ARGUMENS ET
RÉFLEXIONS SUR LES LIVRES ET LES CHAPITRES
DU NOUVEAU TESTAMENT
ÉPÎTRE DE SAINT PAUL AUX
HÉBREUX.
Saint Paul écrivit cette
Épître, comme on a lieu de le croire,
l'an 61 de Notre Seigneur, étant prisonnier
à Rome, et il l'adressa aux Hébreux,
c'est-à-dire aux Juifs qui s'étaient
faits chrétiens. Son but est de les affermir
dans la profession de l'Évangile et dans la
sainteté, et d'empêcher qu'ils n'en
fussent détournés par l'attachement
qu'ils auraient pu conserver pour la religion et le
culte des Juifs, par les persécutions que
les chrétiens enduraient, et par la
séduction du péché. Pour cet
effet, il montre que Jésus-Christ est plus
grand que Moïse, que l'Évangile est
plus excellent que la loi, et que les
cérémonies et les sacrifices de la
loi avaient eu leur accomplissement en
Jésus-Christ, et étaient par
conséquent abolis par sa venue et par son
sacrifice. C'est ce que l'apôtre traite dans
les dix premiers chapitres. Il exhorte, dans les
trois derniers, les Hébreux à la
persévérance dans la foi, à la
patience dans les afflictions, et aux plus
importans devoirs de la piété.
CHAPITRE
PREMIER.
Saint Paul
- enseigne que Dieu s'était fait
connaître aux hommes par
Jésus-Christ d'une manière plus
parfaite qu'il n'avait fait auparavant. Il
prouve l'excellence de l'Évangile par la
dignité infinie de Jésus-Christ,
le Fils de Dieu ; il montre qu'il a
été élevé dans le
ciel à une gloire suprême et qu'il
est au-dessus des anges, et il établit la
divinité de sa personne.
RÉFLEXIONS.
LA première
vérité que saint Paul enseigne, dans
cette Épître, est que
Jésus-Christ n'est pas un simple homme, ou
seulement un grand prophète, ni même
un ange ; mais qu'il est infiniment au-dessus
des prophètes et des anges, étant le
propre Fils de Dieu; que c'est par lui que le monde
a été créé, que Dieu
l'a fait seoir à sa droite, et que c'est lui
que tous les anges adorent comme
leur maître. Puisque saint Paul
établit d'abord cette doctrine de la
divinité de Notre Seigneur, et que c'est par
là qu'il prouve l'excellence de la religion
chrétienne, il parait clairement que c'est
là une doctrine que tous les
chrétiens doivent croire, et sur laquelle
toute la religion est fondée.
2. Ce que saint Paul dit ici, que
Dieu nous a parlé dans les derniers temps
par son Fils, nous engage à louer Dieu de ce
que nous avons l'avantage de vivre sous la plus
parfaite de toutes les dispensations et dans les
temps heureux de l'Évangile.
3. Puisque Dieu nous a fait
connaître sa volonté par son propre
Fils et qu'il s'est manifesté à nous
d'une manière plus claire qu'il n'avait fait
auparavant, nous sommes dans une obligation
indispensable de profiter des avantages de
l'alliance de grâce et de surpasser en
sainteté ceux qui ont vécu avant la
venue de Jésus-Christ
Enfin la considération de la
divinité de Notre Seigneur et de la
suprême puissance où il est
élevé dans le ciel, doit nous porter
à l'adorer, à mettre notre
espérance en lui, et à obéir
à l'Évangile qu'il nous a fait
annoncer ; et c'est ce que saint Paul fait
voir dans le chapitre suivant.
CHAPITRE
Il.
Saint Paul
- exhorte les Hébreux à demeurer
fermes dans la profession de l'Évangile,
qui avait été annoncé par
Jésus-Christ et par les apôtres, et
confirmé par les dons du Saint-Esprit.
- Il montre, pour cet effet, que quoique
Jésus ait été lui homme et
qu'il se soit abaissé jusqu'à la
mort, toutes choses lui sont soumises, et que
Dieu l'a élevé à la gloire
céleste après ses souffrances.
- Il fait voir enfin que Dieu a voulu que
Notre Seigneur prît notre nature et qu'il
souffrît afin qu'il pût racheter les
hommes de la puissance du diable et de la mort,
et afin que les fidèles apprissent, par
son exemple, à ne point craindre les
afflictions.
I. 1-4 ; II. 5-9 ; III. 10-18.
RÉFLEXIONS.
SAINT Paul nous apprend ici, en
premier lieu, que puisque l'Évangile a
été annoncé par
Jésus-Christ et par les apôtres, et
confirmé par les dons du Saint-Esprit, nous
avons des preuves incontestables de la
divinité de la doctrine chrétienne,
et qu'ainsi nous serons entièrement
inexcusables et que nous
n'échapperons pas à la vengeance de
Dieu, si nous négligeons ce grand salut qui
nous est offert, et si nous ne nous attachons pas
à l'Évangile par une profession
ouverte de la vérité et par une
obéissance sincère.
2. La considération de la
gloire et de la puissance dont Jésus-Christ
a été revêtu après son
humiliation et sa mort, nous apprend que les
souffrances auxquelles. les fidèles sont
exposés n'empêcheront pas qu'ils ne
parviennent à la gloire, la volonté
de Dieu ayant été de les y conduire
par la même voie que Jésus-Christ y
est parvenu.
3. Nous devons considérer que
le Fils de Dieu s'est fait homme et qu'il a
été moindre que les anges pendant un
temps, afin que, par un effet de la bonté de
Dieu, il pût mourir pour tous les hommes,
faire l'expiation de leurs péchés, et
détruire l'empire du diable et de la
mort.
Cette doctrine doit nous remplir de
joie et d'une ferme confiance en Dieu par
Jésus-Christ ; elle nous engage aussi
très-fortement à vivre comme ses
rachetés et à fuir le
péché, puisqu'autrement nous
retomberions sous la puissance du diable et de la
mort, d'où Notre Seigneur était venu
nous délivrer.
CHAPITRE
III.
L'apôtre fait deux choses
dans ce chapitre.
- Il fait voir, premièrement, que
Jésus-Christ était beaucoup
au-dessus de Moïse, puisque Moïse n'a
été que serviteur dans la maison
de Dieu, au lieu que Jésus-Christ, comme
Fils, en est le Seigneur et le maître.
- 2. Il exhorte les Hébreux à
obéir à l'Évangile et
à ne pas imiter les Israélites,
qui furent exclus du pays de Canaan et qui
moururent dans le désert à cause
de leur rébellion et de leur
incrédulité. (Nombr. XIV. 21.
Psaum. XCV. 7.)
I. 1-6 ; II 7-19.
RÉFLEXIONS.
CE que saint Paul dit, dans ce chapitre, de
l'excellence de la personne et du ministère
de Jésus-Christ, par-dessus la personne et
le ministère de Moïse, nous met devant
les yeux, d'un côté, l'obligation
où les chrétiens sont d'obéir
fidèlement à Jésus-Christ, et
de l'autre la grandeur du crime dont se rendent
coupables contre lui ceux qui tombent dans la
désobéissance et dans
l'infidélité.
2. Nous avons à
considérer ici que les
anciens Israélites, pour avoir
été rebelles et incrédules
lorsque Moïse leur faisait entendre la voix de
Dieu, moururent dans le désert, et que Dieu
jura qu'ils n'entreraient point dans le repos qui
était préparé dans le pays de
Canaan pour le peuple d'Israël. C'est ainsi
que Dieu a résolu d'exclure du repos
céleste ceux dont le coeur s'égare,
et qui l'irritent par leur rébellion et par
leur endurcissement. Cela nous presse fortement
d'être attentifs et soumis à la voix
de l'Évangile, et de profiter du temps et de
la grâce, comme saint Paul nous le
représente par cette grave
exhortation : Si vous entendez aujourd'hui la
voix de Dieu, n'endurcissez point vos coeurs.
Prenez garde qu'il n'y ait en quelqu'un de vous un
coeur mauvais et incrédule qui vous fasse
abandonner le Dieu vivant ; mais exhortez-vous
les uns les autres pendant que ce jour et ce temps
de la grâce dure, de peur que quelqu'un de
vous ne s'endurcisse par la séduction du
péché.
CHAPITRE
IV.
Saint Paul
- continue à montrer que comme les
Israélites rebelles n'entrèrent
pas dans le pays de Canaan les chrétiens
incrédules n'entreront point dans le
ciel. Il remarque, pour cet effet, que ce que
David dit dans les psaumes, du repos de Dieu, ne
doit pas tant s'entendre du pays de Canaan comme
du vrai repos, qui consiste dans la possession
du salut que Jésus-Christ nous a acquis.
- Il conclut de là que nous devons
tâcher d'entrer dans ce repos ; il
déclare que les incrédules
n'éviteront point les menaces que la
parole de Dieu leur dénonce, puisque
cette parole est vivante, divine et
véritable.
- Enfin, pour engager les Hébreux
à la persévérance dans la
profession chrétienne et à la
constance dans les afflictions, il leur
représente que nous avons en
Jésus-Christ un sacrificateur qui est
élevé dans le ciel, et qui, outre
cela, ayant souffert lui-même, est
disposé à avoir pitié de
nos faiblesses et à nous aider dans tous
nos besoins.
I. 1-10 ; II. 11-16.
RÉFLEXIONS.
Nous apprenons, dans ce chapitre,
premièrement, que ceux qui
méprisent et qui négligent les
promesses de l'Évangile s'en trouveront
privés, et que la parole de Dieu ne sert de
rien lorsqu'elle n'est pas accompagnée de la
foi en ceux qui l'entendent ; ainsi tous ceux
à qui cette parole et ces
promesses sont annoncées,
doivent prendre garde à les recevoir avec
obéissance de foi.
2. Saint Paul nous enseigne qu'il y
a un repos que Jésus-Christ nous a acquis et
qui est beaucoup plus excellent que celui qui
était promis au peuple d'Israël dans la
terre de Canaan, et que tout de même que les
Israélites ne purent entrer dans ce
pays-là à cause de leur
incrédulité et de leur
rébellion, ceux qui
désobéissent à
Jésus-Christ et qui méprisent son
Évangile seront privés du repos
éternel. La conséquence que saint
Paul veut que nous tirions de là, c'est de
faire tous nos efforts pour entrer dans ce repos,
de peur que nous ne tombions dans une semblable
rebellion.
3. Pour nous engager à ce
devoir, l'apôtre nous représente que
la parole de Dieu est vivante et véritable,
que les menaces de l'Évangile sont
très-certaines, qu'elles
s'exécuteront infailliblement, et que nous
ne saurions échapper à celui à
qui nous avons à faire, vu que toutes choses
sont nues et découvertes devant lui.
Enfin puisque nous savons que
Jésus, notre grand sacrificateur, est
entré dans le ciel après avoir
été lui-même
éprouvé comme nous en toutes choses,
excepté dans le pêché, et qu'il
est avec cela miséricordieux et plein de
bonté, nous avons les plus puissans motifs
à demeurer fermes dans la profession que
nous faisons de croire en lui, à nous
confier en ses promesses, et à nous
approcher avec confiance du trône de la
grâce, afin d'y obtenir miséricorde et
d'y trouver grâce, pour être secourus
dans tous nos besoins.
CHAPITRE
V.
Saint Paul, voulant traiter du
sacerdoce de Notre Seigneur, montre,
- en premier lieu, que Jésus-Christ a
été appelé de Dieu à
la charge de sacrificateur ; ce qu'il
prouve par deux oracles tirés du livre
des Psaumes, et surtout par celui où il
est dit que le Messie devait être
sacrificateur selon l'ordre de
Melchisédec ( Ps. CX. ).
- Il dit ensuite que Jésus-Christ a
fait les fonctions de sacrificateur lorsqu'il a
souffert la mort pour le salut des hommes.
- Enfin étant sur le point de parler du
sacerdoce de Notre Seigneur et du rapport qu'il
y avait entre lui et Melchisédec, il
reproche aux Hébreux le peu de
progrès qu'ils avaient faits dans la
connaissance des mystères de la religion
qu'il allait leur expliquer.
I. 1-6. II. 7-10 ; III. 11-14.
RÉFLEXIONS.
Nous recueillons de ce chapitre,
1. que Jésus-Christ a
été établi de Dieu pour
être notre sacrificateur, et qu'en cette
qualité il s'est offert en sacrifice pour
les péchés des hommes. Cela nous
engage à regarder Jésus-Christ comme
celui qui nous a acquis le salut et qui nous a
rendu Dieu favorable ; mais cela doit aussi
nous convaincre de l'obligation où nous
sommes de nous soumettre à l'Évangile
par une vraie obéissance, puisque, comme
saint Paul le dit, Jésus-Christ n'est devenu
l'auteur du salut éternel que pour ceux qui
lui obéissent.
La seconde réflexion regarde
les souffrances de Jésus-Christ.
L'apôtre les décrit, en disant que
Notre Seigneur ayant offert des prières
à Dieu dans le temps de sa passion, avec
cris et avec larmes, a été
exaucé, et qu'il a appris
l'obéissance par les choses qu'il a
souffertes. Saint Paul disait cela non-seulement
pour montrer que Jésus-Christ a fait sur la
terre les fonctions de sacrificateur ; mais
aussi pour consoler les fidèles
affligés et persécutés. Les
enfans de Dieu peuvent reconnaître, par ce
qui est arrivé à Notre Seigneur, que
s'ils sont dans la souffrance ils ressemblent en
cela à leur Sauveur ; que Dieu leur
envoie ces afflictions afin de leur apprendre
à obéir, à être patiens,
et à l'invoquer avec plus d'ardeur ; et
qu'il ne manquera pas de les exaucer et de les
délivrer lorsqu'ils lui présenteront
leurs prières dans leurs besoins.
3. Nous devons considérer que
si l'apôtre reprochait aux Hébreux
d'être peu avancés dans la
connaissance et d'avoir encore besoin qu'on leur
enseignât les rudimens du christianisme, il
nous serait bien plus honteux que l'on nous fit
avec justice de semblables reproches, vu le temps
qu'il y a qu'on travaille à nous instruire.
Ainsi nous devons nous exciter de plus en plus
à acquérir de nouvelles
lumières et à faire tous les jours
des progrès dans les connaissances de la
religion.
CHAPITRE
VI.
Saint Paul dit aux Hébreux
- que son dessein n'était pas de leur
enseigner les premiers rudimens de la religion,
mais qu'il voulait leur proposer des doctrines
plus sublimes, en leur parlant du rapport qu'il
y avait entre Jésus-Christ et
Melchisédec, et les anciens
sacrificateurs.
- 2. Pour les exciter à s'avancer dans
la connaissance des
mystères de l'Évangile, il leur
met devant les yeux le malheur de ceux qui
négligent de s'affermir dans la foi, qui
méprisent les lumières et les
grâces qu'ils ont reçues de Dieu,
et qui ne portent pas les fruits qu'il attend
d'eux : c'est qu'ils viennent enfin
à abandonner Jésus-Christ et la
vérité.
- 3. Il fait connaître aux
Hébreux qu'il ne leur parlait ainsi que
pour réveiller leur zèle, puisque
du reste il était persuadé qu'ils
ne s'exposeraient pas à un tel malheur.
- Enfin, pour fortifier leur foi, il leur
représente la fermeté des
promesses de Dieu par l'exemple d'Abraham et la
certitude de l'espérance que
l'entrée de Jésus-Christ dans le
ciel donne aux fidèles.
I. 1-3 ; II. 4-8 ; III. 9-12 ;
IV. 13-20.
RÉFLEXIONS.
ON doit faire une grande attention
aux premiers versets de ce chapitre, puisque saint
Paul y marque quels sont les articles fondamentaux
de la religion, savoir : la doctrine de la foi
en Dieu, celle de la repentance et du renoncement
au péché, celle du baptême,
celle de la résurrection des morts, et celle
du jugement dernier. Ainsi ce sont-là les
doctrines que nous devons tous croire fermement, et
sans lesquelles il n'y peut avoir de salut.
2. L'apôtre nous apprend qu'il
ne suffit cependant pas de connaître ces
doctrines-là ; mais que les
chrétiens doivent tendre à une plus
grande perfection, et joindre à la
connaissance des vérités essentielles
celle des autres doctrines qui servent à
éclaircir la religion et à confirmer
la foi. Saint Paul fait même comprendre que
quand on néglige de s'avancer dans la
connaissance, on se met en danger de perdre le
goût pour les vérités de la
religion, de renoncer à la foi, et de tomber
dans l'incrédulité.
3. Nous voyons ici que ceux qui,
après avoir été
éclairés et avoir reçu et
goûté la bonne parole de Dieu et le
don céleste, viennent à abandonner la
vérité et la piété, ne
sauraient se repentir que
très-difficilement, et que
persévérant dans cet état, il
faut qu'ils y périssent. Cela doit nous
donner une extrême crainte de pécher
contre nos lumières, de mépriser la
parole de Dieu, et de résister à
l'opération et à l'attrait de sa
grâce, de peur que nous n'encourions la
malédiction que saint Paul dénonce
à ceux qui abusent des grâces du
ciel ; ce qu'il représente sous l'image
d'une terre qui reçoit souvent la pluie et
la culture, et qui ne produit que des épines
et des chardons, laquelle, à cause de cela,
est maudite et destinée à
être brûlée.
Enfin ceux qui croient à
l'Évangile et qui montrent la
sincérité de leur foi par leur
patience et par leur charité, doivent
considérer, pour leur consolation et pour
leur encouragement, ce que l'apôtre dit ici,
que Dieu n'est point injuste pour oublier leur
travail, que ses promesses sont immuables,
puisqu'elles ont été faites avec
serment et confirmées, outre cela, par
l'exaltation de Jésus-Christ dans la gloire
céleste, où il est entré comme
notre précurseur. C'est là
l'espérance des fidèles qui, comme
une ancre sûre et ferme,
pénètre jusque dans le ciel et les
rend inébranlables au milieu des tentations
et des afflictions auxquelles ils sont
exposés.
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