Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



Vous serez mes témoins

Chapitre IX
QUELQUES EXPÉRIENCES

 Une foule qui attend en chantant des cantiques... Une si grande foule, accourue de tout le pays environnant, qu'aucun édifice public ne peut la contenir. Un homme drapé dans une étoffe jaune, la tête coiffée d'un turban, gravit lentement les escaliers du collège vis-à-vis et s'arrête sur la plateforme. C'est le Sâdhou Sundar Singh. Nous avons tous lu sa biographie, et maintenant nous contemplons le célèbre apôtre contemporain. Tout change, ce sont maintenant les païens d'hier qui viennent évangéliser les chrétiens paganisés d'aujourd'hui. Honte à nous ! mais gloire à Dieu qui suscite de tels témoins ! Très bien traduit, le Sâdhou parle simplement. Ce qui me frappa le plus dans ce discours, c'est qu'il nous reprocha, à nous Occidentaux, de ne pas consacrer assez de temps à la prière et à la méditation. Je sens qu'il a raison et désormais, avec le secours de Dieu, je tâcherai de mettre plus de temps à part pour cela.
Oui, c'est facile à dire, mais dire et faire sont deux... A côté de mon travail régulier, j'ai tant d'occupations plus pressantes les unes que les autres, me semble-t-il. J'aime tant me sentir utile à mon prochain que j'ai de la peine à décider ce que je dois abandonner. Je prie Dieu de m'aider... mais c'est toujours la même chose.

Dieu est venu à mon secours et cela d'une manière bien inattendue. Après le repas, maman lavait la vaisselle et je l'essuyais vite avant de descendre à l'ouvrage. Chargée d'une pile de tasses et d'assiettes, je poussai du coude la porte de la chambre à manger la croyant entr'ouverte. Elle était fermée et je me donnai un fameux coup à la place sensible. Cela me fit très mal, mais je partis sans y faire grande attention. Arrivée au bureau, quel ne fut pas mon étonnement de voir ma main enflée et gourde. Et pendant trois semaines je ne pus faire que le strict nécessaire et certes j'eus le temps de méditer et sur bien des choses !
Donner la dîme m'est une grande joie. Je donne les deux tiers de ce que je gagne à mes parents, le reste est pour mes dépenses personnelles, la location de mon petit logement au village et la dîme du tout.
- Pourrais-tu me prêter cinquante francs ? me demanda maman un jour.
- Oh ! que je le regrette, c'est la fin du mois et je n'ai presque plus rien.
- Alors que fais-tu de tout ton argent ? reprit-elle. Voyons, tu dépenses environ tant pour ceci, tant pour cela, et le reste ?
- Je... Je le donne... dis-je à contre-coeur.
- Comment, tu distribues ainsi ton argent ! Tu ferais mieux de nous le donner !
- Mais il ne nous manque rien, vous pouvez faire d'ordinaire avec ce que vous avez, c'est un acte que j'ai décidé d'accomplir devant Dieu, fis-je plus résolument.
- C'est de la folie ! Il me faudrait ces cinquante francs aujourd'hui, que me faut-il faire ?
- Eh ! bien, maman, pour te prouver que je n'ai pas mal agi, je vais demander à Dieu, mon Banquier, de m'envoyer cette somme, et je te la donnerai de suite.

Tout en descendant, je priais, repassant dans ma mémoire tous les passages sur lesquels je pouvais m'appuyer.
En arrivant au bureau, Mlle R. me dit : « Une surprise pour vous ! tenez ! » C'était une enveloppe contenant soixante francs. Plus que je n'avais demandé. Une gratification spéciale de l'administration. Coïncidence ? Oh ! non. « Avant qu'ils crient je répondrai, et pendant qu'ils parlent, j'exaucerai. » Esaïe 65. 24.
Ah ! quel Dieu merveilleux nous avons !
Mademoiselle, êtes-vous réellement ce que vous paraissez être ?

Interloquée, je regardai la personne qui me parlait une demoiselle, dans la soixantaine, à l'air digne et imposant.
- Oui, reprit-elle, je veux dire, ne jouez-vous pas parfois un rôle, sans vous en rendre compte ?
- Je... Je ne sais pas !
- Voyez-vous, dit-elle, si je vous demande cela, c'est que je viens de m'apercevoir dernièrement, à mon âge, pensez donc ! que je n'étais pas ce que j'avais l'air d'être. N'est-ce pas terrible ? J'ai toujours joué que j'étais Mlle T., une chrétienne très respectable, ayant été institutrice à l'étranger, bref, j'ai joué un personnage. C'est Dieu qui m'a révélé cela dans un songe, je me suis vue alors telle que j'étais. Je voulais diriger mon prochain dans la vie chrétienne et moi je vivais d'une vie spirituelle cérébrale, artificielle même. Dieu est bon de m'avoir montré cela avant qu'il soit trop tard, mais il me semble maintenant que je ne suis qu'un petit bébé dans la foi ! »

Pauvre chère mademoiselle T. ! cela nous faisait de la peine de la voir ainsi, et pourtant elle nous était devenue infiniment plus sympathique. Il faut aussi que je m'examine... Oui, c'est vrai, je me laisse parfois influencer par des lectures, et quand je suis froide avec certaines personnes, je ne suis pas sincère.
Que Dieu me donne un coeur droit et la grâce de vivre une vie transparente, une vie qui soit réellement en bon témoignage. Je hais le mensonge, il y a longtemps que je me suis aperçue qu'il n'y en avait pas de permis, je hais la fausseté, il faut désormais qu'il n'y ait en moi plus rien de double ni de faux.

Depuis quelque temps, l'étrange impression que Dieu me prépare pour une nouvelle tâche se renforce encore. J'espère qu'Il ne me demandera pas de quitter ce pays auquel je me suis tant, peut-être trop attachée... Cette occupation pour laquelle il me semble que je suis faite et qui est faite pour moi. Mes amies, l'Union, que de liens ! mais de doux liens ! Quoique si c'était pour déloger et être avec mon Sauveur, oh ! tout cela ne compterait pas ! « Voir mon Sauveur face à face, voir mon Roi dans sa beauté, oh ! joie, oh ! suprême grâce, paix, bonheur, félicité ! »
Quelqu'un me disait un jour : « Ne croyez-vous pas qu'il y aura des fleurs et des fruits au ciel ? »
- Cela m'est indifférent, ai-je répondu, il y aura Jésus, cela me suffit.

Il me reste cependant encore une certaine appréhension du passage de la vallée de l'ombre de la mort, mais mon Berger sera là. Je ne sais pourquoi j'ai de telles pensées. Ma santé s'est pourtant bien raffermie depuis quelque temps et j'ai l'air en pleine santé.


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Chapitre X
PRINTEMPS

Quel merveilleux printemps nous avons cette année ! Après le repas de midi, j'ai aidé à maman à laver la vaisselle. De nouveau nous avons eu une grande discussion à propos de mariage ; pour finir je lui dis :
- C'est la dernière fois que nous parlons de cela, tu sais qu'il n'y a pas de jeune homme partageant mes idées dans la contrée, donc c'est inutile d'y penser. Désormais je refuse toute discussion sur ce sujet.
Puis je pris un livre et allai rejoindre papa qui faisait la sieste dans le verger. Je m'installe sur un banc, mais le livre reste fermé sur mes genoux. Quelle splendeur autour de moi ! Les cerisiers sont en fleurs, il semble qu'un voile de mariée est étendu sur la contrée, l'herbe est d'un vert savoureux tout piqueté des clous d'or des dents-de-lion. Le ciel et le lac sont d'un bleu doux. Les oiseaux chantent à coeur joie, les abeilles bourdonnent... De tout ce tableau se dégage une subtile symphonie, une intense joie de vivre... Que Dieu est bon de nous avoir transplantés dans un si beau pays !
Un jeune homme passa offrant des brochures. Rendue méfiante par les contrefaçons de la vraie religion, de prime abord je voulus refuser, mais quand je vis ses traités, j'en acceptai quelques-uns. Après avoir parlé un moment de choses et d'autres, il s'éloigna, puis, se retournant tout à coup, il dit :
- Qu'il fait beau ici ! cela fait envie d'y revenir
- Eh ! bien, pourquoi pas ? si cela vous fait plaisir ! répondit papa.

Ensuite ma soeur et mes frères sont revenus de promenade ; nous avons commencé de jouer au croquet, mais il faisait trop chaud et trop beau pour continuer et, assis dans l'herbe, nous sommes restés en contemplation devant les beautés de la nature.

Le dimanche suivant, la floraison des arbres passait, mais il faisait encore un temps merveilleux...
À quatre heures nous étions toute une joyeuse bande en train de nous rafraîchir au verger. Nous apercevons une silhouette là bas dans les champs. C'est peut-être le porteur de traités, il doit avoir soif ! Nous lui faisons de grands signes.
- Venez vite ! dépêchez-vous pendant qu'il y en a encore

Il arrive tout essoufflé, nous lui faisons une place, lui remplissant vite un verre et lui passant le biscuit.
- Êtes-vous content ? C'est bien allé, votre tournée ?
- Oh ! oui, j'aime beaucoup faire cela, je dépose des brochures sur les fenêtres, sur les tas de bois quand les gens ne sont pas là, cela peut faire du bien une fois ou l'autre !

C'est bien du dévouement de sa part, et nous sommes un peu honteux de nous qui ne pensons qu'à nous reposer ou à nous amuser.
- Que ce gâteau est bon, madame ! et cette boisson ! comment la faites-vous ? Qu'est-ce donc ? demanda le nouvel arrivant.
- C'est du vin de figues sans alcool fait à la maison, répondit maman.
- J'aimerais bien en avoir la recette.
- Mais, à votre service, la voulez-vous de suite ?
- Je n'ai pas bien le temps aujourd'hui, il faut que je me dépêche de rentrer, je reviendrai...

Le voilà qui devient rouge comme une tomate, qu'a-t-il donc ?
Après son départ nous recommençons de jouer, mais sans entrain, nous ne pouvons nous empêcher de penser que nous pourrions mieux employer nos dimanches.

Le soir du dimanche suivant, le distributeur de traités revint chercher sa recette. C'est un jeune agriculteur qui habite un petit village à une heure de marche d'ici. Il a l'air gentil tout plein et vraiment sérieux. Ce serait un bon petit mari pour ma soeur qui aimerait tant se marier, je crois qu'il lui plaît beaucoup, mais peut-être n'est-il plus libre ? Nous avons passé une belle soirée tous ensemble causant de choses et d'autres.

En arrivant au bureau quelques jours plus tard, je trouvai une lettre sur mon pupitre. Écriture inconnue. J'eus l'impression qu'elle m'apportait des nouvelles troublantes et je la laissai intacte jusqu'à midi où enfin je me décidai à l'ouvrir.
C'est le porteur de brochures qui m'invite à assister, avec son père et lui, à des réunions jeudi, jour de l'Ascension, dans un village assez éloigné. A-t-on idée de cela ! Il ne doute de rien ! La dernière phrase me trouble : « ... cherchez à connaître la volonté de Dieu qui est bonne, agréable et parfaite ! » Que veut-il dire ? Certes, tout mon désir est de faire la volonté de Dieu, mais je ne peux pourtant pas aller ainsi avec des gens que je ne connais pas, tout estimables qu'ils soient.
Je passai la soirée à répondre, tantôt j'écrivais trop sèchement, tantôt trop gentiment, et j'ai fini par où j'aurais dû commencer ! demander à Dieu de m'inspirer et enfin je pus écrire un refus assez cordial.
Que cela est désagréable ! depuis que j'ai reçu cette lettre, il me semble sentir continuellement une main posée sur mon épaule et qui m'oblige à aller... à aller où je ne voudrais pas. Je me sens mal à mon aise, fallait-il donc que je reçoive cette missive pour me troubler, moi qui était si heureuse !

Le fameux jeune homme est revenu. J'étais assise près de mon banc au verger, sous les cerisiers défleuris mais prometteurs de belle récolte.
Papa et maman, ainsi que mes frères et soeur, s'étaient installés un peu plus loin.
Assez gêné pour commencer, il me raconta que sa soeur allait se marier prochainement, ses parents désiraient qu'il se cherche une compagne. Tout son désir était de trouver une enfant de Dieu avec laquelle il se sente en communion d'idées. Sa soeur lui avait dit un dimanche :
- Pourquoi vas-tu toujours porter tes brochures de l'autre côté de la forêt ? Essaie donc une fois d'aller aux Ouches. Il y a là deux soeurs dont une m'a été présentée une fois lors d'une réunion de monitrices d'école du dimanche. Ça a l'air d'être des gens sérieux !

En traversant la forêt, il s'était agenouillé sous un arbre et avait demandé à Dieu de lui montrer celle qu'il lui destinait et qu'elle soit seule à la maison.
- Et sitôt que je vous ai vue, j'ai senti que vous étiez celle qu'il me fallait ! dit-il en terminant.
- Eh ! bien, c'est drôle, moi je n'ai rien senti et je ne me suis méfiée de rien ! fis-je assez sèchement. Mais vous savez, je n'ai que rarement travaillé à la campagne, je ne serais pas une bonne paysanne, prenez plutôt ma soeur, elle vous conviendra mieux !
- Non, c'est vous qu'il me faut. Chez nous, les femmes ne vont pas aux champs, nous préférons avoir un ménage bien tenu.
- Je n'aurai pas de dot, vous savez ?
- Mais ce n'est pas cela que je cherche, répondit-il.
- Mais, repris-je, je ne suis pas forte, je ne sais si je pourrais accomplir une si grande tâche !
- Vous ne paraissez pourtant pas malade, au contraire

Il a réponse à tout, je ne sais plus que dire ; pourtant, au bout d'un moment, je crus avoir trouvé un moyen de le renvoyer, il a l'air si jeunet !
- Quel âge avez-vous ? lui demandai-je.
- Vingt-huit ans, et vous ? fit-il hardiment.
- Vingt-six.

Il marmotta quelque chose.
- Pardon, que dites-vous ?
- Eh ! bien, cela irait tout juste, répondit-il.

Ce fut à mon tour de me sentir rougir jusqu'aux oreilles.
- Je ne puis vous donner une réponse aujourd'hui, lui dis-je, mais je demanderai à Dieu ce que je dois faire, et quand je le saurai, je vous le dirai.
- En attendant, me permettez-vous de venir quelquefois ici ?

Après avoir hésité un instant, je lui répondis qu'il le pouvait. Puis il partit après avoir causé un instant avec mes parents.
Comme toujours, ceux-ci me laissent entièrement libre de prendre une décision.
Le jeune homme m'est tout à fait sympathique, il est vrai que je le connais à peine.
Mais Dieu me demanderait-il vraiment de quitter ceux que j'aime pour aller habiter ce petit village perdu dans la campagne et dans lequel je ne suis encore jamais allée ? Et puis, je vois assez autour de moi ce qu'est le travail de la campagne ; il y a toujours plus d'ouvrage qu'on ne peut en faire, et il ne reste plus de temps pour travailler pour Dieu. Voudrait-Il me mettre à l'écart ? M'envoyer dans le désert ? Moi qui étais si heureuse d'avoir beaucoup de temps pour Lui ici ! Vraiment il me semble que cela m'aurait été moins dur de partir pour l'Afrique !

Je prie. Au fond, tout au fond, depuis que j'ai reçu la fameuse lettre, je sens que je dois accepter, mais j'espère encore que ce n'est qu'une épreuve et que Dieu ne m'obligera pas à passer par là. Des heures entières je supplie Dieu de me laisser ici et d'inspirer à ce jeune homme l'idée de se retirer. Mais le ciel est fermé, mes prières ne montent pas, il me semble même que Dieu s'est éloigné.

Voici trois semaines écoulées, trois misérables semaines, les plus misérables depuis ma conversion. Joseph Z. vient chaque dimanche, il me demande si je ne sais pas encore ma réponse. Je lui dis non. Ce n'est pas tout à fait vrai, mais j'essaie encore de me tromper moi-même.
Un matin, m'étant levée de bonne heure et ayant encore du temps avant de descendre, je me mis à l'harmonium et je chantai quelques cantiques en suivant dans le recueil. J'attaquai : « Jésus, je te suivrai part... » Ma voix s'étrangla. Non, c'est trop fort ! l'ai-je assez chanté et de tout mon coeur : « Jésus, je te suivrai partout... etc. », et maintenant, maintenant, je ne veux pas le suivre à F. Oh ! il me semble que je ne le peux pas ! Violemment émue, je fermai l'instrument et je partis.

Le dimanche suivant nous étions une nombreuse compagnie devant la maison (maman a le génie de l'hospitalité). Nous chantions. « Il faudrait descendre l'harmonium », proposa maman.
- Vous jouez de l'harmonium ? me dit brusquement Joseph Z.
- Oui, pourquoi ? y a-t-il du mal à cela ? demandai-je surprise.
- Oh ! non, fit-il l'air ravi, nous en avons un chez nous, mais personne ne sait en jouer, Vous voyez bien que...

Maintenant il voudrait que j'assiste au mariage de sa soeur comme demoiselle d'honneur.
- Mais je ne la connais presque pas, ai-je objecté.
- Qu'à cela ne tienne, dit-il, elle viendra un soir vous faire une petite visite.

Elle est venue, toute gentille et aimable, je me sens de plus en plus malheureuse. Je l'accompagnai un bout de chemin, puis je revins à bout de forces. Je me jetai sur mon lit. La tête dans l'oreiller pour qu'on ne m'entende pas crier, je me mis à pleurer et à dire : « je ne le peux pas, je ne le peux pas ! » Tout à coup j'eus le sentiment d'un regard tendre et pourtant plein de reproches qui se fixait sur moi. Instantanément je me calmai. Les volets étaient fermés et la lumière éteinte, mais la chambre me sembla toute illuminée. Une voix me dit distinctement : « Tu le dois. »
« Bien, Seigneur, répondis-je, mais donne m'en la force ! » Aussitôt un calme merveilleux me pénétra. Que c'était bon après les souffrances et les luttes des derniers jours. J

Je m'éveillai le lendemain avec un sentiment de joie intense. Le Seigneur était là, je goûtais de nouveau sa précieuse présence. Je me hâtai de faire ma toilette puis je pris ma Bible, elle s'ouvrit au Psaume 139 : « Seigneur, tu me sondes et tu me connais... Tu pénètres toutes mes voies... Tu m'entoures par derrière et par devant et tu mets ta main sur moi... Où fuirai-je loin de ton Esprit ? et où fuirai-je loin de Ta face ?... Si je dis : Au moins les ténèbres me couvriront, la nuit devient lumière autour de moi, même les ténèbres ne sont pas obscures pour Toi... Que tes pensées, oh ! Dieu, me semblent impénétrables et que le nombre en est grand !... Je m'éveille et je suis avec Toi... Sonde-moi, mon Dieu, et connais mon coeur. Éprouve-moi et connais mes pensées ! Regarde si je suis sur une mauvaise voie et conduis-moi sur la voie de l'Éternité ! »
Ah ! merveilleuse Parole de Dieu ! comme tu exprimes bien mes sentiments !
L'avenir ne me paraît pas moins sombre, mais je sais que tout est bien. Notre Père céleste conduira mes pas.
Mes parents sont assez contents, surtout papa auquel mon futur plaît fort. Il me dit un jour : « Je ne sais pas pourquoi tu as eu tant de peine à te décider puisque tu disais que tu ne voulais qu'un jeune homme comme ton père ; celui-là pourtant remplit toutes les conditions »
- Oui, c'est vrai, mais tu comprends, je pensais qu'il ne s'en trouverait pas un ainsi quand je disais cela ! répondis-je.

Le matin de la noce, Joseph, tout radieux, vint me chercher en voiture. J'avais une simple robe bleue, je lui passai donc des bleuets à la boutonnière. Il avait l'air si triomphant que j'eus envie de le faire souffrir un peu, ce coquin ! Aussi, pendant le trajet, quand il me demanda sa réponse, je ne voulus rien dire.
- Eh ! bien, vous me la donnerez ce soir, fit-il gentiment.

Le coeur me battait un peu en arrivant dans ce village qui allait être ma nouvelle patrie. Je redoutais de faire la connaissance de mes futurs beaux-parents. Arrivée à leur maison, je fus très bien reçue. Les parents de Joseph sont sympathiques, ce sont des chrétiens.
Il y eut un petit dîner intime, puis un taxi nous amena au temple pour la bénédiction nuptiale.
Il fallait voir les yeux écarquillés des badauds ! ma présence là semblait une énigme, pas difficile à deviner pourtant. Et le pasteur ! il parlait depuis un moment quand ses yeux se portèrent sur moi, quel soubresaut ! J'eus bien de la peine à réprimer un fou-rire !
Puis nous fîmes un petit tour en auto, En revenant Joseph glissa son bras derrière mon dos, ce qui me mit très mal à l'aise. Je n'osais pas le prier de le retirer pour entrer dans le village et que penserait-on de nous voir ainsi !
Encore un fin petit souper chez une tante de la mariée, puis nous reconduisons les nouveaux époux à la gare pour leur tour de noce.
Je voulus regagner la maison à pied. Il me semblait que cela me ferait du bien de marcher un peu. Quand nous fûmes en pleins champs, Joseph me demanda - « Alors ? »
- C'est oui, fis-je en baissant la tête. Il m'entoura de ses bras et resta un bon moment silencieux.

Arrivés à destination, nous allâmes nous asseoir sur notre banc. Tout me semble tellement étrange, je ne puis me faire à cette idée que je ne suis plus libre... Eh ! bien, maintenant je suis bien reconnaissante, envers Dieu, que tout soit allé ainsi et que j'aie dû me décider sans que le coeur soit engagé. Quoi qu'il arrive dans l'avenir, je serai sûre d'avoir fait la volonté de Dieu et non la mienne, et d'être à la place où Il veut que je sois.

Plus j'apprends à connaître Joseph, plus ma profonde estime croît pour lui. C'est un beau caractère. Ai-je de l'amour pour lui ? je ne sais. En tout cas nous avons tout à fait les mêmes idées en fait de religion, nous prions et lisons la Bible ensemble et cela est un lien très fort. J'ai une parfaite confiance en lui. Un jour, il me raconta que, en plusieurs fois, des parents avaient voulu le marier à des jeunes filles de leur choix, Il se laissait faire à contre-coeur, et était tout heureux quand les combinaisons échouaient. Oui, je crois vraiment que Dieu le gardait pour moi et moi pour lui.
Quelle sécurité de penser qu'un Père tout bon et tout sage, omniscient, veille sur nous et nous dirige.

Mlle R. est triste de ce que je vais la quitter, moi aussi je me plaisais tant avec elle, elle a été si bonne pour moi ainsi que sa mère, une chère vieille chrétienne, une mère en Israël ; nous pensions bien finir nos jours ensemble, et voici, Dieu en a disposé autrement.
La vérité est que j'ai accepté la volonté de Dieu, mais au fond du coeur, j'ai encore un regret lancinant de quitter ma famille et ma position.

Toutes les fois que je vais à F., ce n'est pas souvent, je ne puis supporter l'idée d'aller y demeurer. Ces vieilles petites maisons toutes fleuries, serrées les unes contre les autres comme pour se tenir chaud, c'est pittoresque certes, mais y habiter c'est autre chose. La maison de mon fiancé est grande et à un certain cachet, mais mon coeur se serre à la pensée de devoir y rester toujours.
Quelqu'un, pensant me faire plaisir, me dit un jour
- Vous savez, à F., ce sont tous des chrétiens, il y a eu déjà plusieurs Réveils dans le passé.

Tous des chrétiens ! mais que vais-je donc y faire ? Pourquoi Dieu m'envoie-t-Il là ?
Oui, ses pensées me semblent bien impénétrables


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Chapitre XI
DIVERS ET MARIAGE

 Les jeunes filles de l'Union chrétienne ont voulu m'avoir encore une fois, toute à elles, et nous avons fait une belle excursion sur la montagne. Nous avons eu beaucoup de plaisir.

En descendant, je m'écorchai un peu un orteil, mais je n'y fis pas attention. Il se produisit un commencement d'empoisonnement de sang. Je fis des bains d'eau de savon mais cela continua d'empirer, l'infection monta jusqu'au genou et j'avais grand-peine à marcher. J'allai alors chez le médecin ; il hocha la tête en voyant mon pied : « Il faudra ouvrir cela, venez demain à la consultation et continuez les bains en attendant. » Mon fiancé vint le soir et me promit de prier spécialement pour moi à cette heure-là.

En arrivant au bureau le lendemain, Mme R. me dit : « J'aimerais bien voir votre pied ! » J'accédai à son désir. « C'est bien laid, cela vous fait mal, sans doute ; je prierai pour vous. »
Je travaillai jusqu'à l'heure de la consultation, puis je m'y rendis péniblement. Après un moment d'attente, j'entrai dans le cabinet du médecin ; j'ôte mon bas et je regarde stupéfaite : plus rien !
- Mais c'est tout à fait guéri s'écria le médecin.
- Oui, je n'y comprends rien !

Toute guillerette, je renfilai mon bas et m'en allai, la canne sous le bras. Ce doit être les prières de Mme R. et de mon fiancé qui ont opéré ce miracle par la grâce de Dieu.

Pour les fêtes, mon fiancé me comble de cadeaux. Mais mon coeur se serre en pensant que c'est le dernier Noël à la maison.
Devant cette nouvelle année, qui m'apportera tant de changements, il fait bon se sentir dans la main d'un tendre Père.

Au printemps, maman eut une esquinancie et fut assez gravement malade. Je fus obligée de quitter le bureau quinze jours plus tôt que je ne le pensais, pour la soigner. Cher bureau, c'est avec regret que je te dis : adieu !
Comme cela allait un peu mieux, un jour je jouais un cantique sur l'harmonium. Maman me dit alors: « J'ai bien réfléchi ces derniers jours, et je crois que tu as raison. Jésus est aussi mort pour moi, je le crois, et désormais je veux aussi vivre pour Dieu. »
Incapable de dire un mot, je jouai un cantique de louange tandis que des larmes de joie coulaient sur mes joues. Y a-t-il joie plus douce que celle que procure la vue d'une âme passant des ténèbres dans l'éternelle lumière ? Et joie plus grande encore, quand cette personne vous est chère ! Oui, Dieu répond aux prières! je regrette encore davantage de partir maintenant que l'harmonie sera tout à fait complète chez nous. Et, d'un autre côté, je suis si heureuse de penser que maman tiendra le flambeau à ma place.

Oui, j'ai passé de bien belles années à la maison, des années heureuses ; maintenant cette page de ma vie va se tourner. Mes sentiments sont bien mélangés. C'est avec une parfaite confiance que je mets ma main dans celle de Joseph. Pendant cette année de fiançailles, je me suis attachée à lui. L'essentiel c'est que : « Jésus est le même hier, aujourd'hui et éternellement. » Hébreux 13.8. Il sera avec moi dans ma nouvelle vie...
Nous allons nous marier à la fin de la semaine ; ce sera une noce toute simple, nous la ferons ici, à la maison.

Un pasteur retraité, celui qui a uni mes parents, bénira notre union. Un évangéliste que j'aime beaucoup, viendra avec mes beaux-parents. Il y a eu bien des discussions à propos de cette bénédiction. Lors d'une visite à faire à ce pasteur et ami de la famille, lequel est bien connu aussi de mon fiancé, papa l'a invité à notre mariage et ensuite nous n'avons pas eu la liberté de choisir quelqu'un d'autre. Mon futur beau-père aurait préféré que ce fût un évangéliste qui nous unisse. C'est pour cela que nous aurons tous les deux, afin de tout concilier. Pour Joseph et moi, nous n'en tournons pas la main. Dieu a si visiblement tout dirigé que ce n'est pas ce qu'un homme pourrait dire qui changera l'état des choses. Dieu nous bénira, parce que nous avons obéi, même s'il n'y avait pas de bénédiction nuptiale.
Nous inviterons les jeunes filles de l'Union chrétienne, nos parents et amis, une soixantaine en tout, je pense.
Le vendredi soir nous irons à l'état-civil, et samedi, à midi, nous aurons un petit dîner intime chez nous. À deux heures aura lieu la bénédiction, ensuite le thé pour tous les invités. Et après le souper, où les parents seuls resteront, chacun ira de son côté et nous commencerons notre tour de noce de quinze jours à travers la Suisse.
Voilà notre programme, je me réjouis que tout soit passé Espérons que cela ira bien !

Oui, tout s'est bien passé ainsi, sauf que nous pensions avoir la bénédiction sous les cerisiers, mais le temps étant gris et un peu froid, il nous fallut nous réfugier dans la chambre de ménage que nous avions vidée de tous ses meubles, sauf les chaises et l'harmonium.
Nous avons fait un magnifique tour, admiré bien des paysages merveilleux et nous sommes revenus par un beau soir; tout était rose : le ciel, le lac, les Alpes dans le lointain; nous nous sommes écriés : « Il n'y a pas de plus beau coin de terre que le nôtre »

Le lendemain, qui était un dimanche, je dis à mon mari « Ne pourrions-nous pas prendre un cheval et la voiture pour aller chez mes parents ? Les chevaux se sont reposés pendant quinze jours, cela leur ferait une petite sortie et ainsi nous pourrions ramener le reste de mes affaires. » Ainsi dit, ainsi fait. Vers la fin de l'après-midi, comme mon mari devait rentrer pour soigner le bétail, je lui dis : « Laisse-moi encore passer la soirée ici! Quand tu auras fini, tu reviendras à ma rencontre. »

Malheureusement le cheval bien reposé, donc plus nerveux, prit peur de je ne sais quoi en retournant. Il fit un brusque écart, renversa la voiture et partit comme une flèche à travers champs, semant tout le long du parcours les cadeaux de noce qui se trouvaient dans la voiture. Des personnes qui avaient vu l'accident, s'empressèrent de relever mon mari qui n'était qu'évanoui et avait une oreille un peu déchirée, et ramassèrent ici un écrin de cuillères, là une cafetière, etc. Et la jeune femme ? où donc est la jeune femme ? se demandaient-ils fort inquiets de n'en apercevoir nulle trace. Ils furent soulagés de me savoir chez mes parents et me téléphonèrent de venir de suite.
Pour finir tout fut retrouvé, mais la voiture est en piètre état. Nous nous sommes bien promis de ne plus sortir cheval et voiture le dimanche, à moins d'urgence.
En face de la possibilité de perdre mon mari, je m'aperçus que je l'aimais plus que je ne l'aurais cru moi-même.

L'appartement de mes beaux-parents, qui se trouve au haut de la maison, n'est pas tout à fait terminé, les ouvriers ayant cessé le travail pendant notre absence. Nous ferons ménage commun pendant une quinzaine de jours, paraît-il. Ma belle-mère est bonne cuisinière et ménagère. Pour qu'il n'y ait pas de rivalités, chose toujours possible, mon mari m'a conseillé de ne pas dire que je savais faire la cuisine, de prendre aussi peu de place que possible... Je crois que ce conseil est sage, je le suivrai. Je ferai tout ce que ma belle-mère me dira de faire. Il y a une grosse corbeille de raccommodages, je m'y attaquerai. Comme je n'ai pas de ménage à tenir, j'irai m'aider aux foins, je verrai ainsi un peu plus mon mari. Il doit se lever très tôt et se coucher tard, je ne l'aperçois guère qu'aux repas ; ceux-ci sont plutôt mornes, quel contraste avec la maison ! Si je raconte une anecdote, elle tombe comme une pierre dans l'eau au lieu d'éveiller le joyeux écho de naguère
« C'est comme... » jusqu'à ce que chacun ait raconté la sienne.

Comme nous ne sommes pas seuls à table, nous ne pouvons nous dire grand-chose. Si cela continue, nous resterons étrangers l'un à l'autre. Tout le monde est bien aimable, mais je me sens un peu solitaire dans ce nouveau milieu si différent du nôtre. Ici c'est le travail qui règne en maître. Chez nous on travaillait beaucoup aussi, mais on prenait le temps de cultiver son esprit. On lisait, on discutait sur la politique, la religion, les sciences, etc., on s'instruisait l'un l'autre.

Ici on court toujours, on a à peine le temps de causer. C'est surtout le dimanche que je suis déçue; comme j'entrais dans un milieu encore plus pieux qu'à la maison, je me réjouissais beaucoup de ce jour-là. Hélas ! il en a fallu déchanter. Le samedi soir on travaille tard aux champs, le dimanche matin il y a bien des bricoles à faire qu'on laisse pour ce jour-là. Quand il a fait un brin de toilette, il est presque midi lorsque mon mari vient me rejoindre. Donc je dois faire le culte presque toujours toute seule, et c'est cela qui m'est le plus dur. On lit bien un chapitre de la Bible tous ensemble le matin après déjeuner, mais c'est tout. Ce n'est pas du tout ce que j'avais pensé, mon mari en souffre aussi, mais il doit suivre le mouvement. Presque chaque dimanche après-midi, nous allons chez mes parents. Cela me fait du bien de me retremper dans cette atmosphère gaie et intellectuelle. De bonne heure nous devons retourner, car il faut soigner le bétail; quelle dure vie que celle du paysan, serviteur de ses bêtes. Joseph n'aime pas beaucoup le travail de la campagne ; il aurait préféré être mécanicien, mais comme ils ne sont que deux garçons, il lui a fallu rester pour tenir le domaine familial. Quand il a le temps, il trouve toutes sortes de combinaisons ingénieuses pour simplifier le travail ; s'il avait pu suivre son goût, il aurait sûrement « donné quelque chose ». Il a été formé à l'obéissance dès son enfance, et maintenant qu'il est un homme, il continue à obéir, et moi, il me faut apprendre à obéir...


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