Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



Vous serez mes témoins

SECONDE PARTIE

Chapitre XX
VINGT ANS APRÈS

 Plus de vingt ans se sont écoulés depuis que les dernières lignes de la première partie ont été écrites. Nous pouvons examiner maintenant quels ont été les résultats de cette expérience fondamentale de la communion avec Dieu réalisée jour après jour, année après année.

Ce n'est pas peu de chose que d'être participants de la nature divine, I Pierre 1. 4, d'être en communion constante avec Dieu Lui-même par notre Seigneur Jésus-Christ ! Qui, est suffisant pour ces choses ? Que d'ignorances et de scories doivent encore être découvertes et rejetées jusqu'à ce que l'or soit pur et que tout soit de Dieu ! Mais justement Christ vient habiter en nous pour nous conduire à Dieu Son Père, et alors nous apprenons à marcher dans la lumière comme Lui-même est la lumière ; nous sommes donc mutuellement en communion et le sang de Jésus-Christ nous purifie de tout péché.
D'expérience en expérience la lumière augmente, nous apprenons à rejeter et à refuser tout ce qui est de l'Ennemi et à vivre dans la glorieuse liberté des Fils de Dieu. « Aime et fais tout ce que tu voudras », disait saint Augustin. En vivant dans la lumière de l'amour de Dieu, nous expérimentons que c'est bien là l'atmosphère que réclame notre être tout entier.

Une petite Myriam nous a encore été donnée. Cette enfant ne nous donne aucune peine ; c'était bien rare qu'on l'entende pleurer. Toujours gaie et contente, aussitôt que ce fut possible, elle prit grand intérêt aux choses de Dieu.

Toujours de santé chancelante, je devais souvent garder le lit. Notre petite, dans son berceau, attendait sagement que j'aie fini mon culte pour venir vers moi où elle ne faisait pas plus de bruit qu'une souris. Un matin que cela durait plus que d'habitude, elle me demanda plusieurs fois : « Puis-je venir ? » Enfin, d'un air ravi, elle s'écrie - « Ah ! je sais ce que tu fais : tu t'occupes des affaires de ton Père ! » Quelques jours auparavant, elle avait été très fière d'apprendre son premier verset pour l'école du dimanche : « Il faut que je m'occupe des affaires de mon Père. » Une autre fois, l'entendant parler de missionnaire, je lui demandai
- Sais-tu ce que c'est qu'un missionnaire ?
- Oh ! oui, répondit-elle de suite, un missionnaire c'est quelqu'un qui aime Dieu et qui va le dire.

Une jeune fille m'expliquait un jour pourquoi elle ne croyait plus à la prière. Étant enfant, elle avait désiré et demandé à Dieu une belle poupée qui trônait dans une vitrine, et voici elle ne l'avait pas obtenue, et désormais, elle ne voulait plus prier. Elle sortit de la chambre. Myriam qui avait écouté de toutes ses oreilles, me dit alors : « Elle aurait mieux fait de donner son coeur au Seigneur Jésus d'abord, Marie-Rose, et ensuite elle aurait eu sa poupée ! » Pour une enfant de quatre ans ce n'était pas mal raisonné !

Avec nos petits enfants et ceux que nous avons eu en pension, j'ai remarqué bien souvent que l'amour d'En haut, qui découle de nos coeurs, est justement ce dont ces petits coeurs ont besoin. Des parents de bonne famille nous amenèrent leurs deux enfants de deux ans et demi et trois ans et demi, frère et soeur, bien habillés, à l'air intelligent, mais avec quelque chose d'inquiétant dans le regard.
« Je ne sais si vous réussirez à les faire obéir », nous dit le sympathique jeune papa. En effet, les premiers jours furent difficiles, ces enfants avaient la passion de la destruction et nous ne savions comment les prendre tant ils étaient revêches à toute avance de notre part. Un jour que je faisais des tartines à côté de la fillette, elle me tapa en disant
- Méchante, toi méchante !
- Non, c'est une bonne grand-maman, dit un autre enfant.
- Non, méchante, fit la première, farouchement.

Je la regardai au fond des yeux en laissant passer tout l'amour dont j'étais capable et lui dis : « Eh ! bien, moi je t'aime ! » Puis je m'en allai. Un peu plus tard, je passai l'aspirateur dans la chambre. J'entendis ma petite rebelle qui criait quelque chose derrière moi. Je la regardai : « Un bec, un bec », disait-elle. J'ouvris mes bras, elle s'y lança et tout son petit corps tremblait d'émotion. Je la baisai tendrement, elle était gagnée. Son petit frère résista encore quelques jours, mais pour lui aussi l'amour fut vainqueur. Que de coeurs assoiffés d'amour autour de nous, et les plus endurcis sont simplement desséchés par ce manque d'amour pour lequel nous sommes tous créés.
Il faut dire que, après avoir reçu l'amour de Dieu, versé dans mon coeur par l'Esprit saint, je n'ai pas su de suite le répandre autour de moi. Voici comment je l'appris :

Nous avions continué à nous confier dans le Seigneur pour l'envoi de pensionnaires. Nous n'avons jamais mis d'annonce, ni fait de réclame. Mais, au bout de quelques années, j'étais déçue du peu de résultats spirituels ; j'en arrivai même un jour à dire au Seigneur : « Ne m'envoie plus personne, je ne suis pas capable de leur faire du bien ; ils disent oui, oui, quand je leur explique Ta Parole, mais ils ne changent pas. Cela n'en vaut vraiment pas la peine. »

C'était au commencement de l'été, les demandes affluaient, et je les entassais sur ma table n'ayant aucune envie d'y répondre. Un jour, mon travail terminé, je m'assis à ma place habituelle ; mes yeux tombèrent sur les lettres en question et je me dis : « Il faut absolument y répondre. Seigneur, que dois-je faire ? je ne puis continuer ainsi ! » La réponse vint douce et subtile : « Laisse-Moi les aimer à travers toi ! »
- Merci, Seigneur, je puis aller de l'avant si c'est Toi qui Te charges de tout !

La première personne qui arriva faillit me faire perdre la respiration. Grande, sèche, des yeux noirs très durs, si durs que notre petite Myriam de trois ans lui disait : « Ne me regarde pas avec tes yeux ! » Elle avait été élevée avec plusieurs frères, ce qui expliquait ses gestes brusques. Mais elle avait aussi terriblement souffert. Sa fille unique était morte par suite d'une erreur de diagnostic du médecin et son mari l'avait suivie, brisé par le chagrin. Elle-même avait été complètement paralysée pendant plusieurs mois, totalement dépendante de son entourage. Elle s'était remise physiquement, et venait chez nous en convalescence ; mais intérieurement, elle était pleine de rancoeurs et d'aigreur. Je ne lui dis rien, mais sciemment je laissais passer l'Amour d'En haut que je recevais en abondance, et peu à peu, je vis la terrible expression de ses yeux se fondre. Les derniers jours du séjour de cette dame, je la regardais de loin jouer avec notre fillette, et je me demandais si c'était bien la même personne que j'avais vu arriver un mois auparavant, je continuai donc d'agir dans ce sens, et il me semblait parfois être comme Jean-Baptiste lorsqu'il se tenait à côté du Seigneur s'émerveillant de ce qu'il Le voyait faire.
« C'est très beau, me disait un serviteur de Dieu auquel je communiquais cette expérience, mais ce n'est pas suffisant pour amener des pécheurs à Dieu. » Quelques jours plus tard, deux jeunes gens vinrent un soir nous demander une adresse. Il se trouvait que l'un des jeunes gens et nous avions un ami commun. Nous en vînmes à parler de Dieu et de Son amour. Tout à coup l'autre jeune homme s'effondra en sanglotant : « Oh ! madame ! mes péchés, mes péchés ! Si vous saviez qui je suis ! » je puis alors lui parler de Celui qui est venu pour nous sauver et nous délivrer. Je vis alors que l'amour de notre Père peut fondre les coeurs les plus glacés, même sans paroles.

À quelque temps de là, je fis une autre expérience. Par téléphone, on me demanda de fournir chambres et pension à des ouvriers qui travaillaient au-dessous du village à la pose d'une ligne téléphonique souterraine. J'acquiesçai. Le lendemain à midi arrive un homme avec tous les vices possibles inscrits sur le visage ; il fut suivi de plusieurs qui ne valaient guère mieux. Je leur servis le repas en silence et presque effrayée d'avoir affaire avec de tels déchets d'humanité. Ils me réclamèrent à boire. Je n'avais rien en cave, mais je leur dis que je me procurerais quelque chose pour le lendemain.
Lorsqu'ils furent partis, je commençai à laver la vaisselle le coeur lourd, mais tout à coup la voix de mon Seigneur parla à mon coeur : « Mon amour ne peut-il pas passer à travers toi pour eux aussi ? » Toute réconfortée, je m'écriai : « Mais certainement Seigneur, Tu es le Tout-Suffisant ! »
Vers la fin de l'après-midi, le terrible ouvrier arrive complètement ivre :
- Madame, je veux du vin, je veux à boire
- Non, lui dis-je calmement, je n'ai qu'une bouteille de vin prêtée par une voisine ; elle est pour votre repas de demain, sans cela je n'aurais rien d'autre à vous donner.

Il se promenait comme un fauve à travers la cuisine en se tenant les mains fortement. Il s'arrêtait de temps en temps devant moi en rugissant :
- Donnez-moi à boire !

Je laissais passer l'amour de Dieu sciemment et je le regardais paisiblement.
- J'ai du café ici, lui dis-je, en voulez-vous une tasse en attendant ?
- Non ! je ne l'aime pas, à boire, à boire !

Enfin, épuisé, il dit :
- Donnez-moi ce café ?

Il l'avala d'un trait puis demanda sa chambre :
- Vous viendrez me chercher pour le souper, je vais dormir un moment.

Lorsque ses compagnons arrivèrent, je leur dis d'aller chercher leur camarade qui dormait.
- Pas de risque, dirent-ils, tant mieux s'il dort, nous ne le réveillerons pas.

Je vis alors qu'eux-mêmes en avaient peur. Le lendemain, au matin, notre croquemitaine me reprocha de ne pas lui avoir donné souper la veille, mais il n'insista pas.
Après le repas de midi, les ouvriers ni annoncèrent qu'ils étaient assez près du village voisin, où se trouvait un café, et qu'ils prendraient dorénavant là leur pension. Quel soulagement !
Mais je regrettais d'autre part de ne pouvoir continuer l'expérience.
Environ trois semaines plus tard, je balayais la route à côté de la maison ; je vois arriver un couple, mais je ne fis pas attention à eux, car je croyais que c'était des inconnus. Arrivés près de moi, l'homme s'arrêta et me présenta à sa femme comme si j'avais été leur chère amie.
Touchée, je reconnus celui qui m'avait tant effrayée et je remerciai Dieu pour cette réponse ; ainsi cet homme avait quand même enregistré l'amour de notre Père.
En parlant de ceci à un voyageur chrétien, il me dit « je viens de lire une poésie dans ce sens, je vous l'enverrai. »
La voici traduite librement :

DIEU EST AMOUR.
Pleine de chagrins, de soucis,
Ma pauvre enfant, oui la voici
Qui jette un rapide coup d'oeil,
Courbée, blottie dans son fauteuil,
Avec ses yeux qui semblent dire :
Je suis faible, lasse à mourir,
Ne vaux plus que roseau fané,
Que puis-je encore donner ?
Non, je ne peux rester à terre !
Quand le Seigneur vient-Il me prendre ?
Oh ! dis, maman, que puis-je faire
Pour que bientôt se fasse entendre
Le doux appel : Monte plus haut ? »
Aie l'âme prête, mon enfant,
Pour le voyage éternel si beau,
Puis, pleine de confiance, attends,
Patiente que Son appel vienne
Qui te dira d'aller à Lui.
Mais vite ses lèvres reprennent,
Si de la tête elle a fait oui :
« Hélas, que ne puis-je encore ! »
Mais tu l'aimes aussi le Seigneur,
Prier et croire, c'est de l'or,
C'est beaucoup, déjà le bonheur
Elle soupire : « Ah ! oui, c'est très beau,
Même en le voulant, ce qu'il faut,
Je ne pourrai toujours le faire
Et ne dis pas la vraie prière. »
Mais Il la comprend tout de même
« Non, car pas assez je ne L'aime.
Souvent mon esprit se promène,
Puis après, vers Lui me ramène.
Ce qu'on appelle une vraie foi,
Je ne l'aurai donc que parfois,
Et voilà ma Peine cruelle ! »
Dieu voit la petite étincelle !
Mais les soucis comme des nuages
Toujours plus sombres s'amoncellent.
Comment donc chasser cet orage
Pour que, bien vite, du soleil
Elle reçoive l'éclat sans pareil Et :
« Rien, rien, je ne puis plus rien »
Devient son éternel refrain.
- Mais, dis, il en reste un,
D'acte possible à toi, à chacun
Et qui seul donne à tout coeur
Le repos auquel il aspire :
Te laisser aimer du Seigneur. -
« Cela, maman, veux-tu me dire,
Ne le fais-tu pas gentiment ? »
Et là, elle revit brusquement ;
De clairs et beaux rayons joyeux
Glissent alors vite de ses yeux,
Sur sa face flétrie s'étendent.
« Est-ce bien tout ce qu'Il demande ? »
Et puis, Pleurant comme un enfant,
« Merci, mon Dieu, ce que j'entends :
Se laisser aimer du Seigneur,
Je le peux, viens, voici mon coeur. »

Elle a été en grande bénédiction à plusieurs et à moi-même aussi. Bien des années se sont écoulées depuis, mais je crois encore qu'il n'y a rien de meilleur que de se laisser aimer de Dieu, et de plus en plus, je m'exerce à mettre tout mon être à la disposition de Celui qui nous aime.
Combien de fois, couchée sur un lit de souffrance, je ne pouvais plus prier, plus penser, mais je pouvais encore m'offrir corps et âme à notre Père et me laisser aimer de Lui.
Je relaterai ici une expérience qui en pourra aider d'autres. La deuxième guerre mondiale durait depuis quelques années et les restrictions alimentaires se renforçaient. Mes filles me dirent un jour :
- Maman, tu as assez travaillé maintenant, il faut te reposer et fermer la pension ; nous pourrions bien vivre sans cela et tout devient trop difficile.

J'hésitais, il me semblait que je n'avais pas le droit de me décharger ainsi de cette douce collaboration avec le Seigneur. C'est alors qu'on me demanda de recevoir en pension, pour quelques semaines, une dame dont je désirais faire la connaissance depuis fort longtemps. C'était la dame visiteuse qui avait imposé les mains à notre seconde fille lorsqu'elle était petite. Elle avait tout de suite été guérie. Ce fut donc avec joie que je reçus cette dame et sa fille.
Un jour, elle nous raconta qu'étant jeune femme, elle habitait auprès d'une rangée de maisons locatives. Il y avait là beaucoup de jeunes femmes ne sachant pas tenir leur ménage. Les maris allaient au café et notre amie se demandait ce qu'elle pourrait faire pour aider et remédier à ce triste état de choses. Elle se souvint d'avoir vu, alors qu'elle habitait l'Angleterre, des petits cahiers racontant une histoire et donnant de bons conseils et de simples recettes de cuisine. Elle prépara un petit cahier de celles-ci, alla trouver un auteur connu, T. Combe, et lui demanda de rédiger la partie littéraire et d'y insérer ses recettes et bons conseils, Ainsi fut fait et ainsi parurent de petits fascicules à dix centimes, intitulés « La cuisine de Rose-Marie ».

C'était l'histoire d'une jeune ouvrière qui doit quitter la fabrique pour soigner sa mère malade et faire le ménage pour son père et ses frères et soeurs. Elle est fort empruntée au début, mais une personne d'un certain âge, habitant le même palier, intervient pour lui donner aide et conseils. Or, ces petits cahiers avaient fait les délices de mon enfance et je leur dois en grande partie mon goût prononcé pour la cuisine. Dans un éclair, je vis que le Seigneur m'avait formée dès mon enfance pour tenir une pension pour Lui. À cette lumière bien des problèmes s'éclairaient et je vis qu'il me fallait continuer à tenir pension pour L'aider à trouver des fils et des filles pour Son royaume. J'expliquai la situation à mon mari et à mes enfants qui furent d'accord de collaborer de tout leur coeur pour le Seigneur.

Il faut que je raconte ici comment mes enfants rencontrèrent le Seigneur. J'ai déjà dit la peine et les tracas que nous causa notre seconde fille qui déjouait tous mes principes éducatifs. Elle avait bon coeur, mais elle était vive et emportée. Que de fois j'ai dû me tourner vers le Seigneur en reconnaissant que je ne savais plus que faire avec elle. Mais toujours je maintenais : « Mais Seigneur, elle est à toi, prends en soin, je te l'ai donnée dès avant sa naissance ! elle est à toi ! »

Je priai beaucoup pour savoir que faire de mes filles lorsqu'elles quitteraient l'école ; elles n'avaient pas elles-mêmes de goût prononcé pour ceci ou cela. J'avais désiré que l'aînée s'occupe des malades, mais, après quelques mois en Suisse allemande, dans un établissement de diaconesses, elle déclara qu'en tout cas elle ne serait jamais soeur.

Une porte s'ouvrit en ce qu'une amie nous parla d'une école ménagère tenue par des soeurs qui savaient particulièrement bien comprendre les caractères difficiles. Nous y envoyâmes notre seconde fille accompagnée de l'aînée pour six mois. Elles s'y firent grand bien au contact d'autres jeunes filles orphelines ou n'ayant plus qu'un parent. Mais surtout ce fut le fait de devoir prendre position. Quelle sorte de gens êtes-vous donc, faisaient les soeurs et les jeunes filles étonnées, pas baptisées ! pas confirmées ! êtes-vous des païens ? Pourquoi vos parents vous ont-ils placées dans une maison chrétienne ? » Elles durent alors expliquer notre manière de voir et cela les fortifia dans la liberté.

Avant de partir, elles étaient plus ou moins montées contre la « religion » telles qu'elles la voyaient pratiquée habituellement. Elles avaient refusé de faire l'instruction religieuse de l'église officielle et, naturellement, de faire leur première communion. Élevées librement, comme elles l'avaient été, toute trace d'hypocrisie leur faisait horreur. Nous ne les avions jamais obligées d'aller à l'école du dimanche ou au catéchisme, et malgré les objurgations du pasteur, nous ne nous sentîmes pas la liberté de les forcer à suivre la filière habituelle. La seconde ne voulait pas aller à l'école ménagère, elle craignait que l'enlèvement ait lieu en son absence et qu'elle et sa soeur restent seules là-bas. Peu de temps avant de partir, elle me demanda :
- Es-tu sûre que ce soit la volonté de Dieu que j'aille là-bas ?
- J'ai beaucoup prié, lui répondis-je, et je n'ai vu que cette solution.
- Ah ! bon, fit-elle, alors Dieu s'occupe encore de moi, et Il veut déjà bien me convertir.

Elles revinrent donc en de meilleures dispositions qu'à leur départ. Un jour, nous vîmes une annonce du jeune homme qui avait été guéri en lisant la Bible et avec lequel nous étions restés en bonnes relations. Il avait repris à son compte le petit atelier de pierres fines de son père qui était mort (non sans avoir rencontré Christ lui aussi).
- Cela te dirait-il d'aller travailler là ? demandai-je à Confiance. Ce n'était pas du tout ce que j'aurais aimé pour mes filles ; mais le Seigneur m'avait montré depuis un certain temps que tel serait leur chemin. Je fus étonnée néanmoins du « oui » prompt et décidé de mon aînée. Elle fut de suite engagée, et sa soeur voyant de quel travail agréable il s'agissait, voulut aussi aller travailler là malgré toutes nos objections. Eh effet, nous avions peine à nous imaginer notre indisciplinée, qui n'aimait rien tant que courir cheveux au vent à travers champs avec sa chèvre favorite, s'astreindre à un travail aussi minutieux. Ce fut aussi pour son bien quoique cela n'alla pas sans peine et que la discipline à laquelle elle voulut d'elle-même se plier ne fut pas apprise en un jour.

La chèvre de ma fille était extrêmement intelligente, il semblait qu'elle comprenait tout ce qu'on disait. Mais nous avions trop présumé de son intelligence, et un jour qu'elle avait mangé en une fois ce que nous lui avions donné pour la journée, elle mourut d'indigestion. Ce fut un grand chagrin pour tous, mais particulièrement pour sa petite maîtresse qui l'aimait si tendrement.

Quelques jours plus tard, nous fûmes invités à une réunion tenue par un évangéliste chez une de nos amies. Nous nous y rendîmes en famille malgré un temps épouvantable et la grande distance. Nous nous sentions poussés à y assister. Ce fut merveilleux, l'orateur était un homme absolument sans culture ni éducation. C'était un étranger et il savait à peine lire et écrire ; mais le Seigneur parlait par sa bouche et nos coeurs étaient au large en l'entendant. Sa présence était sensible dans la chambre et lorsque l'appel à la conversion fut donné, onze personnes acceptèrent. Il y en avait neuf pour lesquels je priais depuis longtemps, et parmi elles nos deux filles. Quelle joie !
- Tu comprends, me disait ma fille le lendemain, je ne pouvais pas me donner à Dieu auparavant. car je craignais, si l'enlèvement avait lieu, que ma chèvre ne reste seule sur la terre, et je ne voulais pas l'abandonner et qu'elle ait à souffrir.

Il avait fallu que l'obstacle fût enlevé auparavant. Une fois de plus, je constatai comme Dieu faisait concourir toutes choses à notre bien et comme Il nous connaissait à fond. Depuis, j'ai constaté que ce qui empêche beaucoup de gens de répondre à l'amour du Père n'est souvent pas plus important. Mais Celui-ci nous suit jusqu'à ce qu'Il nous ait. Quel dommage d'attendre que l'idole soit brisée plutôt que de se jeter de franc coeur dans ces bras tendus tout le jour vers un peuple rebelle et contredisant. Rom. 10. 21.
Plusieurs mois auparavant, le Seigneur m'avait fait comprendre que nous aurions bientôt un Réveil et que Son Esprit allait souffler une fois encore.
- Oui, Seigneur, lui dis-je, mais il y a encore un tel qui ne veut pas me pardonner malgré ma demande. Faut-il retourner vers lui pour enlever cette pierre du chemin ?
- Non, je m'en occupe, me fut-il répondu.

En effet, quelques jours plus tard, la personne venait elle-même me demander pardon de son obstination et solliciter mes prières pour elle et sa soeur qui était dans un triste état mental quoique chrétienne zélée. Je priai et jeûnai pour mieux comprendre ce qu'il y avait à faire pour cette dernière. Il semblait qu'il y eût là un cas de possession, mais le Seigneur me montra que le physique était atteint quoique le médecin ne pût voir de quoi il s'agissait.
Ensuite, je pris chez moi cette personne malade que j'aimais beaucoup et ses deux filles qui étaient aussi peu bien.
Plusieurs personnes, le médecin aussi, voulaient que je les fasse hospitaliser, mais je ne m'en sentais pas la liberté : je croyais qu'elles seraient plus vite guéries en restant chez nous.
Enfin, un jour de juillet très chaud, nos pensionnaires partirent de bon matin pour une course sur une petite montagne avoisinante. Nos amies manifestèrent le vif désir de les accompagner, et nous les laissâmes aller avec eux.
De retour à midi par un soleil brûlant, la mère me dit qu'elle avait un violent mal de tête ; elle avait fait la course sans chapeau. Je lui conseillai d'aller se coucher. Elle prit une chaise longue et alla s'étendre au jardin. Vers trois heures, la voici qui vient vers moi en me disant que quelque chose avait sauté dans sa tête, une tumeur. Le pus lui sortait par le nez et par la bouche. Dès ce jour le mieux fut décisif, mais elle ne pouvait encore croire au pardon. Un jour qu'elle me parlait de cela, je lui dis :
- Voici un verset qui m'a beaucoup aidée : « Ne te réjouis pas à mon sujet, mon ennemie, si je suis tombée, je me relèverai encore. » Et : « Il est mort, non seulement pour nos péchés, mais pour ceux du monde entier. »
- Puis-je prendre cela pour moi ? fit-elle.
- Mais certainement.

Dès lors ce fut fini pour elle et elle apprit à se réjouir de nouveau de ce salut retrouvé en notre Seigneur Jésus.
Sa seconde fille fut plus longue à se persuader que le Seigneur ne les avait pas abandonnées, mais les aimait toujours.
Ce que mes amies craignaient surtout, c'était de retourner à la ville, de reprendre leur vie solitaire à leur quatrième étage, et voici qu'un jour l'oncle des jeunes filles, tout bouleversé, vient m'apprendre que la petite maison qu'il louait lui était reprise par le propriétaire et qu'il n'arrivait pas à trouver un logement dans la contrée.
« Le Seigneur sait de quoi vous avez besoin, lui dis-je, confiez-vous en Lui et Il agira. » C'est ce qu'il fit et il rencontra peu après un ami qui lui indiqua un logement libre dans le village voisin, un magnifique logement dans une maison proche de la forêt et à quelques minutes du village, avec un grand jardin, bref, le rêve des citadines.
Nous causions dans notre cuisine de leur déménagement ; il y avait justement là un installateur : « Excusez-moi, mesdames, vous parlez d'un déménagement de Y. ici ? Mon frère va habiter Y., vous pourriez profiter du retour de la déménageuse ! » Ainsi fut fait à prix avantageux.
Devant tant de preuves de la Providence divine envers elles, notre amie fut obligée de croire que, si elle avait abandonné pour quelque temps notre tendre Père, Lui était resté le même et les comblait de Ses bienfaits. Elle cessa de regarder à elle-même et à ses manquements pour fixer ses regards sur le Chef et le Consommateur de notre foi.
Elles n'étaient pas encore installées dans leur nouveau logis qu'on leur apportait déjà de l'ouvrage. Pendant ce long combat, je pensais souvent que c'était celui qui tiendrait le dernier quart d'heure qui aurait la victoire, d'autant plus que celle-ci était promise par notre Père.

Mais, revenons à notre Réveil. Quelques mois après la conversion de nos filles, nous demandâmes l'évangéliste qui en avait été l'instrument. Il vint dans notre village et, de suite, il y eut plusieurs conversions.
La présence de Dieu était sensible dans la salle et dans tout le village. Il y eut même une guérison pendant la réunion, avant même que l'imposition des mains ait lieu. Les gens affluaient des villages voisins malgré le mauvais temps et les chemins presque impraticables. Il y eut plusieurs séries de réunions.
Ce qui était le plus merveilleux, c'était cet amour qui nous liait les uns aux autres. À une certaine réunion, je ne pouvais que penser : Philadelphie = amour des frères. Nous ne faisions plus qu'un, bien que ne nous connaissant pas tous.
Ce qui m'impressionna aussi c'est que, malgré le prédicateur qui estropiait outrageusement le français, aucun enfant ne riait, et tous les enfants du village, ainsi que plusieurs des environs, étaient toujours là. La présence du Seigneur était si réelle qu'aucun de nous n'aurait pu même sourire, et cependant nos coeurs étaient près de sauter de joie et de bonheur.

Nous n'appartenons à aucune dénomination. Je suis née dans une église libre. Je fus convertie chez les frères de Chrischona, et lorsque mes parents vinrent habiter cette contrée, nous suivîmes l'église nationale. Le père de mon mari était un salutiste de la première heure. Naturellement, mon mari fut salutiste jusqu'à ce que son père et lui quittent cette dénomination, bien avant notre mariage, et commencent une petite assemblée dissidente. Notre belle-mère était de l'assemblée darbyste. Le frère de mon mari est sergent de l'Armée du Salut, et un beau-frère ancien de l'église nationale. Ainsi, sans le vouloir, nous nous trouvions assis entre toutes les chaises.

Un jour qu'un officier de l'Armée du Salut était venu nous voir, il essaya de nous persuader que nous étions des francs-tireurs et qu'il nous fallait rentrer dans le rang. Comme il partait, je demandai au Seigneur :
- Pourquoi ne nous permets-tu pas de nous rattacher à quelque chose comme les autres gens ?

Et la réponse vint :
- Afin que vous priiez du fond du coeur pour chacun.

Une soeur salutiste s'était jointe à nous pour faire venir l'évangéliste en question ; lorsque celui-ci vint pour la première fois, nous lui expliquâmes notre situation et lui dîmes que, du moment que tous les chrétiens se mettaient ensemble pour ces réunions, nous ne pouvions envisager de former une nouvelle dénomination, car nous voulions rester de coeur avec tous les chrétiens. L'évangéliste fut d'accord de travailler pour Dieu seul et nous allâmes ainsi de l'avant. Un soir qu'un pasteur de l'église nationale tenait une réunion, qui d'ordinaire avait bien peu d'assistants, nous nous y rendîmes en foule. Le pasteur, étonné de voir tant de monde, resta un moment interloqué devant le pupitre, puis il dit d'une voix émue : « Il n'y a rien de meilleur au monde que de sentir la présence de Dieu ! »

Mais quand l'assemblée de l'évangéliste vit le Réveil s'étendre, elle voulut que nous prenions son nom et commencions d'avoir un culte le dimanche matin. Cela provoqua bien des discussions car nous avions donné notre parole qu'il n'en serait pas ainsi. Bref, l'Esprit fut contristé et le Réveil s'arrêta. Ceux qui furent convertis tinrent bon pour la plupart chacun dans sa dénomination, mais ce fut une grande souffrance de voir une seconde fois le Réveil arrêté par l'esprit de parti.


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