LA PALESTINE AU TEMPS DE
JÉSUS-CHRIST
CHAPITRE X
LA VIE PRIVÉE
LES VÊTEMENTS
Les étoffes. - Les
vêtements des hommes. - La tunique
et la robe ou le manteau. - Les
vêtements des femmes. - Le voile.
Les chaussures. - Les sandales. - Les
bijoux. - Le fard. - Les parfums. Les
bains. - Le turban. - Les signes
religieux. - Comment Jésus
Était-il vêtu?
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La Bible, et, en particulier, le Nouveau
Testament, emploie plusieurs mots différents
pour désigner les vêtements d'hommes,
mais nulle part elle ne fait du costume ordinaire
des Juifs une description précise et
complète. C'est par analogie que nous
pouvons nous représenter le vêtement
de l'Israélite du premier siècle.
Pour ce détail comme pour tous les autres,
les costumes n'ont point varié et la forme
du vêtement arabe est aujourd'hui, à
peu de chose près, la même que celle
du vêtement juif d'il y a dix-huit cents
ans.
Les étoffes employées
étaient la laine et, pour le riche, le lin
« le fin lin », dit l'Évangile
(1) et
quelquefois la soie
(2). Un peu avant
l'exil de Babylone on commença à se
servir du coton.
Il semble qu'au temps de
l'Ecclésiaste le blanc était la
couleur à la mode
(3). Mais les
Juifs ont toujours aimé les couleurs
éclatantes et on teignait volontiers les
étoffes en pourpre, en
violet, en cramoisi. On
assortissait ces couleurs entre elles, souvent avec
beaucoup de goût et les tuniques «
bigarrées; », déjà
appréciées du temps des patriarches
(4) et des Rois
(5) sont encore
très estimées aujourd'hui. On
rencontre souvent, en Palestine, des femmes portant
des tuniques bariolées et des robes
rayées de toutes couleurs, surtout voyantes
et pourtant choisies avec goût.
Le Juif du premier siècle portait
toujours la tunique et le manteau ou robe.
C'était les deux pièces
indispensables de son costume. La tunique ( en grec, chalouk en hébreu)
était en lin
(6) elle
était ajustée au corps, descendait
jusqu'aux pieds et avait des manches. On la portait
tantôt sur le corps nu, tantôt sur une
chemise de laine très ample et très
longue. Ce chalouk était parfois
appelé kolbin (en grec )
(7). Celui du
rabbi, du scribe, du docteur, était
particulièrement grand et cependant ne
devait être visible sous le manteau que de la
largeur d'une main. Le manteau ou la robe (en grec
talith en hébreu) servait de pardessus. Les
rois (8), les
prophètes en portaient
(9). Il est
probable qu'au temps de Jésus-Christ on
avait déjà ces manteaux blancs
à raies brunes, si communs aujourd'hui en
Palestine.
Ils sont composés de deux
couvertures cousues de trois côtés, et
forment ainsi une sorte de sac retourné avec
un trou dans le fond pour la tête et deux
trous de côté pour les bras. Les
pauvres ne possédaient parfois qu'un
demi-manteau, une demi-robe, c'est-à-dire
une seule pièce d'étoffe
carrée jetée sur l'épaule,
mais c'était l'exception. D'ordinaire le
Juif avait à lui, non seulement un
vêtement complet mais deux au moins
(10) pour
pouvoir en changer souvent. Il fallait être
bien misérable pour n'avoir
qu'une seule tunique
(11) et cependant
Jésus-Christ recommande à ses
disciples de n'en avoir qu'une seule
(12). D'après l'Evangile
de Luc (13), il aurait dit un
jour : « Si quelqu'un veut te prendre ton
manteau, laisse-lui aussi la tunique. » Ce
précepte se comprend ; un voleur saisissait
d'abord le vêtement de dessus ;
d'après saint Matthieu
(14), Jésus aurait dit au
contraire : « Si l'on veut te prendre ta
tunique, laisse prendre aussi le manteau
».
Sous cette forme le précepte du
Christ se comprend moins bien et il est naturel de
supposer que dans la transcription de ce second
texte les copistes ont commis Une erreur, ils ont
transposé les deux termes, tunique et
manteau. Par-dessus la robe et pour la serrer les
hommes portaient une ceinture
(15). (Aphumdah ou Phundah).
Celle de Jérémie était de lin
(16) et celle de Jean-Baptiste de
cuir (17). « Que vos reins
soient ceints (18) » disait
Jésus Christ à ses disciples,
c'est-à-dire soyez comme des voyageurs qui
ont une longue course à fournir, relevez les
plis de vos robes flottantes, retenez-les avec
votre ceinture pour que rien n'entrave votre marche
et ne vous empêche d'avancer
Tels étaient les vêtements
d'hommes. Les prêtres seuls portaient de plus
des pantalons qui allaient des reins aux genoux
(19).
Les vêtements des femmes
ressemblaient à ceux des hommes; elles
portaient aussi la tunique et la robe, mais
beaucoup plus larges et plus amples
(20). La Loi interdisait
formellement aux hommes de mettre des
vêtements de femmes et aux femmes des
vêtements d'hommes (21).
L'ampleur de son manteau permettait
à la femme de porter dans ses plis
différents fardeaux et en particulier le
grain. Ruth. pouvait mettre dans le sien
jusqu'à six mesures d'orge
(21). Cette
coutume, qui existe encore, était
certainement celle du premier siècle. On
mettait dans son sein l'herbe et les fruits, la
ceinture aidait à soutenir la charge et
voilà pourquoi Jésus-Christ parle de
la bonne mesure « pressée,
secouée et débordante
(22). » La
ceinture (23)
des femmes étaient de lin et de coton et
faisait plusieurs fois le tour de leur taille
(24). Il faut
ajouter que les femmes avaient en public la
tête voilée, entièrement
couverte. Mais ne croyons pas qu'on fit de cet
usage une stricte obligation. La liberté
dent jouissait, à cet égard, la femme
hébraïque, contraste avec
l'avilissement de la femme arabe dans tout l'Orient
moderne (25).
Lorsqu'une femme gardait son voile, il était
interdit, sous peine d'une forte amende, de le lui
ôter, mais elle était libre de
l'enlever elle-même si elle le voulait.
Gamaliel, dit un des Talmuds « vit un jour une
païenne fort jolie et prononça sur elle
la formule de bénédiction
(26) » et
Jésus a dit: « Celui qui regardera une
femme pour la convoiter à déjà
commis l'adultère dans son coeur
(27). »
Ces deux passages indiquent bien que la femme avait
souvent le visage découvert. Nous savons de
plus que les jeunes filles étaient moins
souvent voilées que les femmes
mariées
(28).
Les chaussures (Manahim) étaient
de deux sortes, les (souliers) et les (sandales) ; ces deux mots souvent
pris l'un pour l'autre dans le Nouveau Testament
(29),
désignent cependant deux sortes de
chaussures bien distinctes.
Le soulier était de cuir mou; la
sandale, plus grossière et plus
utile, était de cuir dur.
Sa semelle était de bois, de jonc, nu
d'écorce de palmier et tenait au cuir par
des clous (30).
On en avait toujours deux paires surtout en voyage
et quant Jésus-Christ dit à ses
apôtres : « Ne prenez pas de sandales
», il veut certainement dire : ne prenez pas
de paire de rechange : n'ayez que celles qui sont
à vos pieds. Elles étaient
attachées avec des courroies
(31) et la peau
dont on se servait était, sans doute comme
aujourd'hui, celle de chameau ou de hyène.
Les pieds restant découverts, il
était nécessaire de les laver souvent
(32). Le
soulier, sur lequel nous n'avons point de
détails, semble n'avoir servi qu'aux classes
aisées. Ceux des femmes étaient du
même cuir fin qui servait à faire les
courroies des sandales
(33). Elles y
faisaient mettre souvent de petites sonnettes ou
des plaques de métal
(34).
Parlant des vêtements de femmes,
nous ne pouvons passer sous silence le très
curieux passage d'Ésaïe sur la toilette
des dames de son temps
(35). Sans
décrire des vêtements de luxe
proprement dits (Machalatsoth
(36)), il nomme
un grand nombre de bijoux, les pendants d'oreilles
(37) et les
anneaux du nez
(38) (nezem),
les bracelets, les colliers, les chaînes
(Rabîd), les croissants en demi-lune
portés au cou, les filets pour soutenir les
cheveux (39) et
les talismans d'or sur lesquels étaient
gravées des paroles de la Loi. Les femmes
arabes de nos jours portent encore des
chaînettes d'argent auxquelles sont
suspendues diverses pièces de monnaie.
Les bracelets étaient de deux
sortes : ceux du coude
(40) et ceux du
poignet (41).
Ils étaient formés d'anneaux ronds ou
plats en or ou en argent ; on en portait aussi en
forme de chaînes
(42) et des
bagnes ornaient les doigts (les mains
(43). Il ne
faudrait pas croire que ce luxe ne fut
répandu que dans les hautes classes. Il
n'est pas rare de rencontrer, même
aujourd'hui, en Palestine, de pauvres femmes en
haillons et portant des anneaux de fer, de cuivre,
de verre et, si elles peuvent, d'argent.
Les anneaux des pieds
(44) sont
devenus rares ; on en voit quelques-uns à
Jéricho et sur les rives de la mer Morte
portés par les femmes nomades. Les sachets,
les bourses, les sacs ornés de broderies et
attachés à la ceinture étaient
aussi usités autrefois
(45) que de nos
jours, et, détail singulier, ou ne se
servait pas de mouchoir. Les Romains n'en avaient
point et certainement les Juifs non plus. Si les
Arabes en portent aujourd'hui ils commencent
toujours par se servir de leurs doigts et ne
prennent leur mouchoir que pour s'essuyer.
Les miroirs étaient de
métal brillant et poli. Ils étaient
fort petits ; on les tenait à la main par un
manche
(46).
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