal - elles ont dans le temps des conséquences aussi funestes. Notre iniquité retombe sur nos enfants. La fidélité de Dieu qui manque au père et à la mère manque alors à leurs enfants.

Ici encore, c'est à peine si nous soupçonnons, si nous entrevoyons, l'étendue du mal que cause notre désobéissance et les raisons péremptoires, absolues, que Dieu a dans sa bienveillance de nous commander telle et telle attitude. De temps à autre une secousse comme un divorce ou une guerre nous y rendent attentifs pour un petit moment et justifient à nos yeux d'incrédules la volonté de Dieu. Prenons garde, cependant, de vouloir chercher toujours des justifications, des raisons humaines, à ce que Dieu nous demande. C'est par la foi que Dieu veut être obéi et non par la vue, et non parce que nous avons peur de certains résultats constatés de la méchanceté humaine. Nous n'avons pas à fonder notre obéissance sur de bonnes raisons et à savoir toujours pourquoi telle chose nous est demandée. Si nous le comprenons parfois, si nous voyons parfois les résultats de l'obéissance, c'est tant mieux, mais si nous ne les voyons pas, cela est tout à fait normal, car la foi seule, la foi pure en la fidélité de Dieu et en sa toute-puissante sagesse, doit nous faire obéir. Il est certainement des cas où la fidélité conjugale, où la fidélité politique semblent absurdes et ne pas pouvoir être demandées. Il y a des situations inextricables où l'obéissance peut paraître un non-sens et une catastrophe. C'est ici alors qu'il faudra rappeler la portée eschatologique, la portée finale de la loi divine. Car il s'agit de l'obéissance de la foi et cela veut dire : Nous ne voyons pas aujourd'hui, nous ne verrons qu'au jour du jugement, l'étendue des désastres que nous avons causés, comme aussi tout ce que la volonté de Dieu avait pour nous de «bon, d'agréable et de parfait». Nous ne saisirons qu'alors toute sa nécessité. Il faut accepter aujourd'hui d'obéir sans la saisir toute, et dans l'espérance du jour où nous comprendrons pleinement. Le jugement dernier n'apportera aucun élément nouveau, il fera simplement apparaître tout ce qu'a de mauvais la désobéissance, et de bon, d'éternellement bon, l'obéissance de la foi. Dans le jour de la Justice, tout acte de révolte, tout acte d'orgueil, de mensonge, d'infidélité, apparaîtra pour ce qu'il est : un irréparable malheur.
Et tout acte d'obéissance, de vérité et de fidélité, apparaîtra pour ce qu'il est : un incomparable, un irrévocable bonheur. L'enfer et le paradis sont aujourd'hui cachés comme une petite graine dans notre infidélité et dans notre fidélité. Le jugement dernier fera éclater cette graine et nous verrons le grand arbre qui est sorti d'elle. Et « vous verrez alors, dit Malachie, la différence qu'il y a entre celui qui sert Dieu et celui qui ne le sert pas ». Nous verrons alors l'absolue bonté et nécessité de ce que Dieu nous demandait. Ce sera notre joie parfaite. Nous serons dans le Royaume où cette volonté sera faite exclusivement. Ce que Dieu nous accorde et nous demande dans sa loi n'est pas autre chose que la vie que nous vivrons éternellement dans son Royaume.

Roland de Pury.


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(1), Ils étaient maintenant un et un, elle et lui. Un et un, çà fait deux.
Mais c'est çà la condamnation, parce qu'un et un, à présent çà fait deux, tandis qu'avant çà ne faisait qu'un et on cherche à comprendre et on ne peut pas comprendre. » (Ramuz)
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(2) Ce qu'on a vu se produire dans les pogroms et les camps de concentration est certainement un phénomène du même ordre.
Semblablement cette série ahurissante d'agression depuis quelques années : phénomènes caractérisés du viol national où le peuple fait collectivement ce que chacun de ses membres n'eut osé faire isolément.
Et comment définir encore cet effroyable glissement des peuples se livrant au vainqueur les uns après les autres, autrement que comme un phénomène de prostitution universelle ?
Beaucoup ont été pris à la gorge par cette sensation et n'ont pu autrement baptiser ce qu'ils voyaient et ils ont dû se poser la question : Comment prêcher l'amour de l'ennemi à celui qui se prostitue à l'ennemi ? Car cette complaisance que d'aucuns prennent pour de l'amour n'est qu'un adultère. Si l'on veut faire quelque chose, il faut commencer par remettre debout tous ces gens couchés, avant de leur prêcher le sermon sur la montagne. Car l'amour chrétien de l'ennemi n'est possible que dans une attitude de totale résistance intérieure à cet ennemi, dans une « parfaite haine » (Ps. 139) de ce qui nous oblige à le considérer comme ennemi. Sinon ce n'est pas de l'amour, c'est de la complicité, de la lâcheté, de la prostitution.

J'ignore si l'opinion publique de la Suisse est prête à se laisser mener et installer dans le harem des dictateurs, mais il n'est pas superflu tout au moins de, l'avertir et de lui crier comme au peuple de France : Tu ne commettras point d'adultère !
Les prophètes l'ont assez répété à Israël chaque fois qu'il courait après les dieux des autres nations au lieu de les haïr d'une parfaite haine. Quand Israël n'écoutait pas, Dieu le « livrait au pouvoir de ses amants » et le peuple alors entrait dans un des nombreux esclavages qui jalonnent son histoire.

 

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