Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...




(24) PRENDS-LE AU COLLET

 Deux jeunes garçons se rencontrent dans la rue, et la conversation suivante s'engage :

- Isaac, dit Georges, pourquoi ne prends-tu pas ce petit voyou au collet ? Voilà presque une semaine qu'il t'insulte chaque jour.
- Je me propose bien de le faire, dit Isaac.
- Il faudrait que je le fisse taire, alors même que je devrais pour cela lui arracher les oreilles.
- J'ai bien l'intention de le faire taire.
- Va le souffleter maintenant. Tu en auras facilement raison.
- Je n'en doute pas; mais je ne veux pas l'essayer aujourd'hui.

À ce point de la conversation, les camarades d'école se séparèrent. Le gamin auquel il a été fait allusion était le fils d'un ivrogne qui était fâché contre le père d'Isaac de ce qu'il avait fait des démarches pour l'empêcher d'obtenir des boissons fortes. Le fils de l'ivrogne, prenant fait et cause pour son père, insultait Isaac toutes les fois qu'il le rencontrait. Comme ce dernier n'usait pas de représailles, notre gamin s'était enhardi, et avait fini par lui jeter des pierres.

Isaac avait d'abord été indigné de cette conduite. Il pensait que ce gamin aurait dû être reconnaissant de ce que son père ne pouvait plus s'adonner à la boisson, source de tant de malheurs pour lui et sa famille. Mais après avoir réfléchi à la manière dont il avait, été élevé, à son ignorance et à sa misère, il le prit en pitié, et cessa de se scandaliser de sa conduite. Isaac avait en réalité pris la détermination de le colleter, et de le faire taire, mais non pas de la manière dont son camarade d'école l'entendait.

Le nom de ce garçon est Alfred, mais on ne l'appelle jamais que Fred. Je crois bien que si vous l'appeliez par son vrai nom, il penserait que vous vous adressez à quelque autre personne.

La première occasion qu'Isaac eut de s'en venger, ce fut le jour des élections. Comme Isaac rentrait à la maison, il vit à quelque distance de la route une troupe de gamins qui riaient et faisaient beaucoup de bruit. La curiosité le poussa dans cette direction. Il vit que ces gamins étaient groupés autour de Fred et d'un autre beaucoup plus grand que lui. Ce dernier se moquait des habits de Fred, qui étaient en haillons et tout sales, et il lui disait comment il devait s'y prendre pour devenir un personnage aussi illustre que son père. Fred était furieux; mais quand il tentait de frapper son persécuteur, celui-ci lui tenait les mains; étant beaucoup plus fort, il avait facilement raison de lui. Fred essaya ensuite de heurter du pied; mais comme il était nu-pieds, il ne pouvait pas faire grand'chose; de plus, quand il essayait de soulever un pied, son persécuteur posait ses lourds souliers sur l'autre. Quand Isaac vit ce qui en était, il blâma les persécuteurs de Fred. Son influence, ainsi que la bonté de sa cause produisirent une telle impression sur ces jeunes garçons, qu'ils s'accordèrent à reconnaître que c'était mal ; toutefois, il est si mauvais, dirent-ils, qu'il n'est pas même digne de pitié.

Le principal acteur de cette scène n'était pas charmé, de l'intervention d'Isaac; mais il vit bientôt que celui-ci ne le craignait pas, et que ses camarades l'avaient en trop haute estime pour pouvoir le tourner en dérision. Au moment où Isaac se disposait à s'en retourner, il dit à Fred :

- Quand tu rentreras à la maison, je t'accompagnerai; c'est sur mon chemin; je veillerai à ce que personne ne te fasse du mal ; ne pleure donc plus ...... Viens, Fred, viens à la maison avec moi, je rentre à présent, dit Isaac.

Fred ne leva pas les yeux, ni ne fit aucune réponse. Il ne savait que penser de la conduite d'Isaac à son égard. Ce n'était pas qu'il le craignît, et qu'il désirât entrer dans ses bonnes, grâces, puisqu'il n'avait pas eu peur d'un garçon beaucoup plus fort que lui. Il n'avait jamais entendu cette parole : « Aimez vos ennemis ... faites du bien à ceux qui vous haïssent » : il n'avait jamais assisté à l'école du Sabbat, et ne savait pas lire la Bible.

Il suivit Isaac en silence, le serrant de très près, jusqu'à ce qu'il fût arrivé à la maison - si toutefois on peut appeler de ce nom sacré ce misérable repaire du péché et de la misère.
Il quitta Isaac sans le remercier pour les services qu'il venait de lui rendre. Celui-ci n'en fut pas du tout surpris, connaissant le milieu où il avait été élevé. Il pensa qu'il y avait déjà progrès, puisqu'il partait sans l'insulter.

Le matin suivant, Georges et Isaac firent route ensemble pour se rendre à l'école. Quand ils passèrent devant la demeure de l'ivrogne, Fred était à la porte, mais il ne dit rien. À le voir, il semblait qu'il avait été fouetté. Georges ignorait ce qui s'était passé la veille.

- Qu'est-ce qui fait rester Fred si tranquille ? dit-il.
- Oh, c'est que je l'ai tenu.
- Est-ce vrai ? Dans ce cas, j'en suis bien aise. Quand est-ce ?
- Hier.
- Sur le chemin du palais électoral ?
- Oui.
- Y avait-il quelqu'un de présent ?
- Oui, il y avait quelques-uns de nos camarades.
- Tu as eu beau temps, n'est-ce pas?
- Oui
- Est-ce que tu lui as donné une assez forte correction pour qu'il ne s'avise plus de t'injurier ?
- Je le suppose; du reste, tu vois qu'il est bien tranquille ce matin.

Après cette conversation, Georges raconta à ses camarades qu'Isaac avait donné une « fameuse brossée » à Fred. On en fut grandement surpris, parce que battre ses camarades n'était pas dans les habitudes d'Isaac. La chose vint enfin aux oreilles de l'instituteur. Celui-ci interrogea Isaac, et apprit que Georges s'était trompé. Il approuva chaleureusement Isaac pour sa nouvelle manière de « tenir » ses ennemis, et il lui conseilla d'agir toujours de même.

Quelques jours plus tard, comme Isaac se rendait à l'école, il rencontra Fred qui conduisait des vaches au pâturage. Les animaux étaient si difficiles à conduire que Fred n'avançait que fort peu. L'une commençait par retourner en arrière, puis une autre, à tel point que notre gamin désespérant de pouvoir jamais les conduire au pâturage, éclata en sanglots en disant : Je ne puis pas les faire avancer, et mon père me tuera si je ne les mène pas au pâturage.

Isaac eut compassion de lui, et il s'offrit à lui aider. Il dut passablement courir de droite et de gauche, et ne put entrer en classe que vers la fin de la matinée. Quand les vaches furent au pâturage, Fred dit à Isaac : Je ne te jetterai plus jamais de pierres!

Arrivé à l'école, Isaac portait encore les marques de l'exercice violent auquel il venait de se livrer. - Qu'est-ce qu'Isaac a pu faire pour avoir si chaud, telle est la question qu'on se demandait partout à voix basse. Quand on lui posa directement la question, il répondit: - J'ai été conduire les vaches au pâturage. On comprit qu'il avait conduit le troupeau de son père.
L'école terminée, il attendit que tous ses camarades fussent sortis pour aller s'excuser de son retard auprès de l'instituteur.

- Pourquoi êtes-vous venu en classe si tard? lui dit celui-ci.
- J'ai « tenu » Fred encore une fois, Monsieur l'instituteur; puis il lui raconta ce qui s'était passé, ajoutant : J'ai pensé, Monsieur, que vous voudriez bien m'excuser.
- Très bien, Isaac, vous êtes excusé: Lecteur, avez-vous des ennemis qui vous causent des ennuis, tenez-les de la même manière qu'Isaac, et si vous avez assez de persévérance, nous pouvons vous prédire la victoire.



(25) PERSÉVÉRER, C'EST RÉUSSIR

Toute personne qui s'engage dans une entreprise désire naturellement la voir couronnée de succès. C'est la volonté de Dieu qu'on réussisse dans tout ce qu'on entreprend de véritablement bon et grand; et en effet, des efforts persévérants aboutissent invariablement au succès; notre longue expérience nous permet d'assurer que l'on peut amener à bien presque toutes les entreprises, si, avec patience et persévérance, on met toutes ses énergies en jeu dans la bonne direction. Si le but que l'on a en vue est grand, les progrès que l'on réalisera pourront paraître comparativement lents; mais celui qui s'y appliquera avec persévérance et ne se laissera pas décourager par les difficultés, verra ses efforts couronnés, de succès. Il y a toujours un nombre assez grand de petites difficultés qui s'opposent à l'accomplissement de tout ce qui est bien. Il faut les surmonter; et si l'on ne remporte pas le prix dès sa première tentative, il faut faire un autre effort, et modifier sa manière d'agir, selon que les circonstances l'exigent.
Il suffira de faire peu à la fois pour accomplir beaucoup, si seulement on travaille assez longtemps. La plupart d'entre vous ont sans doute entendu parler de la petite fille dont la mère avait reçu d'un voisin charitable dix mille kilos de houille. Armée de la main à houille de sa mère, la petite fille commença à porter le charbon à la cave pelletée après pelletée, Un ami qui passait lui dit:

- T'imagines-tu de pouvoir rentrer toute cette houille avec cette main?
- Oui, dit la petite fille en la plongeant de nouveau dans le tas, je pourrai le faire si j'y travaille assez longtemps.

Elle possédait le véritable esprit.
Ce qui nous donne la véritable clé du succès, ce n'est pas de savoir discerner les obstacles, mais de trouver les nombreux moyens de les surmonter. On peut illustrer ce fait par l'incident d'une petite fille de fabrique dont un doigt avait été si malheureusement écrasé qu'on avait dû en faire l'amputation. Regardant sa main blessée, elle dit :

- C'est le doigt auquel je mettais le dé; il faudra que j'apprenne à coudre de la main gauche. Elle ne pensait pas à sa perte, mais à ce qui lui restait encore.

Le chrétien peut prospérer dans les différentes affaires auxquelles il lui est permis de s'occuper; mais s'il n'est pas vainqueur dans le combat de la vie éternelle, il aura vécu en vain. Voulez-vous que votre vie soit véritablement utile? Que le mobile de toutes vos actions soit la gloire de Dieu. Si nous le glorifions véritablement par notre conduite, le succès couronnera certainement nos efforts, la vie éternelle sera notre récompense.

Un autre exemple de persévérance au milieu de difficultés apparemment insurmontables nous est donné dans une anecdote qui n'est pas généralement connue hors de la Russie, en rapport avec la flèche d'un clocher de St-Pétersbourg, ville si remarquable pour ses clochers. Le plus élevé est celui de l'église de saint Pierre et saint Paul.

Sa flèche qui est représentée comme se perdant presque en pointe dans le ciel, est en réalité terminée par un globe aux dimensions considérables, sur lequel se trouve un ange portant une grande croix. Le moment vint où l'ange menaçait ruine; et on lui supposa l'intention d'aller faire une visite, sans en être prié, à la surface de la terre. L'affaire causa un grand émoi dans la métropole russe, et le gouvernement en fut enfin saisi. Élever des échafaudages jusqu'à une telle hauteur, eût coûté plus que tous les anges de cette espèce ne valent; de sorte qu'on laissa s'écouler un temps considérable en faisant de vaines conjectures.

Parmi la foule des observateurs qui tournaient chaque jour leurs regards vers l'ange, était un homme du nom de Téloutchkine. Il était couvreur de profession; graduellement, ses spéculations assumèrent un caractère plus pratique que les futiles conjectures du reste de la foule. La flèche était entièrement recouverte de feuilles de cuivre dorées, et qui présentaient au regard une surface aussi unie que si elle avait été d'une seule pièce d'or poli. Mais Téloutchkine savait que ces feuilles de cuivre ne joignaient pas parfaitement l'une sur l'autre; et surtout qu'on avait employé pour les assujettir de grands clous qui faisaient saillie d'un côté du clocher.

Après mûres réflexions, notre couvreur alla offrir au gouvernement d'entreprendre la réparation de l'ange sans échafaudages, et sans l'aide de personne, pourvu qu'on le payât convenablement pour le temps qu'il y consacrerait. L'offre fût acceptée, parce qu'elle était faite en Russie, et par un Russe.

Au jour fixé pour le commencement des travaux, Téloutchkine, pourvu de cordes seulement, fit l'ascension du clocher à l'intérieur. Arrivé à la plus haute fenêtre, il regarda en bas à l'immense concours de peuple, puis en haut à l'aiguille brillante, qui se perdait presque dans le ciel, au-dessus de sa tête. Son coeur ne défaillit pas. Montant gravement sur la fenêtre, il mit résolument la main à l'oeuvre.

Il coupa deux bouts de sa corde, et fit a chaque extrémité une boucle, dont l'une, celle du bas, en forme d'étrier. Il en assujettit la partie supérieure à deux des grands clous qui se trouvaient au-dessus de sa tête, et mit le pied dans le bas. Passant alors une main dans l'espace qui se trouvait entre deux feuilles de cuivre, il se saisit de l'autre main de l'un des étriers, et le suspendit à un clou supérieur. Il répéta la même opération pour les deux pieds alternativement, jusqu'à ce qu'il eût perdu de vue son point de départ, et qu'il pût embrasser le clocher. Mais ici venait le globe qu'il s'agissait d'escalader.

Téloutchkine ne se laissa par déconcerter : il était préparé à surmonter cette difficulté, et le moyen dont il se servit à cet effet était tout aussi simple que le reste de l'opération.
Appuyé sur ses étriers, il assujettit une corde autour du clocher, et s'attacha la taille de l'autre extrémité ; et ainsi supporté, il se pencha graduellement en arrière, jusqu'à ce que la plante de ses pieds reposât contre le clocher. Parvenu à cette position, par un effort suprême il jeta un rouleau de cordes de l'autre côté du globe; il le fit avec tant de sang-froid et de justesse que du premier coup il atteignit son but, et qu'il vit pendre sa corde du côté opposé.
Il reprit alors sa position originelle, pour fixer fermement la corde autour du globe. Avec l'assistance de cet auxiliaire, parvenir jusqu'à l'ange était une partie comparativement aisée de sa tâche. Quelques instants plus tard, Téloutchkine était auprès de l'ange d'où il entendit les acclamations enthousiastes de la foule qui retentissaient comme le tonnerre, mais qui ne lui parvenaient que comme un léger murmure.

La corde qu'il put convenablement assujettir lui aida à redescendre, comparativement avec facilité; le jour suivant, il remontait avec une échelle de cordes au moyen de laquelle il put facilement effectuer les réparations qu'on jugeait nécessaires.

Pour accomplir ce qu'il fit, cet homme doit avoir mis à réquisition toute son énergie. Si nous faisons des efforts aussi déterminés pour obtenir la compagnie des bons anges que lui pour parvenir à l'ange artificiel, nous pourrons être assurés de l'obtenir, ainsi qu'une place dans la terre nouvelle.



(26) « JE LE FERAI. »

Jean était un garçon grand et fort pour son âge. Il était rempli de vie et d'intelligence, et doué d'une grande énergie. Il excellait dans tous les exercices corporels. Pour patiner, pêcher, ramer, dompter un cheval, et même labourer la terre, il n'avait pas son égal parmi les garçons de son âge. Il était aussi courageux et véridique : c'était un noble type de la race humaine. Sa mère avait pour lui la plus tendre affection, et son père en était fier. Chacun l'aimait; rien d'étonnant à cela : il était mon idéal d'un jeune garçon. Toutefois, il avait ceci de commun avec le reste des mortels : il n'était pas parfait. Il était prompt et d'un caractère irritable. Ces traits ne sont pas des vices, si on ne se laisse pas vaincre par eux. Mais il arrivait parfois à Jean de se laisser gouverner par son caractère; il n'avait pas appris à tenir ce tyran en bride. Jean aimait à lire; il dévorait Robinson Crusoé, toutes sortes d'histoires ou de contes de guerre, d'aventures héroïques, et de nouvelles à sensation, avec tout autant d'avidité que son morceau de pain au moment de la récréation. Oh combien son imagination s'enflammait, et qu'il aurait voulu posséder l'intrépidité d'un soldat ou d'un sauvage!

Il allait à l'école, comme presque tous les enfants, mais ce n'est pas là qu'il se présentait sous le jour le plus favorable. Il était le favori dans la cour du collège, et ses instituteurs admiraient en lui plusieurs beaux traits de caractère; mais il n'aimait pas à s'occuper de ses livres; son naturel libre se rebellait contre la réclusion de la salle d'école et la discipline d'une application soutenue. Il n'était pas fait pour l'étude; c'est du moins ce qu'on pensait parce qu'on voyait plusieurs garçons plus jeunes et plus faibles que lui qui occupaient des places beaucoup plus honorables dans toutes les branches. Mais Jean possédait en réalité toutes les qualités requises pour faire un excellent élève. Si seulement il' avait voulu se donner de la peine, il aurait devancé d'autant ses camarades d'école dans les mathématiques et les autres branches que dans les exercices corporels.

Bien en prit au jeune homme d'avoir pour précepteur un homme judicieux ; celui-ci n'entra pas en contestation avec son élève; mais s'étant rendu compte de ses aptitudes, il résolut de lui inspirer une ambition qu'il n'avait encore jamais éprouvée. Il attendit quelques jours, surveillant attentivement les habitudes et les fautes de son élève, non pas en vue de le subjuguer lui-même, mais avec le désir de lui faire sentir la nécessité de posséder plus d'empire sur lui-même.

Il le voyait là, sa grammaire en mains, et dans l'attitude d'un oiseau habitué à la liberté et qu'on viendrait de mettre en cage. Jean s'impatientait en effet de ne pas pouvoir aller faire quelque excursion dans les montagnes, ou se promener à cheval. Il pensait à la vie de Robinson Crusoé, et il désirait que les verbes latins et les maîtres d'école n'eussent jamais été connus.

La clochette appela enfin la classe de Jean pour la récitation. Il avait été repris, aidé et encouragé, mais son esprit turbulent le laissait toujours bien au-dessous de ses camarades.

Le maître paraissait sévère; le jeune garçon, l'air intelligent et noble, était devant lui; son ignorance éclipsait presque toutes ses qualités. M. L. avait le sentiment que ce moment était une heure de crise dans la vie du jeune homme; il ne pouvait plus tolérer en lui ce laisser-aller qui devait le laisser, spirituellement, faible et superficiel ; il désirait lui apprendre à dompter son esprit remuant, et l'accoutumer à réfléchir et à raisonner avec exactitude, ce qui seul pouvait le rendre véritablement utile à la société.

- Jean, dit M. L., désires-tu devenir un homme ?
- Certainement, repartit aussitôt Jean en souriant.
- Un homme accompli, qui puisse toujours faire tout ce qui se présente, étant par lui-même une puissance - qui soit à même de surmonter le mal par le bien et d'être toujours victorieux?
- Naturellement, dit Jean.
- C'est bien ce que je pensais ; mais veux-tu me dire, Jean, ce qui constitue un tel homme ?

Jean se faisait une idée assez correcte de ce que devait être un homme ; il semblait qu'il avait sur ce sujet des idées assez indépendantes et bien arrêtées, mais il était embarrassé de savoir comment exprimer ses pensées.

- Ne te gène pas, lui dit son maître; dis-nous simplement ce que tu penses.
- Eh bien, dit Jean, un homme est noble ; il ne fait rien de bas; et il est quelque chose.
- Ta définition n'est pas mauvaise, mon garçon; tu supposes donc qu'un homme fait son devoir, qu'il est fidèle à ses principes, que cela lui soit agréable ou non, et qu'il s'efforce d'être aussi accompli que possible?
- Oui, Monsieur.
- Eh bien, Jean, qu'est-ce que tu penses qui contribue le plus à faire d'un jeune garçon un homme - un homme, comme tu dis, qui est quelque chose?
- Je ne sais pas, Monsieur, à moins que ce soit son père.
- Un bon père peut faire beaucoup, un bon instituteur aussi, de bons camarades et de bons livres également; mais la principale tache incombe au garçon lui-même. C'est un travail sur soi que nul ne peut faire pour lui; un travail plus important que tout le reste réuni. Dieu donne à chacune de ses créatures des facultés qui demandent à être développées; tout ce qu'il nous donne est naturellement bien et bon ; mais ces facultés, nous devons les cultiver, si nous voulons qu'elles atteignent tout le développement dont elles sont susceptibles. Il en est pour lesquels il est plus facile de devenir des hommes que pour d'autres; qui ont un meilleur fonds sur lequel ils peuvent édifier; mais il dépend de chacun de déterminer ce qu'il sera - s'il sera bas et abject ou noble et considéré, quelque chose ou rien du tout. Est-ce que tu avais déjà pensé à cela, Jean ?
- Pas précisément.
- C'est ce que je pensais aussi. Tu vois donc comment cela va : on doit être déterminé à surmonter les mauvais traits de son caractère, si jamais on veut devenir bon. Il faut subjuguer ses points trop forts, tels qu'un caractère prompt et désagréable, parce que ce n'est pas noble que de se laisser surmonter par des passions rudes et hideuses ; il faut veiller avec un soin tout particulier sur ses côtés faibles pour les fortifier autant que possible, sans quoi on aura toujours de grands défauts qui dépareront notre conduite et nous empêcheront d'être aussi utiles que nous le serions sans ces travers. Si l'on rencontre quelque devoir qui coûte beaucoup, soit dans ses études, soit dans ses habitudes, il faut raidir sa volonté et sa résolution, et faire en sorte de ne pas manquer de montrer en ces occasions mêmes qu'on est homme.
- Tu as de belles qualités, Jean, et j'en suis heureux; elles t'aideront à devenir un homme; sous plusieurs rapports, tu es aussi brave et aussi noble que n'importe qui; j'en suis fier et heureux; mais ton point faible, Jean, sais-tu quel il est?
- C'est mon manque d'application, je suppose, dit Jean.
- Tu as bien dit. Tu es jeune et intelligent, et tu as toutes les aptitudes voulues pour devenir un homme accompli; mais tu viens ici jour après jour, toujours turbulent et indolent, alors que tu as devant toi un travail noble et important que tu laisses à moitié fait, parce que tu ne l'aimes pas. Tu n'a aucun désir de fortifier et d'élargir ton intelligence, d'apprendre à connaître les meilleures idées des hommes les plus éminents; tu ne veux pas maintenant t'exercer à raisonner, à comparer et à calculer, parce que cela te coûterait quelques efforts. Je crains fort que mon élève, malgré toutes ses belles facultés, ne devienne jamais un homme, je veux dire, un homme intelligent et entendu, et cela simplement parce qu'il ne se met pas à l'oeuvre avec un mâle courage, et qu'il ne dit pas : Je veux le faire!
Tu vois, Jean, que l'issue de ce combat dépend entièrement de toi, et personne ne pourra la combattre pour toi la bataille entre le devoir et la discipline d'un côté, et la promptitude et l'indolence de l'autre. Que feras-tu? Te rendras-tu maître de tes leçons pour grandir spirituellement, et former ta volonté? ou te laisseras-tu vaincre par elles, tandis que ton intelligence demeurera faible et inculte, et seras-tu, comparativement à ce que tu pourrais devenir, un nain? Dans ce grand combat de la vie, veux-tu être un simple soldat, ou bien désires-tu devenir un officier, capable de se gouverner, et de diriger les autres hommes?

Jean ne pouvait pas supporter la pensée d'être moins qu'un homme. Il vit peut-être pour là première fois sa faiblesse, et il en devint honteux. Mais il ne dit pas grand'chose ce jour-là, et M. L. le laissa plongé dans ses réflexions.
Le lendemain, Jean vint à l'école comme d'ordinaire, mais il se mit aussitôt au travail.

- Eh bien, mon garçon, lui dit son instituteur d'un ton amical, as-tu décidé qui sera vainqueur ?
- Je veux l'être dit-il avec conviction; veuillez me surveiller, Monsieur, vous verrez si je ne tiens pas parole!
- C'est déjà un progrès; souviens-toi de ta résolution, et je puis t'assurer que tu seras un homme.

Ah, ce n'était parfois pas chose aisée pour Jean, que de tenir sa parole; mais il a persévéré, et il a été victorieux. Toutes les facultés du jeune homme furent mises en activité; les nouveaux motifs qui le faisaient agir, le but élevé qu'il s'était proposé, lui valurent la victoire. Depuis, M. L. a pu être fier de son élève.

Je désirerais que vous pussiez voir Jean, maintenant que dix années se sont ajoutées à son âge - dix années d'études suivies et de réflexion. Il a considéré attentivement ses points faibles, et il en a été richement récompensé. Il est quelque chose. C'est ce qu'un coup d'oeil jeté sur son visage intelligent et sa mâle expression révèle.

Jean n'oubliera jamais son instituteur; il l'honore d'une noble amitié, et il remercie Dieu de ce qu'il a placé sur son sentier au bon moment, la personne qui devait lui inspirer une si noble ambition. Je crois aussi que jamais M. L. n'a été plus reconnaissant envers Dieu de lui avoir donné quelque part dans son oeuvre que lorsqu'il y a quelques années, Jean alla le trouver pour lui exprimer sa reconnaissance pour les paroles à propos qu'il lui avait dites en vue de le tirer de son indolence, et de lui proposer un noble but.

- Il faut vaincre ou être vaincu, dit-il ; cette pensée que vous m'avez suggérée cet après-midi ne m'a plus quitté depuis.
- Dis plutôt, lui dit M. L., que c'est le je veux l'être du matin suivant qui a fait de toi ce que tu es.

Jeunes gens, que le "Je veux l'être" de Jean soit aussi votre mot d'ordre; faites tous vos efforts pour atteindre un idéal élevé; consacrez à votre entreprise toutes les plus nobles facultés de votre être, et vous verrez si vous demeurerez fort en dessous de ce que l'on est convenu d'appeler le génie.


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