LA PALESTINE AU TEMPS DE
JÉSUS-CHRIST
CHAPITRE VIII
LA VIE PRIVÉE
LE MARIAGE
Les promesses de mariage. - Les
fiançailles. - Les conditions. - La
cérémonie des
fiançailles. - Les noces. - Les
cérémonies du mariage. - Il
n'y avait point de service
religieux.
La mort. - Les Juifs
ensevelissaient les corps et ne les
brûlaient pas. - Le cercueil - Les
funérailles aujourd'hui chez les
Arabes. - Le cortège funèbre
au premier siècle. - Les tombeaux.
- L'intérieur d'un sépulcre.
- Le deuil. - Sa durée.
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Jésus a souvent parlé du mariage
dans ses paraboles
(1) ; il. a
assisté à des noces à Cana
(2); il s'est
comparé lui-même à un
époux (3);
et les renseignements que les Talmuds nous ont
conservés sur la manière dont les
mariages se célébraient chez les
Juifs confirment, d'une manière
intéressante, l'exactitude des récits
évangéliques.
La loi de Moïse n'avait
laissé aucune direction pour les coutumes
à observer, mais nous trouvons
çà et là dans l'Ancien
Testament et dans les Talmuds des détails
précis qui nous permettent de reconstituer
toutes les cérémonies en usage au
premier siècle. Nous savons exactement ce
qui se passait avant et pendant le mariage.
On distinguait trois phases :
1° la promesse,
2°, les fiançailles,
3° le mariage.
La promesse était un simple engagement
qui n'avait rien de définitif. Il pouvait y
en avoir un certain nombre de rompues avant les
fiançailles proprement dites. Les jeunes
gens et les jeunes filles se promettaient le
mariage, puis ils se fréquentaient,
apprenaient à mieux se connaître et
décidaient s'ils voulaient en venir aux
fiançailles véritables ou non. Nous
avons un joli passage de la Mischna sur ces
promesses passagères qui
précédaient toujours l'engagement
définitif : « R. Siméon, fils de
Gamaliel, disait : il n'y avait point de fête
en Israël comme celle du 15 d'Ab et de
Kippour. Dans ces deux jours, les jeunes filles de
Jérusalem, vêtues de blanc, en robes
fraîchement lavées, mais qu'elles se
prêtaient mutuellement afin de ne point faire
honte à celles qui n'en avaient point en
propre, sortaient pour aller danser dans les
vignes. Et quels discours y tenaient-elles ? Jeune
homme, vois donc et tâche de bien choisir; ne
t'attache point à la beauté, mais
consulte plutôt la famille ; car la
grâce est mensongère et la
beauté vaine :
C'est la femme qui craint Dieu qui sera
louée (4)
». Parfois le père disposait de sa
fille mineure sans son consentement ; ce qui
n'avait pas grande importance puisque l'engagement
pouvait être rompu. Si la jeune fille
était majeure son consentement était
nécessaire
(5).
Les fiançailles venaient ensuite,
c'était un acte de la plus grande
importance, elles devaient durer une année
entière et avaient un caractère aussi
définitif que le mariage lui-même. La
jeune fille fiancée qui manquait à sa
promesse était lapidée comme la femme
adultère. Toute une cérémonie
avait lieu qui cimentait les engagements pris et
leur donnait quelque chose d'absolu.
Chez les anciens Hébreux on se
fiançait en se donnant
mutuellement sa parole; on
s'engageait de vive voix
(6). A partir (le
l'exil ou, en tout cas, à l'époque de
la Mischna on prit l'habitude des contrats
écrits et signés
(7). mais l'usage
de considérer les deux jeunes gens comme
liés par les fiançailles était
très ancien
(8). Avant la
cérémonie, on réglait les
conditions auxquelles se ferait le mariage.
C'étaient quelquefois les, frères
aînés qui négociaient avec le
père de la jeune fille
(9), laquelle du
reste devait consentir aussi à tout ce qu'on
déciderait
(10).
La grosse question n'était pas de
savoir si les jeunes gens se connaissaient, car
souvent ils ne s'étaient jamais vus
(11) et rien
n'était rare comme les mariages
d'inclination
(12). Il
s'agissait purement et simplement de fixer ce que
le jeune homme donnerait pour avoir sa femme,
c'est-à-dire à quel prix il
l'achèterait, car ces mariages, où ce
n'était pas le père qui dotait sa
fille mais le fiancé qui apportait de
l'argent, se trouvaient être de
véritables ventes. Les parents et amis
réglaient entre eux la somme à
laquelle on estimait la jeune fille, et les cadeaux
qu'elle devait recevoir. Le total s'appelait Mohar.
Aujourd'hui encore, chez les Arabes, le mariage est
une vente. Le Mohar n'était point
fixe.
Le père de la jeune fille en
indiquait le montant et c'était au jeune
homme à l'accepter ou à le refuser.
S'il acceptait, il s'acquittait de sa dette soit en
argent soit en nature. Parfois il se mettait au
service de son futur beau-père et la
durée de ce service était celle des
fiançailles
(13).
La cérémonie des
fiançailles se faisait ainsi : les deux
familles se réunissaient avec quelques
témoins étrangers
(14) et le
fiancé remettait à la fiancée,
ou a son père, si elle était mineure,
soit un anneau d'or
(15), soit un
objet de prix, soit enfin un simple écrit
par lequel il s'engageait à
l'épouser; puis il lui disait : «
Voici, par cet anneau (ou cet objet) tu m'es
consacrée, selon la loi de Moïse et
d'Israël
(16)
».
Ensuite on laissait passer au moins une
année; mais l'anneau était
donné, et le divorce ou la mort pouvaient
seuls séparer les futurs époux
(17).
Les Talmuds donnent un singulier motif
à cette longue durée des
fiançailles : il fallait laisser à la
jeune fille « le temps de faire son trousseau
(18)
».
Si la fiancée était veuve
on réduisait le temps où elle devait
attendre à un mois au minimum. Du reste le
fiancé était dispensé du
service militaire et depuis le jour de la promesse
définitive jusqu'à un an après
le mariage, les jeunes gens n'étaient point
tenus d'assister à des enterrements et
d'entrer dans les cimetières. « La joie
seule doit remplir leur coeur. » Il va sans
dire qu'un festin de réjouissances terminait
la journée
(19).
A l'époque de la Mischna l'usage
pour le père de doter sa fille a
commencé à s'établir. Les
Talmuds en firent plus tard une obligation
(20) et le
minimum en fut fixé à cinquante zouz
(21), (mais le
don du mari restait toujours le plus
élevé, il était au minimum de
deux cents zouz
(22).
Les fiançailles finies, on
célébrait les noces. Le jeune homme
devait avoir au moins dix-huit ans (23) et la jeune
fille douze. Elles se faisaient le quatrième
jour de la semaine; le cinquième si la
fiancée était veuve
(24).
Les noces de Cana ont donc
été célébrées un
mercredi ou un jeudi. La cérémonie
avait toujours lieu le soir
(25) au coucher
du soleil. Le moment le plus solennel, celui qui
marquait l'accomplissement du mariage était
celui où la fiancée entrait dans la
maison de son fiancé, sa nouvelle demeure.
Aussi appelait-on le mariage : «
réception » ou « introduction de
l'épouse » (dans la maison de
l'époux). Les parents de la jeune fille
venaient la prendre chez son père pour la
conduire chez son mari. Parfois le fiancé
venait la chercher lui-même comme dans la
parabole des dix vierges
(26). Ses
parents lui donnaient leur
bénédiction
(27). Elle
sortait de chez son père parfumée,
parée, avec une couronne sur la tête
(28). Elle
était entourée de ses amies qui lui
faisaient cortège et agitaient au-dessus de
sa tête de longues branches de myrte. Chacune
de ces jeunes filles avait une lampe, qu'elle avait
apportée. Cette lampe était
formée d'un bâton de bois,
terminé par un petit vase ou une sorte de
plateau dans lequel il y avait une mèche
avec de l'huile et de la poix.
L'Evangile parle de « dix vierges ;
» il y en avait parfois bien davantage. mais
rarement moins.
L'épouse pendant le trajet avait
les cheveux flottants et le visage caché
sous un voile. Devant elle ses parents
distribuaient aux enfants des épis
grillés. La joie éclatait de toutes
parts sur son passage. Si l'époux
était venu la chercher, il s'était
paré lui aussi et portait une couronne. Tous
deux marchaient ensemble sous un dais ; dans le
cortège on jouait du tambour ou d'autres
instruments; plusieurs portaient
des flambeaux et des torches. D'autres chantaient
et dansaient
(29).
La joie ou la tristesse se manifestent
toujours en Orient par de bruyantes
démonstrations. Cependant, on arrivait
à la maison de l'époux ; des matrones
coiffaient l'épouse et lui cachaient ses
cheveux épars sous un voile épais ;
désormais elle n'aura plus jamais la
fête découverte en public. On la
reconduisait ensuite sous le dais soit dans la
maison soit en plein air suivant la saison. Elle
s'y plaçait à côté de
son mari et tous deux entendaient de nouvelles
paroles de bénédiction
prononcées soit par un des deux
pères, soit par un assistant notable. Enfin
venait le repas de noces
(30). On
fournissait à chaque convive un « habit
de noces » à son entrée dans la
salle (31). Le
repas était dirige par un personnage que
l'Évangile de saint Jean appelle dans le
récit des noces de Cana c'était celui
qui disait les actions de grâces et
prononçait les formules de
bénédiction tout le temps que durait
la fête. Entre autres, il bénissait le
vin. Pendant le festin la gaîté et
l'animation étaient de commande. De
même qu'aux enterrements on avait des
pleureurs et des pleureuses payées, Ide
même à un mariage on montrait par
politesse une joie quelquefois forcée. Il
était de bon ton de vanter la fiancée
on lui attribuait sans scrupule des mérites
qu'elle n'avait pas « agréable, belle
et gracieuse fiancée », disait-on de
toutes parts
(32).
Les hommes les plus graves dansaient
devant le marié pour lui faire fête.
« Lorsque Mar, fils de Rabbena, fit les noces
de son fils, il y invita des rabbins, et comme ils
étaient trop gais, il fit apporter un vase
valant quatre cents zouz et le brisa pour qu'ils
fussent attristés
(33). »
Singulière manière d'arrêter la
joie de ses convives et de les empêcher de
commettre des excès !
Le lecteur aura remarqué qu'il
n'y avait aucune cérémonie
religieuse au mariage. La
bénédiction des parents et des
assistants était seule donnée aux
nouveaux époux
(34). Les
Talmuds réprouvent énergiquement les
unions libres
(35), mais
Moïse n'avait institué aucun rite ni
laissé aucun ordre sur la manière
dont on devait célébrer les
mariages.
Après le festin, le mari
était conduit par ses amis ( « les amis
de l'époux » ou «les fils de
l'époux ») dans la chambre nuptiale
où sa femme l'avait
précédé.
Les fêtes de la noce duraient sept
jours pour les parents et les amis des nouveaux
mariés
(36), sept
jours de réjouissances
(37)
appelés les « sept jours du repas de
noces » ; mais le nombre complet de ce qu'on
appelait les jours de noces était de trente
(38).
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