Un Gagneur
d'Âmes:
CÉSAR
MALAN
DEUXIÈME PARTIE:
L'ACTIVITÉ PUBLIQUE DE MALAN APRÈS
1830
CHAPITRE
VIII
MALAN MISSIONNAIRE PAR LA PLUME
Nous avons déjà
souligné, en cours de route, toute la place
que Malan laissa, dans son activité,
à la publication d'ouvrages et
traités que lui suggéraient les
circonstances. C'était une partie importante
de son apostolat qu'il confia ainsi à la
plume de l'écrivain. En examinant la
période de son ministère après
1830, nous devons relever deux voies
différentes dans lesquelles s'exerça
particulièrement cet apostolat : l'une clans
la polémique protestante, l'autre dans la
controverse romaine.
1° Polémique
protestante
Ce qui, à cette époque,
intéresse plus passionnément
César Malan, ce sont les
intérêts éternels, personnels
des âmes. Il s'en préoccupe plus que
des questions proprement ecclésiastiques;
dans ces dernières, seules arrêtent
son attention les manifestations qui touchent
directement aux intérêts des
âmes. Les «personnes » le touchent
plus que les « institutions ».
C'est ainsi qu'il se réjouissait
de discerner une évolution notable au sein
de l'Eglise Nationale et la considérait
comme une réponse à ses constantes et
ferventes prières. Tout obstacle à
ces changements salutaires suscitait aussitôt
chez Malan les plus vives protestations.
Un écrit du Professeur
Chenevière, paru en 1831, obligea Malan
à descendre dans l'arène où il
ne désirait nullement paraître «
sauf sur l'initiative de Dieu ». Cet «
Essai sur le Système théologique de
la Trinité » où la nature de
Jésus-Christ était ramenée aux
proportions raisonnables d'un « être
divin » par qualification plus que par nature,
parut concrétiser les croyances de la
Compagnie des pasteurs. La Société
évangélique manifesta ses craintes en
fondant son « École de Théologie
».
Malan protesta contre ce qui lui
paraissait comme une « détestable
production de l'Esprit des ténèbres
» et en appela « au simple
témoignage de la Parole de Dieu
».
Contre
le rationalisme
Une première protestation prit la
forme d'une brochure de quelques pages : « Aux
familles genevoises qui recherchent avec
sincérité, ou qui possèdent et
aiment la vérité telle qu'elle est en
Jésus. » Elle se compléta
bientôt d'un volume de 200 pages,
intitulé : « Jésus-Christ est
l'Éternel Dieu manifesté en chair,
première réponse à
l'écrit de M. le Professeur
Chenevière contre le Dieu des
chrétiens, par César Malan, ministre
de notre grand Dieu et Sauveur Jésus-Christ.
» L'ouvrage eut, coup sur coup, 2
éditions.
Dans son bel ouvrage sur « Le
Réveil Religieux n, le Doyen Maury
écrivait : « Si l'on joint à ce
traité de Malan une lettre de Gaussen sur la
divinité de Jésus-Christ, on aura
à peu près tout ce que le
Réveil de Genève a produit de
systématique sur la matière.
»
Dans son introduction Malan signalait le
danger de chercher « un nouveau sens »
à la Parole de Dieu : « Soyez anciens
dans vos principes, dans vos vues et dans vos
sentiments ! Vous ne le serez jamais autant que la
Parole ou que l'Esprit qui la révèle.
Écoutez et lisez ce que Dieu prononce; et
c'est assez si, soumis de coeur à ce Christ
auquel toutes les Écritures rendent
témoignage, vous n'attendez que du
Saint-Esprit la manifestation à vos yeux de
la Gloire de Celui qui seul est venu du
Père. » Puis il soulignait «
l'importance décisive d'une droite
connaissance de la nature du Seigneur Jésus
». La Bible à la main, il examinait une
à une ces quatre affirmations : «
Jésus-Christ existe par Lui-même; Il
possède la souveraine puissance ;
l'adoration et la gloire n'appartiennent
qu'à Dieu; Jésus-Christ les
possède. » Le tout
éclairé de quelques notes sur des
passages relatifs à la divinité du
Seigneur Jésus et à celle du
Saint-Esprit.
Ce serait cependant errer gravement que
de considérer cet Essai comme le fruit
âpre d'un doctrinarisme sec et rabbinique !
Plus que l'élaboration d'une pensée
il était l'explosion d'une vie religieuse
montrant son centre et sa source. Dans «
l'Adresse aux familles genevoises » qui
accompagnait encore ce volume, ce sentiment se
montrait à découvert : « Faites
attention de quelle manière Christ vous est
connu. Pour cela, ouvrez, lisez, sondez et
étudiez cette Bible, qui ne vous enseignera
que la vérité ! Ou bien
Jésus-Christ est l'Éternel Dieu, et
alors adorez-le comme tel et détestez les
blasphèmes ! Ou bien il n'est qu'une
créature, et, dans ce cas, qu'avez-vous
à faire à le servir et à
prendre son pain et sa coupe ? Car enfin c'est ici
l'abrégé de toute discussion sur un
tel sujet, et le résultat final de la
recherche la plus attentive qu'on en puisse faire;
ou bien le Sauveur de l'Eglise est le
Créateur, Dieu, l'Éternel, ou bien il
ne l'est pas; et cette alternative renferme deux
croyances et deux religions aussi distinctes l'une
de l'autre que le Créateur l'est de ses
créatures.»
Ce n'était donc pas un tribut
payé à une respectable et ancienne
orthodoxie : c'était surtout une confession
de sa foi au Sauveur de l'âme. Cet
écrit produisit une vive sensation dans la
Genève d'alors. « L'imprimerie
où il paraissait, écrit un
témoin oculaire, fut littéralement
envahie par une foule de gens qui emportaient les
feuilles encore humides et les lisaient dans la
rue. »
Pour la
défense du méthodisme
En 1835, Genève
célébra, pour la troisième
fois, le Jubilé centenaire de sa
Réformation. Ce fut cette occasion que le
Clergé officiel protestant choisit pour
affirmer, d'une manière publique et presque
officielle, son opposition au «
Méthodisme », manifestation
particulière du Réveil d'alors. On
ouvrit donc entre les ecclésiastiques
genevois un concours avec attribution de prix de
mille florins (500 fr. environ), au meilleur
mémoire sur les trois questions suivantes :
- 1 ° Quelles sont les causes qui ont
amené le Méthodisme dans nos murs?
- 2° Quels sont ses vices, ses dangers
pour l'État, l'Église Nationale et
le bonheur des familles en particulier ?
- 3° Quels sont les meilleurs moyens de
le combattre et de l'éloigner ?
Malan eut à peine reçu ce
programme, qu'il fit paraître, en
février, sous le titre : « Le
procès du Méthodisme mis devant ses
juges compétents », une brochure de 80
pages, qu'on peut qualifier sans doute le plus
remarquable de tous ses écrits de
circonstance.
« Le sujet est difficile, disait-il
dans un Avant-propos, non pas en lui-même,
mais nos passions l'ont rendu tel. Car il arrive,
dans ce qui se rapporte à la religion, que
lorsque des principes opposés se
rencontrent, la Vérité, dont la voix
n'est pas de ce monde, semble parler trop bas, et
que, pour l'aider, les passions
élèvent leurs cris. Tel est le
malheur qui pèse sur les discussions qui
devraient le moins en souffrir, sur celles de la
foi. »
Puis, dans un style rapide et pressant,
il répondait aux trois questions du
programme.
Pour répondre à la
première, il en appelait aux faits
eux-mêmes, montrant que le «
méthodisme de Genève n'était
que la doctrine de la bienheureuse
Réformation, la Religion et la Foi de nos
pères, la Religion de la Bible,
renfermée dans ses trois chefs principaux :
la Très Sainte Trinité, le
péché originel, le salut par
grâce, accompagnés dans le coeur de
l'amour du Seigneur Jésus... Rejeton
vigoureux de la Religion de nos pères, ou
plutôt de la sainte vérité de
la Bible, qu'ils confessaient, le méthodisme
genevois a été fomenté par les
hérésies du dernier siècle ;
il s'est manifesté lorsque l'arbre de la
Réformation semblait périr.
»
Dans la réponse à la
deuxième question, Malan retrouvait, dans
les principes des « méthodistes »,
les principes de l'Église universelle, de la
Bible; et dans leurs moeurs, la manifestation du
fruit de l'Esprit, telle que leur vie en offrait la
preuve.
Quant aux moyens d'éloigner ce
Méthodisme-là, après avoir
énuméré les quatre
déjà inutilement employés : le
dédain, l'aversion, l'opposition, le bras
séculier, Malan finit par indiquer le seul
qui soit infaillible : Ôtez la Bible, et le
Méthodisme n'est plus ! Hors de là,
désespérez du succès. Le
Méthodisme, c'est le Christianisme, ne vous
y trompez pas ! et le Christianisme c'est la Bible,
et la Bible c'est la Parole de Dieu, et Dieu est
par-dessus vous ; craignez-Le donc ! »
Mais au terme de ce travail où il
avait laissé exploser toute l'indignation
dont bouillonnait son âme, Malan avait cet
élan de douceur et d'humilité :
« J'ai répondu, mais sans concourir !
Je ne juge ni ne condamne point ! Hélas !
qui jugerait des âmes malheureuses ! Je
m'humilie plutôt devant Dieu, car Sa
grâce m'a tiré moi-même de cette
ignorance et de cette incrédulité.
Moi aussi, pendant de longues années, j'ai
mis en oubli la Sainte Bible !
«Il
m'a ouvert les yeux»
Moi aussi, j'ai méconnu, j'ai
contredit les doctrines de la grâce ;
j'étais alors proposant, ministre et je
prêchais aussi l'erreur. Moi aussi j'ai eu
blâmé les assemblées des
frères, et dans ce temps-là, j'eusse
souhaité qu'elles cessassent, et j'en
éloignais avec soin mes amis ! Dieu m'a fait
miséricorde Il m'a ouvert les yeux et m'a
montré mon péché ; Il m'a
donné repentance; Il m'a converti au
Seigneur Jésus. La richesse de ses
compassions est aujourd'hui la même ! Il peut
réveiller un coeur assoupi et donner
l'intelligence à celui qui en manque. Il a
fait tout cela pour mon âme; oh ! que sa
bonté le fasse aussi pour d'autres, et que
bientôt l'on dise dans Genève : Ceux
qui, autrefois, persécutaient les
fidèles, annoncent maintenant la foi qu'ils
détruisaient naguère »
La
Congrégation de Calvin
En même temps qu'il publiait ce
livre, Malan réimprimait « La
Congrégation de Calvin », petit
opuscule depuis longtemps presque oublié et
qui avait été pour lui, depuis 1820,
« une constante et précieuse lecture
». Il l'accompagnait de ce sous-titre : «
Réponse sans réplique de Maître
Jean Calvin lui-même et de ses frères,
les pasteurs de l'Eglise de Genève, au livre
de M. le Professeur Chenevière contre
l'Élection de Dieu. »
Après avoir pris la
défense de la cause du Réveil
évangélique, Malan voulut dire au
peuple lui-même ce que le Jubilé
devait être au point de vue de
l'Évangile. Dans un de ces dialogues
populaires, dont il avait le secret, il montra que
l'on n'avait pas le droit de célébrer
la fête de cette Réformation, «
si l'on n'aimait pas, en toute
sincérité, le Seigneur Jésus,
Dieu manifesté en chair ».
Depuis cette époque, Malan n'eut
plus l'occasion de publier des écrits de
polémique protestant e proprement dite. En
mars 1835, il avait imprimé « Erreur
d'un chrétien sur l'assurance du salut
» et une histoire « Manassé
».
Sur
l'Inspiration de la Bible
Dans cette catégorie
d'écrits, il faut pourtant comprendre encore
: « La Famille baptisée »,
publié en décembre 1835, et
déjà signalé dans un autre
chapitre. Citons enfin : « L'autorité
de la Bible ne se démontre que par le
Saint-Esprit » (1850), et « Toute la
Bible est la Parole même de Dieu »
(1850). Par ces deux écrits, il fut le
premier, entre les hommes de Réveil,
à protester publiquement contre les
thèses d'E. Scherer sur l'inspiration des
Écritures. Du premier de ces écrits,
de Goltz dit : « que Malan toucha, avec tact
et justesse, au fond même de la dispute
». Malan y donnait pour base de toute son
argumentation, la distinction fondamentale entre
l'autorité et l'inspiration.
2° Controverse
romaine
Avec les
«Évangéliques » anglais,
Malan refusait le titre de « catholique »
à l'Eglise romaine. « Rien n'est moins
catholique ou universel que la secte latine, que le
schisme que Rome a fait avec l'Eglise orthodoxe qui
est par toute la terre. » (De l'Avenir du
Romanisme à Genève). Ceci explique,
qu'à dater de 1837, Malan apparut
publiquement, sur la scène, comme
l'adversaire positif des prétentions du
catholicisme romain.
Jusque-là, il avait toujours
évité à dessein une
controverse propre seulement « à
exciter les passions ». Persuadé, comme
il aimait à le répéter, «
que les ténèbres ne se chassent pas
à coups de bâtons », il
s'était contenté d'opposer à
l'erreur, le témoignage d'un christianisme
divin et vivant, de nature céleste et
éternelle. « Je crois que nous sommes
d'autant plus utiles aux âmes ignorantes du
salut, écrivait-il, que nous leur montrons
d'abord et presque uniquement la plénitude
du sacrifice du Fils de Dieu. La controverse pourra
suivre; comme on équarrit un arbre
après l'avoir abattu. Mais pour l'abattre,
je pense qu'il nous faut d'abord prendre la hache
de la grâce. Le tranchant en est puissant,
c'est celui du Saint-Esprit même.
»À un jeune catholique incrédule
qui lui demandait : « Faut-il que je change de
religion ? », Malan répondait : «
Monsieur, il faut avant tout, que vous en ayez une.
»
Jamais, en effet, Malan ne prêcha
ce qu'on appelle d'ordinaire « un changement
de religion ».
Le
protestantisme éternel
Cependant, en 1837, un abbé de
Baudry, ancien professeur de théologie aux
séminaires de Lyon et de Paris, ayant
publié une brochure : « Défense
des droits sacrés de l'Épiscopat et
du Sain- Siège», Malan crut devoir
répondre par un petit opuscule : « Les
droits divins du protestantisme ».
Après avoir distingué le
protestantisme évangélique du
socianisme ou arianisme qui en usurpaient le nom
à Genève, Malan passait en revue
l'histoire « de cette protestation qui est,
dès son origine, le caractère
essentiel de la position de l'Eglise de Dieu en
dehors du monde et contre lui ». - « Ce
qui est antique, c'est la promesse de Dieu ! ce qui
est apostolique, c'est la doctrine du salut gratuit
! » Tel était « ce protestantisme
éternel qui est la religion éternelle
de la Bible, et la foi des enfants de Dieu
».
Le public protestant genevois accueillit
avec intérêt cette revendication
« du droit divin » de ses croyances
traditionnelles. Une réplique insidieuse de
l'abbé conduisit Malan à publier
bientôt un volume de 250 pages,
intitulé : « Pourrai-je entrer jamais
dans l'Église romaine aussi longtemps que je
croirai toute la Bible ? Question soumise à
la conscience de tout lecteur chrétien.
»
Un
traité de controverse
chrétienne
De ce livre, souvent
réimprimé depuis, on peut dire qu'il
fut, moins un livre de controverse protestante,
qu'un traité de controverse
chrétienne. Malan y définissait la
foi du croyant, seul appui de tout son raisonnement
: c'est celle « de l'homme qui, parce qu'il
croit en Jésus-Christ, parce qu'il l'adore,
sait qu'il est justifié par la foi, qu'il a
la paix avec Dieu, qu'il possède, dès
à présent, la vie éternelle,
et que l'Esprit du Sauveur l'a scellé
jusqu'au jour de la Rédemption ». Il
opposait cette foi « qui s'appuie sur les
seules déclarations de l'Évangile
»» aux croyances de l'Eglise Romaine.
Examinant ensuite celles-ci, sous le rapport de la
Sainte-Écriture, de l'Eglise terrestre, de
la paix de Dieu et de la sainteté, il
montrait les variations de l'Église romaine
dans ses docteurs, conciles et papes, et concluait,
sous ce triple aspect, à la solidité
d'une foi fondée sur la Bible
elle-même, invariable Parole de
Dieu.Écrit dans un style vivant, facile,
entremêlé de récits
intéressants, ce livre, bien que
composé à la hâte,
méritait d'être
considéré, par son érudition
consciencieuse et étendue, comme un manuel
clair et pratique de la foi biblique.
La foi
à l'autorité de
l'Evangile
Malan eut l'occasion de
rééditer plus tard, bien des
fragments détachés de ce
sérieux ouvrage. Entre temps, il
répondit aussi à des attaques
diverses d'un catholicisme agressif par divers
traités :
- « Réponse à un
catholique de Versoix (1843).
- La foi primitive et les sectaires
(1845).
- Réponse amicale d'un vieux
soldat de l'Évangile (1846).
- Ce qu'on nomme nos
préjugés contre le papisme, c'est
notre foi de coeur à la Bible (1813). »
Sans cesse, pourtant, Malan
s'efforçait-il de ramener constamment la
question sur le seul terrain dans la foi à
l'autorité de l'Évangile. Cet effort,
sensible dans l'ouvrage analysé plus haut
(« Pourrai-je entrer... »), l'est plus
encore dans ses « Questions d'un Genevois
» (1844) et dans son « Manuel du vrai
protestant » (1845). Celui-ci était un
petit catéchisme de controverse populaire,
s'appuyant sur l'autorité des textes de
l'Écriture, et destiné surtout aux
évangélistes et aux
colporteurs.
Les
traités de la Grâce
Mais c'est dans ses traités,
presque tous composés en vue des
catholiques, que Malan apparaît surtout comme
le missionnaire et le prédicateur de la
grâce. Les premiers traités : Germain
le Bûcheron, la Valaisanne, les Petits
marchands de figures de plâtre, l'Épi
glané, Ce que Dieu garde est bien
gardé, sont tous des récits de
conversations avec des catholiques. Parmi ceux. des
dernières années : La Vraie Croix
(1837), Vendelin (1844), les Grains de
Sénevé (6e volume), étaient
spécialement destinés à
l'évangélisation des catholiques. Des
évangélistes italiens
signalèrent les deux traités : La
Vraie Croix et la Valaisanne comme un des moyens
les plus féconds dont ils aient
disposé pour l'évangélisation
de leur pays.À qui voudrait dégager,
en un manuel simple et pratique, les principes
d'une efficace évangélisation des
catholiques, nous conseillerions de consulter la
riche collection des traités de César
Malan.
En dehors de cette activité
littéraire à double objectif
précis, Malan ne perdit aucune occasion
d'être utile à ses contemporains en
travaillant, par l'écrit, au salut de leurs
âmes. Ainsi naquirent une foule d'ouvrages
qu'il serait trop long de détailler ici.
L'amour de la Vérité s'y montre
inséparable d'une ardente compassion pour
les âmes.
Vignettes parlantes
En mai 1835, il avait publié la
1re Édition des « Vignettes parlantes
», recueil. de quatrains pour les enfants,
ornés de dessins dus à sa plume qui
sont des chefs-d'oeuvre de finesse.
Recueils
divers de cantiques
C'est de la même année que
datent « les Chants d'Israël »,
traduction en vers des Psaumes de la Bible. En 1824
déjà, Malan fit paraître,
à titre d'essai, une première
livraison de cet ouvrage, contenant les 50 premiers
Psaumes. Mais le succès qu'avaient alors
partout ses Cantiques relégua dans l'ombre
ce nouveau recueil. Les 150 psaumes publiés
en 1835 devaient être encore moins
remarqués. Sur le conseil de quelques amis,
Malan abandonna le langage
évangélique dont il avait
enveloppé les pensées du psalmiste
pour en revenir strictement aux expressions
mêmes de l'Ancien Testament. Ce genre fut peu
goûté des chrétiens d'alors et
ceux de ses psaumes qui ont été
adoptés dans les recueils appartiennent,
presque tous, à l'Édition de 1824 :
Ps. 24° : « L'Éternel seul est
Seigneur... »
- Ps. 27 : L'Éternel seul est ma
lumière... »
- Ps. 34e : « Oui, je
bénirai Dieu tout le temps de ma vie...
»
Chants
de Sion
En 1836, parut un petit volume : «
Nouvelles Histoires et Nouveaux Chants », dont
la première (Le Mystère) fut
très remarquée. La même
année, Malan groupa 300 cantiques sous le
titre de « Chants de Sion », dont; il
publia la dernière réédition
en 1815.
C'est à propos de ces cantiques
que le professeur Pédézert put
écrire, à la mort de Malan : «
Malan fut le poète populaire du
Réveil religieux en Suisse et en France.
Vinet nous a donné de la poésie
seulement; Ami Bost nous a laissé de la
musique seulement; César Malan nous « a
donné les deux : «Chants de Sion
», avait-il écrit sur son volume ; il
aurait pu écrire, à l'avance : «
Chants chrétiens ». C'était leur
vrai titre. S'il m'était permis de
détourner un peu le sens d'une parole
biblique, je dirais « que, quoique mort, Malan
chante encore parmi nous; il chante pieusement dans
le coeur et par la bouche de beaucoup de
fidèles. »
C'est l'année suivante (1837),
qu'il' publia la première édition de
ses Chants pour écoles, sous le titre :
« Soixante chants et chansons pieuses. »
- « Votre âge est aimable et gai »,
disait l'auteur dans une préface
adressée aux enfants, « et notre bon
Dieu, qui vous a donné la voix comme
à l'oiseau son joli ramage, vous dit de
l'employer à le louer. Aussi ne sont-ce pas
des chants frivoles que j'ai composés pour
vous. Je vous dédie ce livre avec la plus
sincère et la plus tendre affection; et
c'est à Jésus, qui se nomme
Lui-même le Bon Berger, que je vous
recommande comme les agneaux du troupeau qu'il
paît... »
Leurs fraîches et charmantes
mélodies, leur expression candide de
confiance et la simplicité des paroles,
assurèrent à ce recueil un
succès de popularité que
justifièrent plusieurs
rééditions. La dernière, par
les soins de l'auteur, date de 1853 et contenait
127 chants.
MALAN ARTISAN: UN ROUET ENTIEREMENT
FACONNE PAR LUI
Puissance de
travail de Malan
C'est en étudiant les conditions
de parution de la première édition
que l'on saisit, sur le vif, l'extraordinaire
puissance de travail de César Malan. Sa
femme lui avait demandé des chants pour son
école. On n'en possédait que
quelques-uns en manuscrit, déjà
composés pour ses enfants à diverses
époques. Sans rien dire ou promettre, Malan
se mit aussitôt à l'oeuvre, et, comme
il en avait l'habitude lorsqu'un travail
l'absorbait, il défendit absolument sa
porte. Au bout de six semaines d'une
réclusion qui n'avait été
interrompue que pour la prière de famille et
les devoirs du ministère, il descendit un
matin dans la salle à manger où il
n'avait pas paru pendant tout ce temps. Posant
alors sur la table le manuscrit des Soixante chants
et chansons, avec leur mélodie, il dit
à sa femme, devant toute la famille : «
Ma chère Jenny, voici ce que notre bon Dieu
m'a donné pendant ces six semaines.
»
Pour donner aux cantiques de Malan leur
véritable valeur il faut se rappeler qu'il
n'existait - lorsqu'il les a écrits - que
fort peu de cantiques. Un témoin de ces
temps écrivait : « On chantait - et
fort mal ! - à Genève, les psaumes
arrangés et maltraités de Goudimel et
autres; les mélodies en étaient
belles mais on les chantait lugubrement et
solennellement. » C. Malan voulut doter sa
petite communauté et l'école
enfantine fondée par sa femme de cantiques
plus vivants, plus entraînants et plus
vibrants de vie intérieure. Il en a trop
composés, sans se douter qu'on les
chanterait ailleurs que dans sa chapelle. Les
paroles n'en sont pas toujours de la plus haute ou
sublime poésie, mais tels qu'ils sont, ils
ont nourri bien des âmes simples et profondes
et ont certainement ajouté à
l'affectueuse vénération dont ce
serviteur de Dieu et son souvenir ont
été l'objet. Peut-être ces
cantiques paraissent-ils maintenant inadmissibles
dans les nouveaux recueils où la culture
esthétique l'emporte parfois sur le sens
spirituel ! Tels qu'ils furent composés et
chantés, ils expriment pourtant une
époque, un climat spirituels où
triomphait l'amour de Christ : cela seul justifie
le crédit qu'ils ont
mérité.
Le
traité sur le vrai bonheur
Jusqu'en 1861, Malan publia encore une
douzaine de traités. Il en composa la
plupart pour l'Amérique, où il avait
trouvé, à la fin de sa vie, un public
avide et attentif. L'un des plus remarqués
et des plus efficaces auprès des milieux
aisés auxquels il était
destiné, s'intitulait :«
Êtes-vous heureux, mais pleinement heureux ?
sincères aveux de quelques amis. » Les
derniers de ces messages, écrits quelque
temps avant sa mort, soumettaient aux âmes
cette question capitale « Votre nom est-il
écrit au livre de vie ? » - «
Où irai-je après ma mort, sera-ce au
ciel ? »
Dernier cri d'alarme d'un témoin
de la Grâce, qui avait vécu les yeux
fixés au Ciel, aimant, sans le voir encore,
Celui que la Grâce avait donné comme
Sauveur-Éternel à son âme de
pécheur. Mais cette foi intense était
doublée d'une immense charité pour
les brebis qui n'avaient pas encore rejoint le
bercail et le Berger : c'est à les
rechercher inlassablement que Malan voua toute sa
vie de missionnaire par la parole, le chant et le
traité.
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