Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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LA PALESTINE AU TEMPS DE JÉSUS-CHRIST


CHAPITRE IX
LA VIE PRIVÉE

LA NOURRITURE

Ici, l'immobilité de l'Orient nous apparaît aussi étonnante que partout. La nourriture des Arabes qui peuplent la Palestine du XIXe siècle est la même que celle des anciens Hébreux et on croirait écrits de notre temps les détails épars çà et là dans l'Ancien Testament. Les pauvres mangeaient du pain d'orge (1), les riches du pain de froment. On pétrissait la pâte dans la huche (2) et on la faisait lever, sauf le cas où il fallait faire le pain sans levain (3). Les pains étaient en forme de disques, ronds ou ovales, et pas très grands (4). On les appelait Kiccar (cercle) et on disait « un cercle de pain » (Kiccar Léhem). Ils étaient très minces et on ne les coupait jamais, on les rompait (5). Les pains des Arabes sont exactement semblables aujourd'hui (6). Le four appelé Tannour (7), le même dont on se sert maintenant en Palestine, était petit, le pain y cuisait. posé sur de la braise, et si sa forme n'est pas indiquée dans la Bible, nous pouvons remarquer que celui des Arabes de nos jours est en tout semblable à celui des Grecs et des Égyptiens décrit par Hérodote (8).

Outre le pain, les Juifs avaient ce qu'ils appelaient des « gâteaux » (Ouggôth), sorte de galettes azymes faites de fleur de farine, pétrie avec de l'huile (9). Elles servaient surtout pour les offrandes au Temple. Il est encore parlé de beignets faits de farine et de miel frits dans la poêle avec de l'huile (10). Toutes ces pâtisseries se trouvent encore en Palestine. Nommons enfin les Halloth, gâteaux percés de plusieurs petits trous comme les pains azymes des Juifs d'aujourd'hui.

La cuisine s'appelait Kiraim; ce mot au duel suppose deux réchauds pour deux marmites. La vaisselle en terre cuite, considérée comme impure, n'était pas employée; on se servait de vaisselle de cuivre (11) et on connaissait l'étamage (12). Les ustensiles ordinaires étaient le çannaath (cruche de terre), le Gabia (cratère, calice), le Côs (coupe, gobelet), le Séphèl (tasse), le mizrah (grande coupe).

Le repas principal, le dîner se prenait à midi (13). Cette heure est toujours restée celle des pays chauds, le repos au milieu du jour étant rendu nécessaire par le climat. Nous savons que les Esséniens prenaient vers onze heures un bain suivi d'un repas qui était précisément le dîner de midi : il est appelé dans le Nouveau Testament, (14); (15) était le repas du matin, le déjeuner. Jésus-Christ fut un jour invité par un pharisien à prendre chez lui ce premier repas (16). Les Juifs, nous l'avons dit en parlant de la maison, mangeaient d'habitude en plein air, dans la cour ouverte à tous venants; nous comprenons ainsi qu'une femme put entrer sans difficulté et briser un vase de parfums aux pieds du Christ (17).

Avant de se mettre à table on se lavait les mains (18). Voici quel était l'usage aux repas de cérémonie : chaque convive, à son arrivée, lavait une de ses mains, celle qui lui servait ensuite à manger. Cette ablution avait, comme toujours en Orient, un caractère religieux. Quelques personnes se plongeaient entièrement dans l'eau, c'était le bain essénien ; nous en parlerons en traitant des purifications chez les Juifs du premier siècle, Le pharisien qui avait invité Jésus à manger chez lui s'étonne de ce qu'il ne se soit pas plongé dans l'eau avant le repas (19) . Ce pharisien était donc un de ces esséniens séculiers très nombreux alors en Palestine (20).

L'heure venue, on se mettait à table; on commençait par s'asseoir et, une fois assis, chacun rendait grâces séparément et à voix basse, puis on se couchait à demi, suivant la mode orientale, sur des coussins et des sofas ; et, lorsqu'on était ainsi étendu, un seul des convives rendait grâces à haute voix et pour lotis les autres (21), qui disaient ensuite amen ou même répétaient quelques-unes des paroles prononcées. On était couché sur le côté gauche, et le coude gauche se plaçait sur la table : on mangeait et on buvait dans cette position ; les pieds touchaient la terre, et chacun avait un lit et parfois même une petite table séparée des autres (22). La bénédiction prononcée au commencement et à la fin du repas était ordonnée parla Loi (23). C'était une formule, toujours la même, tirée du Deutéronome et la Mischna nous affirme (24) qu'elle était usitée au premier siècle. Nous ne savons si Jésus se bornait à prononcer cette formule quand il rendait et rompait le pain on s'il improvisait une prière.

Les convives couchés autour de la table (25), formaient un cercle; le maître de la maison se tenait au milieu. Les Juifs aimaient beaucoup les repas de famille et les invitations étaient fréquentes (26). Quand le repas avait un caractère religieux, ou simplement quand on voulait honorer particulièrement un des hôtes. on répandait sur sa tête une huile aromatique (27). La viande était apportée coupée en morceaux, et les autres mets dans des plats séparés. Le chef de famille distribuait les portions (28), chacun mettait la sienne sur le pain rond qu'il avait devant lui et mangeait avec ses doigts. Un seul plat de sauce servait pour tous et chacun à son tour y trempait son pain (29). Il n'est question dans la Bible ni de fourchette (30) ni de cuiller. Le couteau est nommé une seule fois dans le livre des Proverbes (31).

Quels étaient les aliments ? Les viandes nommées dans la Bible sont le boeuf, le veau, le mouton, la chèvre, la volaille et le gibier (32). Les seuls légumes mentionnés sont. les fèves et les lentilles (33). On faisait la cuisine avec de l'huile d'olive et du sel. Du temps du roi David, on voyait figurer dans un repas : le froment, l'orge, le grain rôti, le pain, le vin, les fèves, les lentilles, l'huile d'olive, le boeuf, le mouton, le chevreau, le miel, le lait, le fromage, le raisin, la figue et les fruits secs (34). Tous ces aliments, sauf le boeuf qui est devenu rare, se trouvent encore en Palestine, et il est certain qu'ils étaient au temps de Jésus-Christ. Le lait, le beurre et le miel, nourriture des enfants (35), étaient au nombre des aliments les plus communs (36).

La Palestine « découle de lait et de miel », disaient les anciens Hébreux. Ce miel sauvage, « découlant » des creux d'arbres et des rochers et qui a presque entièrement disparu, était encore très commun au temps des croisades; au premier siècle Jean-Baptiste en faisait sa nourriture habituelle. Parmi les mets les plus communs sur les bords du lac de Tibériade nous nommerons encore le poisson, le pain et les oeufs. Les pauvres s'en contentent aujourd'hui et un passage de l'enseignement de Jésus-Christ semble indiquer que les riverains du lac ne se nourrissaient pas autrement de son temps : « Quel est le père d'entre vous qui, si son fils lui demande du pain, lui donne une pierre? et s'il lui demande du poisson lui donnera-t-il un serpent! s'il lui demande un oeuf lui donnera-t-il un scorpion (37) ? »

Le lac, avons-nous dit, était très poissonneux. Les pêcheurs vendaient le produit de leur pêche à Jérusalem et, près de la porte dite « des poissons (38) », se tenait un grand marché alimenté par le lac de Tibériade, et sans doute aussi par Jaffa et les villes du littoral. Les Tyriens se livraient volontiers à ce commerce. Il va sans dire qu'il est tombé aujourd'hui et ce n'est que sur les bords mêmes du lac que le poisson fait maintenant partie de la nourriture.

Parmi les mets usités alors, il ne faut pas oublier de nommer les sauterelles. Il est dit, dans le Nouveau Testament, que Jean-Baptiste s'en nourrissait (39). Le fait n'a rien d'extraordinaire. Quatre espèces de sauterelles étaient comestibles (40). Un des Talmuds parle même de huit cents espèces de sauterelles pures (41); ceux qui ont avancé ce fait auraient sans doute été assez embarrassés pour nommer ces huit cents espèces, mais leur dire prouve que cette alimentation n'était nullement condamnée par les docteurs de la Loi. « Celui qui chasse les sauterelles, les frelons et les mouches le jour du sabbat, est coupable », dit encore un des Talmuds (42), montrant par là que tous les jours de la semaine on s'occupait de prendre et de détruire ces insectes. Les moeurs arabes contemporaines nous apprennent comment les Juifs préparaient les sauterelles. Quelquefois ils les faisaient simplement rôtir et les mangeaient à l'eau et au sel; « sous cette forme, la sauterelle, dit un voyageur (43), est un mets agréable au goût et rappelant celui des petites écrevisses de mer ». Mais d'ordinaire la préparation était plus compliquée; après avoir pris et tué les sauterelles, on les faisait sécher au soleil, on ôtait la tête et les pattes, on réduisait le corps en poudre soit avec un moulin soit dans un mortier. On mêlait de la farine à cette poudre et on en faisait une sorte de pain un peu amer, mais dont on corrigeait l'amertume avec du lait de chamelle ou du miel.

Les boissons en usage au temps de Jésus-Christ étaient très nombreuses. On trouvait à Jérusalem la bière de Médie ou de Babylone (44), mais l'eau mêlée de vin formait une boisson plus recherchée (45). Le cantique des cantiques parle de vin « mêlé d'aromates (46) et du moût des grenades » (47). Le vin vieux était, comme partout, plus apprécié que le nouveau, mais on ne laissait pas vieillir le vin plus de trois ans (48). L'eau fraîche était la boisson du pauvre et quand Jésus-Christ parle du verre d'eau fraîche donné en son nom, il prononce une parole bien naturelle dans un pays chaud et sous un soleil de feu. Cependant le peuple buvait volontiers le Scechar, vin factice, préparé avec du froment et des fruits. C'est sans doute la « cervoise » dont parlent nos traductions françaises du Nouveau Testament et dont il est dit que Jean-Baptiste n'en buvait pas (49). Les Latins appelaient en effet Cervisia (de Cérès) une boisson faite de blé eu d'orge macéré, séché, rôti et moulu qu'on faisait tremper et cuire avec du houblon. C'était donc aussi une sorte de bière. Enfin dans les grandes chaleurs les travailleurs des champs buvaient du vinaigre mêlé d'eau et y trempaient leur pain (50).
Le vin était conservé dans des outres de peau de chèvre (51) ou dans des vases de terre (52) faits au tour.

Aujourd'hui, personne ne voyage sans qu'une outre pleine d'eau fasse partie de ses bagages. Elle est petite et on l'accroche à la selle de son cheval ou même à sa ceinture si l'on est à pied.

Josèphe parle de vases poreux qui rafraîchissaient l'eau ; ces vases étaient déjà usités du temps de Gédéon (53). Les vases de verre n'étaient pas inconnus mais ils étaient rares et précieux. La Bible nomme le verre à côté de l'or (54). Les vases représentés sur les monnaies asmonéennes ont des anses et point de couvercles et ceux dont font usage les Arabes aujourd'hui sont identiquement semblables.
On se servait pour boire de coupes ou de tasses parfois assez grandes (55), mais auparavant on filtrait les boissons, le vin aromatisé pour ne pas avaler les moucherons qui y étaient tombés (56).

Comment donc se composait le repas de midi dans une maison bourgeoise de Jérusalem au premier siècle? On y trouvait du poisson du lac, des sauterelles rôties dans la farine ou dans le miel, des oignons, de la viande de boucherie ; comme boisson, de la bière de Médie ou du vin mêlé d'eau, et au dessert les fruits à bon marché étaient le raisin et la figue. Les gens du peuple devaient se nourrir plus sobrement. Les pêcheurs du lac en particulier ne mangeaient sans doute que rarement de la viande; c'étaient le pain, les oeufs durs et le, produit de leur pêche qui devait avec des sauterelles et de l'eau faire le fond de leur alimentation ordinaire. (57)


Table des matières

Page précédente:
LA VIE PRIVÉE (L'HABITATION)
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LA VIE PRIVÉE (LES VÊTEMENTS)

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1 2 Rois, IV, 42.
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2 Exode, XII, 34.
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3 Exode, XII, 39; Genèse XIX, 3.
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4 Le pain était l'aliment inévitable, obligatoire; il devait faire partie de tout repas et en était la base fondamentale; prendre un repas se disait en hébreu : manger le pain et cette expression se retrouve souvent dans le Nouveau Testament.
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5 Esaïe, LVIII, 7; Lam. de Jérémie, IV, 4 : Ev. de Matth. XIV, 19; XV, 36; XXVI, 26; de Luc XXIV, 30; Actes XX, 11.
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6 Bovet, Voyage en Terre Sainte, p. 41.
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7 Lévit. XXVI, 26.
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8 Hérodote, liv. II. ch. 92.
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9 Lévit II, 4.
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10 Lév., II, 7; Exode, XVI, 31.
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11 Lévit., VI, 21 ; XI, 33; XV, 12; Nombres XXXI, 22; Ezéch. XXIV, 11.
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12 Pline. H. N., 34, 17.
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13 Genèse, XLIII, 16, 32; 1 Rois, XX, 16; Ruth. II, 14-17; Actes. X. 9. 10.
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14 Ev. de Matth., XXIII. 6; de Marc, VI, 21; de Luc, XIV, 12, 16; de Jean, XII. 2; XXI, 20.
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15 Ev. de Matth., XXII, 4; de Luc, XI, 38, XIV, 12.
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16 Ev. de Luc, XI, 38.
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17 Ev. de Matth., XXVI, 6 et suiv.
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18 Ev. de Matth. XV, 2; de Marc, VII, 3; de Luc, XI, 38.
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19 Ev, de Luc, XI, 38, Il n'est pas question en effet, dans ce passage de se laver simplement les mains, mais de se
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20 Voir Sur les Esséniens, livre II, chap. XIV.
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21 Berakhoth, IV, halac. 6; Ev. de Matth, XXVI. -20.
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22 Babyl. Berakhoth, fol. 46. 2. Autrefois on était simplement assis (Genèse XXVII, 25); mais déjà du temps des prophètes, le riche se couchait sur des divans ; Amos s'en plaint (VI. 4).
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23 Deut., VIII, 10.
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24 Traité Berakhoth, chap. 1. VII.
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25 L'usage des petites tables séparées ne semble pas avoir été suivi par les gens de condition ordinaire.
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26 Jos., Ant. Jud., XIV, 10, 8, 12.
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27 Cette remarque est importante et nous aide à comprendre le passage. Ev. de Matth., XXVI. 7 et suiv.
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28 1 Sam. I. 4
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29 Ev. de Matth. XXVI. 23.
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30 Il est parlé de « fourchettes » Exode, XXVII, 3; mais il s'agit dans ce passage de petites fourches dont faisaient usage le prêtres de service, à l'autel et nullement de l'ustensile qui nous sert aujourd'hui à manger.
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31 XXIII, 2.
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32 Genèse, XVIII, 7 ; Juges, VI, 19: 1 Rois, IV, 23.
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33 Genèse XXV. 34. Ezéch., IV. 9.
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34 I Sam. XXV. 18; I Chr. XII. 40
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35 Esaïe. VII, 15.
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36 Il est parlé du miel sauvage Ps. LXXXI. 17 Juges XIV: 8, 14; I Sam., XIV, 25, 26, 27, 28 - du miel d'abeilles domestiques: Cant. des cantiques, V, 1; voir aussi Il Chron., XXXI, 5; Il Sam., XVII, 29: Prov., XXIV, 13; Ev. de Luc, XXIV, 42.
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37 Ev. de Matth., VII, 9; de Luc, XI, 11.
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38 II Chron., XXXIII, 14.
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39 Ev. de Matth., III, 4 et parall.
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40 Lévit., XI, 22.
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41 Jérus., Taanith, fol. 69, 2.
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42 Babyl., Schabbath, fol. 106, 2.
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43 Pierotti, la Palestine actuelle et la Palestine ancienne, p. 75.
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44 Pesachim, 3, 1.
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45 La Bible ne parle pas de vin mêlé d'eau, mais il en est souvent question dans les Talmuds.,
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46 VIII, 2, voir aussi Esaïe, V, 22.
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47 On sait que les anciens mêlaient le vin d'aromates, ils y mettaient du poivre, du miel, ils y faisaient tremper des câpres.
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48 « Quel est le meilleur vin ? le vin vieux, celui qui a trois ans. » Schabbath, fol. 129, 1 ; Berakhoth, fol. 51. 1 voir Ev., de Luc, V, 39.
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49 Ev. de Luc. I, 15, Trad. d'Osterwald
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50 Ruth II, 14
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51 Genèse, XXI, 14; Job, XXXII, 19
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52 Psaume II, 9; Jérémie XVIII, 3
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53 Juges VII, 16, 19, 20
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54 Job, XXVIII, 17
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55 Genèse, XLIV, 2, 12; 1 Rois, VII, 50; Cant. des cant. VII, 3
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56 Ev. Matth. de XXIII, 24.
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57 M. Gustave Flaubert, dans son conte « Hérodiade », s'est plu à décrire, avec un grand luxe d'érudition, le repas que donna Hérode Antipas aux grands de sa cour, le jour anniversaire de sa naissance quand Salomé entra dans la salle du festin et charma les convives par sa danse.
Nous n'avons pas à parler de cette description ni à la reproduire ici; nous n'avons voulu décrire que la nourriture ordinaire de la population. Il va sans dire que les rois et les tétrarques pouvaient se faire servir ce qu'on ne mangeait qu'à Rome et à la table de César.

 

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