Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



SPLENDEUR DE DIEU

XXVIII
ANNE

 Ce fut un soulagement pour Adoniram d'apprendre la décision de Crawfurd. Quittant la salle des audiences, il se dirigeait vers Sagaing où il se disposait à mettre la dernière main à la transcription de ce traité ridicule. Comme il allait entrer dans la maison, un messager l'appela et, avec une hésitation dans la voix :
- Nous sommes désolés, monsieur, d'avoir à vous apprendre la mort de votre enfant.
- La petite Maria!

Il rentra, brisé, dans sa chambre. Tandis qu'il rompait le cachet de la lettre qu'on lui avait remise, il murmurait cette prière - « Père Céleste, puisque la mort devait encore frapper à notre porte, je Te remercie d'avoir rappelé l'enfant plutôt que la mère. »

Il ouvrit alors la missive :
« Cher Monsieur, A celui qui a tant souffert et qui a supporté son destin avec un admirable courage, on ne peut cacher longtemps les nouvelles tragiques. Le doute serait plus cruel encore. Madame Judson n'est plus... »

Adoniram poussa un grand cri et s'écroula dans le noir. Quand il reprit ses sens, Crawfurd se penchait sur lui, à la lueur d'une bougie, et lui tenait la main avec fermeté.
- Je suis là, mon ami.
- Anne !
- Je sais; je l'ai appris en même temps que vous. Que puis-je faire ou dire...
- Laissez-moi seul, Crawfurd, pendant que je lirai cette lettre, supplia-t-il en se soulevant.

L'Anglais hésitait. Il posa un instant sa main sur l'épaule du missionnaire, Puis le quitta.

« ... Au début du mois, elle a été saisie par une violente fièvre. Dès le début, elle a senti qu'elle ne se remettrait pas. Le 24 octobre, vers huit heures du soir, elle expirait. Le docteur R... l'a assistée de toute sa science et de son amitié. Le capitaine Fenwick lui à procuré les soins d'une Européenne du 45e régiment qui s'est efforcée de la soulager et de l'aider à franchir le seuil de la tombe.
Nous demeurons inconsolables du départ de cette âme admirable, dont le court séjour parmi nous nous a profondément émus et impressionnés. Le docteur ne s'est vraiment inquiété que vers le 20, car jusqu'alors, la fièvre demeurait intermittente ; depuis cette date, rien n'a pu l'enrayer. Le matin du 23, Mme Judson a parlé pour la dernière fois. Elle a dit : « Le maître est bien long à revenir! » Après quoi la maladie ayant fait son oeuvre, elle a reposé, immobile et, semblait-il, déjà insensible. J'étais présent hier matin quand on a déposé ses restes dans le cercueil.
Tous les Européens qui résident ici ont participé à la cérémonie funèbre. Nous l'avons enterrée près de l'endroit où elle a abordé pour la première fois, et nous avons entouré la tombe d'une légère barrière, pour empêcher des incursions sacrilèges. Votre petite Maria va mieux. Mme Wade en prend soin maintenant, et j'espère qu'elle se développera bien sous cette attentive, surveillance. »

Adoniram ne parvint au bout de la lettre qu'au prix d'efforts réitérés. Il était plus de minuit lorsqu'il termina la lecture tragique. Il enfouit alors la feuille de papier dans sa poche et sombra dans un abîme de douleur.

Avant l'aube, Crawfurd pénétra dans la chambre. Il apportait une tasse de thé bouillant. Avec douceur, il souleva la tête abattue sur la table et prononça :
- Judson, vous devez rester fort.

Les yeux durs, celui-ci regardait la boisson fumante.
- Je boirais du thé, moi, tandis qu'Anne est dans sa tombe !
- Que ferait Anne - il hésitait à user de cette appellation familière. - Et pourtant il reprit, d'une voix forte : Qu'est-ce qu'Anne vous demanderait de faire ?

En entendant le nom bien-aimé, les larmes d'Adoniram purent enfin couler, les lèvres tremblantes, il balbutiait :
- C'était son remède souverain. Elle aurait pu être Anglaise; - il essaya de sourire - ses grands-parents l'étaient. Elle a fait honneur à sa race.

Crawfurd tenait la tasse à la hauteur de ses lèvres, comme pour un enfant. Adoniram but. La rivière faisait son grand bruit d'eau sous les fenêtres. L'Anglais suivait du regard chacune des expressions du visage de son ami. Il murmura :
- C'était la volonté de Dieu.
- Comment le savez-vous ? Savez-vous seulement où est Dieu ? Avez-vous entendu la voix insistante... Pardonnez-moi, Crawfurd... Je suis un être de chair... Donnez-moi le temps...

Les yeux fixés sur le malheureux, Crawfurd disait avec fermeté :
- Elle était très belle. Je me souviens d'avoir pensé, quand je l'ai vue pour la première fois, qu'un peintre primitif l'eût certainement choisie comme modèle pour ses anges. Malgré l'enveloppe fragile, on sentait l'âme très forte. Ses cheveux se partageaient si bien sur son front pur. Comme ses mains étaient belles! Quand elle parlait, on se sentait heureux d'entendre cette simplicité, cette pureté tranquille. Mais j'ai vite senti qu'une fleur aussi délicate n'aurait plus très longtemps à vivre sur cette terre. Sa grâce semblait déjà détachée.

Adoniram étendait les mains pour faire cesser ce supplice. Il pleurait abondamment. Crawfurd, les yeux mouillés, mais soulagé par cette explosion de douleur, abandonna son ami à la morte. Celui-ci ne reprit que beaucoup plus tard conscience de ce qui l'entourait. Il entendit alors le chant des oiseaux et les sons assourdis des gongs sacrés. Se laissant glisser au bas de son lit, à genoux, il répétait le cri le plus poignant de l'histoire. humaine : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-Tu abandonné ? »
Aucune réponse. Et pourtant, tendu vers la source de toute lumière, il devinait qu'une intention cachait derrière ce châtiment. Ce n'était certes pas d'un grand réconfort, mais cela lui permettait cependant de reprendre le contrôle de lui-même. Il se leva. Après avoir appuyé un instant son corps tremblant contre une table, il fit sa toilette. Puis, impeccable comme toujours, il descendit rejoindre ses compagnons à la table du déjeuner.

Price, qui avait appris la nouvelle, arriva après le repas. Il connaissait bien la douleur humaine ! Prenant le missionnaire par le bras, il arpenta avec lui le jardin minuscule et lui parla longuement des soins dont la petite Maria aurait besoin. Adoniram sentait une force réelle dans ce bras musclé et amical. Oui, Maria était chair de la chair d'Anne. Il serait bon de la serrer dans ses bras...

Au bout d'une heure, un serviteur vint chercher le docteur; sa femme, Ma Noo, était malade. Adoniram voulut accompagner Price à Ava.
Ma Noo avait le choléra. Le docteur ne permit pas au missionnaire de pénétrer dans sa chambre ; il lui ordonna de rentrer se coucher. Adoniram, fuyant la ville bruyante, se réfugia sur la route d'Amarapura. Il désirait s'asseoir dans le zayat, près du lac. Il pensait à Colman, au gaing-ôk, qu'il eût tant aimé revoir. Il demanda même de ses nouvelles à un moine qui passait. Celui-ci lui répondit qu'après de nombreuses tribulations, il avait repris la robe jaune et regagné Prome.

Adoniram poursuivit son chemin. Après tout, qu'est-ce que le gaing-ôk pourrait lui donner ? Un homme qui avait écarté tout amour de sa vie... « Je suis libéré de la chair, du tourment - ainsi parla le Béni. - Je passe ma nuit au bord de la rivière. Ma maison est sans toit. Le feu de la passion est éteint... »
Le zayat n'avait pas changé d'aspect. Les pigeons verts roucoulaient dans le grand figuier. Les lotus reposaient leur calme splendeur sur les eaux. La vie continuait. Mais qu'était-elle ? Qui en avait fixé les limites? Où menait-elle ? Qu'était-ce que la vie ?
Il ne s'arrêta pas au zayat. Les yeux brûlants, la gorge serrée, il rentra à Sagaing.

Ma Noo mourut le lendemain. Adoniram insistait pour que Price revînt à Amherst avec lui, mais le docteur demeura inébranlable.
Le missionnaire désirait regagner cette ville le plus vite possible, mais il se sentait lié à l'expédition britannique. Il termina donc tous ses travaux de traduction. En un sens, ce travail était une bénédiction.
Il ne put s'embarquer qu'à la fin de décembre. De nombreux personnages officiels manifestèrent leur grand regret de le voir partir ; en particulier, le vieux gouverneur de la porte du nord et le prince Meng-myat-bo. Ce dernier lui fit même cadeau d'une boîte à bétel et d'un crachoir, incrustés de pierreries.

Le 24 janvier 1827, il arrivait à Amherst. Du bateau il se rendit directement à la tombe d'Anne, sur le promontoire.

Qu'était-ce que la vie ? Christ seul pouvait le savoir, qui avait souffert la vie et la mort.


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