Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



Parcours féminins



Le sarment émondé
(Concerne Melissa Stiévenart)

 

Peu de jours après le mariage de Justine, Mme Vivien reçut une visite de Melissa.

Anne-Laure vit immédiatement qu'il y avait un problème. Le visage de Melissa était méconnaissable.

La jeune femme fondit en larmes en disant:

- Dieu vient de nous reprendre notre petit Paul. Je ne comprends pas !

- Que s'est-il passé ? interrompit Anne-Laure, choquée de cette affreuse nouvelle.

- Il jouait paisiblement dans le jardin quand il a glissé sur un petit muret. Il s'est tapé la tête et ! Oh non ! C'est trop dur !

- Je comprends, reprit Anne-Laure qui entourait Melissa de ses bras et de toute son affection.
- Je ne pense pas que tu puisses comprendre, sanglotait Melissa.

- Détrompe-toi, nous avons perdu, il y a bien longtemps maintenant, notre seul enfant ! répondit Anne-Laure à son tour dans les larmes.

- Oh ! Excuse-moi, je ne savais pas.

- Ce n'est rien, cet enfant bien-aimé est avec le Sauveur, et ton petit Paul est maintenant aussi dans la présence du Sauveur.

- Chère Anne-Laure, poursuivit Melissa qui avait beaucoup de peine à ne plus pleurer, nous savions, Loïc et moi, que nous aurions des afflictions dans ce monde. Nous cherchions à remettre au Seigneur la vie de nos chers petits. Ce n'est pas parce que nous étions heureux que nous ne nous préoccupions pas de tels sujets. Nous avons prié chaque jour pour leur sécurité et le salut de leur âme. Mais malgré cette préparation, je suis outrée de ce deuil ! Dieu n'aurait-il pas pu retenir la mort dans son oeuvre destructrice ? Je me croyais forte, je me croyais pleine de foi ! mais là, c'est trop pour mon coeur de maman. Je sens que je me révolte contre le sort, contre Dieu même !

- Ah ! Mon enfant, interrompit Anne-Laure qui n'avait que ses bras pour consoler son amie.

Les mots paraissaient si peu appropriés en ce moment. Ils collaient à son palais, et sa gorge serrée ne pouvait les pousser à sortir.

- Loïc m'a dit que c'était la volonté de Dieu, qu'il fallait l'accepter, mais moi, je ne veux pas ! Non ! C'est trop injuste ! cria Melissa toute tremblante.

- Seigneur, avec l'épreuve, donne-leur la force ! murmurait Anne-Laure.

- Ma belle-mère, dont Paul était le préféré, s'abandonne à un désespoir violent, poursuivait Melissa, qui ne semblait pas écouter ce qu'Anne-Laure pouvait dire. Elle est aussi révoltée, elle ne comprend pas que Dieu l'ait punie ainsi. Elle se demande quelle faute elle a bien pu commettre pour mériter une telle souffrance. Loïc a bien essayé de lui parler, mais elle ne veut rien entendre. Elle m'en veut aussi d'avoir laissé Paul dans le jardin, de ne pas l'avoir assez surveillé. C'est devenu intenable à la maison ! Ma belle-mère pousse des cris, et elle est très amère dans ses réflexions.

Anne-Laure consola tant bien que mal Melissa, et la ramena chez elle.

L'ensevelissement eut lieu trois jours plus tard. C'était un vendredi matin. Une grande foule s'était déplacée jusqu'au funérarium. Et Monsieur Vivien y tint un discours à l'attention de la famille et de tous ceux qui étaient venus marquer leur sympathie. Cela avait été un grand sujet de discorde que celui-là. Comment un étranger, de surcroît non ecclésiastique, avait-il la priorité sur la famille ? La mère de Loïc avait été outrée, mais trop abattue pour résister.

Daniel Vivien ouvrit sa Bible, et, fixant du regard l'assistance, il y dit d'un ton solennel: « Christ a détruit la mort », « La mort a été engloutie en victoire » ; « Où est, ô mort, ton aiguillon? Où est, ô mort, ta victoire ? » (1 Corinthiens 15:54-55).

Les auditeurs étaient médusés de l'assurance avec laquelle cet homme prononçait de telles paroles qui semblaient déplacées dans cette circonstance. L'enfant était bien mort, et voilà que l'on leur parlait de victoire. « Où est donc cette victoire ? » se dirent plusieurs.

Daniel poursuivit par un appel retentissant. Il invitait toute l'assistance à venir au pied de la croix où Christ avait donné sa précieuse vie. C'est là, dans la mort du Sauveur, que la vie était promise. Mais Christ était ressuscité 36. Il avait vaincu la mort, si bien que tous ceux et celles qui placent leur confiance en son oeuvre sont assurés de recevoir la vie pour l'éternité.

« C'est une assurance déjà pour le présent et le futur, et non un espoir incertain. Oui ! Celui qui ferme les yeux en Christ est vivant aux siècles des siècles. 37

Jésus était venu pour sauver ce qui était perdu (Matthieu 18 :11), et Paul était au nombre de ceux pour qui Jésus a donné sa vie. Il n'y avait pas de doute là-dessus. Ce n'est qu'un corps que l'on dépose en terre, l'âme de ce cher petit Paul est avec son Sauveur, car bien qu'il fût jeune, il connaissait déjà Jésus, et il l'aimait de tout son coeur ».

Daniel termina par quelques mots aux parents et aux soeurs de l'enfant. Il sut quelque peu les consoler avec la Parole de Dieu, tandis que la belle-mère de Melissa se cuirassait dans sa douleur tout en se fermant à l'évangile.

Loïc se montra fort, du moins en façade, pour ne pas rendre les choses plus difficiles pour les siens. Et les jours qui suivirent furent bien sombres. Toutefois, Dieu sut fortifier Loïc et Melissa dans leur abattement. Il plaça le baume de ses consolations en Christ dans le coeur de cette maman si affligée et lui rendit un peu de joie dans son mari et ses filles.

Mais pour la belle-mère, qui ne s'ouvrait plus à personne et qui refusait les paroles de grâce de Dieu, c'était un enfer ! Elle se mourait de douleurs et de chagrins.

Dieu soutint ce couple et bénit leurs deux autres enfants. Qui d'autre aurait pu leur être en aide ? Certes, Daniel et Anne-Laure priaient et leur rendaient visite plus régulièrement, mais ce genre de peine ne pouvait être partagée ou portée par d'autres.

Jésus se tint donc près d'eux, quand bien même ils n'en avaient pas toujours conscience.

Les divines compassions, à l'égard de ce foyer si durement frappé, se renouvelèrent ainsi chaque jour.


.

La plaie sondée
(Concerne Justine Jaquemin )

 

Six mois s'écoulèrent, et les craintes qu'avait conçues Anne-Laure, au sujet de Bernard et de Justine, se réalisèrent entièrement.

Leurs bonnes résolutions tinrent pendant trois ou quatre semaines. Ils lurent la Parole de Dieu, ils travaillèrent, ils envoyèrent régulièrement leurs enfants à l'école ! et puis, un soir que Bernard rentra tard, il se trouva si fatigué qu'il se coucha sans ouvrir la Bible et sans prier.

Dès ce jour, leur constance s'effilocha, d'autant plus que Justine ne fut pas vigilante pour redresser leurs mains lâches.

Un autre jour, Bernard rencontra quelques anciens camarades qui lui proposèrent de boire un verre. Il céda, passa la journée dans le désordre, revint excité, fut mal accueilli, recommença le lendemain pour punir Justine, et bientôt se dévoya tout à fait.

Justine, de son côté, retournait à la vanité et à la paresse; les enfants, peu ou pas surveillés, ne suivaient plus l'école que de loin en loin. Ils étaient redevenus sales, indisciplinés, insolents. La misère et les mauvaises passions avaient fait leur grand retour dans le ménage. La rechute était complète.

Le couple qui, dans les premiers jours du mariage, soupirait après les visites de Daniel et d'Anne-Laure, parce qu'ils se sentaient soutenus par eux et qu'ils aimaient à leur raconter leurs difficultés, ne les voyaient plus revenir qu'avec ennui. A mesure que l'ancien train de vie avait repris le dessus, ces entretiens leur étaient devenus pénibles. Bernard, qui autrefois avait toujours quelque argument à l'encontre des principes des Vivien, restait muet, ou prononçait à grand peine un « oui ». Justine cherchait à détourner la conversation des sujets sérieux sur lesquels Anne-Laure la ramenait sans cesse, et bientôt tous deux en vinrent à ne supporter leurs amis qu'en raison des secours matériels qu'ils représentaient.

Anne-Laure devinait ce qu'on ne lui disait pas et suivait avec tristesse les progrès évidents du mal. La bonne semence de Dieu était tombée chez Bernard sur un de ces terrains pierreux où le grain lève vite, mais où il sèche, brûlé par le soleil, parce qu'il n'a point de racines. Quant à Justine, elle avait besoin d'une plus forte secousse peut-être pour sentir son péché, et pour se repentir sincèrement et enfin abandonner les péchés qui la maintenaient esclave. La plaie de ces coeurs n'était pas encore sondée.

« Le mariage est honorable entre tous », dit la Bible. Oui, dans le cas du mariage que la crainte de Dieu cimente, et de l'union qui s'appuie sur le rocher des siècles ! Mais dans l'association de M. et Mme Jaquemin, la pensée de Dieu qui, un instant, avait semblé régner, s'était vite amoindrie. Nous l'avons dit, les feuillets de la Bible restaient collés les uns aux autres. Ils ne priaient plus, ils ne cherchaient plus la volonté de Jésus. C'est comme s'ils voulaient oublier les engagements antérieurs pris devant Dieu. Ils étaient revenus au point de départ. Il n'y avait rien de changé pour Justine et pour Bernard dans l'union qui les rapprochait. Ils revivaient les mêmes périodes de paix et de désordre, de bon accord et de querelles, avec un endurcissement, une pauvreté, une dégradation qui allaient croissant.

Si Justine voulait se prévaloir de son titre d'épouse pour réprimer la violence de son mari, que les excès rendaient de plus en plus grossier, Bernard lui rappelait son précédent abaissement, et la traitait avec un dédain qui irritait peut-être plus son orgueil qu'il ne blessait son coeur.

Qu'avait-elle fait pour remonter de la place indigne qu'elle occupait jadis auprès de Bernard, à la place honorée, à la sainte place d'épouse? Quelle différence un homme qui ne jugeait de la valeur des principes que par leurs fruits, pouvait-il établir entre la femme qui se livrait à toutes ses passions en dehors de l'union conjugale, et la femme qui se livrait à toutes ses passions au-dedans ? Point de respect chez l'un, rien de ce qui l'inspire chez l'autre, chez tous deux la domination du péché; telle était leur situation morale.

Dès le matin, Bernard, qui n'aimait pas être chez lui, parce que tout y était en désordre, que les enfants criaient et se battaient, que sa femme le querellait, qu'on n'y avait aucune attention pour lui, aucune soumission à sa volonté, quittait la maison pour aller au bistrot du coin pour se réchauffer, comme il s'exprimait, c'est-à-dire se brûler le sang et s'abrutir en buvant de la bière. Après quoi, il se rendait à son travail, et là, de mauvaises conversations avec ses collègues entretenaient chez lui cette familiarité avec le vice qui gangrène l'âme jusqu'au fond. Souvent, ses camarades lui proposaient une sortie après le boulot. Alors, on ne paraissait pas même à la maison, on visitait les bistrots, les endroits glauques, et la soirée se terminait souvent par d'horribles rixes, conséquences de l'ivresse et de la débauche.

Il arrivait même que Bernard ne rentrait pas pendant quelques jours. Il se rendait directement au travail après ces nuits de délabrement moral et physique.

Quand après un jour, deux jours passés hors de chez lui, Bernard rentrait, dégoûté de tout, se disposant d'avance à tenir tête à sa femme, il trouvait Justine exaspérée. On comprend bien quelles scènes s'ensuivaient.

Avec de l'amour pour Dieu, la douceur et l'ordre seraient rentrés dans le ménage. Justine aurait exercé une salutaire influence sur son mari, car, au fond, il l'aimait. Il avait la conscience de sa faiblesse, et il sentait le besoin d'un appui. Sans doute, aussi longtemps que le péché ne serait pas apparu dans toute sa laideur à Bernard, aussi longtemps que l'affection du Sauveur pour sa pauvre âme souillée ne l'aurait pas pénétré de gratitude, il aurait manqué de persévérance, mais le mauvais exemple de sa femme suffisait à détruire le peu de bonne volonté qu'il avait.

Dans le cas d'une conversion, il aurait peut-être encore fait bien des chutes, mais il n'avait pas l'aide d'une épouse qui lui aurait montré les principes de la foi. Justine n'était pas là pour l'évangéliser par l'exemple, car elle avait elle-même renié Jésus Christ, peut-être pas dans ses paroles, mais bien dans son misérable comportement.

Justine, hélas! ne lui offrait que le spectacle d'une nature asservie par le péché, par ce péché qui la tenait en esclavage. Elle éclatait, il est vrai, en reproches amers lorsque Bernard l'abandonnait pendant des journées entières, lorsqu'il dépensait en mauvais plaisirs un argent péniblement gagné, lorsqu'il brusquait ses enfants. Mais elle était tout aussi coupable. Elle négligeait ses enfants, elle s'achetait des babioles et n'avait plus de quoi se procurer le nécessaire. Elle rêvait à des aventures amoureuses avec des acteurs, et elle se nourrissait de séries télévisées malsaines. Au lieu d'adresser à Bernard des observations calmes et sérieuses, elle se livrait à l'emportement, notamment à cause de la boisson. Elle écoutait les mauvais conseils d'amies le plus souvent oisives, quand elles n'étaient pas corrompues ou méchantes, qui envenimaient le mal en encourageant ses passions.

Elle étalait sa misère au grand jour, sans aucune pudeur. Quel triste spectacle que ces femmes se gavant de détails intimes et de griefs formulés sans aucune retenue !

Les paroles faisaient aussi leurs ravages dans les coeurs des enfants qui ne manquaient rien de ce venin. Ils le buvaient à longs traits, et ils finirent par mépriser leur père, mais aussi leur mère !

Il y avait des moments où Bernard éprouvait de l'horreur pour le genre de vie qu'il menait, où son attachement pour Justine se réveillait tout entier, où il revenait à elle tout doux, repentant, cherchant à entrer dans une voie meilleure. Alors Justine, inspirée par le démon de l'orgueil, de la vengeance, au lieu de penser à ses propres fautes, au lieu d'oublier celles de Bernard, au lieu de regarder à Dieu, Justine n'avait qu'une pensée : faire payer cher à son mari le chagrin qu'il lui causait. Les mots acerbes, les manières froides, les façons indépendantes, elle mettait tout en oeuvre pour l'humilier à son tour.

Bernard témoignait-il dès le matin le désir de souper en famille, Justine s'arrangeait pour manger avant le retour de son mari qui trouvait les casseroles vides. Le dimanche, il annonçait l'intention de passer la journée auprès de sa femme et de ses enfants.

- Désolée, disait Justine, j'ai promis de faire une visite à Mélanie, la soeur de Chloé, notre voisine.

- J'irai avec toi.

- Non, tu as tes camarades, moi j'ai mes amies, chacun de son côté, tu l'as voulu !

Après quelques efforts tentés pour se rapprocher de sa femme, Bernard, piqué au vif, retournait à ses tristes habitudes. Justine, satisfaite de s'être vengée, mais irritée de ce que Bernard s'arrangeait si vite de ses refus, cherchait à se rendre de plus en plus indifférente, à se séparer de plus en plus de son mari, et tous deux se perdaient.

Oh ! Bernard n'était en rien moins coupable que Justine. Tout au contraire ! Mais il n'avait pas reçu l'enseignement biblique dont Justine avait bénéficié. Et en cela, Justine était gravement responsable de l'état de délabrement de leur couple.

Si on avait contraint Justine à voir son âme telle qu'elle était, poussant un cri d'effroi, elle se serait jetée aux pieds de Christ, elle aurait murmuré de ses lèvres tremblantes : « Sauve-moi, Seigneur, sauve-nous, nous périssons. » Mais le diable, qui est habile, étouffait dans son coeur le très rare, le très faible désir de s'examiner, que le Seigneur y ranimait quelquefois. L'ennemi de son âme lui rendait la pente si douce, que pas une secousse ne venait l'avertir de la rapidité avec laquelle elle roulait vers l'abîme.

Cette secousse, Dieu permit toutefois dans sa bonté qu'elle lui fût donnée.

Justine était malheureuse, malheureuse par les désordres de son mari, malheureuse par leur séparation qui allait croissant, malheureuse par les vices de ses enfants qui se développaient d'une manière effrayante, malheureuse par les privations que cette vie de péché leur imposait à tous, malheureuse par les humiliantes demandes au moyen desquelles elle obtenait quelques secours des autres, malheureuse par ses défauts, malheureuse par ses plaisirs, malheureuse par sa conscience, dont les cris se faisaient de temps à autre entendre, malheureuse par l'impossibilité où elle se voyait de prier d'un coeur droit, de chercher son Dieu avec la sincère envie de le trouver.

Cette détresse d'âme, ce trouble intérieur, ce secret dégoût d'elle-même, qui auraient dû l'amener aux pieds du seul consolateur, la poussaient au contraire vers le monde.

Les films en tous genres et l'habitude de la rêverie avaient créé en elle le besoin des émotions vives. Ce besoin lui faisait trouver ennuyeuse, maussade, l'existence d'une honnête famille ouvrière. Elle s'irritait de leur vie toute simple, et l'envie de vivre comme on le voyait à la télévision, chez les riches de ce monde, entraînait Justine dans un gouffre. Ce besoin l'attachait à la compagnie de femmes légères, qui avaient les mêmes frustrations qu'elle. Ce besoin la portait à souffrir de ne pas être convoitée, ou même adulée.

Un ami de son mari, homme dont les antécédents étaient louches, mais dont les manières avaient un certain vernis, s'était, par degrés, introduit dans son intimité. Il avait profité de la faiblesse de Bernard pour prendre sur lui de l'ascendant. Il profitait de la jalousie, du désordre intérieur de Justine, pour lui exprimer une admiration dont l'orgueil de celle-ci se repaissait avec délices.

La coquetterie, l'esprit de vengeance, l'avaient fait tendre l'oreille aux flatteries 38 de cet homme. Justine riait de ses paroles passionnées, elle en riait et s'en délectait. Bientôt elle les attendit avec une sorte d'impatience, puis elle les provoqua. Parfois, une voix intérieure lui criait: « Arrête !», mais cette voix, elle l'étouffait, tantôt en travaillant avec un peu plus d'ardeur, en remplissant quelques devoirs envers son mari ou ses enfants, essayant ainsi de donner le change à sa conscience, tantôt en se plongeant plus avant dans l'enivrement des faux plaisirs, et en courant au devant du danger.

Anne-Laure, qui suivait Justine d'assez près, comptait avec effroi les progrès de la corruption dans ce désastreux ménage. Bernard ne se laissait pas rencontrer tandis que Justine devenait de jour en jour plus distante, plus froide.

Anne-Laure résolut alors de tenter un dernier effort pour sauver sa malheureuse protégée. Elle se rendit chez elle, déterminée à provoquer une explication, à mettre ce coeur au plein jour.

Au moment où elle entra, Justine, seule, exaspérée par les attitudes de son mari, plus troublée encore par le poison du péché qu'elle gardait dans son coeur, s'écria hors d'elle-même:

- Anne-Laure, te voilà ! Je désirais justement te voir. Tu as voulu que je me marie ... eh bien ! c'est le naufrage ... je quitte Bernard, c'est décidé. Cet homme ira où il voudra, fera ce qui lui plaît, moi, je reprends ma liberté.

Anne-Laure, muette de douleur, regarda Justine.

- C'est fini! reprit-elle avec agitation, et en détournant les yeux, cet homme n'est bon qu'à cuver son vin et à sortir avec ses copains ! Il faut une séparation, il en faut une ! Dieu merci, les preuves de sa méchanceté ne manquent pas !

- Mon Dieu ! répéta Anne-Laure.

- Oh ! Je sais ce que tu vas me dire. J'ai tort, c'est possible, mais c'est plus fort que moi !

Anne-Laure ne se sentait pas la liberté de discuter avec Justine, les paroles humaines seraient tombées comme de l'huile sur un brasier. Elle se contenta donc de prononcer lentement ces mots de l'apôtre Paul : « Quant à ceux qui sont mariés, je leur commande, non pas moi, MAIS LE SEIGNEUR, que la femme ne se sépare point du mari » (1 Corinthiens 7 :10).

- Je sais tout cela, je sais tout cela ! interrompit Justine de plus en plus agitée. Mais il est trop tard... il faut aller jusqu'au bout.

- Jusqu'au bout de la rébellion, jusqu'au bout du vice ! s'écria Anne-Laure avec fermeté.

- Cet homme s'enfonce dans la corruption !

- Il s'y plongera moins, quand tu l'auras abandonné ?

- J'ai besoin de paix ! Tu comprends ?

- Tu l'auras ... en faisant la guerre à Dieu ?

- Ce n'est pas que pour moi, il y a aussi mes enfants !

- Tes enfants ! Ah ! Justine, tu oses utiliser ce prétexte au moment où tu détruis en eux les sentiments les plus sacrés: le respect, l'amour filial, la recherche des choses honorables ! Tes enfants ! C'est une hypocrisie ! Justine, la mauvaise épouse, ne sera jamais qu'une mauvaise mère !

- Mais ma liberté...

- Oui, ta liberté, la liberté de ta méchanceté, voilà ce que tu veux !

A cet instant, un homme poussa la porte, entra brusquement, et, sans voir Mme Vivien, cachée dans l'ombre, jeta sur la table un magazine, en adressant à Justine quelques mots dont l'étrange familiarité fit comprendre à Anne-Laure bien des choses. Justine ne put retenir un regard inquiet. Elle pâlit et présenta à son amie le nouveau venu.

- C'est un ami de Bernard...

La Bible ouverte, la figure sévère d'Anne-Laure, l'inquiétude de Justine, firent vaguement comprendre à Patrick Leblanc que sa visite était inopportune. Il pirouetta sur ses talons, s'embarrassa dans une explication menteuse, puis, comme personne ne lui répondait, que Justine semblait absente, qu'Anne-Laure restait sérieuse, il salua, chargea Justine d'une commission insignifiante pour son mari, et partit.

Après un silence solennel, pendant lequel Anne-Laure pria Dieu de lui prêter assistance, pendant lequel Justine, bouleversée, voyait pour la première fois son péché tout entier sortir de l'obscurité où l'avait maintenu sa mauvaise conscience :

- Je comprends, dit Anne-Laure, d'une voix calme, mais profondément altérée, je comprends pourquoi tu veux te séparer de ton mari.

Ces mots pénétrèrent comme une épée à deux tranchants dans le coeur de Justine.

- Oh pardonne-moi ! cria-t-elle avec un accent déchirant, et elle tomba sur ses genoux.

Anne-Laure lui tendit les mains et la releva.

Lorsque les pleurs lui laissèrent la possibilité de parler, Justine continua :

- Oui, dit-elle, je suis une misérable... j'ai négligé tous mes devoirs... c'est moi qui ai perdu Bernard... Voici quatre mois que je ne prie plus, que je ne lis plus la Bible... aide-moi !

- Oh Justine ! C'est à Dieu qu'il faut aller. C'est à lui qu'il faut demander pardon. C'est Dieu qui te cherche depuis si longtemps et qui seul peut te sortir de ta misère. Humilie-toi devant lui, oui, humilie-toi beaucoup.

- Je ne sais où me cacher loin de sa face, s'écria Justine avec un redoublement de douleur.

- Loin de sa face ! Si tu le fuis, comment te dira-t-il : « Je ne te condamne pas non plus... Va, et ne pèche plus. » Ah ! Tu ne sais donc pas encore que nous ne pouvons rien apporter à Christ en échange du don de la vie éternelle ! Dieu t'a abandonnée à toi-même pour t'apprendre jusqu'où va ta corruption... pour t'apprendre aussi, oui, je l'espère, jusqu'où vont ses miséricordes. Son amour, Justine, son amour dépasse notre péché de partout.

Mais Justine n'avait pas la franche volonté de recevoir cette bonne nouvelle, tant de fois annoncée, jamais acceptée. Elle était plongée dans le désespoir que lui causait le fait d'avoir été ainsi prise en défaut. Ses joues se couvraient de rougeur. Ce Sauveur si tendre, dont lui parlait Anne-Laure, elle en avait peur. Elle aurait voulu pouvoir crier aux montagnes : « Tombez sur moi ! » (Apocalypse 6 :16). A la fin, une espèce de stupeur remplaça son agitation. Anne-Laure pria à voix haute, et Justine accablée joignit les mains.

Anne-Laure appela toutes les compassions du Père sur cette pauvre brebis égarée. Elle le remercia d'avoir permis qu'un fort ébranlement vînt secouer Justine. Elle le supplia, quand il l'aurait assez abattue sous sa colère, de lui envoyer la foi complète en celui qui a dit : «Quiconque croit en moi a la vie éternelle. » Elle remit à Jésus cette âme éperdue, et Justine se sentit un peu soulagée.

- Que faut-il que je fasse? demanda Justine dont l'âme était quelque peu réveillée.

- Te repentir, prier, méditer la Parole de Dieu, t'attacher de tout ton coeur au roc inébranlable qu'est Christ. Et puis, agir avec droiture, avouer 39 ta faute à Bernard.

- A Bernard !

- Oui, à Bernard. Ma chère Justine, te voici à l'entrée d'une nouvelle vie, si tu le veux. Une vie chrétienne, où la vérité doit circuler partout. Un mensonge, ou même un demi-mensonge, c'est une forteresse laissée au démon, il en profiterait. Ton existence, tes habitudes doivent changer. Il faut que Bernard comprenne pourquoi. Il faut qu'il connaisse tes luttes, la victoire que Dieu te permet de remporter, bien que tu n'en aies aucun mérite. Que se serait-il passé si je n'avais pas été là ? Comprends bien, Justine, que tu ne dois plus revoir cet homme !

- O mon Dieu! comment pourrais-je ! s'écria Justine tremblante. Bernard me méprisera !

- Écoute-moi ! Il ne s'agit pas d'une confession détaillée, cela serait inutile, cela serait mauvais. Il s'agit d'un humble aveu que Dieu t'aidera à faire. Ton mari te méprisera ! Peut-être ? N'en aurait-il pas le droit ? S'il le fait, tu accepteras cette humiliation, quoi qu'il ait fait de son côté. Tu porteras cela comme une croix sous l'oeil du Sauveur. La lumière, Justine, la lumière avant tout !

Et puis, tu verras qu'il y a dans l'épreuve des ressources secrètes pour l'âme qui s'attache à la vérité. La main de Dieu ne s'appesantit pas sur l'enfant qu'Il veut ramener, sans que d'abondantes grâces n'en découlent aussitôt.

- Eh bien, oui ! dit tout à coup Justine avec énergie, oui, je passerai par où Dieu le veut. Cela me sera bon, je le sens, Je dirai tout à Bernard. Il me verra telle que je suis... qu'importe ! Rejetée ou sauvée, je veux me donner à Christ.

- Oh ! Ma Justine, que le Seigneur te fortifie !

Anne-Laure quitta l'appartement, et Justine resta assise vers sa Bible ouverte, tantôt lisant, tantôt priant, souvent interrompue par ses larmes, fréquemment navrée de tristesse quand elle rencontrait des passages semblables à ceux-ci : « Ne savez-vous pas que les injustes n'hériteront point le royaume des cieux ? » (1 Corinthiens 6 :9); « Quiconque regarde une femme pour la convoiter, il a déjà commis dans son coeur un adultère avec elle » (Matthieu 5 :2). Plus souvent émue d'une reconnaissance infinie, quand elle trouvait des promesses pareilles à celles-ci : « Je paîtrai mes brebis, et les ferai reposer. Je rechercherai celle qui sera perdue, et je ramènerai celle qui sera chassée; je banderai la plaie de celle qui aura la jambe rompue, et je fortifierai celle qui sera malade » (Ezéchiel 34 :15-16), « Venez maintenant, dit l'Eternel, et débattons nos droits; quand vos péchés seraient comme le cramoisi, ils seront blanchis comme la neige; et quand ils seraient rouges comme le vermillon, ils seront blanchis comme la laine » (Esaïe 1 :18).


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