Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



SPLENDEUR DE DIEU

XXXV
LA SPLENDEUR DE DIEU

 Seul dans son petit bureau, Adoniram concentrait tout son effort à sa grande tâche. Le travail était épuisant. Aussi, quand il échouait à rendre telles finesses dans sa traduction, il réunissait quelques disciples et s'en allait, pendant une semaine, prêcher l'Évangile aux Karens de la jungle.

Dans le travail quotidien, ses seuls instants de détente étaient ceux où il écrivait à Sarah, ou ses promenades du soir, en compagnie de la vieille Fidée haletante.
Il montait toujours le long de la route de Sir Archibald et y rencontrait parfois le gaing-ôk. Le vieil homme avait abandonné Adoniram à ce qu'il appelait ses sens.
- Je n'ai jamais vraiment pu espérer pour vous, lui dit-il un soir qu'ils s'étaient assis au pied du Bouddha mourant.

Le ciel rose pâle était sillonné d'innombrables chauve-souris volant en bandes désordonnées.
- Vous trouvez ma religion triste, mais la vôtre est vide, complètement négative. Après tout, la vie ne nous a-t-elle pas été donnée pour être vécue?
- Mais, qu'est-ce donc que la vie? questionna le vieillard, pareil lui-même à un bouddha dans le crépuscule.

Adoniram soupira. Le seul, l'éternel problème. Cependant, pour la première fois depuis la mort d'Anne, il l'affronta sans cette horrible détresse...
- Ce doit être quelque chose de très précieux, commença-t-il tristement, puisque Dieu l'a donnée a son Fils pour Sa suprême aventure. Et rien de ce que Dieu possède ne peut être méprisé.
- Oui, certes, si l'on croit en Dieu.
- Autrefois, vous ne vouliez pas croire en Lui s'écria Adoniram.

Au lieu de répondre, le vieillard répéta, d'un ton pressant
- Qu'est-ce que la vie ?
- La vie, c'est la connaissance. Pas la fuite. Pas l'isolement dans un ermitage. C'est la connaissance de ce que Christ a su. Il n'a refusé qu'une seule chose : faire souffrir les autres. Il a dit : « Je suis la Vie ».
- Des mots, des mots magiques, j'en conviens. C'est un jeu, un ballon que l'on envoie plus haut que la flèche de la vieille pagode de Moulmein.
- Les mots sont les antennes de l'âme. Nous ne pouvons savoir que ce que nous exprimons par eux. J'ai cherché beaucoup trop loin, alors que j'avais la réponse tout près. Quand Christ a dit : « Je suis la Vie », il m'a tout dit. Il n'a pas passé plus de quarante jours à mortifier la chair, cela doit me suffire pour annoncer l'Évangile.
- Des mots ! railla le gaing-ôk. À coup sûr, de bonnes excuses pour en revenir au mariage.

- 0 homme affamé de Dieu! Depuis que j'ai admis l'idée de me refaire un foyer, les ignobles visions de la Main-qui-Tue ont cessé de me poursuivre, d'obséder mon esprit à chaque instant de repos. Expliquez-moi pourquoi?
- Le seul moyen d'échapper à la soif est d'anéantir le désir.
- Vous êtes conséquent, au moins, tandis que moi...
- Venez voir ma dernière trouvaille : un exemplaire des discours du Bouddha dont il a lui-même établi l'authenticité.

Adoniram secoua la tête et soupira :
- En ceci au moins, je serai conséquent. Je ne m'appliquerai plus à aucun travail intellectuel qui sorte des cadres de l'activité missionnaire.

Dans la pénombre, ils échangèrent un sourire amical avant de se séparer.
Adoniram retrouvait peu à peu la santé spirituelle. Il le reconnaissait, mais se demandait parfois avec angoisse ce que deviendrait cet équilibre au cas où, l'effort énorme de la traduction une fois achevé, Sarah refuserait de devenir sa femme.
Il avançait régulièrement dans son travail : Esther, Esdras, Néhémie : chaque jour, une vingtaine de versets. Le 31 janvier 1834, il écrivait : « Et soudain entrera dans son temple le Seigneur que vous cherchez... » l'avant-dernier chapitre de Malachie.
Au coucher du soleil, il avait terminé. Il posa sa plume et contempla la pile des manuscrits. L'immense tâche était accomplie.

Il entendait Céphas Bennett, dans le zayat, répéter les paroles magnifiques : « Si donc il y a quelque consolation en Christ, s'il y a quelque soulage ment dans la charité, s'il y a quelque union d'esprit, S'il y a quelque compassion et quelque miséricorde, rendez ma joie parfaite, ayant un même amour ».
Adoniram s'agenouilla, le front contre les dernières pages de son oeuvre.

Les cloches du monastère tintaient avec douceur. L'effluve des roses était si fort qu'il l'arracha à ces pensées ineffables. Il se releva et prit sa plume. En ce moment suprême, qu'Anne ne pouvait partager avec lui, il fallait qu'il pût communiquer avec Sarah : « Grâces à Dieu, je suis parvenu au but. Je me suis agenouillé devant Lui pour Lui remettre mon ouvrage et demander Son pardon pour ses imperfections. J'implore Son aide pour l'avenir, et Sa grâce pour tous les péchés qui ont souillé mes efforts. Mon travail est voué à Sa gloire. Que Sa parole maintenant traduite soit à nouveau inspirée directement par son Esprit, afin que le pays soit plein de chants et de prières. Amen ».

Il se sentait épuisé. Les Bennett l'encourageaient à entreprendre un voyage de repos par mer jusqu'à Calcutta. Mais, bien qu'il en sentît la nécessité, cette perspective ne l'attirait nullement. Il irait plutôt à Tavoy pour ses vacances.

Il s'embarqua donc et suivit la côte aux innombrables îlots, aux montagnes si escarpées et noyées de verdure qu'il était impossible d'aborder. Afin d'éviter les trois ou quatre jours nécessaires pour contourner la presqu'île de Tavoy et remonter la rivière jusqu'à la cité, il se fit déposer avec un coolie à un petit port, à huit milles à l'est de Tavoy.

Les premiers milles furent rapidement franchis parmi les plantations d'ananas et d'orangers. Puis, ils parvinrent à un sentier de montagne et ralentirent leur allure. L'air était lourd de l'admirable senteur des fleurs. Les grands arbres croulaient de lianes, des chants d'oiseaux éclataient de toutes parts. Le coeur battant, Adoniram poursuivait sa route. Une fois de plus, il allait tenter de trouver le bonheur.
Ils s'arrêtèrent vers le sommet, au bord d'un lac, pour prendre un léger repas. Pendant que le coolie préparait le riz, Adoniram s'avança pour admirer la vue. Le chemin descendait abruptement sur la ville. Il entendit des pas, puis une voix d'enfant dont le timbre familier le cloua sur place.
Un instant plus tard, Sarah Boardman tenant Georgie par la main, apparaissait au détour du chemin. Elle était suivie par plusieurs Karens tenant des chevaux.
Le petit garçon cria de surprise et de joie. Adoniram et Sarah se serrèrent la main en silence.
- Nous venions vous remercier d'avoir fait la Bible, s'écria Georgie.
- Puis-je vous inviter à partager mon repas ? Je crois que nous en aurons assez dit Adoniram en souriant.
- Oui, maître, si vous me permettez d'ajouter mon riz au vôtre.

Elle était encore amaigrie, les yeux plus marqués par la solitude. Elle portait la robe de toile bleu foncé qui lui allait si bien. Ils parlèrent de choses et d'autres durant le repas, et décidèrent de rentrer l'après-midi à Tavoy où les conseils d'Adoniram étaient fort nécessaires, d'après Sarah. Après un court repos, ils se mirent en route ; Georgie les précédait avec les Karens.
Comme sa mère semblait soucieuse, Adoniram lui dit :
- N'avez-vous pas confiance lorsqu'il est avec eux ?
- Oh oui, mais...
- Demeurons seuls quelques instants. Ce sera impossible quand nous serons à la Mission.

Elle rougit, mais s'assit néanmoins sur un rocher, au bord du sentier, et le regarda dans les yeux.
- Vous rappelez-vous, demanda-t-il, combien souvent vous m'avez répété qu'il existe toujours de la beauté dans la vie, que Dieu le veut ainsi ?

Elle fit signe que oui.
- Je pense encore, continua-t-il, que, pour moi-même, - je ne prétends juger pour personne d'autre, - que presque tous les sacrifices étaient nécessaires. Je désirais trop passionnément le contact des hommes. Il fallait tout couper, ou rien. Je ne pouvais compter sur moi-même. En ce qui concerne l'ermitage...

Sarah leva la main :
- N'en parlez pas, Maître, je ne puis supporter de penser à cette époque. Laissez-moi plutôt vous dire combien votre traduction va être utile à l'humanité...

Mais Adoniram l'interrompit à son tour :
- Je n'ai pas besoin d'éloges. Si Anne et vous-même trouvez que j'ai fait mon devoir, et que Dieu l'approuve, c'est bien assez. Sarah, il y a huit ans qu'Anne m'a quittée, et trois ans que George, ce saint, vous a été enlevé. Que croyez-vous qu'ils penseraient, là-haut, si je vous demandais de devenir ma femme ?

Le rouge monta de nouveau aux joues de Sarah.
- Vous savez comme moi, dit-elle gravement, que le premier amour est unique, lorsqu'il aboutit au mariage.
- Oui, je le sais.
- Et, s'ils avaient vécu, notre bonheur aurait continué dans toute sa plénitude.
- Oui, certainement.

Adoniram était aveuglé par les larmes. Il les essuya brusquement.
- Ce que je ressens pour vous est absolument différent de tout ce que j'ai jamais connu ; mais, chère Sarah, c'est profond et fort et vient de ce qu'il y a de meilleur en moi.

Sarah sourit, avec timidité.
- Je crois vous avoir dit une fois que George et moi vous avons aimé depuis notre enfance.

Son regard allait de la vallée lumineuse aux yeux ardents d'Adoniram :
- Mais, Maître, je ne puis suivre votre mysticisme. Ne sera-t-il pas un obstacle entre nous? Car si nos esprits suivent des chemins divergents, nous ne pourrons jamais reconstruire nos vies dévastées.
- Vous voulez dire..., demanda-t-il d'une voix basse.

Elle gardait le regard fixé vers la lointaine vallée :
- Je veux dire que si vous continuez votre lutte solitaire pour voir Dieu face à face, vous deviendrez fou. Personne au monde ne peut soutenir un tel combat.
- Vous me proposez un marché ? demanda-t-il avec fougue. Vous voulez que je vende le droit d'aînesse de mon âme ?

Elle se tourna vers lui.
- Vous savez bien que je ne le voudrais jamais. Je ne suis pas aussi naïve ou aussi méchante, du moins pas consciemment. Je veux sauver votre raison en vous demandant de laisser à Dieu le soin des choses qui Lui appartiennent, à Lui seul. Il est inconnaissable. Mais je veux que vous trouviez la paix.
« Que tout ce qui est vrai, tout ce qui est juste, tout ce qui est aimable soit l'objet de vos pensées. Et le Dieu de paix sera avec vous ».

Adoniram répéta ces mots lentement, tout pénétré d'une compréhension nouvelle.
- Sarah, j'essaierai, de toute mon âme, de ne penser qu'à ces choses-là. Et, quand cet ardent besoin de Le connaître me submergera de nouveau, - car cela reviendra de temps en temps, - au lieu de me tourner vers la solitude, la faim et l'horreur, je penserai aux paroles du Christ. Il savait bien que nos pauvres esprits ne pouvaient encore saisir Dieu, et c'est pourquoi il nous a dit : « Je suis le chemin, la vérité et la vie ».

Il demeura silencieux, évoquant la grande bataille spirituelle qu'il avait livrée depuis son arrivée en Birmanie.

Sarah attendait, immobile, un peu pâle. Il dit enfin :
- L'amour a toujours été la nourriture de mon esprit. Je ne puis continuer sans amour.
- Dieu est Amour, dit Sarah, dont la voix profonde le bouleversa.

Il respira profondément. Il croyait avoir pour toujours renoncé au bonheur; et pourtant il était maintenant secoué de joie jusqu'au tréfonds de son être. Ce n'était pas l'allégresse du jeune homme, vigoureuse et pure. C'était le bonheur de l'âme enfin disciplinée, marquée des cicatrices de la Croix.

Autour d'eux, la forêt tressaillait de vies innombrables et merveilleuses. On pouvait donc ne pas connaître Sa face, mais voir Sa splendeur et L'adorer sans crainte !
- Me ferez-vous confiance maintenant, Sarah? demanda-t-il humblement.

Elle le regarda en face.
- Oui, avec tout ce que je suis et tout ce que je veux être, pour devenir digne de vous, Adoniram.
- Ne me dépassez pas ! s'écria-t-il en la relevant avec un grand sourire.

Ils étaient de la même taille. Après s'être un long moment regardé en silence, les yeux dans les yeux, ils s'embrassèrent. Puis, au bras l'un de l'autre, ils se mirent à descendre vers la vallée admirable.


Informations complémentaires sur la vie d' Adoniram Judson
(Informations indépenfantes de ce livre)

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