Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



L'ORDRE DE DIEU


VIII

Tu ne déroberas point.
par Charles BRÜTSCH

Tu ne déroberas point.
Exode 20/15.

INTRODUCTION
1. PREMIÈRE RÉACTION

 

« Le huitième commandement : Tu ne déroberas point, est assez clair pour n'avoir besoin d'aucune explication », dit Alexandre Westphal. À première vue, nous sommes tentés d'abonder dans son sens. Plusieurs commentaires sur le Décalogue traitent ce commandement plus brièvement que les autres.
Il apparaît facile d'échapper à l'accusation qu'il pourrait porter sur nous : « En tout cas, cela ne me concerne pas personnellement, s'écriera l'un ou l'autre spontanément. Moi, voler, fi donc ! J'ai des principes et je ne les renierai jamais. Mon père m'a toujours dit : « Sois honnête, mon garçon, et tu réussiras » ! Je préférerais mourir de faim que de prendre un morceau de pain à mon voisin. Mon blason est sans tache. Ma probité est reconnue de tous. Mon honorabilité est sauve. Interrogez qui vous voudrez sur mon compte, vous recevrez partout le même renseignement ».
Et de partir aussitôt à l'attaque des malhonnêtes gens de tous calibres, des petits voleurs qu'on incarcère et des grands qu'on laisse courir, quand on ne va pas jusqu'à les favoriser et jusqu'à admirer leurs exploits.

Dans le vieux quartier de Hanovre, on peut lire sur une petite maison coquette, flanquée d'une maison bourgeoise fort cossue, ce distique aux allusions transparentes :
Lieber klein, und ohne Schulden, Als gross mit fremden Gulden !
(Je préfère être petite, et sans dettes, que grande - sous-entendu : comme ma voisine - moyennant l'argent d'autrui).

Des déclarations analogues, souvent moins poétiques, ne manquent pas de fleurir nos propos. Nous sommes farouchement prompts à dénoncer ceux qui transgressent tous les jours et de plusieurs manières ce saint commandement. Nous ne sommes jamais plus éloquents que lorsqu'il s'agit de prononcer des réquisitoires indignés. « Il est étonnant de constater, dit Hans Asmussen, à quel point les hommes éprouvent le besoin d'anticiper sur le jugement dernier. À nous voir assembler aujourd'hui avec tant d'empressement des griefs accablants contre autrui, il semble que Dieu ait besoin de consulter nos dossiers pour effectuer le jugement suprême ».

Les dénonciations pleuvent : les voleurs, ce sont ceux-ci ou ceux-là, sur le plan politique, ce sont les belligérants ou les neutres, les ploutocrates ou les communistes, les patrons ou les ouvriers, les employés d'État ou les entrepreneurs privés, les subventionnés ou les indépendants... Et lorsque l'accusateur farouche a terminé sa diatribe, il va se remonter le moral en faisant une promenade au temple, où l'on entend retentir la prière satisfaite : « 0 Dieu, je te rends grâces de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, qui sont ravisseurs... ».

2. DU VÉRITABLE USAGE DE LA LOI.

a). La Loi, « pédagogue pour conduire à Christ » (Galates 3/24).

C'est justement à cet état d'esprit pharisaïque que le huitième commandement du Décalogue oppose son veto. Armé d'un solide fouet, il fait évacuer le temple, dont les honnêtes gens ont fait, eux aussi, une « caverne de voleurs ». Car c'est bien voler Dieu que de professer le dogme de sa propre infaillibilité en condamnant les autres : « 0 homme, qui que tu sois, toi qui juges, tu es donc inexcusable, car, en jugeant les autres, tu te condamnes toi-même, puisque toi qui juges, tu fais les mêmes choses ... Toi qui prêches de ne pas dérober, tu dérobes! ... » (Romains 2/1, 21). Ainsi parle Dieu. Comme son fouet cingle nos épaules ! Le temple de Dieu n'est pas destiné à notre propre édification morale aux dépens d'autrui; ses voûtes ne doivent pas résonner de l'orgueilleux monologue des vertueux; le temple est le lieu saint où s'échange le dialogue entre Dieu et l'homme.
Dans ce dialogue unique, le Dieu vivant a d'abord la parole : « Je suis l'Éternel ton Dieu ... Tu ne déroberas point ! ».

Le Dieu de la révélation biblique, le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, qui est le Dieu de Jésus-Christ, parle à son peuple. Il ne s'agit donc pas ici simplement de la voix anonyme de nos consciences ni de la loi naturelle (quelles que soient par ailleurs les relations secondaires qui puissent exister entre la loi révélée de Dieu et celles des hommes). Dieu s'adresse au peuple qu'il a élu d'entre tous les autres et qu'il a arraché par sa main puissante à l'esclavage de Pharaon.

Le Dieu qui parle est celui qui a opéré la grande délivrance dans le passé, mais aussi celui qui achemine le peuple délivré et ingrat vers la terre promise. La loi est donnée à Israël à mi-chemin entre l'Égypte et le pays de Canaan.
Il y a plus : le Dieu qui parle est celui qui a fait grâce à Abraham, le père des croyants, qui a conclu alliance avec lui, qui l'a déraciné et qui l'a transplanté, non sans le doter de la grande promesse de bénédiction universelle. Le Dieu qui parle est celui qui conduit son peuple, élu et rebelle encore, libéré et murmurant encore, vers la révélation de son Fils unique. La loi est donnée à Israël entre Abraham et Jésus-Christ manifesté aux hommes.

Cette loi divine tout entière, et dans chaque commandement particulier, doit faire connaître au peuple élu son péché, pour qu'il accepte son Sauveur et proclame le salut de Dieu jusqu'aux extrémités du monde.

Cette loi est un escalier par lequel le peuple de Dieu aura à descendre, de degré en degré, de repentance en repentance, jusqu'à l'heure bénie où les temps seront accomplis et où le Fils de Dieu apparaîtra comme un simple homme, étant lui-même descendu du plus haut des cieux jusqu'aux dernières profondeurs de la terre (Eph. 4/9). « C'est par la loi que vient la connaissance du péché » (Romains 3/20). « La loi est intervenue pour que l'offense abondât, ... (Romains 5/20).

Au bas de cet escalier, sur la dernière marche, il n'y a plus qu'un seul cri possible, celui de l'apôtre Paul : « Misérable que je suis ! » (Romains 7/24). Et ce cri se répercute à travers toute la Bible; nous l'entendons résonner dans les Psaumes et chez les Prophètes; il jaillit du coeur du fils prodigue et nous le surprenons sur les lèvres du larron crucifié. C'est la confession du péager dans le temple : « 0 Dieu, sois apaisé envers moi qui suis un pécheur ! »
Dans cette profondeur-là, le peuple de Dieu est rendu à Christ par la loi. Jésus-Christ vient rejoindre son peuple là où il est frappé par la condamnation irrévocable. Cette condamnation qui est la nôtre, qui vaut pour le peuple de Dieu autant que pour le monde entier, Jésus-Christ la fait sienne. Jésus-Christ porte notre péché. Jésus-Christ en reçoit lui-même le salaire, en mourant à notre place.
La loi intervenant entre la promesse et son accomplissement, la loi accompagnant le peuple élu sur son chemin descendant, est donc elle-même toute grâce. voie de Dieu vers le salut manifesté en Jésus-Christ.

Entre notre élection éternelle en Christ et notre rencontre décisive avec lui dans le temps, elle nous garde tout en nous brisant, elle nous conduit tout en nous contenant. Impératif catégorique de la Parole de Dieu, elle est pourtant déjà le bras de Christ qui nous attire à lui.

b). La Loi, sanctification du corps de Christ.

Est-ce à dire qu'ensuite, une fois la rencontre avec Christ effectuée, une fois notre nouvelle vie en Christ devenue consciente, la loi ne signifie dorénavant plus rien pour nous? Le pédagogue qui a accompagné, l'enfant jusqu'à l'école est-il désormais congédié ?
La loi doit-elle s'effacer dans le silence, comme le Maure de Shakespeare ? Autant demander si, une fois que nous sommes convertis, que nous avons reconnu notre appartenance éternelle au Christ, le péché s'est-il évanoui comme par enchantement dans nos vies ? Ne sommes-nous plus tentés ? Satan a-t-il renoncé à nous ? Sommes-nous déjà arrivés dans la plénitude du Royaume des cieux ? Non, le peuple de Dieu na pas épuisé sa mission dans l'ancienne alliance; il est appelé à reprendre sa marche obéissante pendant tout le temps de la nouvelle alliance, c'est-à-dire tous les jours jusqu'à la fin du monde.

Si la loi est intervenue dans l'Ancien Testament entre la promesse et l'accomplissement, entre Abraham et l'incarnation du Christ, la loi divine reprend sa place intermédiaire dans le Nouveau Testament. Elle s'insère salutairement entre la première venue du Christ dans l'humilité et sa deuxième venue dans la gloire. La loi, pleinement accomplie en Jésus-Christ, conduit l'Église chrétienne, qui est au bénéfice de cet accomplissement, à la porte du Royaume des cieux. Jusque là, « tant que le ciel et la terre ne passeront point, il ne disparaîtra pas de la loi un seul iota ou un seul trait de lettre » (Matth. 5/18).

« L'homme avance sur un chemin, dit Kart Barth; et à droite et à gauche de ce chemin, les commandements sont dressés et le regardent. Ils le suivent, l'accompagnent, de sorte qu'il va son chemin entre eux, entouré par eux, ne pouvant ignorer sa responsabilité envers eux, comme leur prisonnier »
Heureux prisonnier! Le chemin est assurément l'Évangile, c'est Jésus-Christ en personne; mais la barrière des commandements le longe utilement, étant donnée notre capacité extraordinaire de nous dérober. Et c'est ainsi que dans la nouvelle alliance également, la loi est toute grâce et que sa sévérité même est un aspect de la vigilante bonté de Dieu.

Dans l'Église du Seigneur Jésus-Christ, la loi ne nous condamne plus, mais souligne la libération de l'esclavage du péché. Jésus-Christ achemine son peuple, lui aussi délivré et ingrat, vers les nouveaux cieux et la nouvelle terre de l'éternelle promesse. Dans cette marche du peuple de Dieu, sauvé et chancelant encore, vers le Royaume des cieux, la loi, dont Christ a ôté la malédiction, est une loi de bénédiction.
Ici de même, il s'agit d'un escalier descendant. De degré en degré, d'humiliation en humiliation, de souffrance en souffrance et de tribulation en tribulation, l'Église du Seigneur s'approche du Royaume.

Voilà ce que nous aurons à montrer au sujet du huitième commandement. Il nous fait connaître que nous sommes sauvés en Jésus-Christ et il nous guide dans notre marche chrétienne, nous maintenant dans l'ordre divin, en vue de la « révélation des enfants de Dieu ».

3. DU FAUX USAGE DE LA LOI

Nous ne pouvons pas parler de ce que Dieu nous donne dans sa loi sans indiquer l'étrange prédilection que Satan nourrit pour cette même loi. Là où Dieu sème, Satan choisit le même champ pour ses semailles. Là où Dieu parle, Satan insinue son commentaire.

« Ceux que Dieu élit, Satan les élit aussi » (Cuche), Le peuple de Dieu, dans l'ancienne et dans la nouvelle alliance, en est la singulière illustration.

Satan sait rendre la loi plus séduisante, parce qu'il renchérit constamment sur l'offre de Dieu. Un escalier descendant ? Satan en fait un escalier montant. Il fait croire aux pharisiens que, par elle, ils s'élèveront plus haut. La loi sera l'instrument de leur propre salut et leur donnera des occasions multiples d'accumuler des mérites. Dès lors, ils se passeront du Sauveur; lorsque ce dernier se présentera à eux, ils le crucifieront.

Lorsqu'en revanche Satan ne pourra pas empêcher la rencontre décisive avec le Fils de Dieu, il ne lâchera pas prise pour autant. Il s'approchera des convertis; il applaudira à leur belle confession des péchés, les engagera à la répéter aussi souvent que possible, puis leur indiquera la possibilité de s'épanouir spirituellement en se servant de la loi, dont il fera un institut de beauté chrétienne. Il persuadera les élus de Dieu qu'ils ne seront pas sans aucun mérite, lorsqu'ils entreront dans le Royaume des cieux et qu'à la pure grâce de Dieu s'ajouteront leurs vertus appréciables. Ils seront certains d'avoir des places réservées.

Dieu a créé la loi. Cette loi est toute grâce, lorsque le Saint-Esprit conduit dans toute la vérité. Toute la vérité, c'est Jésus-Christ qui sauve les pécheurs. Satan a fait de cette loi le légalisme, qui est tout perdition, parce qu'il conduit dans le mensonge, à l'opposé du Christ.

Que le Seigneur nous délivre du Malin et de son funeste usage de la loi, qu'il nous donne de marcher dans sa loi accomplie, de repentance en repentance et de dépouillement en dépouillement, jusqu'au jour où, par un miracle divin, nous paraîtrons saints, purs, irrépréhensibles devant Christ, notre gloire

1re PARTIE

« JE SUIS L'ÉTERNEL... » DIEU SOUVERAIN DU MONDE
1. DIEU SOUVERAIN DE LA TERRE

 

Si Dieu dit à son peuple tout entier et à chacun de ses membres en particulier : « Tu ne déroberas point ! », il nous rappelle d'abord que tout lui appartient en propre, comme l'affirme majestueusement le Psaume 24 :

À l'Éternel la terre et ce qu'elle renferme, Le monde et ceux qui l'habitent ... »
Cette appartenance totale de la terre au Dieu créateur est spécifiée par d'autres déclarations, comme celle-ci : « Les terres ne se vendront pas à perpétuité, car le pays est à moi, car vous êtes chez moi comme étrangers » (Lév. 25/23).

Nous ne dirons donc pas avec J.-J. Rousseau :
« Le premier qui, ayant enclos un terrain, s'avisa de dire : ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, de guerres, de meurtres, que de misères et d'horreurs n'eût point épargnés ait genre humain celui qui, arrachant les pieux ou comblant le fossé, eût crié à ses semblables : « Gardez-vous d'écouter cet imposteur; vous êtes perdus, si vous oubliez que les fruits sont à tous et que la terre n'est à personne ! » (Discours sur l'origine de l'inégalité).

D'après J.-J. Rousseau, le vol commence par la déclaration de propriété personnelle. L'individu accapare ce qui appartient à tous.
Nous lui objecterons : le vol originel est antérieur à ce geste égoïste de l'individu. Dire que la terre n'est à personne », c'est avouer que les hommes ont volé en premier lieu la terre à son vrai possesseur, à Dieu. Il n'est pas étonnant que par la suite ils se la disputent et se volent entre eux.

D'autre part, celui qui reconnaît la souveraineté de Dieu sur la terre peut fort bien avoir une propriété particulière, grande ou petite. Même les « latifundia », les grandes propriétés seigneuriales, ne sont pas nécessairement un vol vis-à-vis de la communauté. Ce qui importe, c'est que le possesseur de terres sache que celles-ci lui sont prêtées par Dieu et qu'il doit en répondre devant lui. Il ne peut connaître cette responsabilité sans cultiver ses terres en vue de l'utilité publique.

Ce n'est donc pas en abolissant la propriété privée ni en la morcelant en petits lopins de terrain qu'on remédiera à l'injustice sociale. C'est seulement en situant la terre à sa place exacte, sous la souveraineté de Dieu et dans son plan, qu'on trouvera la vraie issue.

2. DIEU SOUVERAIN DE L'ARGENT

Dieu dit encore : « L'argent est à moi et l'or est à moi ... » (Aggée 2/8).
Dans la ligne tracée par J.-J. Rousseau, on a pu dire par la suite : le capital, voilà l'ennemi public numéro un. Il faut en déposséder les individus, les entreprises privées, et le remettre entre les mains de l'État tout-puissant. Ou bien, a-t-on pensé encore, il faut l'abolir totalement ou encore le distribuer à parts égales entre tous. Alors l'injustice séculaire sera réparée; une ère nouvelle s'ouvrira pour les hommes ... !

Non, dit la Bible, L'argent appartient à Dieu et nous est prêté. Accepter la souveraineté de Dieu dans ses finances, c'est l'unique vérité. Que l'argent soit volé par les capitalistes individuels, par des trusts importants, par des États absolutistes ou par l'humanité tout entière, que l'économie soit privée, dirigée ou étatisée, cela ne fait que déplacer le vol. Le remplacement de l'argent par un autre moyen d'échange commercial ne résoudra pas davantage la question. L'humanité se débat éperdument, à l'intérieur du grand vol collectif, entre diverses catégories de vols secondaires: Vols de petits ou de grands groupes, vols nationaux ou vols de classes sociales ... Elle n'a jamais voulu comprendre que seul le retour à l'ordre de Dieu est la fin de son anarchie financière.

3. DIEU SOUVERAIN DE SON PEUPLE

Cette appartenance sacrée culmine dans l'appel personnel de Dieu à son peuple : « Je suis l'Éternel, ton Dieu ». « Je t'appelle par ton nom, tu es à moi » (Esaïe 43/1).
Nous voici au centre du commandement.. L'homme est la propriété exclusive de Dieu, créé à son image pour être régi par la claire Parole de Dieu, destiné à vivre devant sa face, pour le glorifier en tout.
« Tu ne déroberas point ! » Cet ordre de Dieu n'a-t-il pas déjà retenti au début de l'histoire humaine :
« Tu pourras manger de tous les arbres du jardin, mais tu ne mangeras pas de l'arbre de la connaissance du bien et du mal, car le jour où tu en mangeras, tu mourras » ?
Dans cet ordre intimé à Adam et Eve, Dieu ne s'est assurément pas occupé de quelques pommes ! Il a interdit aux hommes de porter atteinte à sa souveraineté en s'arrogeant la connaissance du bien et du mal, indépendamment de sa Parole. Il a défendu aux hommes de disposer eux-mêmes de leur vie comme bon leur semblerait. En sorte que cet ordre : « Tu ne déroberas point ! » signifie en réalité : « Tu ne te déroberas point ! »

La première question posée par Dieu à l'homme: « Où es-tu ? » prouve que d'abord l'homme s'est dérobé lui-même à Dieu. Il n'est question du fruit volé que dans la deuxième question de Dieu : « Est-ce que tu as mangé de l'arbre? » Désormais, dans chaque vol, les hommes prouveront qu'ils se sont dérobés eux-mêmes à leur Dieu. Il en sera ainsi pour Caïn qui, se dérobant à Dieu, ôtera la vie à son frère : « Où est ton frère Abel ? » Il en sera de même pour tout le peuple élu, lorsque, s'émancipant totalement de son Dieu, il portera une main sacrilège sur son Oint et le retranchera de son sein.

 

 

II éme PARTIE

« TU NE DÉROBERAS POINT »
1. LE VOL ET SA RÉPARATION

 

Au peuple élu que Dieu conduit à la terre promise et prépare à la rencontre de son Messie, il rappelle sans cesse l'ordre irrévocable : « Je suis l'Éternel ton Dieu, ... tu ne déroberas point ! »
Israël devra répondre à l'élection divine. Israël marchera par la foi en ne portant pas atteinte aux droits de Dieu, à l'ordre qu'il a établi. « Car il nous faut estimer que ce que chacun possède ne lui est point advenu par cas fortuit, mais par la distribution de celui qui est le souverain Maître et Seigneur de tout; c'est bien pourquoi l'on ne peut frauder personne de ces richesses que la dispensation de Dieu ne soit violée » (Calvin, Institution 2. VIII. 45).

Le huitième commandement est détaillé dans toute une série de préceptes. Ces derniers ne sont pas destinés à diviser le commandement, à le pulvériser en une poussière d'observances détachées; ils le multiplient au contraire, le reflètent dans toutes les circonstances, en répercutent incessamment l'appel à la fidélité unique.

Exode 21 parle déjà de vol : « Celui qui dérobera un homme et qui l'aura vendu ou retenu entre ses mains, sera puni de mort » (v. 16 , cf. Deut. 24/7). Dieu seul dispose totalement des, vies, des âmes et des corps; se mettre à sa place en lui ravissant son empire absolu sur une seule existence humaine, c'est mériter la mort. Par là, toute emprise totalitaire sur les hommes, tout hypnotisme, tout anéantissement des consciences sont stigmatisés.

Exode 22 parle de divers vols : « Si un homme dérobe un boeuf ou un agneau ... Si un homme fait du dégât dans un champ on dans une vigne ... Si un homme donne à un autre de l'argent ou des objets à garder et qu'on le vole ... Dans toute affaire frauduleuse concernant un boeuf, un âne, un agneau, un vêtement ou un objet perdu ... » Chaque fois, il est question des modalités de restitution, celle-ci étant souvent le double, une fois même le quintuple de la valeur du larcin.

Le préjudice causé au prochain ne doit pas seulement être reconnu, mais également réparé, ce à quoi la restitution pure et simple de l'objet du délit ne saurait suffire. Il faut en plus ce que le mot de « pardon » signifie étymologiquement : un surplus, un don pardessus le compte.

Ce n'est pas tout : l'affaire ne sera pas seulement réglée devant les hommes. Le peuple de Dieu sait que tout péché est transgression de l'ordre divin, et partant péché contre Dieu. Le fils prodigue ne dira pas seulement à son père : « J'ai péché contre toi ... » ; il dira : « J'ai péché contre le ciel et contre toi ». C'est bien pourquoi il est déterminé dans Lévitique 5/21 ss.(6:2) que « lorsque quelqu'un péchera et commettra une infidélité envers l'Éternel, en mentant à son prochain au sujet d'un dépôt, d'un objet confié à sa garde, d'une chose volée ou soustraite par fraude ... », il n'y aura pas seulement restitution et réparation, mais que le coupable « présentera au sacrificateur, en sacrifice de culpabilité à l'Éternel pour son péché, un bélier sans défaut, pris du troupeau ... Et le sacrificateur fera pour lui l'expiation devant l'Éternel, et il lui sera pardonné, quelle que soit la faute dont il se sera rendu coupable.
La loi ne dénonce pas seulement le péché, mais elle cite le pécheur devant Dieu. Il accomplira ce sacrifice, dans lequel il sera doublement remplacé : c'est d'abord un prêtre qui représentera le transgresseur devant Dieu et qui implorera le pardon à sa place; c'est en deuxième lieu un bélier qui lui sera substitué et qui sera immolé pour expier sa faute.

Voilà comment, dans le langage des signes et des figures rituelles, la loi conduit le peuple élu à son Messie. Car lorsque les temps seront accomplis, celui que tous ces signes auront préfiguré, Jésus-Christ, sera le véritable souverain sacrificateur, demandant pardon pour son peuple à son Père; et Jésus-Christ sera en même temps la victime expiatoire, immolée à la place des coupables.

2. QUELQUES PRÉCEPTES PARTICULIERS

Ce même chemin du peuple élu, qui marche entre les commandements de Dieu vers la croix de Jésus-Christ, se retrouve dans plusieurs préceptes particuliers dont voici les plus connus.

Il est parlé des poids et des mesures
« Vous ne commettrez point d'iniquité ni dans les jugements, ni dans les mesures de dimension, ni dans les poids, ni dans les mesures de capacité. Vous aurez des balances justes, des poids justes, des épha justes et des hin justes. Je suis l'Eternel votre Dieu, qui vous ai fait sortir du pays d'Égypte.» (Lév. 19/35-36, Deut. 25/15-16).

« La balance fausse est en horreur à l'Eternel, mais le poids juste lui est agréable », dira le livre des Proverbes (11/1).

C'est dire que la mesure normale n'est pas dans la main des hommes. Dieu seul la garantit. Le peuple de Dieu ne peut pas avoir de doubles mesures. Marchant devant la face de Dieu, il ne peut se prêter aux fausses appréciations, aux évaluations mensongères; il reçoit de Dieu les toises, les sicles et les boisseaux justes, de même qu'il recevra le discernement clair des valeurs spirituelles.

Il est parlé des bornes du champ
« Tu ne reculeras point les bornes de ton prochain, posées par les ancêtres, dans l'héritage que tu auras au pays dont l'Eternel ton Dieu te donnera la possession « (Deut. 19/14; 27/17; Job 24/2; Prov. 22/28). Le mot d'héritage rappelle à Israël qu'il doit à Dieu la possession de ses terres. Le respect du champ d'autrui comme du sien propre n'est réel que devant Dieu. Seul l'homme qui respecte l'ordre divin, accepte les limites qui lui sont imposées dans tous les domaines. Comment ne pas penser en transposant sur le plan moral, à la curiosité, qui est une des marques essentielles de celui qui soustrait sa vie au regard de Dieu ? Comment ne pas penser à la curiosité religieuse, si vive chez tous ceux qui se refusent aux obéissances élémentaires ?

Il est parlé de finances, et d'abord du salaire à payer:
« Tu ne retiendras point jusqu'au lendemain le salaire du mercenaire » (Lév. 19/13). « Sans cela, ajoute le Deutéronome (24/15), il crierait à l'Eternel, et tu te chargerais d'un péché ». Jérémie (22/13) et Malachie (3/5) souligneront particulièrement cette iniquité.

Dans le peuple de Dieu, on ne soupire pas toujours au sujet des finances, parce que Dieu les a remises à leur place précise. Devant le Dieu des justes rétributions, le peuple de Dieu rétribue avec équité. Les salaires ne sont pas tronqués, ni enflés; le paiement des factures n'est pas atermoyé sans raison, ni échelonné arbitrairement.

Dans le même domaine des finances, il est aussi parlé du prêt et de la question délicate de l'intérêt.
« Si tu prêtes de l'argent à mon peuple, au pauvre qui est avec toi, tu ne seras point à son égard comme un créancier, tu n'exigeras de lui point d'intérêt » (Exode 22/25). Le Lévitique (25/35) dit pourquoi il en sera ainsi : « Si ton frère devient pauvre, et que sa main fléchisse près de toi, tu le soutiendras; tu feras de même pour celui qui est étranger et qui demeure dans le pays, afin qu'il vive avec toi. Tu ne tireras de lui ni intérêt ni usure, tu craindras ton Dieu, et ton frère vivra avec toi. Tu ne lui prêteras point ton argent à intérêt et tu ne lui prêteras point tes vivres à usure. Je suis l'Eternel ton Dieu, qui vous ai fait sortir du pays d'Égypte, pour vous donner le pays de Canaan, pour être votre Dieu ».

Dieu rappelle à son peuple qu'il a été le premier à lui prêter le pays de Canaan; il est donc tout naturel que l'Israélite prête à son tour au pauvre, même étranger, sans exiger d'intérêt. La question se complique néanmoins du fait que le Deutéronome (23/21) permet de tirer un intérêt de l'étranger. Il s'agit apparemment dans ce dernier cas de l'étranger qui fait du commerce, alors qu'il s'agissait d'abord du frère pauvre comme de l'étranger pauvre. Autre chose est de participer à une oeuvre commerciale, que l'argent prêté sert à développer; autre chose de secourir un nécessiteux. Dans le premier cas l'intérêt n'est pas injuste.
Placé devant le Dieu vivant, compatissant à nos misères, l'homme ne saurait plus exploiter la détresse du prochain. Il n'est plus question, pour lui, de tirer avantage de l'infériorité ou du manque de compétence d'autrui.

Il serait aisé de multiplier les exemples; le domaine est si vaste, et la Parole de Dieu en connaît si bien les replis pleins d'ombre ! Tout ce qui est larcin, rapine, fraude quelconque, déprédation et même négligence dans la gestion des biens d'autrui et des siens propres, tout ce qui est avarice ou gaspillage est maintenu à l'écart du peuple de Dieu par l'incessant rappel : « Je suis l'Eternel ton Dieu ». Derrière le commandement, Dieu s'annonce toujours lui-même; car chaque commandement est rempli de sa présence. Dieu est là, lui qui aime jalousement son peuple souvent infidèle et qui veille sur sa marche souvent incertaine.

3. «DIEU PREMIER SERVI»

Non seulement Israël ne dérobera pas ce qui appartient au prochain (à part quelques cas difficiles à expliquer, où Dieu lui-même donne un ordre semblable, par exemple lorsque les Israélites emportent l'or et l'argent des Égyptiens); mais Israël donnera toujours à Dieu les prémices de tout et lui consacrera en particulier les premiers-nés des hommes et du bétail. Cette offrande ne représente pas simplement une portion attribuée à Dieu; elle exprime que sa priorité indiscutable en toutes choses est reconnue. Si l'Israélite offre la dîme, ce n'est pas parce que Dieu serait satisfait de recevoir dix pour cent de commission sur le chiffre d'affaires, de même que par la circoncision Dieu ne veut pas seulement marquer une partie du corps. Il s'agit toujours de reconnaître la souveraineté totale de Dieu et c'est pourquoi par exemple la première gerbe lui est offerte.

Les pharisiens auront beau donner, par la suite, la dîme de la menthe, de l'aneth et du cumin (Matth. 23/ 23), en s'acquittant méticuleusement de leur devoir, ils n'auront pas compris la justice de Dieu. Ils n'observeront les commandements de Dieu à la lettre que pour se dérober d'autant plus à l'esprit de la loi. Ils donneront dix pour cent pour en dérober quatre-vingt-dix, comme cela se fait parfois dans les liquidations frauduleuses.

4. LE PARTAGE AVEC LE PROCHAIN

Après avoir reconnu la priorité absolue de Dieu, après lui avoir offert les premières gerbes et les premiers-nés du troupeau, il ne sera pas question de garder jalousement le reste pour soi. La place nous manque ici pour indiquer à combien de reprises il est question du frère nécessiteux, du vieillard impotent, de l'étranger miséreux, de la veuve et de l'orphelin. Nous nous rappelons surtout des passages comme le suivant : « Quand vous ferez la moisson dans votre pays, tu laisseras un coin de ton champ sans le moissonner et tu ne ramasseras pas ce qui reste à glaner. Tu ne cueilleras pas non plus les grappes restées dans ta vigne, et tu ne ramasseras pas les grains qui en seront tombés. Tu abandonneras cela aux pauvres et à l'étranger. Je suis l'Eternel, votre Dieu » (Lév. 19/9; 23/22). Voilà la loi de Dieu, qui est toute grâce, qui garde le peuple de Dieu dans l'alliance de la foi.



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