Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



Vous serez mes témoins

Chapitre XII
CALOMNIES ET TRAIN-TRAIN JOURNALIER

Les semaines, les mois passent sans amener grands changements. À la fin d'août, le mari d'une soeur de maman, professeur en Allemagne, est mort subitement. Comme je suis la seule de la famille connaissant l'allemand, et comme je ne suis pas indispensable ici, je suis allée là-bas une quinzaine de jours. C'était en pleine inflation. Quand je demandai au sommelier du wagon-restaurant le prix d'une tasse de café, je fis un soubresaut quand il me répondit : « Deux cent mille Marks. » En calculant, toutefois, je m'aperçus que ce n'était que cinquante centimes de notre monnaie. Et tout le reste est à l'avenant. La vie là-bas est hallucinante avec tous ces chiffres astronomiques. Cela fait pitié de voir tant de visages hâves et tourmentés. Oui, les richesses se sont faites des ailes. Proverbe 23. 5. Les banques les plus solides apparemment ne sont pas toujours sûres. Il n'y a que celle des cieux qui le soit. Matthieu 6. 19-20.

Ma pauvre tante est bien désolée. Comme elle me raconte, son mari, que j'ai très peu connu, devait être un chrétien; elle l'a souvent vu prier, mais elle n'a jamais eu la moindre envie de partager sa vie spirituelle. jolie et aimable, elle préférait le monde, et maintenant ce qu'elle a tant aimé ne lui donne aucune consolation.

Que c'est triste, je ne puis concevoir une existence pareille, vivre côte à côte, s'aimer beaucoup même, mais rester étrangers pour la chose essentielle, la seule qui demeure ! je ne puis que parler de Jésus à ma tante. Devant la mort les yeux s'ouvrent, et maintenant elle aimerait aller retrouver là-haut son cher disparu. Ce n'est pas une incrédule, elle croit en Dieu et se souvient encore, dans une certaine mesure, des leçons de l'école du dimanche qu'elle avait suivie dans son enfance. Mais elle n'a aucune idée de la valeur expiatoire du précieux sang de Jésus. Nous lisons beaucoup la Bible ensemble, elle semble comprendre, elle dit que désormais elle vivra pour Dieu. Pauvre tante, j'aurais aimé rester plus longtemps avec elle, jusqu'à ce qu'elle soit affermie dans la foi. Elle n'est pas forte de caractère ; pourra-t-elle résister aux embûches du monde et de Satan ? Naturellement nous continuerons de prier pour elle.
Mon mari est tout heureux de me revoir. Il est peu démonstratif, mais je vois qu'il m'aime encore plus que je ne le croyais.

De nouveau les mois ont passé, nous voici en hiver. Je ne puis plus aller que rarement chez mes parents. Je vois à peine mes amies, la solitude me pèse toujours davantage. Il n'est plus question pour moi d'assister à un culte public. Des réunions ici au village, il y en a de temps en temps, mais toutes ne sont pas également bonnes. Il y en a qui me laissent plus triste et plus vide qu'en entrant. L'Union chrétienne me manque terriblement. J'ai essayé d'inviter les dames et jeunes filles du village un soir par semaine. Pendant qu'elles travaillent, je leur fais une lecture intéressante ou nous causons, ensuite nous prenons une tasse de thé, puis je lis un chapitre de la Bible que j'explique tant bien que mal ; une prière encore, et nous nous séparons. Ainsi je fais connaissance, mais pas grande avance, je le crains ; je me demande encore pourquoi Dieu m'a envoyée ici. Est-ce pour me sevrer de tout, me détacher de tout ce qui est humain, afin que je ne m'attache qu'à Lui seul ? Que Lui devienne réellement mon tout ? Je fais bien quelques visites, mais il me semble parfois qu'il n'y a plus de bénédiction, comme autrefois, sur ce que je fais pour Dieu. Veut-Il m'apprendre à être inutile ? Inutile avec adoration, comme le disait une pensée lue je ne sais plus où ?

Nous sommes toujours au ménage commun, cela m'est dur quoique j'aime bien mes beaux-parents. Mon mari a toujours tant de travail, ou bien il est si fatigué que je me sens toujours plus solitaire, humainement parlant, car heureusement Dieu est là et je suis heureuse, malgré tout, de me sentir à la place où Il me veut.

Enfin voici le printemps, l'appartement de mes beaux-parents est terminé et sec. Ils emménagent. Maintenant il faut remettre notre logement en état et tout préparer pour la prochaine venue d'un bébé.

Voici quelques jours que nous sommes papa et maman ! que cela me semble étrange. Dire que cette mignonne fillette, qui dort dans son berceau est à moi ! Voilà qui me tiendra compagnie ! Nous l'élèverons pour Dieu, nous la lui consacrons, nous ne pensons pas la baptiser, mon mari et moi nous avons horreur des formes religieuses. Dieu qui sait tout, qui lit les pensées des coeurs sait que nous n'avons pas de plus cher désir que cette enfant Lui appartienne et soit à Son service dès ses jeunes années. Nous sommes environnés de tant de difficultés de toutes sortes, mais en regardant le précieux trésor que Dieu nous a donné, nous nous rappelons toujours que nous devons mettre toute notre confiance en notre bon Père céleste.

Depuis quelques jours je m'aperçois que mon mari n'est plus tout à fait le même avec moi ; je me creuse la cervelle pour en deviner la cause, mais en vain. Je ne puis supporter cette ombre entre nous, il faut qu'il m'en dise la cause.
Eh ! bien, je ne m'attendais pas à une chose pareille. Il circule, paraît-il, de vilaines calomnies sur mon compte et sur celui de ma famille. Il y a une part de vérité, mais les faits sont tordus, dénaturés. Ce sont des chrétiens, ce qui est le pire, qui sont venus raconter cela à mes beaux-parents et les ont montés contre moi. Ceux-ci, à leur tour, ont influencé mon mari, Muette d'indignation, je finis par dire : « Et tu as pu croire cela ! » Il baissa la tête; je réalisai alors comme il me connaissait peu réellement : « Vois-tu, j'aimerais mieux mourir que de vivre ainsi, si tu n'as pas confiance en moi et en ma parole. » je lui expliquai alors les choses, il m'embrassa en me demandant pardon... Ah ! si ceux qui aiment raconter des histoires en les enflant savaient ce qu'ils peuvent faire souffrir !
Mais je leur pardonne, ils ne savent ce qu'ils font.

De nouveau les mois, une année ont passé. Nous avons eu une seconde petite fille. À mon tour, je suis prise dans l'engrenage du travail. Avant la naissance de notre premier bébé, je m'étais trop fatiguée et ma santé s'en est toujours ressentie. Maintenant qu'il y a un surcroît de travail, nous avons engagé une jeune fille du village pour m'aider quelques heures par jour. Elle parait bien gentille et je m'attache beaucoup à elle. Ce qui me paraît étrange, c'est la tête que font les habitants du village quand ils me voient. Un jour, mon beau-père vint me demander une explication, je découvris alors le pot-aux-roses ! La jeune fille, qui avait toute ma confiance, avait raconté au village tout ce que je disais en dénaturant les faits, et inventant toutes sortes de choses. Elle prenait mon économie pour de l'avarice ! je n'aime pas que quelque chose se perde, cela ne profite à personne. D'ailleurs nous ne sommes que les intendants de ce que Dieu nous a confié, et si je dépense le moins possible et seulement à bon escient, c'est pour pouvoir donner davantage. Quelle désillusion ! À qui se fier désormais ! J'ai dû renvoyer la jeune fille et, dégoûtée de l'expérience, je fais mon travail seule, avec quelle peine parfois, Dieu seul le sait !

Un jour je rentrai avec ma seconde fillette, laissant la première dans sa voiture, sous la garde de son père qui travaillait à côté de la maison. Tout à coup je sentis que je devais aller la chercher. N'y tenant plus, je courus dehors; la petite était seule, je pris la voiture pour la rentrer, mais je n'avais fait que quelques pas quand un cheval emballé, et attelé à un char, passa et renversa une lourde échelle qui tomba juste à l'endroit où se trouvait l'enfant un instant auparavant.
Attiré par le bruit, Joseph, qui était allé chercher un outil, arrivait en courant. Il poussa un soupir de soulagement quand il me vit avec la petite en sûreté. Comment nier après cela que Dieu nous garde ?

Nous n'avons pu trouver un domestique cette année. Il a fallu réduire un peu le train de campagne. Ayant lu une annonce, dans laquelle des étudiants s'offraient au pair pendant les vacances, nous écrivîmes. On nous offrit un jeune étudiant allemand. Celui-ci arriva par une belle journée de juillet. Il va sans dire qu'il fut reçu très cordialement et participa à notre vie de famille. En même temps nous avions encore un journalier, un homme tout simple, mais un vrai enfant de Dieu. Que de belles heures nous avons passées ensemble, penchés sur la Parole ou parlant des richesses insondables de Christ.

Un jour le jeune Allemand nous avoua être disciple de Nietzsche ; il n'avait pris d'ailleurs que des livres de cet auteur avec lui. Il nous raconta aussi ce que les professeurs de théologie ou des pasteurs de renom leur enseignaient. C'est à faire dresser les cheveux sur la tête; ces pasteurs avec leurs théories rationalistes font encore plus de mal que les athées avoués.
Quel non-sens ! Ceux qui devraient édifier de par leur profession, sont justement ceux qui démolissent la foi ! D'ailleurs les étudiants ne jugent que par ouï-dire, de la Bible ils ne connaissent que les soi-disant erreurs. Pour qu'il puisse se rendre compte, par lui-même, de notre foi, nous avons donné un Nouveau Testament à ce jeune homme qui est vraiment très sympathique et ouvert.
« Je croyais que les gens intelligents ne pouvaient plus croire en Dieu et en la Bible », nous dit-il un jour. Je voudrais que ceux qui enseignent si mal notre jeunesse se rendent compte, ne fût-ce qu'un instant, du mal qu'ils font. Je crains qu'il n'y ait de terribles surprises dans l'au-delà.
Le jour du départ, je ramassai un portrait de Nietzsche, tombé dans l'herbe du verger le jour précédent.
- Que dois-je en faire ? demandai-je.

Déchirez-le ! fut la réponse. Ce que je fis, et en morceaux aussi petits que possible, et je les lançai au vent ! Que ne puis-je en faire autant de toutes ces théories empoisonnées !
Un peu plus tard : « Bon voyage ! crions-nous, et au revoir ! » Mais nous reverrons-nous ici-bas ? « Eh ! bien, fit-il avec un radieux sourire, si ce n'est pas ici-bas, nous nous reverrons certainement là-haut ! »
Que Dieu lui donne Sa force et Sa sagesse, afin qu'il puisse tenir jusqu'au bout !

De nouveau les mois ont passé, tous les jours se ressemblent... Ils peuvent se résumer par travail, travail et souffrance à cause de mon état de santé toujours précaire. Oui et joies aussi, mon mari est tellement bon, vraiment je l'aime de tout mon coeur, mes fillettes sont aussi une source de joie toujours renouvelée. Je passe pour être une bonne ménagère, et mes enfants ont tous les soins nécessaires. Les dimanches ? oui, nous les observons aussi strictement que possible, car j'ai toujours été frappée de l'importance de l'observation du sabbat, et je crois, non, je suis sûre, qu'il y a là une bénédiction ; mais nous sommes toujours si fatigués de nos travaux de la semaine, que nous n'en jouissons que pour nos corps. D'ailleurs, celui qui travaille le dimanche se punit lui-même. Au lieu d'être rentier et d'en jouir un jour par semaine, comme Dieu le lui demande, il travaille et ne jouit pas de son travail. Et le lundi, il est encore plus fatigué et ne peut fournir autant d'ouvrage. Oui, tout ce que Dieu a fait est bien fait !

Il me faudrait prendre une jeune fille pour me soulager, mais je n'ai pas le courage de recommencer l'expérience. Au fond, tout au fond de moi-même, il y a pourtant quelque chose qui gémit et qui souffre. Dernièrement, j'ai pu assister à quelques réunions de Réveil au village voisin, c'est alors que je me suis aperçue combien mon niveau spirituel avait baissé et combien je m'étais laissée enliser dans les préoccupations matérielles. Le temps me manque souvent pour la prière et la méditation personnelle de la Parole de Dieu. Certes, pendant la journée, mes pensées sont souvent occupées de Lui. J'ai beau me lever tôt, souvent, après une nuit agitée, les enfants se réveillent alors et réclament leur lait, puis je suis prise dans l'engrenage du travail journalier. Nous faisons toujours le culte familial après le déjeuner, mais cela ne me suffit pas, et nous n'allons jamais dormir avant d'avoir lu un verset et prié ensemble, précieuse habitude ! Dans les premiers temps de notre mariage surtout, nous avons eu parfois de petites disputes, presque toujours par ma faute, il faut l'avouer, et causées par l'incompréhension. C'est extraordinaire comme les points de vue masculin et féminin peuvent parfois différer sur la même question. Et c'est souvent en se fondant l'un l'autre qu'ils donnent une vue réelle d'ensemble qui produit l'unité.
Maintenant, quand il y a divergence, je m'efforce toujours de comprendre le point de vue de mon mari. Mais, jusqu'à ce que l'on ait compris cela, que d'orages peuvent se produire ! Il me fallait donc demander pardon à mon mari avant d'ouvrir la Bible, sans cela comment aurions-nous pu prier ensemble ? Ainsi, si parfois le soleil s'est couché sur notre colère, la soirée ne s'est jamais terminée par une brouille ! Mais comme il nous faut manger notre nourriture matérielle chacun pour son compte, il en est de même pour la nourriture spirituelle. Notre esprit dépérit si nous ne le nourrissons pas de la Bible et si nous n'avons pas des moments de rencontre intime avec Dieu. Je pense souvent à ce verset de Il Chroniques 16. 9 (version Osterwald) : « Car les yeux de l'Éternel regardent çà et là par toute la terre, afin qu'Il se montre puissant en faveur de ceux qui sont d'un coeur droit envers Lui. » Cela me fait du bien de penser que les yeux de l'Éternel sont sur moi. Les circonstances m'empêchent d'être ce que je voudrais être, mais mon coeur est droit envers Lui. Il le sait, Il sait que mon plus grand désir est de Le glorifier, de faire Sa volonté, et Il sera puissant pour réaliser cela en moi...


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Chapitre XIII
MALADIE

Me voici au fond de mon lit. Dieu nous a envoyé un petit garçon. joie délirante ! Pourquoi y a-t-il plus de joie pour un fils que pour une fille ? C'est une responsabilité de plus. Que Dieu nous fasse la grâce de l'élever pour Lui, pour Son service !

Huit jours plus tard, m'étant retournée un peu brusquement dans mon lit, je ressentis un étrange malaise qui alla en augmentant jusqu'à ce que dans la soirée, il me sembla tout à coup que je m'en allais. J'appelai mon mari et la garde qui causaient à la cuisine. Ils m'assirent dans mon lit et me mirent des oreillers pour me soutenir ainsi. Je pus alors un peu mieux respirer, mais je m'aperçus que le côté gauche était paralysé, et la tête me faisait si mal que je ne pouvais presque plus penser. C'était une embolie. Le docteur, malade lui-même, ne put venir que le lendemain après-midi. Nous vîmes alors la main de Dieu dans le fait que j'avais justement en visite une cousine ayant fait les études de garde-malade et qui s'étant trouvée fortuitement là, comme nous l'avions pensé d'abord, lors de la naissance, resta pour me soigner.

Dieu permet la souffrance, mais il y a toujours un but d'amour caché derrière. Il ne permet jamais qu'elle dépasse nos forces, et n'est-ce pas bienfaisant de penser qu'Il a tout prévu d'avance ? Oui, loué soit Son nom !

Une nuit, je m'assoupis; il y avait trois jours et trois nuits que je n'avais pu dormir, et glissai de mes coussins. Le caillot de sang monta au coeur et s'arrêta là. Celui-ci battait la chamade et je crus ma dernière heure venue. Aucune peur, j'aurais seulement aimé pouvoir me rappeler un passage réconfortant. Ma pauvre tête était vide, je ne pouvais que dire ces mots : « Seigneur, tu sais toutes choses, tu sais que je t'aime ! » Seule la pensée de mes enfants orphelins me chagrinait, ou plutôt c'était la question : Saura-t-on les élever pour Dieu et me les amènera-t-on là-haut ? je demandai alors à Dieu, malgré mon grand désir d'aller vers Lui, qu'Il me laisse encore ici-bas, jusqu'à ce que mes enfants soient convertis. Une détente se produisit alors, Dieu m'avait exaucée.

Le lendemain, à midi, j'étais seule dans la chambre. Tout à coup je fus enveloppée d'un épais brouillard gris, puis je sentis que mon esprit quittait ce corps douloureux; plus je m'élevais, plus le brouillard s'éclairait, j'étais presque dehors et déjà j'entrevoyais un espace illuminé et d'un bleu magnifique. Une forme blanche se tenait là. Un bonheur intense me pénétrait, un bonheur supraterrestre... Toutes les choses de la terre étaient oubliées. J'avais le sentiment très net que c'était par l'amour qui brûlait dans mon coeur pour mon Sauveur qu'Il m'attirait à Lui je criai avec ravissement : « je viens, Seigneur Jésus, je viens » Une voix me dit alors : « Et tes enfants ? » Ah ! oui, mes enfants !... Je retournai dans le brouillard, puis il se dissipa et voici j'étais dans mon lit. Je suis sûre de ne pas avoir dormi et cette vision m'aida à traverser les jours et les nuits de terribles souffrances physiques qui suivirent. Mais j'avais la nostalgie de ce que j'avais seulement entrevu. Oui, désormais, toute crainte de la mort a disparu. Est-ce peut-être cela que Jésus a voulu dire dans ce passage : « Si quelqu'un garde ma Parole, il ne verra jamais la mort » ? Jean 8. 52. L'au-delà est peut-être plus près de nous que nous le croyons, mais les croyants sont déjà passés de la mort à la vie et il n'y aurait peut-être qu'un court passage.

Le lendemain, comme Joseph arrangeait mes coussins, je bougeai un peu et je fus reprise par de terribles hoquets et des douleurs cardiaques. Pris de peur, il téléphona au médecin de venir immédiatement. Celui-ci paraissait inquiet. Maman vint aussi, ainsi que mes amies intimes un peu plus tard, comme pour me dire un dernier adieu. Au milieu de tous ces gens bouleversés, j'étais fort calme et je m'efforçais de les rassurer. Je savais que ma tâche ici-bas n'était pas terminée.

La jambe droite se paralysa aussi et je passai un mauvais moment. Vivrai-je pour rester toujours clouée sur ce lit, donnant de la peine à mon entourage ? Dépendant absolument de la bonne ou de la mauvaise humeur de ceux qui me soignent? Quand je voyais mon bébé s'étouffer, à force de pleurer, tout à côté de mon lit, mais ne pouvant rien pour lui, pas même sonner la garde, que c'était dur ! Et puis me faudra-t-il vivre dans cet état de demi-inconscience, cet étrange sentiment de ne plus être soi-même ? je crains de ne pas être toujours patiente. La garde me disait un jour: « je n'aurais jamais cru que tu étais ainsi »
- Moi non plus ! répondis-je tristement.
Il faisait une chaleur étouffante, ce qui compliquait aussi mon état. Et tout le temps, une pensée me martelait la tête : « Dieu premier servi, Dieu en premier... »
Oui, je sens que je n'ai pas mis Dieu en premier dans ma vie... Oui, je le promets, qu'une fois rétablie, Lui y aura la première place...

En ce temps-là, mon second frère, qui était retourné travailler dans notre village natal, vint me voir. Je lui parlai alors de la fragilité de la vie... mais je fus navrée de voir l'expression de son visage : « Moi je suis fort et vigoureux, cela n'est pas pour moi... » pensait-il sans doute.
En partant, sa moto se renversa à la sortie du village; il fut grièvement brûlé au genou. Puis nous apprîmes, par des lettres de parents, qu'une pleurésie l'avait conduit aux portes du tombeau, mais que par la grâce de Dieu, il était entré en convalescence. Je me sentis poussée à lui envoyer la biographie de George Müller. Ma cousine n'était pas d'accord. « Il a sûrement assez de lecture là-bas », dit-elle. Mais j'insistai tant qu'elle finit par empaqueter le volume et l'envoyer.
Ce fut le moyen que Dieu employa pour la conversion de ce frère. Que Son nom soit loué !

Enfin j'entrai en convalescence et la garde partit. Quoique encore très faible, je repris mon ménage. Je suis si heureuse de pouvoir aller et venir que je ne veux plus me plaindre... Cette maladie a encore resserré les liens qui nous unissent, mon mari et moi, il est si heureux de m'avoir encore ! Il fait tout ce qu'il peut pour m'aider dans le ménage et ainsi cela ne va pas trop mal.

Ma vie est remplie comme un oeuf ! Il n'y a plus de place que pour le travail. Du matin au soir, je n'ai pas un instant à moi, ni pour tenir la promesse faite à Dieu lors de ma maladie. Certes, mes pensées sont occupées de Lui tout en travaillant. Même la nuit, je dois me lever souvent plusieurs fois pour les enfants.
Depuis quatre semaines, nous sommes dans un horrible brouillard gris ! Il me semble parfois que je ne puis plus supporter de vivre ainsi, j'étouffe ! Oh ! revoir un rayon de soleil !
Oui, des jours gris dehors, et encore plus sombres au dedans suivirent. Depuis quelques jours mon mari avait une grippe cérébrale, et bien souvent mon coeur se serrait en l'entendant raconter toutes sortes d'histoires dans un demi-délire. Il me reprochait surtout que je ne restais pas assez auprès de lui. Mais que faire ? Les deux petites avaient de vilains rhumes, pleuraient souvent la nuit, et le jour il y avait tant à faire ! Et mes jambes sont enflées plus que jamais. Il faut aussi soigner le domestique malade dans sa chambre. Heureusement que mon beau-père pouvait encore s'occuper du bétail. Au village, il y a aussi des malades dans chaque maison, impossible d'avoir de l'aide. Seul le bébé paraissait tout à fait en bonne santé. Il avait grandi et était déjà si éveillé et affectueux, il poussait des cris de joie lorsqu'il m'apercevait. Il était presque trop avancé. En général je me réveillais le matin à six heures, lorsqu'il réclamait son lait. Un jour ou plutôt une nuit, je toussais tellement que je mis sa voiture de chambre dans la pièce voisine, et, vers la fin de la nuit, exténuée, je m'endormis d'un lourd sommeil. En m'éveillant, étonnée de ne pas l'entendre, j'allai voir. Il était immobile; je le pris, il ne respirait plus. En criant je le portai à mon mari, et nous dûmes nous rendre à l'évidence, notre petit trésor s'était envolé ! Brisés, nous avons pu dire cependant : « Seigneur, tu nous l'avais donné, tu nous l'as repris, que ton nom soit béni ! »

Non, nous ne méritons rien ! J'avais tant souffert à cause de lui, il me semblait que j'avais un droit sur lui. Quand les douleurs étaient aiguës et que je gémissais, la garde me disait : « Prends courage ! tu as un si beau petit garçon ! » Et maintenant mes bras sont vides...
Mais j'ai mis ma main sur la bouche et je me suis tue. La volonté de Dieu est bonne, agréable et parfaite...
Je ne veux pas gâter la vie de ceux qui me restent par mes pleurs et mes lamentations. Nous ne voulons pas porter le deuil, il ne faut pas assombrir l'existence de ces fillettes qui ne peuvent comprendre que leur petit frère ne soit plus là. Oui, il faut que je déverse la part d'amour du disparu sur ceux qui restent, il faut qu'ils soient aimés autant que cela soit possible de' l'être; qu'importe si mon coeur est lourd, lourd, ils ne doivent pas le voir. Parfois la nuit, je ne puis me contenir, et ce sont des explosions de larmes; mais Jésus n'a-t-il pas aussi pleuré Lazare ? Jean 11.35.

Maintenant il me semble que je comprends mieux le grand amour de Dieu, Lui qui a donné Son Fils en rançon pour nos péchés. Le comprendre? non, je ne saisis que le bord de cet océan d'amour.
- Et dire que le pauvre petit n'était pas baptisé, me dit un jour une voisine charitable.
- Mais voyons, madame, répondis-je, cela ne change pourtant rien qu'un homme, si consacré soit-il, ait versé de l'eau sur le front d'un enfant et ait prononcé des paroles rituelles. D'ailleurs le baptême des petits enfants n'est pas biblique. Dieu nous connaît et Il sait que notre enfant Lui appartenait. En outre il est dit: « Vos enfants... sont saints », I Corinthiens 7. 14. Un jour nous le retrouverons là-haut, c'est là notre espérance...

Un dimanche, mes frères vinrent nous faire visite; un ancien ami de la famille vint aussi. Comme nous le taquinions de ce qu'il était resté célibataire, lui qui a si bonne façon, qui est intelligent, et avait une belle situation, il nous dit alors : « Eh ! bien, garçons, je veux vous le raconter afin que cela soit une leçon pour vous.
» Beaucoup de jeunes filles ont essayé de me plaire, mais cela m'éloignait plutôt. Un soir, je pensais que j'allais revoir une jeune fille que J'avais perdu de vue quelque temps; je sentis alors qu'elle ne m'était pas tout à fait indifférente, au contraire. Je tombai alors à genoux devant mon lit et demandai à Dieu de me guider. Une voix me dit alors distinctement:
- Elle n'est pas pour toi.
- Merci, Seigneur, dis-je alors, j'obéirai.

» Quelques jours plus tard j'appris qu'elle était fiancée, et je fus bien reconnaissant envers Dieu qu'Il m'ait montré ce qui en était auparavant. Et tant que Dieu ne me donne pas d'autres ordres, je reste ce que je suis. »
Il nous raconta encore que Dieu lui avait ordonné une fois de visiter un jeune homme; il n'obéit pas tout de suite et quand il le fit, c'était trop tard, le jeune homme s'était engagé dans une mauvaise voie.

Une autre fois, obéissant de suite à la voix intérieure, il eut la joie de voir un esclave de la boisson délivré et plus tard mourant en paix dans son Sauveur.
Quand ils furent partis, mon mari me dit : « C'est extraordinaire, pourquoi y en a-t-il qui entendent cette voix intérieure et pas d'autres ? »
- je ne crois pas que ce soit l'apanage de ceux qui sont avancés spirituellement, lui répondis-je, mais je crois que Dieu peut révéler Sa volonté à celui qui est droit de coeur et qui vit dans un état de confiance enfantine envers Lui.
Ce doit être un peu comme les appareils de T. S. F. Il faut que tout soit en ordre et en bon état pour qu'on entende.


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Chapitre XIV
NOUVELLE EXPÉRIENCE

Et j'ai vu tout le labeur et toute l'habileté dans le travail ; que c'est une jalousie de l'un contre l'autre... Ecclésiaste 4. 4.
Oui, rien de nouveau sous le soleil, comme dit le même auteur...
Nous vivons dans un village essentiellement agricole, et la femme qui travaille le plus et le mieux aux champs, c'est celle qui a la réputation d'être la meilleure. Ce qu'est son ménage, personne ne le demande...

J'avais souvent souffert de certains regards lorsque je cousais, tranquillement assise au verger, en gardant les enfants, pendant les grands travaux. Aussi, comme le médecin m'avait ordonné de vivre davantage au grand air, et comme je désirais un peu me relever aux yeux de mes concitoyens et concitoyennes, aussi pour aider à mon pauvre mari qui se tue de travail, nous avions demandé à grand-maman de venir vivre quelques semaines chez nous, afin de m'aider un peu au ménage et surveiller les enfants quand je ne pouvais plus les prendre aux champs.

Au commencement cela alla assez bien. Je jouissais beaucoup de la belle nature, mais ensuite, pauvre de moi ! cela alla de mal en pis, les forces commençaient à manquer ; je voulus persévérer, alors ce furent des regards moqueurs que je rencontrai. On riait de mon inhabileté, quand c'était la douleur physique qui m'empêchait de travailler aussi vite que je l'aurais voulu. Un soir, je m'évanouis comme une mazette, en pleins champs ; alors je dus me rendre à l'évidence. jamais je ne pourrais seconder mon mari dans son travail. C'est vrai que lui ne me l'a jamais demandé, mais j'aurais aussi aimé exceller dans ce domaine et un peu relever mon honneur.

Toutes sortes de difficultés surgirent alors pour moi; tout concourait à m'écraser, ceux pour lesquels je priais empiraient plutôt. Un jour j'appris une nouvelle qui me bouleversa ; je n'osai la communiquer à mon mari de peur de lui faire de la peine, et pourtant ma pensée en était obsédée. Distraite, je fis alors quelques bonnes gaffes ; c'en était trop, j'étais brisée, dégoûtée de moi-même, je me demandais même si j'avais bien agi en demandant à Dieu de me prolonger la vie l'automne précédent. À quoi me servait-elle, si elle n'était utile à personne, pensais-je ! C'était le samedi soir, mon mari me fit une observation, à juste titre; ce fut la goutte qui fit déborder le vase et je me mis à pleurer, à pleurer, de toute la nuit je ne cessai de verser des larmes.

Quand je me levai, il me sembla que j'étais brisée en petits morceaux. Au milieu de la matinée, nous fîmes notre culte ensemble. Puis, comme il me restait encore un peu de temps avant le dîner, j'avisai une Bonne Revue sur la table, et je dis à mon mari : « Nous pourrions peut-être en lire un article. » je l'ouvris et vis ce titre : « Pour tous ceux qui souffrent ». C'était juste ce qu'il me fallait, il me semblait impossible de souffrir davantage moralement. Voici l'histoire en question :

Le bambou.

Sur les collines du district de Rucheng, aux Indes, les arbres de valeur sont, en général, marqués du nom de leur propriétaire. Pour conduire l'eau des montagnes jusque dans les villages de la plaine, on se sert de canaux de bambous ajustés bout à bout après avoir été creusés et complètement évidés.
Un superbe bambou s'élevait parmi beaucoup d'autres sur les pentes de la montagne. Sa tige sombre et reluisante contrastait avec son feuillage en panache dont chaque feuille se balançait à la brise du soir. Tandis que nous étions à l'admirer, un léger murmure de son feuillage se fit entendre et nous pûmes discerner les paroles suivantes - « Vous semblez admirer ma haute stature et mes gracieuses branches, disait-il, mais je n'ai pas là de quoi m'enorgueillir. Tout ce que je suis je le dois à mon Maître et à ses tendres soins. C'est Lui qui m'a planté sur cette verte colline, et mes racines n'ont qu'à plonger jusqu'aux sources cachées où elles boivent sans cesse l'eau vive qui me nourrit. Voyez-vous, là-bas, ces arbres misérables et desséchés.
C'est parce que leurs racines n'ont pas encore atteint la source vive; depuis que les miennes ont trouvé les sources cachées, je n'ai manqué de rien.

Avez-vous remarqué les caractères tracés sur ma tige ? Regardez de près et vous verrez qu'ils sont taillés dans le vif. Cette opération a été douloureuse ! je me demandais parfois pourquoi il me fallait tant souffrir... Mais c'était la main de Maître. Lui-même qui tenait le couteau, et lorsqu'il eut fini, je m'aperçus, avec un tressaillement d'indicible joie, que c'était son propre nom qu'Il avait incrusté sur la tige ! je compris alors combien Il m'aimait et qu'Il voulait faire voir à tous que je Lui appartenais en propre. N'ai-je pas de quoi me glorifier d'avoir un tel Maître ?

Pendant que l'arbre parlait encore, nous nous retournâmes et, tout à coup, nous aperçûmes le Maître lui-même, debout près de nous. Il regardait avec amour cet arbre qu'Il avait planté, et Il tenait à la main une hache tranchante !
J'ai besoin de toi, lui dit-Il, veux-tu te donner sans réserve ? »
Maître, répondit l'arbre, je suis tout à toi, mais à quoi pourrais-je bien t'être utile ?
J'ai besoin de toi, répéta le Maître, pour porter mon eau vive là où le terrain est aride et desséché.

Mais comment puis-je faire cela, Maître ? je puis bien vivre de ton eau par mes racines et tendre mes bras vers le ciel pour boire tes rafraîchissantes ondées, mais comment abreuver les autres, puisque je ne prends que l'eau nécessaire à ma Vie?

La voix du Maître prit une intonation d'ineffable tendresse lorsqu'il lui répondit :
Je puis me servir de toi à une condition, c'est que tu consentes joyeusement ; je voudrais, dans ce but, t'abattre et te dépouiller de tes branches ; puis t'emporter loin d'ici, sur cette colline solitaire, où il n'y aura personne pour t'entourer et t'aimer ! Rien que de l'herbe et des ronces... Oui... et je serai encore obligé de me servir de ce cruel couteau pour enlever de ton coeur tous les obstacles qui obstruent le passage de l'eau Vive qui doit couler en toi et par toi jusqu'aux autres... Tu réponds que tu en mourras ! Oui mon enfant, c'est vrai, tu perdras ta vie propre, mais ce n'est que de cette manière que mon eau précieuse pourra continuellement couler à travers tout ton être ! Tu perdras ta beauté, ta fraîcheur... mais en retour tu désaltéreras ces pauvres âmes assoiffées, qui béniront le Maître, sans peut-être faire attention à toi ! Veux-tu consentir à ce dépouillement, à cette mort ?

Je retins ma respiration pour entendre la réponse du pauvre arbre martyr : 0 mon Maître, tout ce que j'ai c'est à Toi que je le dois ! Si tu as besoin de moi, je donnerai joyeusement ma vie pour Toi ! Si par ma mort, tu peux faire circuler dans d'autres âmes ce fleuve d'eau rafraîchissante, oui, je consens à mourir ! je suis à toi, prends-moi et fais de moi ce que tu voudras, ô Maître bien-aimé !
Et l'expression du Maître devint plus tendre encore, lorsque, prenant en mains sa hache bien aiguisée, Il fit tomber à terre l'arbre magnifique. À chaque coup de hache celui-ci murmurait tout bas : 0 Maître, comme tu voudras !
Et le Maître enleva de son arbre la belle couronne de verdure qui avait fait sa gloire ! Et le pauvre martyr resta dépouillé, désolé. Mais le visage illuminé du Maître, tout rayonnant d'amour, se tourna vers son arbre qu'Il prit sur ses épaules et qu'Il emporta très loin sur la montagne.
Pour l'amour du Maître, l'arbre consentait à tout et murmurait faiblement 0 Maître, où tu voudras !

Lorsqu'ils furent arrivés dans un endroit lointain et solitaire, le Maître s'arrêta et, prenant en sa main un nouvel instrument armé d'une lame tranchante, il l'enfonça au coeur même de Son arbre, car Il voulait y creuser un canal pour que la source d'eau vive pût couler sans entrave jusqu'au terrain desséché et altéré.
Sans murmurer, mais d'un coeur qui se brisait, l'arbre répéta encore ces paroles : 0 Maître, ta volonté soit faite ! C'est ainsi que le Maître, rempli d'amour et de profonde pitié, frappa à coups répétés le coeur même de Son arbre, jusqu'à ce que d'un bout à l'autre, ce coeur fût ouvert et mis à nu ! Puis il le souleva de terre et le porta, comme un blessé mourant, à l'endroit où jaillissait une source d'eau vive, pure comme un cristal, mais ignorée de tous.
Il posa son fardeau et en plaça une des extrémités dans cette eau jaillissante qui put dès lors couler à travers le coeur de l'arbre, couler sans bruit et sans arrêt !
Le Maître alors sourit, son coeur était satisfait ! Puis il alla chercher d'autres arbres sur la verte colline, mais il y en eut plusieurs qui, par crainte de la douleur, s'inclinèrent en dehors de son chemin... tandis que d'autres, au contraire, s'offrirent joyeusement, disant :
Maître, nous nous fions à toi, fais de nous ce que Tu voudras ! Et il commença l'opération avec chacun d'eux, puis il les plaça bout à bout pour continuer le canal commencé, de sorte qu'à mesure que chaque arbre était à la place voulue, la source d'eau vive bouillonnait joyeusement à travers ces coeurs brisés pour atteindre enfin la terre desséchée où ceux qui mouraient de soif depuis longtemps, purent venir boire à longs traits !

La bonne nouvelle bien vite se répand au loin: L'eau Vive est arrivée, la longue, si longue disette est passée ! Venez tous ! venez boire !
Et tous ces assoiffés vinrent boire à longs traits l'eau qui les fit revivre. Voyant cela, le Maître tressaillit de joie en son coeur. Et c'est alors seulement qu'Il se dirigea vers Son arbre, en lui disant avec amour :
Regrettes-tu maintenant ta solitude et tes souffrances ? As-tu payé trop cher la joie d'apporter l'eau vive au monde qui se mourait ? Et l'arbre répondit : 0 Maître, mon Maître, mille fois non ! Et si j'avais dix mille vies, je les donnerais toutes pour la joie que j'ai maintenant de savoir que j'ai pu t'être utile et réjouir ton coeur.

M. Newcombe.

(La Bonne Revue, juillet 1927.)

Les larmes ruisselaient sur mon visage, mais ce n'étaient plus des pleurs d'amertume, non, je comprenais... Je tombai à genoux et mon mari fit de même !
« Oui, Seigneur, depuis si longtemps je te demandais d'accomplir Ta promesse en moi : « Celui qui croit en moi, des fleuves d'eau vive couleront de son sein. » Jean 7. 38.
Je ne voyais rien, mais, tout le temps, Tu faisais ton oeuvre en moi.
Maître, nous nous fions à Toi, fais de nous ce que Tu voudras.
Oui, Seigneur, envoie des ouvriers dans Ta moisson et envoie-nous si Tu le juges bon. »
À ces mots une joie indicible me pénétra et une voix dit « Oui, allez travailler dans Ma moisson. »

Après être restés encore un moment prosternés, nous nous relevâmes, et voici toutes choses étaient faites nouvelles. Une joie inconnue brûlait dans nos coeurs, et je sentis que tous les liens, toutes les limitations qui m'avaient tant fait souffrir étaient enlevés. Mon incapacité naturelle à servir Dieu comme je le désirais avait disparu Le canal était nettoyé. Il n'y avait plus rien entre Dieu et moi Bonheur ineffable !
L'après-midi, une de mes fidèles amies, sachant que j'avais du chagrin, vint me voir pour sympathiser avec moi :
- Mais, qu'avez-vous ? qu'avez-vous ? me répétait-elle.

Mon visage était encore bouffi des larmes versées, et pourtant il irradiait de joie.
« Ah ! je ne sais ! mais il s'est passé quelque chose de merveilleux en moi ! je ne sais comment appeler cette nouvelle expérience. C'est comme une nouvelle naissance ! En un clin d'oeil, mes goûts, mes idées ont été changés. Il me semble que je devrais être sans cesse prosternée devant Dieu ! »

Maintenant ce n'est plus : mon mari, mes enfants, mon ménage en premier, non, tout naturellement, sans effort c'est Dieu ! Ce ne pourrait être autrement...

Par moi-même, malgré tous mes désirs, tous mes efforts, je ne pouvais le réaliser. Mais Dieu, qui est fidèle et qui nous connaît, a fait cette oeuvre en moi : Oh ! que Son nom soit loué !
Ce qui est extraordinaire, c'est que du moment que Dieu est à sa vraie place en moi, mon amour pour mon mari et mes enfants et pour tous ceux qui m'entourent, au lieu d'être diminué, est plutôt décuplé. La mise en pratique du treizième chapitre de la première épître aux Corinthiens, qui me paraissait autrefois presque une cime inaccessible, est devenue toute naturelle. Tout cela est un don de Dieu... C'est comme une réalisation plus amplifiée de ce don d'amour reçu autrefois, lorsque mon coeur de pierre avait été transformé en coeur de chair. J'avais reçu alors la faculté d'aimer Dieu et mon prochain. Par la foi je crus que Christ habitait en moi, mais cette foi dut passer par l'épreuve, il en est toujours ainsi dans tous les domaines de la foi. Il me fallut donc aller vivre avec des personnes susceptibles et pointilleuses, d'une mentalité si différente de la mienne que je n'arrivais pas à les comprendre, et naturellement je disais et faisais toujours le contraire de ce qu'il aurait fallu, jusqu'à ce que je fus complètement dégoûtée de moi-même.

Dès le commencement j'avais compris que ceux qui m'entouraient n'étaient pas entièrement responsables, c'était l'ennemi qui les poussait à agir ainsi à leur insu ; mais cela est clairement expliqué dans le livre de Job, derrière l'ennemi il y avait mon Père, mon tendre Père, qui lui permettait de m'éprouver ainsi, mais jusqu'à un certain point qu'il ne lui était pas permis de dépasser.

Combien de fois ai-je dit: « Père, tu m'aimes trop pour me laisser souffrir inutilement, tu as un but, apprends-moi vite ma leçon pour que je puisse sortir de là ! » je lui avais aussi demandé la grâce d'oublier de suite toutes les offenses qu'on pourrait me faire, car je me rendais compte des ravages, même physiques, que peuvent produire en nous l'aigreur et l'amertume, et que c'était tout bénéfice pour nous de pardonner et d'aimer malgré tout. Ainsi les situations qui auraient pu tourner en tragédies étaient rapidement et avantageusement liquidées.

Tout ce qui nous arrive est destiné à nous vider de plus en plus de nous-mêmes afin de laisser plus de place à l'amour d'En haut, cette sorte d'amour que j'avais rencontrée pour la première fois en arrivant dans les lieux célestes lorsque je quittai mon corps pour quelques instants, une année auparavant. Cette atmosphère d'amour intense dont j'avais gardé la nostalgie, elle brûlait en moi maintenant. Ce que mon Seigneur avait demandé dans sa prière pour les siens, Jean 17. 26, m'était accordé : « Que l'amour dont tu m'as aimé soit en eux et moi en eux. »

Un si grand changement ne pouvait rester inaperçu dans notre entourage. Nous en avions dit quelques mots à nos parents, pensant que Dieu nous enverrait un ordre de marche. Ce fut un tollé général ! On nous traitait de fous, d'illuminés (on ne savait pas si bien dire !).

Pour finir, nous en arrivâmes à nous demander si réellement nous sortions de l'ordinaire, et comme il y avait une Retraite à L., et profitant de ce que grand-maman était encore là pour garder les enfants, nous y allâmes pour tâcher de nous rendre compte.
Gloire à Dieu, nous ne sommes pas seuls à avoir fait pareille expérience, Les brigadiers de la Drôme étaient là ! Ah ! que c'était bienfaisant de se trouver au milieu de tant de personnes réveillées ! Nous en fûmes encore affermis.
Et c'est pleins de courage que nous prîmes le chemin du, retour ; pleins d'espoir aussi, car nous y avions rencontré un ancien pasteur, habitant notre contrée, lequel avait rendu témoignage au bien reçu lors de ces réunions. Quelques jours plus tard, j'allai donc lui faire visite et, oh ! chagrin ! je m'aperçus que tout son enthousiasme était tombé. Il ne croyait pas à l'authenticité de toute la Bible, c'était Jésus qui était la Parole de Dieu, etc., etc. ; toutefois il escomptait un Réveil. Il voulait travailler dans la contrée dans ce but. Un Réveil serait-il possible quand la Bible est mise en doute ? Après quelques instants de discussion, je m'en allai horriblement triste. Oh ! pourquoi les hommes ne veulent-ils pas soumettre leur intelligence à celle du grand Dieu trois fois saint ? Ce pasteur tint plusieurs réunions « de Réveil » au cours de l'hiver. Bien suivies au début, la fréquentation alla en diminuant et il dut cesser. Le monde, si borné soit-il, sait discerner parfaitement où est l'esprit de Dieu, et certes, Dieu ne donne pas sa gloire à un autre !

Quelques jours après notre retour, Grand-maman me dit:
- Il y a de l'ouvrage pour vous tout près !
- Ah ! oui, où ? demandai-je.
- Chez les voisins.
- Oh ! non, répondis-je, je n'ai rien à faire là, les pasteurs et les officières de l'Armée du Salut y vont déjà. Que pourrais-je leur dire de plus ?

Le lendemain matin, comme je priais, la voix me dit:
- Va chez les R.
- Oui, Seigneur, j'irai avec la force que tu me donneras ; Tu seras toi-même ma bouche, car je ne sais que leur dire.

Le soir venu, je frappai à leur porte, le coeur battant
- Entrez !

Ils me firent bon accueil. Peu de temps auparavant ils avaient perdu un fils par accident. Ayant aussi passé par l'épreuve, je pouvais un peu me mettre à leur place. Lors de la mort de notre bébé quelqu'un m'avait dit :
- Vous pourrez mieux comprendre ceux qui passent par le deuil.

Cela me révolta d'abord, puis je compris que c'était vrai. Mon coeur brisé pouvait sympathiser avec cette autre mère souffrante. Ma perte se changeait en gain pour autrui et je pouvais conduire cette affligée au Père des miséricordes et au Dieu de toute consolation, selon II Cor. 1. 9, qui m'avait moi-même consolée.
Je lui racontai aussi l'anecdote qui avait aidé à mes beaux-parents à accepter le départ d'une fillette de deux ans. Mon beau-père nous l'avait donnée à lire après la mort de notre enfant : Un couple anglais voyageait en Suisse pour essayer de se consoler de la perte de leur unique enfant. Ils étaient désespérés et les beautés de la nature n'arrivaient pas à leur faire oublier leur grande souffrance.

Étant un jour au bord d'une rivière, ils virent arriver un troupeau de moutons, le berger et son chien n'arrivaient pas à le faire traverser l'eau peu profonde. Le berger prit alors un agneau dans ses bras et passa le premier, la mère s'élança à sa suite puis tout le troupeau les suivit.
Mus par une même pensée, les parents désolés se regardèrent : « Le Seigneur n'a-t-il pas agi de même envers nous ? se dirent-ils. Notre enfant nous a devancés. Là où est notre trésor, là aussi sera notre coeur. Maintenant nous savons ce que nous avons à faire si nous voulons le retrouver un jour : suivre aussi le bon Berger... »
Comme nous sommes très éloignés de tout lieu de culte, quelques amis se sont spontanément joints à nous maintenant le dimanche matin.

Un soir, nous nous trouvâmes fortuitement plusieurs dans leur petite cuisine : l'officière de l'Armée du Salut et un ami de la Croix-Bleue accompagné d'un jeune homme. Nous lûmes quelques versets, puis nous nous mimes à prier. La présence du Saint-Esprit était très sensible. À un moment donné, nous étions tous saisis, le jeune homme eut un bref sanglot.
Mme R. est aussi venue. Comme elle sortait, je lui demandai si elle connaissait le jeune homme qui était avec nous l'autre soir.
- Mais ne le savez-vous pas ? Il demeure tout près de chez vous, il y a quelques semaines qu'il est de retour.
- Vraiment ? Eh ! bien, quand vous le verrez, dites-lui de venir ici, j'aimerais bien faire sa connaissance ! lui dis-je.

Dix minutes plus tard, comme je préparais le dîner, j'entendis un pas rapide dans le corridor. C'était Paul S., le jeune homme en question.
- Cela me fait bien plaisir de faire votre connaissance, lui dis-je ; veuillez vous asseoir un instant. Alors, êtes-vous aussi un enfant de Dieu ?
- Non, répondit-il, mais j'aimerais tellement en être un !
- Mais qui vous en empêche ? Croyez-vous que Jésus-Christ est mort pour nous ?
- Oui, je le crois.
- Croyez-vous qu'Il est mort pour vous ? repris-je.
- Je crois qu'Il est mort pour nous.
- Croyez-vous qu'Il est mort pour vous ? répétai-je.

Une seconde d'hésitation, puis avec force :
- Oui, je crois qu'Il est mort pour moi ! dit-il.
- Eh ! bien, que vous faut-il de plus ?
- Mais ne devrais-je pas avoir un sentiment spécial ? Une vision ? demanda-t-il.
- Pourquoi ? Si vous croyez de tout votre coeur ce que vous venez d'affirmer, il ne vous faut rien de plus pour le moment, tous vos péchés sont effacés par Son sang. « Qui croit au Fils à la vie éternelle. » Jean 3. 36.

Il avait attendu, pour se convertir, d'avoir un sentiment de joie et voici, maintenant qu'il croyait, la joie vint, puissante....
Il passa le reste de la journée avec nous. Quel beau dimanche ! Quoique tout fût gris et froid dehors, la louange et l'action de grâce chantaient dans nos coeurs.

En faisant le souper, comme notre nouvel ami était près de nous à la cuisine, ce qu'il nous raconta de sa vie était tellement intéressant - il a déjà beaucoup souffert le pauvre ! - je me trompai et je mis du sel au lieu de sucre dans la crème fouettée ! Nous en avons bien ri... Cela fit la réaction après cette histoire douloureuse.

Élevé dans un milieu le moins propice au développement religieux, semble-t-il, il avait pourtant toujours soupiré après les choses de Dieu. Il s'était même acheté une Bible de ses premiers gains. Oui, vraiment, l'Esprit de Dieu souffle où il veut ! peu importe les circonstances extérieures pourvu qu'on soit droit de coeur !

Peu à peu notre petit cercle s'agrandit. Mon plus grand désir serait de réunir chez moi les différentes dénominations de la contrée afin que, sur ce terrain neutre, nous puissions nous unir pour prier en vue d'un Réveil. Que c'est bienfaisant de chanter des cantiques d'un même coeur, de s'aimer tout simplement puisque nous avons le même Sauveur !
Ezéchiel 33, versets 1-21, m'a vivement impressionnée. Je ne veux pas être une sentinelle infidèle, il ne faut pas qu'au dernier jour un habitant du village se lève et m'accuse de ne pas lui avoir fait connaître mon Sauveur.

Chaque après-midi, en guise de promenade, nous allons donc, mes fillettes et moi, de maison en maison porter des brochures. Chaque personne a reçu des impressions religieuses plus ou moins vives, mais de là à dire que chaque personne est convertie, il y a loin ! Nous sommes bien reçues partout, mais, il faut l'avouer, je suis effarée du peu de connaissances bibliques dans ce village si religieux pourtant. C'est le Travail, le dieu-Travail qui règne en maître, et quant à la Bible, a-t-on le temps de la lire ? Peut-être le soir, avant d'aller se coucher, quand on n'est plus capable de faire quoi que ce soit d'autre ! je me demande ce que Dieu doit penser d'être relégué ainsi à la toute dernière place ? C'est aussi un peu la faute des prédicateurs modernistes qui ont jeté un discrédit sur la Parole de Dieu ; ah ! s'ils comprenaient leur responsabilité, ils en trembleraient !

Il faisait un temps épouvantable un jour ; je sentais que je devais aller faire une visite, mais j'hésitais à sortir, me demandant si c'était réellement mon devoir. Je demandai à Dieu de me guider, puis je pris ma Bible, elle s'ouvrit au livre des Proverbes 24. 11-16. Un passage auquel je n'avais encore jamais prêté attention. « Délivre ceux qui sont menés à la mort, et ne te retire pas de ceux qui chancellent vers une mort violente. Si tu dis : Voici nous n'en savions rien, celui qui pèse les coeurs, lui ne le considérera-t-il pas ? et celui qui garde ton âme, lui le sait ; et il rend à l'homme selon son oeuvre. »

Cela était clair, j'obéis; il n'y eut aucun résultat visible de cette visite, mais je sais « que mon travail ne sera pas vain dans le Seigneur... » 1 Corinthiens 15. 58.


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