Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



Parcours féminins



Un dimanche et trois ménages
(suite)
(Concerne Zoé Giraud)

 

En allant vers la maison de Zoé, le coeur d'Anne-Laure s'élevait vers Dieu pour lui rendre grâce. Quels progrès chez Melissa, et surtout quel aplomb, quelle fermeté, heureusement mêlée de douceur chez son mari ! Celui-ci parlait moins qu'elle, il était plus introverti peut-être, mais on sentait en lui une foi plus solide, on sentait qu'il avait vécu beaucoup d'expériences chrétiennes et qu'elles avaient produit leurs fruits.

Puis la pensée d'Anne-Laure se reporta sur Zoé. A peine conservait-elle un vague souvenir du maraîcher qui venait chaque vendredi après-midi sur la place. Il lui semblait pourtant qu'il s'agissait d'un homme aisé d'une cinquantaine d'années.

Une villa se présenta devant elle, elle passa par l'imposant portail en fer forgé et entra dans la cour. Le premier aspect ne lui plut qu'à demi. Cette cour, très vaste, était le lieu d'un musée en plein air. Il y a fait un certain nombre de statues, d'un goût douteux, copiant des figures et autres prêtresses de l'antiquité. On se serait cru dans un piètre décor rappelant la Grèce antique.

Un homme âgé arriva par l'arrière de la maison.

- Eh! là, qu'est-ce que vous faites chez moi ?

Puis il arrêta ses petits yeux fins sur Mme Vivien.

- Je viens voir Zoé Magneaux qui a épousé Robert Giraud, dit celle-ci.

- Ma femme ? demanda cet homme aux traits bourrus. Zoé ! Zoé ! Entrez dans la maison, Madame.

Et l'homme s'en retourna par où il était venu, sans accompagner Anne-Laure jusqu'au seuil de la maison.

Anne-Laure, le coeur serré, s'avança vers Zoé qui venait au devant d'elle. Celle-ci la reconnut immédiatement, mais elle la salua avec une certaine réserve. Après les premières salutations, Zoé l'invita à entrer.

La salle à manger dans laquelle Zoé conduisit Anne-Laure lui parut meublée avec un goût qui la surprit; on n'y remarquait ni ordre, ni souci de la propreté. Il y avait là une collection de bibelots en tous genres, et une couche de poussière recouvrait les étagères et meubles surchargés d'objets inutiles et clinquants.

Les vêtements de Zoé contrastaient avec un tel entourage; ils étaient très élégants, et chaque pièce indiquait une vanité déplacée.

- Te voilà donc riche ! dit Anne-Laure avec un soupir.

- Oui, si on veut, répondit Zoé d'un air dépité.

- Et tu es.... heureuse ?

Zoé pinça les lèvres, haussa les épaules et murmura :

- Y a-t-il du bonheur pour quelqu'un, en ce monde ?

- Pauvre Zoé ! murmura Anne-Laure.

Zoé détourna la tête, mais garda son allure fière et contenue. Il y eut un silence, et Anne-Laure comprit que Zoé n'était pas disposée à lui ouvrir son coeur. Elle s'approcha d'une tablette sur laquelle on voyait quelques magazines.

Anne-Laure lut les titres : Femmes à la mode ... Beauté et Santé ... Nouvelles de Stars !

Zoé haussa de nouveau les épaules.

- Et ton mari, que lit-il ?

- Robert est un lecteur, tu sais. Il n'en a pas l'air, mais il connaît beaucoup de choses. Tiens, dernièrement, il me disait qu'il appréciait beaucoup les écrits de Voltaire.

- Oui, je vois. Il aime ce qui s'oppose à la vraie connaissance. Mais à côté de ce poison, ne lit-il pas l'antidote ? Ne l'as-tu pas invité à lire la Bible ?

- Robert est agnostique.

Ces paroles furent dites assez bas, quoique sèchement.

Anne-Laure se tut.

- Et vos enfants ? demanda-t-elle après un instant de réflexion pénible.

- Nous avons deux garçons.

- Oh! Zoé! s'écria involontairement Anne-Laure. Mais elle sentit que le temps des reproches était passé, que le temps de la confiance n'était pas encore venu, et elle essaya de causer avec Zoé sans plus la froisser. Elle espérait l'attirer à elle par son affection, et sinon, remédier au mal, du moins en prévenir quelques-unes des suites.

- Tes enfants vont-ils à l'école ?

- Oui, et, dès qu'ils le peuvent, leur père ne manque pas de les enrôler pour un coup main dans son travail.

L'aîné est passionné par les bateaux, et tout ce qui concerne la mer d'ailleurs. Il aime l'école, et il a déjà le caractère astucieux. Comme il n'aime pas trop le travail de son père, il ne manque pas une occasion de se défiler pour se plonger dans ses livres. Le second, Jérôme, n'aime ni le travail avec son père ni les livres ; lui, c'est un étourdi, un gamin dont on ne sait que faire ! Et Zoé sourit avec une sorte de complaisance.

Anne-Laure aurait bien voulu dire un mot, éclairer Zoé sur l'importance d'une bonne éducation, mais ce n'était pas le moment.

- Tu as là une belle villa, Zoé.

- Oui, si on veut, mais c'est grand à entretenir.

- Tu ne manques donc pas de travail !

- Je ne peux pas tout faire, interrompit assez sèchement Zoé, quand on doit, seule, s'occuper de deux gamins et en plus aider son mari sur les marchés. Je n'ai pas beaucoup de temps à moi, et ce travail de maraîcher est très dur, je m'y abîme les mains.

- Est-ce que je peux voir ton jardin, demanda Anne-Laure.

- Oh! Tu sais, il n'y a pas grand chose à voir.

Elle conduisit Anne-Laure dans une parcelle entourée de sapins, où l'on ne voyait autre chose, en effet, que des jouets éparpillés ici et là.

C'est alors que Monsieur Giraud arriva.

- Ah ! dit-il abruptement, vous êtes donc la dame qui a enseigné Zoé de bondieuseries !

Zoé serra les lèvres, en jetant un regard noir à son mari, et Anne-Laure dit doucement:

- Monsieur Giraud, ce que vous appelez « bondieuseries » n'est rien de moins que l'amour de Dieu révélé aux hommes pour leur bonheur.

- C'est bien, ça, répliqua Giraud; par exemple, je vous le demande, Madame, à quoi sert la Bible quand on voit le nombre de guerres de religion qui se sont déroulées dans la chrétienté ? Ne vaudrait-il pas mieux jeter tout cela au feu, plutôt que de brûler des hommes qui ne pensent pas comme l'église.

Zoé redressa la tête et se renferma dans un silence dédaigneux.

- En tous cas, il est une chose que j'approuve dans votre Bible, reprit Monsieur Giraud, d'un ton goguenard. C'est quand vous dites qu'il ne faut pas chercher à s'habiller somptueusement. C'est la seule chose que j'aurais aimé que Zoé retienne de vos enseignements. Malheureusement pour mon portefeuille, elle a pris une toute autre direction dans ce domaine. C'est plutôt à qui dépense plus en toilettes avec quelques-unes de ses amies. C'est que l'argent, cela se gagne difficilement, et il n'est pas question de le gaspiller.

A ce moment, on entendit un cri plaintif. Jérôme Giraud, qui avait attrapé un oiseau qu'il étouffait involontairement dans ses mains, entra dans le jardin suivi de son frère. Ce dernier marchait tête basse, l'air doux et rusé.

- Jérôme, s'il te plaît, dit Anne-Laure, tu peux libérer cet oiseau ? Il souffre.

- Bah ! C'est trop tard, dit son père, donne-le au chat et que cela finisse !

- Non, répliqua l'enfant.

- Vas-y, cria Monsieur Giraud, ou je vais le faire, moi !

Jérôme d'un saut se mit hors de la portée de son père.

- Jérôme ! Donne-le moi, je vais le remettre dans son nid, fit alors l'aîné en se rapprochant. Il n'y avait que onze mois de différence entre eux deux.

Le plus jeune ouvrit sa main à contre coeur. Son frère saisit alors le malheureux petit animal, et il courut exécuter l'ordre de son père plutôt que de remettre l'oisillon dans son nid, comme il venait pourtant de le promettre.

- En voilà un, s'écria Monsieur Giraud avec orgueil, en voilà un qui fera son chemin ! Il n'a pas l'air comme cela, mais il est sournois !

- C'est le portrait de son père, dit Zoé d'un ton acerbe.

- Tout comme Jérôme est celui de sa mère ! répliqua Robert Giraud.

- Monsieur, interrompit Mme Vivien qui avait hâte de mettre fin à cette discussion. Monsieur Giraud, croyez-moi, ne permettez pas à vos enfants d'être cruels ; on offense Dieu en faisant inutilement souffrir ses créatures, et puis le coeur s'endurcit, il prend du plaisir au mal et cela se retrouve plus tard.

Giraud ne répondit pas.

- Vos enfants vont à l'école, Monsieur Giraud ?

- Oui bien sûr, il faut qu'ils sachent lire et compter. C'est comme cela qu'ils apprendront à gagner dans la vie, gagner de l'argent mais aussi un esprit critique pour qu'ils ne gobent pas n'importe quelles âneries, qu'elles viennent d'un vendeur d'assurances ou d'un prêtre.

- Il se peut, reprit Mme Vivien qui se contenait pour ne pas répondre plus vivement, que l'instruction développe un esprit trop critique, ce qui provoque un effet nocif pour l'équilibre des enfants.

- Ne croyez pas cela ! On ne saurait trop les mettre en garde contre les arnaqueurs en tous genres, qu'ils soient du commerce ou de la religion.

- Ah ! Monsieur Giraud ! Je vous trouve désobligeant. Vous pourriez être plus délicat, reprit calmement Mme Vivien.

- Oui, oui... sans doute. Mais voyez-vous, Madame, j'ai souffert d'un enseignement religieux toute mon enfance. Ma mère a trop essayé de m'embrigader dans la religion pour que je ne sois pas si direct aujourd'hui.

- Vous, au moins, vous avez choisi en connaissance des faits, tandis que vos enfants sont ignorants de ce que vous nommez « religion ». Il y a là un déséquilibre. Ils n'ont pas les mêmes cartes en main que vous au même âge. Ils ne peuvent prier un Dieu qu'ils ignorent.

- Je vous arrête; il n'y a pas de « faits » mais plutôt des balivernes. Vous croyez, Madame, que c'est en les faisant prier chaque soir qu'ils vont devenir plus aptes à distinguer le faux du vrai. Non ! Ils prieront plus tard, s'ils le veulent, mais pas tant qu'ils seront sous mon toit.

- Monsieur Giraud, quand ni l'enfance, ni la jeunesse, ni l'âge mûr n'ont prié... la vieillesse risque fort de n'en rien faire. Pourtant l'éternité est là. Et lorsque la mort vient inéluctablement frapper à la porte, heureux alors, Monsieur Giraud, heureux ceux qui ont trouvé leur Sauveur en Jésus Christ; il les couvre de sa justice.

Le maraîcher regarda d'un autre coté pour cacher peut-être son embarras, peut-être un sourire d'incrédulité. Zoé, qui jouissait de voir son mari aux prises avec aussi fort que lui, devint très sérieuse aux derniers mots d'Anne-Laure.

- L'heure avance, dit celle-ci, j'ai encore une visite à faire.

- Cela tombe bien, je dois retourner au travail. C'est que la marchandise,c'est délicat. Zoé, quand tu auras raccompagné Madame, tu viendras m'aider à nettoyer les caisses et à trier les fruits. Le temps, c'est de l'argent ! Ne traîne pas pour me rejoindre, comme d'habitude.

Zoé, blessée de ces paroles devant Anne-Laure, s'aperçut de la tristesse que causait à sa visiteuse cette violation du dimanche. Aussi s'essaya-t-elle à présenter un semblant de justification.

- Anne-Laure, murmura-t-elle, on mange le dimanche comme les autres jours... il faut bien travailler aussi, même si je n'ai pas envie de le faire.

- Chère Zoé, tu connais ce que Dieu demande. Alors, je ne vais pas te faire la leçon. Dieu honore ceux qui l'honorent. En changeant de sujet, est-ce que tu as encore ta Bible ?

- Non, répondit Zoé, un peu confuse, je l'ai laissée chez ma mère.

- Tiens, continua Anne-Laure, en tirant un livre de sa poche, c'est un évangile, je te le laisse en espérant qu'il vous sera en bénédiction.

- Tu sais, reprit Zoé, mon mari ne le lira pas, il n'entend rien à la Bible.

- Lis-le d'abord, pour ton mari cela viendra ensuite, si tu reviens de tout ton coeur à Dieu !

- C'est trop tard pour moi, je n'ai plus de plaisir à lire la Bible, répondit tristement Zoé, les épaules baissées.

- Tu diras au revoir à ton mari, dit Anne-Laure arrivée au portail. Zoé, ajouta-t-elle avec un accent de tendre compassion, je n'ai aucune rancune contre ton mari, je suis simplement triste pour vous. J'aimerais que tu viennes me voir, cela me ferait tant plaisir. J'habite au 54 de la rue du Conroye. Ma porte t'est toujours ouverte.

- Oui, Anne-Laure, répondit Zoé, sans qu'il y eût plus rien de hautain ou de sec dans sa voix.

Anne-Laure s'éloigna de cette villa son coeur plus serré qu'à l'arrivée. Elle suppliait le Seigneur de secourir la malheureuse Zoé qui avait fait naufrage, d'éclairer son mari sur la véracité et la puissance de l'évangile, de sauver leurs pauvres enfants placés entre les fatales erreurs de la philosophie, de l'indifférence, de l'incrédulité et de l'appât du gain.


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