ARGUMENS ET
RÉFLEXIONS SUR LES LIVRES ET LES CHAPITRES
DU NOUVEAU TESTAMENT
ÉVANGILE
SELON SAINT MARC.
Cet Évangile a été
écrit quelque temps après celui de
Saint Matthieu, et comme l'on croit, environ dix
ans après l'Ascension de
Jésus-Christ, et cela par Saint Marc, sous
les yeux de l'apôtre Saint Pierre.
CHAPITRE
PREMIER.-
Saint Marc rapporte en
abrégé
- la prédication de Jean-Baptiste.
- le baptême de Jésus-Christ, sa
tentation,
- le commencement de sa prédication
dans la Galilée, et la vocation de
quelques apôtres.
- Il récite ensuite la guérison
d'un homme possédé d'un malin
esprit, celle de la belle-mère de saint
Pierre, de divers malades et d'un
lépreux.
- I. 1-20. Il. 21-45.
RÉFLEXIONS.
SAINT Marc nous apprend, au
commencement de son Évangile, que
Jean-Baptiste fut envoyé,
conformément aux oracles des
prophètes, pour annoncer la manifestation du
règne de Dieu, en prêchant la
repentance, en baptisant ceux qui confessaient
leurs péchés, et en avertissant le
peuple que le Messie allait paraître. Par
là Dieu voulait préparer les Juifs
à recevoir Jésus-Christ et leur
apprendre que le règne du Messie serait un
règne spirituel, et qu'il venait au monde
pour y établir la sainteté et pour
convertir les hommes à Dieu. Ainsi nous
devons regarder l'amendement et la pureté de
la vie comme le but de la venue de
Notre-Seigneur.
C'est aussi ce qu'il nous a appris
lui-même, puisqu'il commença son
ministère, en prêchant la repentance
comme Jean-Baptiste, son précurseur, et en
disant: Amendez-vous et croyez à
l'Évangile.
2. Ce qui arriva lors du
baptême de Jésus-Christ, la descente
du Saint-Esprit et la voix que Dieu fit entendre du
ciel, tendait à faire connaître
à Jean-Baptiste et au
peuple, que Jésus était le Fils de
Dieu et celui dont tous les hommes doivent recevoir
la doctrine avec obéissance et avec foi. Ce
fut aussi pour faire voir que Notre-Seigneur
était véritablement le Fils de Dieu,
et pour en convaincre le diable, que Dieu voulut
que Jésus fut tenté dans le
désert.
3. Le choix que Jésus-Christ
fit de quelques pêcheurs, pour en faire ses
apôtres, marquait qu'il ne venait pas
établir un royaume temporel et mondain,
puisque ces gens-là n'avaient rien qui les
distinguât dans le monde; cela prouve aussi
que les fruits admirables de leur ministère
ne venaient point d'eux mais que toute la gloire
doit en être donnée à Dieu
seul.
4. Notre-Seigneur se fit d'abord
connaître par des miracles, dans lesquels on
voyait paraître une puissance infinie, et en
même temps une grande bonté. Ce fut
là la voie que la providence choisit pour
prouver aux Juifs que Jésus était
envoyé de Dieu et que sa doctrine
était véritable et divine; et ce qui
devait encore plus en convaincre les hommes, c'est
qu'il ne faisait ordinairement ces miracles qu'en
faveur de ceux qui croyaient qu'il avait le pouvoir
de les faire et qui l'en priaient.
Cependant il empêchait, autant
qu'il le pouvait, que ces miracles ne fissent trop
d'éclat; et il en usait ainsi par des
raisons de prudence, de peur que ceux d'entre les
Juifs qui l'auraient regardé comme le Messie
ne fissent des émeutes pour le
déclarer roi, dans la pensée
où ils étaient que le Messie serait
un roi temporel, ce qui aurait causé du
trouble et engagé les Romains à
s'opposer aux disciples de Jésus-Christ.
Enfin nous devons penser, en lisant
le récit de toutes ces merveilles, que notre
Sauveur n'étant ni moins puissant ni moins
bon que lorsqu'il était sur la terre, il
nous accordera tout ce qui regarde la
guérison et le salut de nos âmes,
encore plus certainement qu'il n'accordait
autrefois aux malades la guérison des maux
du corps.
CHAPITRE Il.
-
Jésus-Christ
- guérit un paralytique.
- Il appelle Lévi, qui est saint
Matthieu, à la charge d'apôtre;
- il rend raison pourquoi il mangeait avec les
pêcheurs et pourquoi il n'obligeait pas
ses disciples à observer des jeûnes
réglés comme les disciples de
Jean-Baptiste et les pharisiens en observaient;
- et il répond aux pharisiens qui
blâmaient les apôtres de ce qu'ils
avaient arraché des épis de
blé en un jour de sabbat.
- I. 1-4; II. 5-13; III. 14-17; IV. 23-28-
RÉFLEXIONS.
CE qu'il faut premièrement
remarquer dans la guérison du paralytique,
c'est la foi de ceux qui le
présentèrent à
Jésus-Christ; elle paraît en ce que ne
pouvant approcher de Notre-Seigneur, ils
descendirent ce malade par le toit de la maison; et
Jésus voyant une foi si admirable, fit en
leur faveur le miracle qu'ils croyaient qu'il avait
le pouvoir de faire.
Par là nous pouvons voir
combien la foi est agréable à notre
Sauveur, et combien elle est efficace pour obtenir
de lui les grâces qui nous sont
nécessaires. Après cela il
paraît d'ici que Jésus-Christ, outre
le pouvoir de délivrer des maladies, avait
le droit et l'autorité de pardonner les
péchés aux hommes.
Cela nous apprend que Jésus
est non-seulement un prophète envoyé
de Dieu, mais qu'il est le juge du monde, de qui
seul nous pouvons attendre le salut et le pardon de
nos fautes, moyennant la foi et la repentance.
2. Ce chapitre nous enseigne que
Notre-Seigneur est venu au monde pour appeler les
pécheurs à la repentance; c'est ce
qu'il fit connaître en mangeant avec des
péagers et avec des personnes que les Juifs
regardaient comme de grands pécheurs. Cette
doctrine doit nous remplir de confiance et nous
faire reconnaître en même temps qu'il
est absolument nécessaire de se repentir et
de s'amender pour être
sauvés.
3. Ce qui est dit ici que
Jésus-Christ n'obligeait pas ses disciples
à jeûner régulièrement
comme ceux de Jean-Baptiste, doit s'entendre de
cette manière: c'est que Notre-Seigneur
avait des raisons particulières de ne pas
astreindre alors ses disciples à ces sortes
de jeunes; savoir, parce que tant lui que ses
disciples étaient sans cesse occupés
à aller en divers lieux ~ et qu'ils
conversaient avec toutes sortes de personnes.
Cependant il déclare que,
quand il ne serait plus au monde, ils seraient
appelés non-seulement à jeûner,
mais à de grandes souffrances, et que s'il
ne les y exposait pas encore, c'était parce
qu'ils n'étaient pas alors capables de les
supporter; tout de même qu'une pièce
d'étoffe neuve ne conviendrait pas à
un vieux habit, et que du vin nouveau romprait de
vieux vaisseaux.
Ainsi, il ne faut pas conclure de
cet endroit de l'Évangile que
Jésus-Christ condamne le jeune et la
mortification; au contraire, cette doctrine suppose
évidemment que Notre-Seigneur appelle ses
disciples à une vie mortifiée
et à porter leur croix.
Enfin Jésus-Christ justifia l'action de ses
disciples qui, pressés par la faim, avaient
arraché des épis en un jour de
sabbat; et il allégua, dans cette vue, ce
que le roi David avait fait dans un cas
à-peu-près semblable.
Cela nous enseigne que, dans une
extrême nécessité, et lorsqu'on
ne pourrait observer les lois extérieures de
la religion sans qu'il en arrivât un grand
mal, on peut s'en dispenser, pourvu que ce ne soit
pas par mépris et que l'on s'attache
toujours à l'essentiel de la
piété. Ce serait une hypocrisie et
une superstition semblable à celle des
pharisiens d'en user autrement.
CHAPITRE
III.-
L'évangéliste
rapporte
- premièrement la guérison d'un
homme qui avait une main sèche et celle
de plusieurs autres malades.
- 2. La vocation des douze apôtres.
- 3. Ce que Jésus-Christ dit aux
pharisiens qui attribuaient ses miracles
à la puissance du diable.
- 4. La déclaration qu'il fit que ses
vrais disciples lui étaient aussi chers
que ses parens.
- I. 1-12; II. 13-19; III. 20-30; IV. 31-35.
RÉFLEXIONS.
ON découvre la grande
bonté et la souveraine puissance de
Notre-Seigneur dans les guérisons dont il
est parlé dans ce chapitre; ainsi l'histoire
de ces divers miracles est très-propre
à affermir notre foi et à nous
remplir de confiance en lui. On voit en particulier
dans la guérison de cet homme qui avait une
main sèche, l'aveuglement et la malice des
pharisiens qui, au lieu de se rendre à cette
merveille, se scandalisaient de ce que Jésus
l'avait faite un jour de sabbat.
Ce qu'il dit à ces ennemis de
sa doctrine, et la juste indignation qu'il
témoigna, nous montre combien il est
offensé, quand on résiste à la
vérité et quand on se sert du
prétexte de la religion pour condamner des
oeuvres de piété et de
charité.
2. Le choix que Notre-Seigneur fit
des douze apôtres pour être avec lui,
et le pouvoir qu'il leur donna d'annoncer
l'Évangile et de faire des miracles
semblables aux siens, était un effet de sa
grande sagesse aussi bien que de sa bonté
envers les hommes, puisqu'il devait se servir dans
la suite du ministère de ses apôtres
pour faire prêcher l'Évangile
par tout le monde.
La troisième réflexion
concerne le crime des pharisiens, que
Jésus-Christ accuse de blasphémer
contre le Saint-Esprit. Saint Marc explique
clairement en quoi ce blasphème consistait
(voyez le verset 30) ; c'était en ce que les
pharisiens, voyant que Notre-Seigneur chassait les
démons, disaient qu'il faisait ces miracles
par la puissance du diable, ce qui était un
blasphème énorme contre le
Saint-Esprit, et la marque d'une
méchanceté d'où il n'y avait
point de retour.
C'est là un exemple où
l'on voit que, quand les hommes se sont une fois
livrés à leurs préjugés
et à leurs passions, ils s'endurcissent
contre tout ce, qu'on peut leur proposer de plus
clair et de plus fort, et qu'au lieu de se rendre,
ils en deviennent encore plus méchans.
4. Ce que Jésus-Christ
déclare qu'il aimait autant ses disciples
que ses plus proches parens, nous apprend que le
plus sûr moyen d'être aimés de
lui est de s'attacher à écouter sa
parole et à faire sa volonté, et que
nous devons aussi à son imitation
chérir particulièrement les personnes
qui craignent Dieu, et les estimer
préférablement à tous les
hommes.
CHAPITRE IV.
-
Ce chapitre contient:
- 1. La similitude de la semence et son
explication;
- 2. une autre similitude de la semence qu'on
jette dans la terre et qui produit son fruit
quelque temps après;
- 3. la parabole du grain de moutarde;
- 4. le miracle que Jésus-Christ fit en
apaisant une tempête.
- I. 1-25; Il. 26-29; III. 30-34; IV. 35-41.
RÉFLEXIONS.
L'EXPLICATION que
Jésus-Christ a donnée lui-même
de la similitude de la semence, l'éclaircit
parfaitement et en marque le sens et l'usage.
Voici ce que le Sauveur du monde a
voulu nous y enseigner: La semence qui tombe sur le
chemin représente ceux qui entendent
l'Évangile mais qui ne le reçoivent
point et qui n'en sont point touchés; la
semence qui tombe en des lieux pierreux marque ceux
qui ne reçoivent la parole de Dieu que pour
un temps et qui, dans la persécution et dans
la tentation, abandonnent Jésus-Christ; la
semence qui tombe parmi les épines et qui
est étouffée, est une image de ceux
en qui cette parole produirait du fruit si le coeur
n'était pas possédé par
l'amour des biens ou des plaisirs
du monde et par les soins de cette vie; et la
semence qui est réelle dans une bonne terre
désigne ceux qui ont le coeur bon et bien
disposé et en qui l'Évangile produit
du fruit et des effets salutaires.
L'usage que nous devons faire de
cette parabole est de nous examiner
nous-mêmes et de voir si nous sommes du
nombre de ces endurcis sur qui la parole de Dieu ne
fait aucune impression; ou de ces inconstans et de
ces lâches qui, après avoir
été touchés, ne
persévèrent pas; ou de ces hommes
charnels et attachés au monde en qui la
parole est rendue inutile par l'amour des biens et
des plaisirs de cette vie; ou enfin si nous sommes
de ces fidèles auditeurs qui rapportent avec
abondance les fruits que Dieu attend d'eux.
Mettons ces divines instructions
dans nos coeurs et prenons garde, selon que
Jésus-Christ nous y exhorte, à la
manière dont nous les entendons, nous
souvenant que Dieu augmente ses lumières et
ses dons à ceux qui en font un bon usage,
mais qu'il les ôte à ceux qui n'en
profitent pas.
Le dessein de Jésus-Christ,
dans la similitude de la semence qui germe et qui
croît peu-à-peu, et dans celle du
grain de moutarde, était de marquer que,
quoiqu'il n'y eût pas alors beaucoup
d'apparence que sa doctrine fit de grands
progrès, vu la bassesse ou il était
et le petit nombre de ceux qui embrassaient sa
doctrine, elle serait reçue dans peu par
tout le monde.
Jésus-Christ disait ces
choses en paraboles au peuple, parce que s'il
eût dit ouvertement que son Évangile
serait annoncé aux autres nations, cela
aurait rebuté et scandalisé les
Juifs. Mais ces paraboles devinrent
très-claires dans la suite, par
l'établissement de l'Église
chrétienne; ensorte qu'elles nous
fournissent aujourd'hui une preuve invincible de la
vérité de l'Évangile.
Dans le récit du miracle que
Notre-Seigneur fit en calmant une tempête, on
remarque l'extrême frayeur des apôtres
qui craignaient de périr, quoiqu'ils eussent
Jésus avec eux, ce qui montre que leur foi
était encore faible, comme le Seigneur le
leur reprocha; mais on y découvre aussi sa
bonté envers eux, et une merveilleuse
puissance qui les jeta tous dans l'admiration. Les
enfans de Dieu sont exposés à divers
dangers; ils ont leurs faiblesses et leurs
craintes; mais il subvient à leurs
infirmités, et après les avoir fait
passer par l'affliction pour leur épreuve,
il leur donne en les délivrant des
témoignages de sa bonté qui
fortifient leur foi et qui les remplissent de
consolation et de joie.
CHAPITRE
V.-
Saint Marc
- récite un miracle
très-remarquable que Jésus-Christ
fit en délivrant un homme qui
était possédé d'une
légion de démons
- 2. La guérison d'une femme malade
d'une perte de sang, et la résurrection
de la fille de Jaïrus.
- I.1-20; II. 21-43.
RÉFLEXIONS.
L'HISTOIRE du démoniaque est
tout-à-fait digne d'attention; on y voit
d'une manière sensible l'empire que les
démons exerçaient alors sur les
hommes par la permission de Dieu; mais on y voit
aussi que Jésus-Christ avait un souverain
pouvoir sur eux, qu'il devait détruire le
règne du diable, et qu'il était
toujours prêt à déployer sa
puissance en faveur de ceux qui avaient besoin de
son secours.
Notre-Seigneur, après avoir
délivré ce démoniaque, permit
aux démons d'entrer dans les pourceaux et de
les précipiter dans la mer, afin de faire
voir que cet homme avait été
véritablement possédé du
démon, et de prouver par ce moyen la
vérité et la grandeur du miracle
qu'il venait de faire; il le fit aussi pour montrer
que les démons ne pouvaient rien faire que
par sa permission, et pour châtier les
habitans de ces quartiers-là, lesquels,
selon que cela est dit dans cette histoire, ne
voulurent pas souffrir le Seigneur parmi eux.
Nous devons bénir Dieu de ce
que, depuis la venue de Jésus-Christ, le
diable n'a plus le pouvoir qu'il avait autrefois
sur les hommes, et considérer au reste que
l'état de ce démoniaque, quelque
déplorable qu'il fût, n'était
pas si funeste que celui des pécheurs qui
s'adonnent au mal et qui sont les esclaves de leurs
passions.
Cet homme ne s'était pas mis
volontairement dans ce triste état, et le
démon ne pouvait lui nuire qu'en son corps;
au lieu que les pécheurs se rendent
eux-mêmes les esclaves du diable en faisant
sa volonté, par où cet ennemi de Dieu
et des hommes entraîne leurs âmes dans
l'abîme de la perdition éternelle.
La guérison de cette femme
dont Notre-Seigneur loua la foi, et qui fut
délivrée de son mal en touchant le
bord du vêtement de Jésus-Christ,
prouve que l'humilité et la foi ont une
grande efficace, que la confiance en
Jésus-Christ n'est jamais vaine, et qu'il
est toujours prêt à
répandre ses grâces sur ceux qui
s'adressent à lui dans ces dispositions. La
souveraine puissance de Notre Seigneur paraît
encore avec plus d'éclat dans la
résurrection de la fille de Jaïrus. Sur
quoi il faut considérer que
Jésus-Christ, qui rendait la santé
aux malades, rendait aussi la vie aux morts, et
cela, non-seulement pour montrer d'autant mieux sa
puissance infinie, mais aussi pour confirmer les
promesses qu'il nous a faites dans
l'Évangile de nous ressusciter au dernier
jour.
Ainsi la considération de ce
miracle doit produire en nous une ferme
espérance de l'immortalité, nous
remplir de consolation dans cette attente, et nous
animer de plus en plus à l'étude de
la sainteté et des bonnes oeuvres afin que
nous puissions avoir part à cette
résurrection bienheureuse que
Jésus-Christ nous a promise.
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