Vous serez mes
témoins
Chapitre XII
CALOMNIES ET TRAIN-TRAIN JOURNALIER
Les semaines, les mois passent sans amener
grands changements. À la fin d'août,
le mari d'une soeur de maman, professeur en
Allemagne, est mort subitement. Comme je suis la
seule de la famille connaissant l'allemand, et
comme je ne suis pas indispensable ici, je suis
allée là-bas une quinzaine de jours.
C'était en pleine inflation. Quand je
demandai au sommelier du wagon-restaurant le prix
d'une tasse de café, je fis un soubresaut
quand il me répondit : « Deux cent
mille Marks. » En calculant, toutefois, je
m'aperçus que ce n'était que
cinquante centimes de notre monnaie. Et tout le
reste est à l'avenant. La vie là-bas
est hallucinante avec tous ces chiffres
astronomiques. Cela fait pitié de voir tant
de visages hâves et tourmentés. Oui,
les richesses se sont faites des ailes.
Proverbe 23. 5. Les banques les plus
solides apparemment ne sont pas toujours
sûres. Il n'y a que celle des cieux qui le
soit.
Matthieu 6. 19-20.
Ma pauvre tante est bien
désolée. Comme elle me raconte, son
mari, que j'ai très peu connu, devait
être un chrétien; elle l'a souvent vu
prier, mais elle n'a jamais eu la moindre envie de
partager sa vie spirituelle. jolie et aimable, elle
préférait le monde, et maintenant ce
qu'elle a tant aimé ne lui donne aucune
consolation.
Que c'est triste, je ne puis
concevoir une existence pareille, vivre côte
à côte, s'aimer beaucoup même,
mais rester étrangers pour la chose
essentielle, la seule qui demeure ! je ne puis que
parler de Jésus à ma tante. Devant la
mort les yeux s'ouvrent, et
maintenant elle aimerait aller
retrouver là-haut son cher disparu. Ce n'est
pas une incrédule, elle croit en Dieu et se
souvient encore, dans une certaine mesure, des
leçons de l'école du dimanche qu'elle
avait suivie dans son enfance. Mais elle n'a aucune
idée de la valeur expiatoire du
précieux sang de Jésus. Nous lisons
beaucoup la Bible ensemble, elle semble comprendre,
elle dit que désormais elle vivra pour Dieu.
Pauvre tante, j'aurais aimé rester plus
longtemps avec elle, jusqu'à ce qu'elle soit
affermie dans la foi. Elle n'est pas forte de
caractère ; pourra-t-elle résister
aux embûches du monde et de Satan ?
Naturellement nous continuerons de prier pour
elle.
Mon mari est tout heureux de me
revoir. Il est peu démonstratif, mais je
vois qu'il m'aime encore plus que je ne le
croyais.
De nouveau les mois ont
passé, nous voici en hiver. Je ne puis plus
aller que rarement chez mes parents. Je vois
à peine mes amies, la solitude me
pèse toujours davantage. Il n'est plus
question pour moi d'assister à un culte
public. Des réunions ici au village, il y en
a de temps en temps, mais toutes ne sont pas
également bonnes. Il y en a qui me laissent
plus triste et plus vide qu'en entrant. L'Union
chrétienne me manque terriblement. J'ai
essayé d'inviter les dames et jeunes filles
du village un soir par semaine. Pendant qu'elles
travaillent, je leur fais une lecture
intéressante ou nous causons, ensuite nous
prenons une tasse de thé, puis je lis un
chapitre de la Bible que j'explique tant bien que
mal ; une prière encore, et nous nous
séparons. Ainsi je fais connaissance, mais
pas grande avance, je le crains ; je me demande
encore pourquoi Dieu m'a envoyée ici. Est-ce
pour me sevrer de tout, me détacher de tout
ce qui est humain, afin que je ne m'attache
qu'à Lui seul ? Que Lui devienne
réellement mon tout ? Je fais bien quelques
visites, mais il me semble parfois qu'il n'y a plus
de bénédiction, comme autrefois, sur
ce que je fais pour Dieu. Veut-Il m'apprendre
à être inutile ? Inutile avec
adoration, comme le disait une pensée lue je
ne sais plus où ?
Nous sommes toujours au
ménage commun, cela m'est dur quoique j'aime
bien mes beaux-parents. Mon mari a toujours tant de
travail, ou bien il est si fatigué que je me
sens toujours plus solitaire, humainement parlant,
car heureusement Dieu est là et je suis
heureuse, malgré tout, de me sentir à
la place où Il me veut.
Enfin voici le printemps,
l'appartement de mes beaux-parents est
terminé et sec. Ils emménagent.
Maintenant il faut remettre notre
logement en état et tout préparer
pour la prochaine venue d'un
bébé.
Voici quelques jours que nous sommes
papa et maman ! que cela me semble étrange.
Dire que cette mignonne fillette, qui dort dans son
berceau est à moi ! Voilà qui me
tiendra compagnie ! Nous l'élèverons
pour Dieu, nous la lui consacrons, nous ne pensons
pas la baptiser, mon mari et moi nous avons horreur
des formes religieuses. Dieu qui sait tout, qui lit
les pensées des coeurs sait que nous n'avons
pas de plus cher désir que cette enfant Lui
appartienne et soit à Son service dès
ses jeunes années. Nous sommes
environnés de tant de difficultés de
toutes sortes, mais en regardant le précieux
trésor que Dieu nous a donné, nous
nous rappelons toujours que nous devons mettre
toute notre confiance en notre bon Père
céleste.
Depuis quelques jours je
m'aperçois que mon mari n'est plus tout
à fait le même avec moi ; je me creuse
la cervelle pour en deviner la cause, mais en vain.
Je ne puis supporter cette ombre entre nous, il
faut qu'il m'en dise la cause.
Eh ! bien, je ne m'attendais pas
à une chose pareille. Il circule,
paraît-il, de vilaines calomnies sur mon
compte et sur celui de ma famille. Il y a une part
de vérité, mais les faits sont
tordus, dénaturés. Ce sont des
chrétiens, ce qui est le pire, qui sont
venus raconter cela à mes beaux-parents et
les ont montés contre moi. Ceux-ci, à
leur tour, ont influencé mon mari, Muette
d'indignation, je finis par dire : « Et tu as
pu croire cela ! » Il baissa la tête; je
réalisai alors comme il me connaissait peu
réellement : « Vois-tu, j'aimerais
mieux mourir que de vivre ainsi, si tu n'as pas
confiance en moi et en ma parole. » je lui
expliquai alors les choses, il m'embrassa en me
demandant pardon... Ah ! si ceux qui aiment
raconter des histoires en les enflant savaient ce
qu'ils peuvent faire souffrir !
Mais je leur pardonne, ils ne savent
ce qu'ils font.
De nouveau les mois, une
année ont passé. Nous avons eu une
seconde petite fille. À mon tour, je suis
prise dans l'engrenage du travail. Avant la
naissance de notre premier bébé, je
m'étais trop fatiguée et ma
santé s'en est toujours ressentie.
Maintenant qu'il y a un surcroît de travail,
nous avons engagé une jeune fille du village
pour m'aider quelques heures par jour. Elle parait
bien gentille et je m'attache beaucoup à
elle. Ce qui me paraît étrange, c'est
la tête que font les habitants du village
quand ils me voient. Un jour, mon beau-père
vint me demander une explication, je
découvris alors le pot-aux-roses ! La jeune
fille, qui avait toute ma confiance, avait
raconté au village tout ce que je disais en
dénaturant les faits, et
inventant toutes sortes de choses. Elle prenait mon
économie pour de l'avarice ! je n'aime pas
que quelque chose se perde, cela ne profite
à personne. D'ailleurs nous ne sommes que
les intendants de ce que Dieu nous a confié,
et si je dépense le moins possible et
seulement à bon escient, c'est pour pouvoir
donner davantage. Quelle désillusion !
À qui se fier désormais ! J'ai
dû renvoyer la jeune fille et,
dégoûtée de
l'expérience, je fais mon travail seule,
avec quelle peine parfois, Dieu seul le sait
!
Un jour je rentrai avec ma seconde
fillette, laissant la première dans sa
voiture, sous la garde de son père qui
travaillait à côté de la
maison. Tout à coup je sentis que je devais
aller la chercher. N'y tenant plus, je courus
dehors; la petite était seule, je pris la
voiture pour la rentrer, mais je n'avais fait que
quelques pas quand un cheval emballé, et
attelé à un char, passa et renversa
une lourde échelle qui tomba juste à
l'endroit où se trouvait l'enfant un instant
auparavant.
Attiré par le bruit, Joseph,
qui était allé chercher un outil,
arrivait en courant. Il poussa un soupir de
soulagement quand il me vit avec la petite en
sûreté. Comment nier après cela
que Dieu nous garde ?
Nous n'avons pu trouver un
domestique cette année. Il a fallu
réduire un peu le train de campagne. Ayant
lu une annonce, dans laquelle des étudiants
s'offraient au pair pendant les vacances, nous
écrivîmes. On nous offrit un jeune
étudiant allemand. Celui-ci arriva par une
belle journée de juillet. Il va sans dire
qu'il fut reçu très cordialement et
participa à notre vie de famille. En
même temps nous avions encore un journalier,
un homme tout simple, mais un vrai enfant de Dieu.
Que de belles heures nous avons passées
ensemble, penchés sur la Parole ou parlant
des richesses insondables de Christ.
Un jour le jeune Allemand nous avoua
être disciple de Nietzsche ; il n'avait pris
d'ailleurs que des livres de cet auteur avec lui.
Il nous raconta aussi ce que les professeurs de
théologie ou des pasteurs de renom leur
enseignaient. C'est à faire dresser les
cheveux sur la tête; ces pasteurs avec leurs
théories rationalistes font encore plus de
mal que les athées avoués.
Quel non-sens ! Ceux qui devraient
édifier de par leur profession, sont
justement ceux qui démolissent la foi !
D'ailleurs les étudiants ne jugent que par
ouï-dire, de la Bible ils ne connaissent que
les soi-disant erreurs. Pour qu'il puisse se rendre
compte, par lui-même, de notre foi, nous
avons donné un Nouveau
Testament à ce jeune homme
qui est vraiment très sympathique et
ouvert.
« Je croyais que les gens
intelligents ne pouvaient plus croire en Dieu et en
la Bible », nous dit-il un jour. Je voudrais
que ceux qui enseignent si mal notre jeunesse se
rendent compte, ne fût-ce qu'un instant, du
mal qu'ils font. Je crains qu'il n'y ait de
terribles surprises dans
l'au-delà.
Le jour du départ, je
ramassai un portrait de Nietzsche, tombé
dans l'herbe du verger le jour
précédent.
- Que dois-je en faire ?
demandai-je.
Déchirez-le ! fut la
réponse. Ce que je fis, et en morceaux aussi
petits que possible, et je les lançai au
vent ! Que ne puis-je en faire autant de toutes ces
théories empoisonnées !
Un peu plus tard : « Bon voyage
! crions-nous, et au revoir ! » Mais nous
reverrons-nous ici-bas ? « Eh ! bien, fit-il
avec un radieux sourire, si ce n'est pas ici-bas,
nous nous reverrons certainement là-haut !
»
Que Dieu lui donne Sa force et Sa
sagesse, afin qu'il puisse tenir jusqu'au bout
!
De nouveau les mois ont
passé, tous les jours se ressemblent... Ils
peuvent se résumer par travail, travail et
souffrance à cause de mon état de
santé toujours précaire. Oui et joies
aussi, mon mari est tellement bon, vraiment je
l'aime de tout mon coeur, mes fillettes sont aussi
une source de joie toujours renouvelée. Je
passe pour être une bonne
ménagère, et mes enfants ont tous les
soins nécessaires. Les dimanches ? oui, nous
les observons aussi strictement que possible, car
j'ai toujours été frappée de
l'importance de l'observation du sabbat, et je
crois, non, je suis sûre, qu'il y a là
une bénédiction ; mais nous sommes
toujours si fatigués de nos travaux de la
semaine, que nous n'en jouissons que pour nos
corps. D'ailleurs, celui qui travaille le dimanche
se punit lui-même. Au lieu d'être
rentier et d'en jouir un jour par semaine, comme
Dieu le lui demande, il travaille et ne jouit pas
de son travail. Et le lundi, il est encore plus
fatigué et ne peut fournir autant d'ouvrage.
Oui, tout ce que Dieu a fait est bien fait
!
Il me faudrait prendre une jeune
fille pour me soulager, mais je n'ai pas le courage
de recommencer l'expérience. Au fond, tout
au fond de moi-même, il y a pourtant quelque
chose qui gémit et qui souffre.
Dernièrement, j'ai pu assister à
quelques réunions de Réveil au
village voisin, c'est alors que je me suis
aperçue combien mon niveau spirituel avait
baissé et combien je m'étais
laissée enliser dans les
préoccupations matérielles. Le temps
me manque souvent pour la
prière et la méditation personnelle
de la Parole de Dieu. Certes, pendant la
journée, mes pensées sont souvent
occupées de Lui. J'ai beau me lever
tôt, souvent, après une nuit
agitée, les enfants se réveillent
alors et réclament leur lait, puis je suis
prise dans l'engrenage du travail journalier. Nous
faisons toujours le culte familial après le
déjeuner, mais cela ne me suffit pas, et
nous n'allons jamais dormir avant d'avoir lu un
verset et prié ensemble, précieuse
habitude ! Dans les premiers temps de notre mariage
surtout, nous avons eu parfois de petites disputes,
presque toujours par ma faute, il faut l'avouer, et
causées par l'incompréhension. C'est
extraordinaire comme les points de vue masculin et
féminin peuvent parfois différer sur
la même question. Et c'est souvent en se
fondant l'un l'autre qu'ils donnent une vue
réelle d'ensemble qui produit
l'unité.
Maintenant, quand il y a divergence,
je m'efforce toujours de comprendre le point de vue
de mon mari. Mais, jusqu'à ce que l'on ait
compris cela, que d'orages peuvent se produire ! Il
me fallait donc demander pardon à mon mari
avant d'ouvrir la Bible, sans cela comment
aurions-nous pu prier ensemble ? Ainsi, si parfois
le soleil s'est couché sur notre
colère, la soirée ne s'est jamais
terminée par une brouille ! Mais comme il
nous faut manger notre nourriture matérielle
chacun pour son compte, il en est de même
pour la nourriture spirituelle. Notre esprit
dépérit si nous ne le nourrissons pas
de la Bible et si nous n'avons pas des moments de
rencontre intime avec Dieu. Je pense souvent
à ce verset de Il Chroniques 16. 9 (version
Osterwald) : « Car les yeux de
l'Éternel regardent çà et
là par toute la terre, afin qu'Il se montre
puissant en faveur de ceux qui sont d'un coeur
droit envers Lui. » Cela me fait du bien de
penser que les yeux de l'Éternel sont sur
moi. Les circonstances m'empêchent
d'être ce que je voudrais être, mais
mon coeur est droit envers Lui. Il le sait, Il sait
que mon plus grand désir est de Le
glorifier, de faire Sa volonté, et Il sera
puissant pour réaliser cela en moi...
.
Chapitre XIII
MALADIE
Me voici au fond de mon lit. Dieu nous a
envoyé un petit garçon. joie
délirante ! Pourquoi y a-t-il plus de joie
pour un fils que pour une fille ? C'est une
responsabilité de plus. Que Dieu nous fasse
la grâce de l'élever pour Lui, pour
Son service !
Huit jours plus tard, m'étant
retournée un peu brusquement dans mon lit,
je ressentis un étrange malaise qui alla en
augmentant jusqu'à ce que dans la
soirée, il me sembla tout à coup que
je m'en allais. J'appelai mon mari et la garde qui
causaient à la cuisine. Ils m'assirent dans
mon lit et me mirent des oreillers pour me soutenir
ainsi. Je pus alors un peu mieux respirer, mais je
m'aperçus que le côté gauche
était paralysé, et la tête me
faisait si mal que je ne pouvais presque plus
penser. C'était une embolie. Le docteur,
malade lui-même, ne put venir que le
lendemain après-midi. Nous vîmes alors
la main de Dieu dans le fait que j'avais justement
en visite une cousine ayant fait les études
de garde-malade et qui s'étant
trouvée fortuitement là, comme nous
l'avions pensé d'abord, lors de la
naissance, resta pour me soigner.
Dieu permet la souffrance, mais il y
a toujours un but d'amour caché
derrière. Il ne permet jamais qu'elle
dépasse nos forces, et n'est-ce pas
bienfaisant de penser qu'Il a tout prévu
d'avance ? Oui, loué soit Son nom
!
Une nuit, je m'assoupis; il y avait
trois jours et trois nuits que je n'avais pu
dormir, et glissai de mes coussins. Le caillot de
sang monta au coeur et s'arrêta là.
Celui-ci battait la chamade et je crus ma
dernière heure venue. Aucune peur, j'aurais
seulement aimé pouvoir me
rappeler un passage réconfortant. Ma pauvre
tête était vide, je ne pouvais que
dire ces mots : « Seigneur, tu sais toutes
choses, tu sais que je t'aime ! » Seule la
pensée de mes enfants orphelins me
chagrinait, ou plutôt c'était la
question : Saura-t-on les élever pour Dieu
et me les amènera-t-on là-haut ? je
demandai alors à Dieu, malgré mon
grand désir d'aller vers Lui, qu'Il me
laisse encore ici-bas, jusqu'à ce que mes
enfants soient convertis. Une détente se
produisit alors, Dieu m'avait
exaucée.
Le lendemain, à midi,
j'étais seule dans la chambre. Tout à
coup je fus enveloppée d'un épais
brouillard gris, puis je sentis que mon esprit
quittait ce corps douloureux; plus je
m'élevais, plus le brouillard
s'éclairait, j'étais presque dehors
et déjà j'entrevoyais un espace
illuminé et d'un bleu magnifique. Une forme
blanche se tenait là. Un bonheur intense me
pénétrait, un bonheur
supraterrestre... Toutes les choses de la terre
étaient oubliées. J'avais le
sentiment très net que c'était par
l'amour qui brûlait dans mon coeur pour mon
Sauveur qu'Il m'attirait à Lui je criai avec
ravissement : « je viens, Seigneur
Jésus, je viens » Une voix me dit alors
: « Et tes enfants ? » Ah ! oui, mes
enfants !... Je retournai dans le brouillard, puis
il se dissipa et voici j'étais dans mon lit.
Je suis sûre de ne pas avoir dormi et cette
vision m'aida à traverser les jours et les
nuits de terribles souffrances physiques qui
suivirent. Mais j'avais la nostalgie de ce que
j'avais seulement entrevu. Oui, désormais,
toute crainte de la mort a disparu. Est-ce
peut-être cela que Jésus a voulu dire
dans ce passage : « Si quelqu'un garde ma
Parole, il ne verra jamais la mort » ? Jean 8.
52. L'au-delà est peut-être plus
près de nous que nous le croyons, mais les
croyants sont déjà passés de
la mort à la vie et il n'y aurait
peut-être qu'un court passage.
Le lendemain, comme Joseph
arrangeait mes coussins, je bougeai un peu et je
fus reprise par de terribles hoquets et des
douleurs cardiaques. Pris de peur, il
téléphona au médecin de venir
immédiatement. Celui-ci paraissait inquiet.
Maman vint aussi, ainsi que mes amies intimes un
peu plus tard, comme pour me dire un dernier adieu.
Au milieu de tous ces gens bouleversés,
j'étais fort calme et je m'efforçais
de les rassurer. Je savais que ma tâche
ici-bas n'était pas
terminée.
La jambe droite se paralysa aussi et
je passai un mauvais moment. Vivrai-je pour rester
toujours clouée sur ce lit, donnant de la
peine à mon entourage ? Dépendant
absolument de la bonne ou de la mauvaise humeur de
ceux qui me soignent? Quand je voyais mon
bébé s'étouffer, à
force de pleurer, tout à côté
de mon lit, mais ne pouvant rien
pour lui, pas même sonner la garde, que
c'était dur ! Et puis me faudra-t-il vivre
dans cet état de demi-inconscience, cet
étrange sentiment de ne plus être
soi-même ? je crains de ne pas être
toujours patiente. La garde me disait un jour:
« je n'aurais jamais cru que tu étais
ainsi »
- Moi non plus ! répondis-je
tristement.
Il faisait une chaleur
étouffante, ce qui compliquait aussi mon
état. Et tout le temps, une pensée me
martelait la tête : « Dieu premier
servi, Dieu en premier... »
Oui, je sens que je n'ai pas mis
Dieu en premier dans ma vie... Oui, je le promets,
qu'une fois rétablie, Lui y aura la
première place...
En ce temps-là, mon second
frère, qui était retourné
travailler dans notre village natal, vint me voir.
Je lui parlai alors de la fragilité de la
vie... mais je fus navrée de voir
l'expression de son visage : « Moi je suis
fort et vigoureux, cela n'est pas pour moi...
» pensait-il sans doute.
En partant, sa moto se renversa
à la sortie du village; il fut
grièvement brûlé au genou. Puis
nous apprîmes, par des lettres de parents,
qu'une pleurésie l'avait conduit aux portes
du tombeau, mais que par la grâce de Dieu, il
était entré en convalescence. Je me
sentis poussée à lui envoyer la
biographie de George Müller. Ma cousine
n'était pas d'accord. « Il a
sûrement assez de lecture là-bas
», dit-elle. Mais j'insistai tant qu'elle
finit par empaqueter le volume et
l'envoyer.
Ce fut le moyen que Dieu employa
pour la conversion de ce frère. Que Son nom
soit loué !
Enfin j'entrai en convalescence et
la garde partit. Quoique encore très faible,
je repris mon ménage. Je suis si heureuse de
pouvoir aller et venir que je ne veux plus me
plaindre... Cette maladie a encore resserré
les liens qui nous unissent, mon mari et moi, il
est si heureux de m'avoir encore ! Il fait tout ce
qu'il peut pour m'aider dans le ménage et
ainsi cela ne va pas trop mal.
Ma vie est remplie comme un oeuf !
Il n'y a plus de place que pour le travail. Du
matin au soir, je n'ai pas un instant à moi,
ni pour tenir la promesse faite à Dieu lors
de ma maladie. Certes, mes pensées sont
occupées de Lui tout en travaillant.
Même la nuit, je dois me lever souvent
plusieurs fois pour les enfants.
Depuis quatre semaines, nous sommes
dans un horrible brouillard gris ! Il me semble
parfois que je ne puis plus supporter de vivre
ainsi, j'étouffe ! Oh ! revoir un rayon de
soleil !
Oui, des jours gris dehors, et
encore plus sombres au dedans
suivirent. Depuis quelques jours
mon mari avait une grippe cérébrale,
et bien souvent mon coeur se serrait en l'entendant
raconter toutes sortes d'histoires dans un
demi-délire. Il me reprochait surtout que je
ne restais pas assez auprès de lui. Mais que
faire ? Les deux petites avaient de vilains rhumes,
pleuraient souvent la nuit, et le jour il y avait
tant à faire ! Et mes jambes sont
enflées plus que jamais. Il faut aussi
soigner le domestique malade dans sa chambre.
Heureusement que mon beau-père pouvait
encore s'occuper du bétail. Au village, il y
a aussi des malades dans chaque maison, impossible
d'avoir de l'aide. Seul le bébé
paraissait tout à fait en bonne
santé. Il avait grandi et était
déjà si éveillé et
affectueux, il poussait des cris de joie lorsqu'il
m'apercevait. Il était presque trop
avancé. En général je me
réveillais le matin à six heures,
lorsqu'il réclamait son lait. Un jour ou
plutôt une nuit, je toussais tellement que je
mis sa voiture de chambre dans la pièce
voisine, et, vers la fin de la nuit,
exténuée, je m'endormis d'un lourd
sommeil. En m'éveillant,
étonnée de ne pas l'entendre, j'allai
voir. Il était immobile; je le pris, il ne
respirait plus. En criant je le portai à mon
mari, et nous dûmes nous rendre à
l'évidence, notre petit trésor
s'était envolé ! Brisés, nous
avons pu dire cependant : « Seigneur, tu nous
l'avais donné, tu nous l'as repris, que ton
nom soit béni ! »
Non, nous ne méritons rien !
J'avais tant souffert à cause de lui, il me
semblait que j'avais un droit sur lui. Quand les
douleurs étaient aiguës et que je
gémissais, la garde me disait : «
Prends courage ! tu as un si beau petit
garçon ! » Et maintenant mes bras sont
vides...
Mais j'ai mis ma main sur la bouche
et je me suis tue. La volonté de Dieu est
bonne, agréable et parfaite...
Je ne veux pas gâter la vie de
ceux qui me restent par mes pleurs et mes
lamentations. Nous ne voulons pas porter le deuil,
il ne faut pas assombrir l'existence de ces
fillettes qui ne peuvent comprendre que leur petit
frère ne soit plus là. Oui, il faut
que je déverse la part d'amour du disparu
sur ceux qui restent, il faut qu'ils soient
aimés autant que cela soit possible de'
l'être; qu'importe si mon coeur est lourd,
lourd, ils ne doivent pas le voir. Parfois la nuit,
je ne puis me contenir, et ce sont des explosions
de larmes; mais Jésus n'a-t-il pas aussi
pleuré Lazare ?
Jean 11.35.
Maintenant il me semble que je
comprends mieux le grand amour de Dieu, Lui qui a
donné Son Fils en rançon pour nos
péchés. Le
comprendre? non, je ne saisis que le bord de cet
océan d'amour.
- Et dire que le pauvre petit
n'était pas baptisé, me dit un jour
une voisine charitable.
- Mais voyons, madame,
répondis-je, cela ne change pourtant rien
qu'un homme, si consacré soit-il, ait
versé de l'eau sur le front d'un enfant et
ait prononcé des paroles rituelles.
D'ailleurs le baptême des petits enfants
n'est pas biblique. Dieu nous connaît et Il
sait que notre enfant Lui appartenait. En outre il
est dit: « Vos enfants... sont saints »,
I Corinthiens 7. 14. Un jour nous le retrouverons
là-haut, c'est là notre
espérance...
Un dimanche, mes frères
vinrent nous faire visite; un ancien ami de la
famille vint aussi. Comme nous le taquinions de ce
qu'il était resté célibataire,
lui qui a si bonne façon, qui est
intelligent, et avait une belle situation, il nous
dit alors : « Eh ! bien, garçons, je
veux vous le raconter afin que cela soit une
leçon pour vous.
» Beaucoup de jeunes filles ont
essayé de me plaire, mais cela
m'éloignait plutôt. Un soir, je
pensais que j'allais revoir une jeune fille que
J'avais perdu de vue quelque temps; je sentis alors
qu'elle ne m'était pas tout à fait
indifférente, au contraire. Je tombai alors
à genoux devant mon lit et demandai à
Dieu de me guider. Une voix me dit alors
distinctement:
- Elle n'est pas pour
toi.
- Merci, Seigneur, dis-je alors,
j'obéirai.
» Quelques jours plus tard
j'appris qu'elle était fiancée, et je
fus bien reconnaissant envers Dieu qu'Il m'ait
montré ce qui en était auparavant. Et
tant que Dieu ne me donne pas d'autres ordres, je
reste ce que je suis. »
Il nous raconta encore que Dieu lui
avait ordonné une fois de visiter un jeune
homme; il n'obéit pas tout de suite et quand
il le fit, c'était trop tard, le jeune homme
s'était engagé dans une mauvaise
voie.
Une autre fois, obéissant de
suite à la voix intérieure, il eut la
joie de voir un esclave de la boisson
délivré et plus tard mourant en paix
dans son Sauveur.
Quand ils furent partis, mon mari me
dit : « C'est extraordinaire, pourquoi y en
a-t-il qui entendent cette voix intérieure
et pas d'autres ? »
- je ne crois pas que ce soit
l'apanage de ceux qui sont avancés
spirituellement, lui répondis-je, mais je
crois que Dieu peut révéler Sa
volonté à celui qui est droit de
coeur et qui vit dans un état de confiance
enfantine envers Lui.
Ce doit être un peu comme les
appareils de T. S. F. Il faut que tout soit en
ordre et en bon état pour qu'on entende.
.
Chapitre XIV
NOUVELLE EXPÉRIENCE
Et j'ai vu tout le labeur et toute
l'habileté dans le travail ; que c'est une
jalousie de l'un contre l'autre...
Ecclésiaste 4. 4.
Oui, rien de nouveau sous le soleil,
comme dit le même auteur...
Nous vivons dans un village
essentiellement agricole, et la femme qui travaille
le plus et le mieux aux champs, c'est celle qui a
la réputation d'être la meilleure. Ce
qu'est son ménage, personne ne le
demande...
J'avais souvent souffert de certains
regards lorsque je cousais, tranquillement assise
au verger, en gardant les enfants, pendant les
grands travaux. Aussi, comme le médecin
m'avait ordonné de vivre davantage au grand
air, et comme je désirais un peu me relever
aux yeux de mes concitoyens et concitoyennes, aussi
pour aider à mon pauvre mari qui se tue de
travail, nous avions demandé à
grand-maman de venir vivre quelques semaines chez
nous, afin de m'aider un peu au ménage et
surveiller les enfants quand je ne pouvais plus les
prendre aux champs.
Au commencement cela alla assez
bien. Je jouissais beaucoup de la belle nature,
mais ensuite, pauvre de moi ! cela alla de mal en
pis, les forces commençaient à
manquer ; je voulus persévérer, alors
ce furent des regards moqueurs que je rencontrai.
On riait de mon inhabileté, quand
c'était la douleur physique qui
m'empêchait de travailler aussi vite que je
l'aurais voulu. Un soir, je m'évanouis comme
une mazette, en pleins champs ; alors je dus me
rendre à l'évidence. jamais je ne
pourrais seconder mon mari dans
son travail. C'est vrai que lui ne me l'a jamais
demandé, mais j'aurais aussi aimé
exceller dans ce domaine et un peu relever mon
honneur.
Toutes sortes de difficultés
surgirent alors pour moi; tout concourait à
m'écraser, ceux pour lesquels je priais
empiraient plutôt. Un jour j'appris une
nouvelle qui me bouleversa ; je n'osai la
communiquer à mon mari de peur de lui faire
de la peine, et pourtant ma pensée en
était obsédée. Distraite, je
fis alors quelques bonnes gaffes ; c'en
était trop, j'étais brisée,
dégoûtée de moi-même, je
me demandais même si j'avais bien agi en
demandant à Dieu de me prolonger la vie
l'automne précédent. À quoi me
servait-elle, si elle n'était utile à
personne, pensais-je ! C'était le samedi
soir, mon mari me fit une observation, à
juste titre; ce fut la goutte qui fit
déborder le vase et je me mis à
pleurer, à pleurer, de toute la nuit je ne
cessai de verser des larmes.
Quand je me levai, il me sembla que
j'étais brisée en petits morceaux. Au
milieu de la matinée, nous fîmes notre
culte ensemble. Puis, comme il me restait encore un
peu de temps avant le dîner, j'avisai une
Bonne Revue sur la table, et je dis à mon
mari : « Nous pourrions peut-être en
lire un article. » je l'ouvris et vis ce titre
: « Pour tous ceux qui souffrent ».
C'était juste ce qu'il me fallait, il me
semblait impossible de souffrir davantage
moralement. Voici l'histoire en question
:
Le bambou.
Sur les collines du district de Rucheng, aux
Indes, les arbres de valeur sont, en
général, marqués du nom de
leur propriétaire. Pour conduire l'eau des
montagnes jusque dans les villages de la plaine, on
se sert de canaux de bambous ajustés bout
à bout après avoir été
creusés et complètement
évidés.
Un superbe bambou
s'élevait parmi beaucoup d'autres sur les
pentes de la montagne. Sa tige sombre et reluisante
contrastait avec son feuillage en panache dont
chaque feuille se balançait à la
brise du soir. Tandis que nous étions
à l'admirer, un léger murmure de son
feuillage se fit entendre et nous pûmes
discerner les paroles suivantes - « Vous
semblez admirer ma haute stature et mes gracieuses
branches, disait-il, mais je n'ai pas là de
quoi m'enorgueillir. Tout ce que je suis je le dois
à mon Maître et à ses tendres
soins. C'est Lui qui m'a planté sur cette
verte colline, et mes racines n'ont qu'à
plonger jusqu'aux sources cachées où
elles boivent sans cesse l'eau vive qui me nourrit.
Voyez-vous, là-bas, ces arbres
misérables et desséchés.
C'est parce que leurs racines
n'ont pas encore atteint la source vive; depuis que
les miennes ont trouvé les sources
cachées, je n'ai manqué de
rien.
Avez-vous remarqué les
caractères tracés sur ma tige ?
Regardez de près et vous verrez qu'ils sont
taillés dans le vif. Cette opération
a été douloureuse ! je me demandais
parfois pourquoi il me fallait tant souffrir...
Mais c'était la main de Maître.
Lui-même qui tenait le couteau, et lorsqu'il
eut fini, je m'aperçus, avec un
tressaillement d'indicible joie, que c'était
son propre nom qu'Il avait incrusté sur la
tige ! je compris alors combien Il m'aimait et
qu'Il voulait faire voir à tous que je Lui
appartenais en propre. N'ai-je pas de quoi me
glorifier d'avoir un tel Maître ?
Pendant que l'arbre parlait
encore, nous nous retournâmes et, tout
à coup, nous aperçûmes le
Maître lui-même, debout près de
nous. Il regardait avec amour cet arbre qu'Il avait
planté, et Il tenait à la main une
hache tranchante !
J'ai besoin de toi, lui dit-Il,
veux-tu te donner sans réserve ?
»
Maître, répondit
l'arbre, je suis tout à toi, mais à
quoi pourrais-je bien t'être utile ?
J'ai besoin de toi,
répéta le Maître, pour porter
mon eau vive là où le terrain est
aride et desséché.
Mais comment puis-je faire cela,
Maître ? je puis bien vivre de ton eau par
mes racines et tendre mes bras vers le ciel pour
boire tes rafraîchissantes ondées,
mais comment abreuver les autres, puisque je ne
prends que l'eau nécessaire à ma Vie?
La voix du Maître prit une
intonation d'ineffable tendresse lorsqu'il lui
répondit :
Je puis me servir de toi à
une condition, c'est que tu consentes joyeusement ;
je voudrais, dans ce but, t'abattre et te
dépouiller de tes branches ; puis t'emporter
loin d'ici, sur cette colline solitaire, où
il n'y aura personne pour t'entourer et t'aimer !
Rien que de l'herbe et des ronces... Oui... et je
serai encore obligé de me servir de ce cruel
couteau pour enlever de ton coeur tous les
obstacles qui obstruent le passage de l'eau Vive
qui doit couler en toi et par toi jusqu'aux
autres... Tu réponds que tu en mourras ! Oui
mon enfant, c'est vrai, tu perdras ta vie propre,
mais ce n'est que de cette manière que mon
eau précieuse pourra continuellement couler
à travers tout ton être ! Tu perdras
ta beauté, ta fraîcheur... mais en
retour tu désaltéreras ces pauvres
âmes assoiffées, qui béniront
le Maître, sans
peut-être faire attention à toi !
Veux-tu consentir à ce dépouillement,
à cette mort ?
Je retins ma respiration pour
entendre la réponse du pauvre arbre martyr :
0 mon Maître, tout ce que j'ai c'est à
Toi que je le dois ! Si tu as besoin de moi, je
donnerai joyeusement ma vie pour Toi ! Si par ma
mort, tu peux faire circuler dans d'autres
âmes ce fleuve d'eau rafraîchissante,
oui, je consens à mourir ! je suis à
toi, prends-moi et fais de moi ce que tu voudras,
ô Maître bien-aimé !
Et l'expression du Maître
devint plus tendre encore, lorsque, prenant en
mains sa hache bien aiguisée, Il fit tomber
à terre l'arbre magnifique. À chaque
coup de hache celui-ci murmurait tout bas : 0
Maître, comme tu voudras !
Et le Maître enleva de son
arbre la belle couronne de verdure qui avait fait
sa gloire ! Et le pauvre martyr resta
dépouillé, désolé. Mais
le visage illuminé du Maître, tout
rayonnant d'amour, se tourna vers son arbre qu'Il
prit sur ses épaules et qu'Il emporta
très loin sur la montagne.
Pour l'amour du Maître,
l'arbre consentait à tout et murmurait
faiblement 0 Maître, où tu voudras !
Lorsqu'ils furent arrivés
dans un endroit lointain et solitaire, le
Maître s'arrêta et, prenant en sa main
un nouvel instrument armé d'une lame
tranchante, il l'enfonça au coeur même
de Son arbre, car Il voulait y creuser un canal
pour que la source d'eau vive pût couler sans
entrave jusqu'au terrain desséché et
altéré.
Sans murmurer, mais d'un coeur
qui se brisait, l'arbre répéta encore
ces paroles : 0 Maître, ta volonté
soit faite ! C'est ainsi que le Maître,
rempli d'amour et de profonde pitié, frappa
à coups répétés le
coeur même de Son arbre, jusqu'à ce
que d'un bout à l'autre, ce coeur fût
ouvert et mis à nu ! Puis il le souleva de
terre et le porta, comme un blessé mourant,
à l'endroit où jaillissait une source
d'eau vive, pure comme un cristal, mais
ignorée de tous.
Il posa son fardeau et en
plaça une des extrémités dans
cette eau jaillissante qui put dès lors
couler à travers le coeur de l'arbre, couler
sans bruit et sans arrêt !
Le Maître alors sourit, son
coeur était satisfait ! Puis il alla
chercher d'autres arbres sur la verte colline, mais
il y en eut plusieurs qui, par crainte de la
douleur, s'inclinèrent en dehors de son
chemin... tandis que d'autres, au contraire,
s'offrirent joyeusement, disant :
Maître, nous nous fions
à toi, fais de nous ce que Tu voudras ! Et
il commença l'opération avec chacun
d'eux, puis il les plaça bout à bout
pour continuer le canal commencé, de sorte
qu'à mesure que chaque arbre était
à la place voulue, la source d'eau vive
bouillonnait joyeusement à travers ces
coeurs brisés pour atteindre enfin la terre
desséchée où ceux qui
mouraient de soif depuis longtemps, purent venir
boire à longs traits !
La bonne nouvelle bien vite se
répand au loin: L'eau Vive est
arrivée, la longue, si longue disette est
passée ! Venez tous ! venez boire !
Et tous ces assoiffés
vinrent boire à longs traits l'eau qui les
fit revivre. Voyant cela, le Maître
tressaillit de joie en son coeur. Et c'est alors
seulement qu'Il se dirigea vers Son arbre, en lui
disant avec amour :
Regrettes-tu maintenant ta
solitude et tes souffrances ? As-tu payé
trop cher la joie d'apporter l'eau vive au monde
qui se mourait ? Et l'arbre répondit : 0
Maître, mon Maître, mille fois non ! Et
si j'avais dix mille vies, je les donnerais toutes
pour la joie que j'ai maintenant de savoir que j'ai
pu t'être utile et réjouir ton
coeur.
M. Newcombe.
(La Bonne Revue, juillet
1927.)
Les larmes ruisselaient sur mon visage, mais ce
n'étaient plus des pleurs d'amertume, non,
je comprenais... Je tombai à genoux et mon
mari fit de même !
« Oui, Seigneur, depuis si
longtemps je te demandais d'accomplir Ta promesse
en moi : « Celui qui croit en moi, des fleuves
d'eau vive couleront de son sein. » Jean 7.
38.
Je ne voyais rien, mais, tout le
temps, Tu faisais ton oeuvre en moi.
Maître, nous nous fions
à Toi, fais de nous ce que Tu
voudras.
Oui, Seigneur, envoie des ouvriers
dans Ta moisson et envoie-nous si Tu le juges bon.
»
À ces mots une joie indicible
me pénétra et une voix dit «
Oui, allez travailler dans Ma moisson.
»
Après être
restés encore un moment prosternés,
nous nous relevâmes, et voici toutes choses
étaient faites nouvelles. Une joie inconnue
brûlait dans nos coeurs, et je sentis que
tous les liens, toutes les limitations qui
m'avaient tant fait souffrir étaient
enlevés. Mon
incapacité naturelle à servir Dieu
comme je le désirais avait disparu Le canal
était nettoyé. Il n'y avait plus rien
entre Dieu et moi Bonheur ineffable !
L'après-midi, une de mes
fidèles amies, sachant que j'avais du
chagrin, vint me voir pour sympathiser avec moi
:
- Mais, qu'avez-vous ? qu'avez-vous
? me répétait-elle.
Mon visage était encore
bouffi des larmes versées, et pourtant il
irradiait de joie.
« Ah ! je ne sais ! mais il
s'est passé quelque chose de merveilleux en
moi ! je ne sais comment appeler cette nouvelle
expérience. C'est comme une nouvelle
naissance ! En un clin d'oeil, mes goûts, mes
idées ont été changés.
Il me semble que je devrais être sans cesse
prosternée devant Dieu ! »
Maintenant ce n'est plus : mon mari,
mes enfants, mon ménage en premier, non,
tout naturellement, sans effort c'est Dieu ! Ce ne
pourrait être autrement...
Par moi-même, malgré
tous mes désirs, tous mes efforts, je ne
pouvais le réaliser. Mais Dieu, qui est
fidèle et qui nous connaît, a fait
cette oeuvre en moi : Oh ! que Son nom soit
loué !
Ce qui est extraordinaire, c'est que
du moment que Dieu est à sa vraie place en
moi, mon amour pour mon mari et mes enfants et pour
tous ceux qui m'entourent, au lieu d'être
diminué, est plutôt
décuplé. La mise en pratique du
treizième chapitre de la première
épître aux Corinthiens, qui me
paraissait autrefois presque une cime inaccessible,
est devenue toute naturelle. Tout cela est un don
de Dieu... C'est comme une réalisation plus
amplifiée de ce don d'amour reçu
autrefois, lorsque mon coeur de pierre avait
été transformé en coeur de
chair. J'avais reçu alors la faculté
d'aimer Dieu et mon prochain. Par la foi je crus
que Christ habitait en moi, mais cette foi dut
passer par l'épreuve, il en est toujours
ainsi dans tous les domaines de la foi. Il me
fallut donc aller vivre avec des personnes
susceptibles et pointilleuses, d'une
mentalité si différente de la mienne
que je n'arrivais pas à les comprendre, et
naturellement je disais et faisais toujours le
contraire de ce qu'il aurait fallu, jusqu'à
ce que je fus complètement
dégoûtée de
moi-même.
Dès le commencement j'avais
compris que ceux qui m'entouraient n'étaient
pas entièrement responsables, c'était
l'ennemi qui les poussait à agir ainsi
à leur insu ; mais cela est clairement
expliqué dans le livre de Job,
derrière l'ennemi il y avait mon
Père, mon tendre Père, qui lui
permettait de m'éprouver ainsi, mais
jusqu'à un certain point qu'il ne lui
était pas permis de dépasser.
Combien de fois ai-je dit: «
Père, tu m'aimes trop pour me laisser
souffrir inutilement, tu as un but, apprends-moi
vite ma leçon pour que je puisse sortir de
là ! » je lui avais aussi
demandé la grâce d'oublier de suite
toutes les offenses qu'on pourrait me faire, car je
me rendais compte des ravages, même
physiques, que peuvent produire en nous l'aigreur
et l'amertume, et que c'était tout
bénéfice pour nous de pardonner et
d'aimer malgré tout. Ainsi les situations
qui auraient pu tourner en tragédies
étaient rapidement et avantageusement
liquidées.
Tout ce qui nous arrive est
destiné à nous vider de plus en plus
de nous-mêmes afin de laisser plus de place
à l'amour d'En haut, cette sorte d'amour que
j'avais rencontrée pour la première
fois en arrivant dans les lieux célestes
lorsque je quittai mon corps pour quelques
instants, une année auparavant. Cette
atmosphère d'amour intense dont j'avais
gardé la nostalgie, elle brûlait en
moi maintenant. Ce que mon Seigneur avait
demandé dans sa prière pour les
siens, Jean 17. 26, m'était accordé :
« Que l'amour dont tu m'as aimé soit en
eux et moi en eux. »
Un si grand changement ne pouvait
rester inaperçu dans notre entourage. Nous
en avions dit quelques mots à nos parents,
pensant que Dieu nous enverrait un ordre de marche.
Ce fut un tollé général ! On
nous traitait de fous, d'illuminés (on ne
savait pas si bien dire !).
Pour finir, nous en arrivâmes
à nous demander si réellement nous
sortions de l'ordinaire, et comme il y avait une
Retraite à L., et profitant de ce que
grand-maman était encore là pour
garder les enfants, nous y allâmes pour
tâcher de nous rendre compte.
Gloire à Dieu, nous ne sommes
pas seuls à avoir fait pareille
expérience, Les brigadiers de la Drôme
étaient là ! Ah ! que c'était
bienfaisant de se trouver au milieu de tant de
personnes réveillées ! Nous en
fûmes encore affermis.
Et c'est pleins de courage que nous
prîmes le chemin du, retour ; pleins d'espoir
aussi, car nous y avions rencontré un ancien
pasteur, habitant notre contrée, lequel
avait rendu témoignage au bien reçu
lors de ces réunions. Quelques jours plus
tard, j'allai donc lui faire visite et, oh !
chagrin ! je m'aperçus que tout son
enthousiasme était tombé. Il ne
croyait pas à l'authenticité de toute
la Bible, c'était Jésus qui
était la Parole de Dieu, etc., etc. ;
toutefois il escomptait un Réveil. Il
voulait travailler dans la contrée dans ce
but. Un Réveil serait-il possible quand la
Bible est mise en doute ? Après quelques
instants de discussion, je m'en allai horriblement
triste. Oh ! pourquoi les hommes ne
veulent-ils pas soumettre leur
intelligence à celle du grand Dieu trois
fois saint ? Ce pasteur tint plusieurs
réunions « de Réveil » au
cours de l'hiver. Bien suivies au début, la
fréquentation alla en diminuant et il dut
cesser. Le monde, si borné soit-il, sait
discerner parfaitement où est l'esprit de
Dieu, et certes, Dieu ne donne pas sa gloire
à un autre !
Quelques jours après notre
retour, Grand-maman me dit:
- Il y a de l'ouvrage pour vous tout
près !
- Ah ! oui, où ?
demandai-je.
- Chez les voisins.
- Oh ! non, répondis-je, je
n'ai rien à faire là, les pasteurs et
les officières de l'Armée du Salut y
vont déjà. Que pourrais-je leur dire
de plus ?
Le lendemain matin, comme je priais,
la voix me dit:
- Va chez les R.
- Oui, Seigneur, j'irai avec la
force que tu me donneras ; Tu seras toi-même
ma bouche, car je ne sais que leur dire.
Le soir venu, je frappai à
leur porte, le coeur battant
- Entrez !
Ils me firent bon accueil. Peu de
temps auparavant ils avaient perdu un fils par
accident. Ayant aussi passé par
l'épreuve, je pouvais un peu me mettre
à leur place. Lors de la mort de notre
bébé quelqu'un m'avait dit
:
- Vous pourrez mieux comprendre ceux
qui passent par le deuil.
Cela me révolta d'abord, puis
je compris que c'était vrai. Mon coeur
brisé pouvait sympathiser avec cette autre
mère souffrante. Ma perte se changeait en
gain pour autrui et je pouvais conduire cette
affligée au Père des
miséricordes et au Dieu de toute
consolation, selon II Cor. 1. 9, qui m'avait
moi-même consolée.
Je lui racontai aussi l'anecdote qui
avait aidé à mes beaux-parents
à accepter le départ d'une fillette
de deux ans. Mon beau-père nous l'avait
donnée à lire après la mort de
notre enfant : Un couple anglais voyageait en
Suisse pour essayer de se consoler de la perte de
leur unique enfant. Ils étaient
désespérés et les
beautés de la nature n'arrivaient pas
à leur faire oublier leur grande
souffrance.
Étant un jour au bord d'une
rivière, ils virent arriver un troupeau de
moutons, le berger et son chien n'arrivaient pas
à le faire traverser l'eau peu profonde. Le
berger prit alors un agneau dans ses bras et passa
le premier, la mère s'élança
à sa suite puis tout le troupeau les suivit.
Mus par une même
pensée, les parents désolés se
regardèrent : « Le Seigneur n'a-t-il
pas agi de même envers nous ? se dirent-ils.
Notre enfant nous a devancés. Là
où est notre trésor, là aussi
sera notre coeur. Maintenant nous savons ce que
nous avons à faire si nous voulons le
retrouver un jour : suivre aussi le bon Berger...
»
Comme nous sommes très
éloignés de tout lieu de culte,
quelques amis se sont spontanément joints
à nous maintenant le dimanche
matin.
Un soir, nous nous trouvâmes
fortuitement plusieurs dans leur petite cuisine :
l'officière de l'Armée du Salut et un
ami de la Croix-Bleue accompagné d'un jeune
homme. Nous lûmes quelques versets, puis nous
nous mimes à prier. La présence du
Saint-Esprit était très sensible.
À un moment donné, nous étions
tous saisis, le jeune homme eut un bref
sanglot.
Mme R. est aussi venue. Comme elle
sortait, je lui demandai si elle connaissait le
jeune homme qui était avec nous l'autre
soir.
- Mais ne le savez-vous pas ? Il
demeure tout près de chez vous, il y a
quelques semaines qu'il est de retour.
- Vraiment ? Eh ! bien, quand vous
le verrez, dites-lui de venir ici, j'aimerais bien
faire sa connaissance ! lui dis-je.
Dix minutes plus tard, comme je
préparais le dîner, j'entendis un pas
rapide dans le corridor. C'était Paul S., le
jeune homme en question.
- Cela me fait bien plaisir de faire
votre connaissance, lui dis-je ; veuillez vous
asseoir un instant. Alors, êtes-vous aussi un
enfant de Dieu ?
- Non, répondit-il, mais
j'aimerais tellement en être un !
- Mais qui vous en empêche ?
Croyez-vous que Jésus-Christ est mort pour
nous ?
- Oui, je le crois.
- Croyez-vous qu'Il est mort pour
vous ? repris-je.
- Je crois qu'Il est mort pour
nous.
- Croyez-vous qu'Il est mort pour
vous ? répétai-je.
Une seconde d'hésitation,
puis avec force :
- Oui, je crois qu'Il est mort pour
moi ! dit-il.
- Eh ! bien, que vous faut-il de
plus ?
- Mais ne devrais-je pas avoir un
sentiment spécial ? Une vision ?
demanda-t-il.
- Pourquoi ? Si vous croyez de tout
votre coeur ce que vous venez d'affirmer, il ne
vous faut rien de plus pour le moment, tous
vos péchés sont
effacés par Son sang. « Qui croit au
Fils à la vie éternelle. »
Jean 3. 36.
Il avait attendu, pour se convertir,
d'avoir un sentiment de joie et voici, maintenant
qu'il croyait, la joie vint,
puissante....
Il passa le reste de la
journée avec nous. Quel beau dimanche !
Quoique tout fût gris et froid dehors, la
louange et l'action de grâce chantaient dans
nos coeurs.
En faisant le souper, comme notre
nouvel ami était près de nous
à la cuisine, ce qu'il nous raconta de sa
vie était tellement intéressant - il
a déjà beaucoup souffert le pauvre !
- je me trompai et je mis du sel au lieu de sucre
dans la crème fouettée ! Nous en
avons bien ri... Cela fit la réaction
après cette histoire douloureuse.
Élevé dans un milieu
le moins propice au développement religieux,
semble-t-il, il avait pourtant toujours
soupiré après les choses de Dieu. Il
s'était même acheté une Bible
de ses premiers gains. Oui, vraiment, l'Esprit de
Dieu souffle où il veut ! peu importe les
circonstances extérieures pourvu qu'on soit
droit de coeur !
Peu à peu notre petit cercle
s'agrandit. Mon plus grand désir serait de
réunir chez moi les différentes
dénominations de la contrée afin que,
sur ce terrain neutre, nous puissions nous unir
pour prier en vue d'un Réveil. Que c'est
bienfaisant de chanter des cantiques d'un
même coeur, de s'aimer tout simplement
puisque nous avons le même Sauveur
!
Ezéchiel 33, versets 1-21,
m'a vivement impressionnée. Je ne veux pas
être une sentinelle infidèle, il ne
faut pas qu'au dernier jour un habitant du village
se lève et m'accuse de ne pas lui avoir fait
connaître mon Sauveur.
Chaque après-midi, en guise
de promenade, nous allons donc, mes fillettes et
moi, de maison en maison porter des brochures.
Chaque personne a reçu des impressions
religieuses plus ou moins vives, mais de là
à dire que chaque personne est convertie, il
y a loin ! Nous sommes bien reçues partout,
mais, il faut l'avouer, je suis effarée du
peu de connaissances bibliques dans ce village si
religieux pourtant. C'est le Travail, le
dieu-Travail qui règne en maître, et
quant à la Bible, a-t-on le temps de la lire
? Peut-être le soir, avant d'aller se
coucher, quand on n'est plus capable de faire quoi
que ce soit d'autre ! je me demande ce que Dieu
doit penser d'être relégué
ainsi à la toute dernière place ?
C'est aussi un peu la faute des prédicateurs
modernistes qui ont jeté un
discrédit sur la Parole de
Dieu ; ah ! s'ils comprenaient leur
responsabilité, ils en trembleraient
!
Il faisait un temps
épouvantable un jour ; je sentais que je
devais aller faire une visite, mais
j'hésitais à sortir, me demandant si
c'était réellement mon devoir. Je
demandai à Dieu de me guider, puis je pris
ma Bible, elle s'ouvrit au livre des
Proverbes 24. 11-16. Un passage
auquel je n'avais encore jamais prêté
attention. « Délivre ceux qui sont
menés à la mort, et ne te retire pas
de ceux qui chancellent vers une mort violente. Si
tu dis : Voici nous n'en savions rien, celui qui
pèse les coeurs, lui ne le
considérera-t-il pas ? et celui qui garde
ton âme, lui le sait ; et il rend à
l'homme selon son oeuvre. »
Cela était clair,
j'obéis; il n'y eut aucun résultat
visible de cette visite, mais je sais « que
mon travail ne sera pas vain dans le Seigneur...
»
1 Corinthiens 15. 58.
|