Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



Parcours féminins



Un dimanche et trois ménages
(suite)
(Concerne Patricia Maillard)

 

Mme Vivien retourna vers la route qui mène à Solre-sur-Sambre, elle n'eut pas de peine à trouver la maison de Patricia Maillard. C'était un bar-tabac que lui avait indiqué Melissa. A dix mètres, on entendait déjà les cris des joueurs, car c'était aussi un centre de pari pour les courses de chevaux. De près c'était bien pire, au milieu du tumulte on distinguait des jurements et des imprécations. Une forte odeur de fumée, de tabac et d'alcool s'exhalait de l'habitation, et l'on voyait aux fenêtres, devant la porte, des figures hébétées par l'ivresse ou bouleversées par la passion du jeu.

Un instant, Anne-Laure hésita à entrer.

- Je pourrais revenir demain, se dit-elle, cependant mon arrivée en ce jour où Patricia viole évidemment les commandements de Dieu, la frappera peut-être à salut. Allons!

Et franchissant le seuil de la porte, elle s'avança dans la pièce enfumée.

Dans cette salle où des joueurs et des buveurs s'adonnaient à leurs vices, une grande femme, qui ne se distinguait pas des autres occupants de la pièce, un tablier d'une blancheur douteuse devant elle, l'air joyeux mais d'une joie hardie, s'avança à la rencontre de Mme Vivien. Il faisait un peu obscur.

- Patricia ! dit Anne-Laure, c'est moi, c'est Mme Vivien, je viens te voir.

- Ah! s'écria Patricia, enchantée de te revoir, viens par ici. Elle l'introduisit dans un petit salon où se querellaient un garçon de sept ans et sa soeur de six ans à peu près.

- Taisez-vous, les enfants!

Et les enfants crièrent de plus belle.

- Attention à la fessée !

Les enfants se turent, on s'assit.

- Anne-Laure, dit Patricia d'un ton familier, tu me vois aussi heureuse que je puis le désirer. J'ai un bon mari, un bon commerce qui tourne bien, des enfants en bonne santé bien qu'ils soient de vrais petits démons!

- Je vois, Patricia, interrompit Anne-Laure avec douceur, je vois que tu as un peu oublié nos conversations du dimanche.

- Oh ! La vie ne va pas toujours comme on veut. J'ai fait de mon mieux, aussi bien que je pouvais, et pour le reste on s'accommode.

Soudainement, la petite fille, qui jouait avec un verre de bière oublié sur la table le laissa tomber. Le verre se brisa, Patricia s'élança sur l'enfant et la gifla sèchement.

- C'est un accident, dit Anne-Laure, elle ne l'a pas fait exprès.

- Voilà encore un verre qu'elle me perd ! s'écria Patricia en se contenant mal devant Anne-Laure.

- Elle t'en aurait fait perdre dix, reprit Anne-Laure, que la faute n'en serait pas plus grave. Si elle avait désobéi, menti, je comprendrais une punition sévère, imposée avec calme et sans emportement toutefois; mais la punir pour une maladresse, c'est fausser, il me semble, ses idées et sa conscience.

- Bon ! répondit Patricia, qu'est-ce que ça lui fait, à cette petite chipie ? Elle n'y pense plus. Quoi qu'il en soit, tout va bien, notre commerce réussit et mon mari est un homme comme il faut. Nous nous convenons. Nous nous entendons avec nos voisins. Nous ne donnons pas dans la bigoterie, c'est vrai, mais nous ne vivons pas comme des païens, non plus! enfin, on suit sa religion.

- Lis-tu la Bible avec ton mari ? demanda simplement Anne-Laure.

- Ah ! Pour cela, non ! Charles croit qu'il y a un Dieu, et puis c'est tout. Je lui ai parlé un peu de religion au début de notre mariage, mais il riait, cela ne l'intéressait guère, et je l'ai laissé tranquille.

- Et toi, Patricia, lis-tu la Parole de Dieu ?

- Oui.... c'est-à-dire.... quand je le peux.... on a pas mal de travail.

- Prie-t-il ? Priez-vous ensemble ?

- Oh! « QUI TRAVAILLE PRIE », voilà notre devise à nous. Et nous nous en sortons bien ainsi.

- Patricia ! Tu sais pourtant que Dieu nous demande de prier en tout temps, sans cesse. Nous ne voyons nulle part dans la Bible que travailler revient à prier. L'action et la supplication restent deux choses distinctes qui ne peuvent se suppléer l'une l'autre, et Dieu, sois-en sûre, ne les prendra jamais l'une pour l'autre. L'homme peut tromper sa conscience, il ne donnera pas le change à Dieu. Encore une question, Patricia, enseignes-tu à tes enfants les vérités de l'évangile ?

- Si je n'avais pas autant de travail, et surtout le dimanche, reprit Patricia avec une aisance affectée, je le ferais avec régularité. Plus tard peut-être !
v- Et cette négligence ne t'éclaire pas ? Ce fait seul, ma pauvre Patricia, ne te montre pas que tu es en contradiction avec Dieu ?

- Oh ! reprit vivement Patricia, Dieu sait bien de quoi nous sommes faits.

- Oui, et ce Dieu qui sait de quoi nous sommes faits a dit « Poursuivez la sainteté, sans laquelle personne ne verra le Seigneur » (Hébreux 12 :14).

Ici les cris des enfants redoublèrent.

- Victor, emmène ta soeur, dit Patricia, qui n'était pas fâchée d'interrompre ces citations désagréables.

L'enfant ne bougea pas d'un pouce.

- Victor! Veux-tu obéir?

Victor fit signe de la tête que non.

- Je vais appeler ton père !

- Papa ! dit le petit garçon en imitant la démarche d'un homme ivre, voilà comment il fait, mon papa !

- Ce petit serpent a de l'esprit comme quatre ! s'écria Patricia en riant aux éclats. Aussi, on en fera un avocat, un médecin, quelque chose enfin ! Il a trop de moyens pour rester dans ce trou.

Punir sévèrement un enfant pour des fautes qui n'en sont pas, ne pas punir la désobéissance, ni le manque de respect filial, le gâter et en faire un petit despote; le préparer ainsi à satisfaire un jour ses plus déraisonnables caprices, et puis couronner l'oeuvre en excitant son orgueil , voilà l'éducation des gens du monde, voilà bien cet arbre gangrené jusque dans la racine, dont les âpres fruits remplissent d'amertume la bouche de ceux qui n'ont pas voulu ni le cultiver ni le greffer à temps.

Un homme obèse au visage enflammé entra à cet instant.

- Allons, chérie, allons, et les bouteilles que je t'avais demandées ! On manque de vin là-bas !

- Charles, voici Madame Vivien dont je t'avais parlé. T'en souviens-tu ?

Ce nom réveilla dans l'esprit obscurci de Charles un vague souvenir de religion.

- Madame Vivien, oui. Sachez que je ne suis pas un « sans religion », je crois en l'Etre suprême. Je ne fais de tort à personne, et je n'ai peur de rien ! Pas même de ma femme, s'esclaffe-t-il d'un rire gras.

Anne-Laure se leva. Sa gêne devant une telle scène l'eût portée à garder le silence, mais une irrésistible force poussa ces paroles sur ses lèvres: « Craignez celui qui peut détruire et l'âme et le corps,.... oui.... craignez celui-là » (Matthieu 10:28).

- Madame, je suis un enfant de l'église ! Ça se dit comme ça. Mais cela ne m'empêche pas d'être un bon vivant, de profiter de la vie, des dons de Dieu. Demandez à ma femme...

Une plus longue visite aurait été déplacée. Dieu seul pouvait parler à ces coeurs.

Anne-Laure sortit.

- Patricia, viens me voir. J'habite à la rue du Conroye, au numéro 54.

- Oui, bien sûr ! mais le travail n'attend pas. En plus, il faut garder mes enfants, et je ne sais si je pourrai profiter de ton invitation.

- J'espère de tout coeur que tu prendras le temps, répondit Anne-Laure en quittant ce lieu qui l'insupportait.

Patricia retourna à son activité, et Anne-Laure entendit de grands éclats de rire retentir dans le café.

Pauvre Patricia, ainsi qu'elle se le promettait auparavant, elle avait épousé un bon mari, un homme qui, se cachant à lui-même son incrédulité sous une morte foi en Dieu, ne professait d'autre religion que la religion du plaisir. Elle avait passé par tous les degrés du refroidissement spirituel, et maintenant, abandonnant même les apparences les plus extérieures de la piété, elle en était venue à ce point que, dans sa vie, il ne restait rien qui pourrait lui rappeler à elle ou à d'autres, qu'elle faisait encore partie d'une communion chrétienne.

Patricia se croyait unie à son mari par une grande affection. Hélas ! Une légèreté et des défauts pareils ne rapprochent pas les époux comme le ferait une véritable tendresse, et encore leur habitation retentissait-elle parfois de bruits de querelles, qui n'indiquaient pas une parfaite unité intérieure. Mais « on s'aime mieux après l'orage qu'avant », disait Patricia. L'illusion de la jeunesse, un fond de bonne humeur, une certaine prospérité matérielle, l'agitation au milieu de laquelle vivaient les deux époux, tout cela les aidait à se croire heureux d'un solide bonheur, tout cela les empêchait d'entendre les murmures d'une conscience qui ne parlait plus bien fort.

- J'en ai peut-être trop dit, pensait Anne-Laure en retournant tristement chez elle, peut-être pas assez. J'ai manqué d'amour et de courage aussi ! Mon Dieu, aie pitié d'eux et de moi.

Et elle rentra dans son chaleureux foyer, absorbée par ce profond sentiment de sa propre faiblesse, de sa propre infidélité, qui poursuit le chrétien jusque dans les manifestations mêmes de son amour pour Dieu.


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