Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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Fictions ou réalités?

CHAPITRE IX
La régénération est-elle une évolution ou une révolution ?

Certitude et puissance : voilà ce qui manque aujourd'hui à bien des disciples de Christ d'ailleurs sincères. Quand on réussit à gagner leur confiance, quand on s'entretient avec eux de leurs espérances futures, il arrive assez souvent que l'on constate le manque de certitude - ils croient bien que leurs péchés sont pardonnés et que par conséquent ils n'ont rien à craindre de la mort ni du jugement, et cependant ils n'en sont pas certains ; au fond de leur coeur ils conservent des doutes, dont ils voudraient être débarrassés, mais comment faire ? Ils pensent que Christ sur la croix a expié leurs fautes et que grâce à lui ils sont réconciliés avec Dieu, et pourtant par moments l'efficace de cette croix disparaît à leurs yeux et la vue de leur misère morale, de leur impuissance vis-à-vis des tentations les remplit de trouble et d'inquiétude. Suis-je bien sûr, se disent-ils, d'être un bourgeois du ciel, moi qui suis encore retenu par tant de liens du péché ? Ces liens sont ténus, je le sais, ils ressemblent plus à des fils qu'à des câbles, ce sont de petits défauts plutôt que des grands, mais ils sont si nombreux, qu'ils ne m'en paralysent pas moins dans ma marche en avant, ils m'empêchent d'avoir la pleine certitude et la joie du salut.

Ou bien ces croyants seront arrivés à la certitude de leur propre salut, mais ils devront constater leur impuissance à gagner d'autres âmes à Christ, leur christianisme n'est pas conquérant, ni contagieux comme ils le désireraient ; ils restent isolés dans la grande masse hostile et indifférente ; personne ne les suit ; ils ne réussissent pas à engendrer des âmes à là vie éternelle, et comme pourtant il y a en eux un certain zèle et une réelle sympathie pour ceux qui périssent loin de Dieu, ils se demandent avec angoisse si leur foi est de bon aloi et s'ils ne sont pas eux-mêmes dans l'illusion. C'est là ce qui explique le peu de progrès que fait le christianisme dans bien des milieux, tandis qu'à côté de lui des théories pessimistes conquièrent rapidement les âmes assoiffées de bonheur et de vérité.

Plus d'une raison pourrait être invoquée pour expliquer ce double état d'âme : la principale, à nos yeux, c'est l'oubli de la grande question de la régénération ou nouvelle naissance, porte d'entrée de toute vie vraiment divine. Cette doctrine n'a pas été suffisamment comprise dans l'Église chrétienne, ni surtout mise en pratique ; chez beaucoup elle est restée lettre morte, sans devenir un fait et un fait d'expérience pratique et personnelle. Beaucoup de gens sont croyants et même croyants orthodoxes, un certain nombre sont convertis, mais ils en sont restés à la conversion sans aller jusqu'à la nouvelle naissance. Nous distinguons intentionnellement la régénération de la conversion, celle-ci étant plutôt l'acte de l'homme par lequel il se tourne vers Dieu, tandis que la régénération serait l'acte de Dieu se communiquant à l'homme : quand un homme s'est converti, c'est le signe qu'il s'est donné à Dieu ; quand il est né de nouveau, c'est la preuve que Dieu a pris possession de lui.

Cette doctrine de la nouvelle naissance est en tout cas affirmée par l'Écriture, voici les principaux passages : « Je vous donnerai un coeur nouveau, dit Dieu, par la bouche du prophète Ézéchiel, et je mettrai en vous un esprit nouveau ; j'ôterai de votre corps le coeur de pierre, et je vous donnerai un coeur de chair. Je mettrai mon esprit en vous, et je ferai que vous suiviez mes ordonnances, et que vous observiez et pratiquiez mes lois (Ez. XXXVI, 26 et 27).

« La Parole (c'est-à-dire Jésus-Christ), dit l'apôtre Jean, est venue chez les siens, et les siens ne l'ont pas reçue. Mais à tous ceux qui l'ont reçue, à ceux qui croient en son nom, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, lesquels sont nés, non du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l'homme, mais de Dieu (Jean I, 11 à 13).

« En vérité, en vérité, je te le dis, affirme Jésus à Nicodème, si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu. Si un homme ne naît d'eau et d'esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu. Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l'Esprit est esprit. Ne t'étonne pas que je t'aie dit : Il faut que vous naissiez de nouveau. Le vent souffle où il veut et tu en entends le bruit, mais tu ne sais d'où il vient ni où il va. Il en est ainsi de tout homme qui est né de l'Esprit (Jean III, 3, 5 à 8).

« Lorsque, dit saint Paul, la bonté de Dieu notre Sauveur et son amour pour les hommes ont été manifestés, Il nous a sauvés, non à cause des oeuvres de justice que nous aurions faites, mais selon sa miséricorde, par le baptême de la régénération et le renouvellement du Saint-Esprit, qu'Il a répandu sur nous avec abondance par Jésus-Christ, notre Sauveur (Tite III, 4 à 6).

« Ayant purifié vos âmes, dit saint Pierre, en obéissant à la vérité pour avoir un amour fraternel sincère, aimez-vous ardemment les uns les autres, de tout votre coeur, puisque vous avez été régénérés, non par une semence corruptible, mais par une semence incorruptible, par la Parole vivante et permanente de votre Dieu. Car toute chair est comme l'herbe, et toute sa gloire comme la fleur de l'herbe. L'herbe sèche, la fleur tombe ; mais la parole du Seigneur demeure éternellement (1 Pi. I, 22 à 25). »

Signalons enfin les cinq passages de la première épître de Jean, où cet apôtre parle de ceux qui sont nés de Dieu :

« Si vous savez qu'Il est juste, reconnaissez que quiconque pratique la justice est né de Lui (1 Jean II, 29).

« Quiconque est né de Dieu ne pèche pas, parce que la semence de Dieu demeure en lui ; et il ne peut pécher, parce qu'il est né de Dieu (1 Jean III, 9).

« L'amour est de Dieu, et quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu (1 Jean IV, 7).

« Quiconque croit que Jésus est le Christ est né de Dieu, et quiconque aime celui qui l'a engendré aime aussi celui qui est né de lui. L'amour de Dieu consiste à garder ses commandements. Et ses commandements ne sont pas pénibles, parce que tout ce qui est né de Dieu triomphe du monde (1 Jean V, 1, 3). »

Ainsi donc, quiconque examine en sincérité de coeur les enseignements de la Parole de Dieu est obligé de reconnaître l'importance qu'elle met à la question de la nouvelle naissance, il ne s'agit pas là d'un passage ou deux isolés dans le texte sacré, mais de toute une série d'affirmations bien coordonnées, citées par les principaux apôtres et surtout d'une triple déclaration du Maître à Nicodème, le docteur d'Israël. Ce Nicodème était instruit, pieux, strict observateur de la loi ; il devait être sans aucun doute un homme très considéré, membre du sanhédrin, et c'est à lui que, dans une nuit solennelle, Jésus déclara par trois fois, en mettant l'accent sur ses paroles, qu'un homme, que tout homme, doit naître de nouveau s'il veut entrer dans le royaume de Dieu ou même seulement le voir.

Mais si tous les disciples primitifs du Christ sont d'accord sur la nécessité de la nouvelle naissance, leurs interprètes ne le sont plus quand ils cherchent à comprendre ce que signifie ce mot : il existe en particulier deux explications opposées, que nous allons examiner, pour être à même de choisir en connaissance de cause. Ce choix est important, solennel même, dirais-je, car suivant que nous adopterons l'une ou l'autre, nous déclarerons par là même que nous croyons au christianisme comme à une religion naturelle ou comme à une religion surnaturelle.

Dans le premier cas, le christianisme n'étant pas le fruit d'une révélation divine, mais le fruit de la raison et de la conscience humaines à la recherche de la vérité, pourra renfermer des erreurs en plus ou moins grand nombre et par conséquent devra subir la critique pour être finalement mis de côté, remplacé par une religion meilleure. Le christianisme ne méritera plus alors le titre de religion absolue, ce sera une religion au milieu de beaucoup d'autres, supérieure momentanément, puis reconnue inférieure.

Si au contraire nous adoptons la seconde explication de la régénération, le christianisme reprend toute son importance, il est la religion révélée, surnaturelle, donc divine et absolue, et s'il peut, s'il doit y avoir variation et progrès dans l'appropriation que l'homme en fait suivant son développement, le fond ne change pas, parce qu'il est éternel.

Voici quelles sont ces deux explications si différentes l'une de l'autre : en vertu de la première, la régénération est une simple évolution ; en vertu de la seconde, c'est une véritable révolution. Je les appellerai donc la conception évolutionniste et la conception révolutionnaire de la nouvelle naissance.

La première
, il faut le reconnaître, est extrêmement séduisante au premier abord ; elle plaît infiniment à l'imagination poétique et même à la raison de l'homme ; elle est d'autant plus attrayante qu'elle est la suite et comme l'épanouissement de la doctrine évolutive et darwiniste de la vie. La vie se développerait lentement, mais régulièrement et dans la pleine harmonie sur notre planète : partie d'une cellule primitive inconsciente et rudimentaire, elle se serait élevée peu à peu, de règne en règne, toujours plus haut, jusqu'au royaume de Dieu. Les règnes divers seraient sortis successivement les uns des autres ; une fois organisé, le règne minéral aurait en quelque sorte enfanté le règne végétal, puis celui-ci le règne animal ; ce dernier le règne humain et à son tour le royaume divin serait sorti lentement, insensiblement du règne humain. Toute cette marche ascendante vers la vie se serait faite peu à peu à travers de longs siècles, sans secousses, ni crises, ni saut, sous l'action d'un moteur caché, Dieu sans doute.

Ce Dieu lui-même peut avoir été au point de départ, c'est lui qui aurait conçu ce magnifique programme, c'est lui qui aurait donné l'impulsion primitive et son oeuvre serait si parfaite qu'elle se continuerait toute seule, en vertu de la loi d'inertie, sans qu'Il ait à intervenir, puisque une intervention de sa part serait l'aveu d'une imperfection ou d'un accident. Ce Dieu peut encore être lui-même à l'état de devenir ; Il ne serait pas, Il deviendrait, Il deviendrait peu à peu, lui-même prenant part au mouvement ascensionnel, lui-même se formant peu à peu à travers les âges ; dans ce cas, le point culminant de l'ascension, le sommet de l'évolution ne serait autre que ce Dieu, et la théorie n'en serait que plus grandiose et plus poétique encore.

Que le lecteur se représente un magnifique lever de soleil : la nuit noire va finir, on aperçoit à l'horizon une lueur blanchâtre, c'est l'aube qui commence ; peu à peu l'éclat grandit, des teintes pourpres apparaissent, le ciel prend sa couleur bleue, et tandis que les oiseaux entonnent leurs chants d'amour débordants de vie et de joie, le roi de la création, l'astre du jour se lève à l'horizon, majestueux, solennel, inondant tout de chaleur et de lumière ; et le crescendo va grandissant de minute en minute jusqu'à ce qu'il atteigne son maximum à l'heure de midi.

Telle est l'histoire de la vie sur notre globe ; elle part de la nuit, c'est-à-dire de l'inconscience, pour grandir de plus en plus et s'avancer vers la conscience et la lumière ; les êtres très simples au point de départ se compliquent à mesure qu'ils apparaissent sortant les uns des autres.

Dans cette évolution merveilleuse, la nouvelle naissance n'est pas un élément extraordinaire, c'est la marche en avant ou un signe de cette marche, un pas vers le sommet, ou plutôt le dernier pas, celui qui précède l'arrivée, l'entrée dans le royaume supérieur de sainteté et d'amour. Un homme né de nouveau serait un être qui aurait franchi la dernière étape ; un descendant de l'animal si l'on veut, qui deviendrait fils de Dieu ; un fils mineur atteignant sa majorité. Si cette théorie est la vraie, le Dieu de l'Évangile est bien le même Dieu que le Créateur, la nature n'est que le commencement de la grâce, les lois de l'une et de l'autre sont les mêmes, et l'esprit se sent saisi d'émotion à la vue de cette grandiose unité du plan divin : le dualisme a cessé et il est remplacé par un monisme des plus séduisants.

L'apparition de Jésus-Christ viendrait confirmer admirablement cette théorie : Christ serait le sommet de l'évolution, le point culminant de l'histoire de la vie sur notre globe ; préparé longuement, il serait enfin arrivé, « le désiré des nations », celui dans lequel la race humaine a atteint son apogée. L'apparition du Sauveur sur la terre serait en quelque sorte la régénération de l'humanité et cette régénération se serait faite tout naturellement, sans crise profonde. Chaque homme à son tour serait appelé à naître de nouveau, tout simplement en se tournant vers ce nouvel homme, Jésus-Christ, et en devenant son disciple par sa seule volonté et ses bonnes dispositions.

Je me sens moi-même d'autant plus embarrassé de combattre une conception pareille que je suis, au point de vue physiologique, évolutionniste convaincu ; cette théorie répondrait tout-à-fait à mes idées concernant le développement de notre planète et de la vie qui l'anime. Et pourtant je dois avouer qu'une telle explication de la nouvelle naissance me paraît inacceptable, parce qu'elle se heurte à des faits que nul n'a le droit de contester. Théoriquement elle peut être vraie ; conçue dans le silence d'un cabinet d'études, elle semble vraie au point de vue philosophique.

Elle apparaît fausse, profondément fausse dès que vous descendez sur le terrain pratique, pour vous placer en face de ce qui est. Or toute hypothèse doit reposer sur des faits, pour être vraie elle ne doit contredire aucune réalité dûment constatée ; elle paraîtra suspecte et devra très probablement être rejetée si les faits ne peuvent pas s'harmoniser avec elle : c'est là une vérité banale. Or la belle théorie évolutionniste de la régénération contredit quatre faits indiscutables :

1° Celui de la liberté. On peut nier la liberté, la traiter d'illusion grossière ou subtile ; un homme de bon sens ne sera jamais convaincu par ces négations, il croit à sa liberté comme il croit à son existence. Or la liberté est un facteur qui, pour paraître secondaire, n'en est pas moins si considérable en réalité qu'il bouleverse à lui seul toute la théorie évolutionniste. Entendons-nous bien cependant : il est probable, presque certain que jusqu'à l'apparition de l'homme, l'évolution est vraie, elle l'est encore pour expliquer la formation de son être physique, mais à côté de cet être et le pénétrant, il existe un élément mystérieux appelé âme ou esprit qui ne peut venir de la matière et qui n'est plus soumis aux lois du déterminisme, toutes-puissantes jusqu'ici. Avec l'esprit, la liberté apparaît et l'évolution se complique. Elle peut se continuer régulièrement et cette fois d'une manière consciente, elle deviendra alors de plus en plus merveilleuse. Elle peut aussi être interrompue, bouleversée même et la catastrophe sera terrible. C'est, hélas ! ce qui a eu lieu.

2° Le second fait que semblent passer sous silence les partisans de la théorie évolutionniste de la régénération est celui du péché, cause précisément du bouleversement que je viens de signaler. Je le reconnais, l'existence du péché est un fait gênant, très gênant au point de vue philosophique, il serait infiniment plus simple de le supprimer ou du moins de le passer sous silence. Mais c'est un fait indéniable, et ce fait qui a entraîné des conséquences terribles dans tous les domaines doit en avoir entraîné aussi dans celui de la vie : s'il détruit la vie, ainsi que nous l'avons vu dans notre précédent chapitre, il doit transformer aussi le phénomène de la régénération en si étroite connexion avec la vie elle-même. Une théorie juste de la régénération doit absolument tenir compte de ce facteur considérable, le péché, autrement elle est suspecte et doit être fausse.

3° Le troisième fait est celui de l'apparition même de Christ : comment s'expliquer que Jésus-Christ soit un personnage du passé s'il est le sommet de l'évolution ? Il devrait être devant nous, dans un avenir plus ou moins éloigné et nous devrions tous tendre vers ce sommet. Or il est derrière nous, il faut nous retourner pour l'apercevoir, marcher en arrière pour être à même de monter. Évidemment, cela est impossible à concevoir, à moins que l'apparition de Christ soit quelque chose de surnaturel, d'inattendu, qui change le cours normal des événements. Mais alors que devient la théorie évolutionniste de cette apparition et de la régénération ?

4° Enfin le quatrième fait dont ne tient aucun compte cette théorie, c'est la douloureuse constatation que jusqu'ici Jésus-Christ est resté seul de son espèce ; une fois parvenue au sommet en Christ, l'humanité aurait dû s'y maintenir et désormais produire et en grand nombre des types semblables à lui. Que nous en sommes loin ! Il semble vraiment, à considérer l'histoire contemporaine, que les hommes deviennent pires, ou qu'en tout cas ils ne soient pas meilleurs : le sommet reste isolé, nul autre ne l'a atteint après le Christ. Ceux qui s'en sont le plus rapprochés ont été les premiers à reconnaître quelle distance formidable les en séparait encore. Ne serait-ce pas qu'il y a autre chose dans la régénération qu'une simple évolution ? et que, pour en faire l'expérience de façon à atteindre la vie divine, il faut qu'un élément nouveau vienne s'y ajouter ?

Nous sommes ainsi amenés tout naturellement à la seconde explication de la nouvelle naissance
, celle que j'ai appelée révolutionnaire : d'après elle la régénération ne serait pas le résultat d'une simple évolution, mais bien d'une révolution. Que faut-il entendre par là ?
Pour passer à un degré supérieur, pour devenir fils de Dieu d'homme-animal qu'il était, pour entrer dans le royaume de Dieu, l'être humain serait appelé à traverser une crise plus ou moins profonde qui interromprait en quelque sorte la marche de l'évolution ou plutôt qui viendrait s'y ajouter ; un élément tout nouveau interviendrait, produit non de la vie inférieure qui précède, mais d'en haut, d'une vie supérieure, la vie même de Dieu. Le terme grec naître de nouveau, peut en effet tout aussi bien se traduire : naître d'en haut. La nouvelle naissance serait par conséquent plus encore une naissance d'en-haut, une naissance surnaturelle, qu'une naissance nouvelle. Ou si l'on garde le mot nouvelle, il faudrait lui donner le sens non de renouvelée, répétée, mais de différente, de nouvelle dans le vrai et profond sens du mot.

Il y aurait donc quelque chose qui n'existait pas jusqu'ici et qui se produirait tout à coup. Disons le mot, la nouvelle naissance serait une nouvelle création, suivant cette parole de saint Paul : « Si quelqu'un est en Christ, il est une nouvelle créature, ou création. Les choses anciennes sont passées ; voici toutes choses sont devenues nouvelles (2 Cor., V, 17). Nous sommes son ouvrage, ayant été créés en Jésus-Christ pour de bonnes oeuvres (Eph. II, 10). Ce n'est rien d'être circoncis ou incirconcis ; ce qui est quelque chose, c'est d'être une nouvelle créature (Gal. VI, 15). Vous avez été renouvelés dans l'esprit de votre intelligence et vous avez revêtu l'homme nouveau, créé selon Dieu, dans une justice et une sainteté véritables (Eph. IV, 23 et 24). Ne mentez plus les uns les autres, vous étant dépouillés du vieil homme, et de ses oeuvres et ayant revêtu l'homme nouveau, qui se renouvelle, dans la connaissance, selon l'image de celui qui l'a créé (Col. III, 9 et 10). »

En effet, par suite du péché, l'homme est tombé trop bas, sa corruption est trop profonde, par le fait de sa séparation d'avec Dieu, pour qu'il puisse atteindre sa destinée en suivant le cours ordinaire de la vie. Quelque chose de nouveau, le péché, étant intervenu dans sa marche et l'ayant fait sortir de sa route, il faut qu'un nouvel élément intervienne pour le replacer sur la route et le remettre sur la voie normale. Il ressemble à un train de chemin de fer qui a déraillé, ou mieux encore qui s'est fourvoyé sur une voie de garage ; fatalement il devra s'arrêter ; il faut à tout prix qu'il soit replacé sur ses rails et lancé de nouveau sur la grande ligne. Or une telle opération ne peut pas se faire toute seule, elle nécessite une intervention puissante sans laquelle le train court à sa ruine.

Au reste, quand nous avons parlé du chapitre 1 de la Genèse, nous avons montré que même avant l'apparition de l'homme, il était venu s'ajouter à la marche de l'évolution, un élément nouveau, à trois reprises successives trois fois dans ce chapitre, avons-nous vu, il est dit Dieu créa. Ainsi donc même dans le cours ordinaire et normal des choses, un acte créateur réitéré est nécessaire pour que l'évolution de la vie se fasse complète. Qu'y a-t-il d'étonnant qu'il en soit ainsi au moment où la vie supérieure, la vie divine doit faire son apparition dans le monde ?

Je n'examine pas la question de savoir ce qui serait arrivé au cas où l'homme n'eût pas péché ; je serais tenté de croire qu'il n'y aurait pas eu de crise au sens ordinaire du mot, ou, plutôt, une crise eût-elle été nécessaire, elle aurait revêtu un caractère atténué, ressemblant beaucoup plus à une évolution qu'à une révolution. Il se serait sans doute produit quelque chose d'analogue à ce qui est arrivé au Christ, l'homme normal. Après s'être développé dans l'innocence il dut parvenir à la sainteté par un acte d'obéissance plusieurs fois répété, pour être ensuite glorifié sur la montagne de la transfiguration. Jésus transfiguré c'est précisément le point culminant de l'évolution de la vie sur la terre, c'est l'heure solennelle où l'être spirituel sorti de la nuit des existences antérieures entre dans la pleine gloire divine, parce qu'il s'est identifié librement et consciemment avec le Créateur, devenu son Père. Mais à ce moment, le Christ ne disparut pas dans le ciel, il redescendit de la montagne pour pouvoir sauver le monde en mourant sur la croix. Il était sur la voie de l'évolution en sa qualité d'homme normal et allait s'élever de gloire en gloire, jusqu'au trône de Dieu, mais il aurait fait seul cette sublime ascension. Il préféra redescendre au niveau de l'homme déchu et passer lui aussi par la crise de la révolution, même sanglante, en vue de nous replacer tous sur la voie de l'évolution.

Quoi qu'il en soit, ce qui rend nécessaire, indispensable même, cette crise de la régénération sous forme de révolution, c'est précisément le péché dans lequel tous nous sommes tombés. Il est vrai que, suivant les individus, cette crise revêt des formes différentes : chez les uns elle ressemble plus à l'évolution, Chez les autres au contraire à la révolution, Ainsi beaucoup de très braves gens, élevés dans un milieu religieux et parfaitement honnête, habitués à faire le bien dès leur plus tendre enfance, sont devenus chrétiens, réellement chrétiens, sans même s'en rendre compte ; ils seraient dans l'impossibilité de dire : « C'est à telle date que je suis entré dans la vie nouvelle, je ne me rappelle absolument pas dans quelles circonstances, attendu que cela s'est fait peu à peu, sans crise douloureuse ou profonde. » Il arrive parfois que ces chrétiens-là en sont troublés ; ils se demandent s'ils sont bien nés de nouveau puisqu'ils n'ont pas connu de crise ; ils cherchent même à en produire une, à se suggérer des sentiments, une douleur factice pour tranquilliser leur conscience. C'est une erreur ; le symptôme essentiel n'est pas ce point de départ, c'est la direction suivie, c'est la marche en avant. « Le vent souffle où il veut, disait Jésus, et tu en entends le bruit ; mais tu ne sais ni d'où il vient ni où il va. Il en est ainsi de tout homme qui est né de l'esprit (Jean III, 8). » On ne peut pas dire exactement où dans l'espace, le vent commence à souffler, mais ce que tout le monde peut constater, ce sont les effets du vent, effets plus on moins puissants, tous contrôlables par les sens.

Quoi qu'il en soit, si le point de départ n'a pas été marqué par quelque phénomène frappant, quelque drame intérieur se manifestant au dehors et transformant subitement la vie, il doit, il a dû y avoir sans aucun doute un moment psychologique qui a déterminé une marche en avant, plus consciente et plus décidée qu'auparavant. La révolution, pour être atténuée, cachée même, ne s'en est pas moins produite, et je serai fort étonné que les parents ou les amis, vivant près de celui qui est né de nouveau, ne s'en soient pas aperçus.

Dans d'autres cas, au contraire, la crise a tout-à-fait le caractère d'une révolution : il s'agit alors d'hommes vivant ouvertement dans le péché, dans l'incrédulité on même dans une opposition déclarée à l'Évangile. Tout à coup, ces hommes sont arrêtés, puis terrassés par Celui auquel ils font la guerre : ils se reconnaissent vaincus, et, à la suite de cette abdication devant Dieu et de ce don de leur coeur, commence pour eux une vie nouvelle qui les étonne eux-mêmes autant que les autres. Il n'y a pas à hésiter, ces gens-là viennent de naître de nouveau, et leur nouvelle naissance a tous les caractères d'une révolution.

Parmi les apôtres, il en est deux qui représentent admirablement ce double type, Jean et Paul.

Le premier semble être arrivé peu à peu à la vie spirituelle intense qu'il manifeste dans ses écrits ; il s'élève graduellement à partir de sa rencontre avec le Maître un certain jour, à quatre heures de l'après-midi ; pas de saut brusque, pas de crise tragique, mais une lente ascension, qui paraît d'autant plus certaine à mesure qu'il contemple Jésus-Christ et qu'il le connaît mieux, il se sent gagné par lui, pénétré de son Esprit ; chaque expérience nouvelle du Christ l'unit à lui plus intimement et la vie de son Sauveur devient de plus en plus la sienne. On peut même se demander si le disciple que Jésus aimait a bien réellement passé par la nouvelle naissance : en tout cas, s'il y a passé, la régénération pour lui a plus ressemblé à une évolution qu'à une révolution. Et pourtant, chose curieuse ! c'est Jean qui dans ses écrits insiste le plus sur la réalité et la nécessité de la nouvelle naissance et c'est lui précisément qui nous raconte la conversation de Jésus avec ce Nicodème si honnête et si pieux, dont la régénération ressemble elle aussi à une évolution.

Saul de Tarse fait contraste avec Jean, sa régénération à lui eut un caractère dramatique des plus prononcé. Persécuteur des chrétiens, ennemi acharné du Christ et de l'Église, il fut arrêté soudain sur le chemin de Damas, terrassé et vaincu par son nouveau Maître ; brisé, aveuglé, il dut être conduit par les soldats jusqu'à Damas, où il reçut l'imposition des mains d'un humble laïque Ananias. À la suite de cette imposition, signe de sa consécration, le Saint-Esprit fit de lui un homme nouveau, absolument différent de l'homme d'autrefois, si différent même que l'on se demande vraiment si Saul de Tarse et Paul, l'apôtre, sont bien un seul et même personnage. Jamais, comme dans cette vie, la nouvelle naissance ne prit un caractère aussi révolutionnaire et dramatique. Chose curieuse ! si ses épîtres sont toutes remplies du fait de la régénération, si les expériences qu'elles décrivent ne peuvent s'expliquer que par elle, cette crise n'en est pas moins très rarement nommée ; nous l'avons vu, Paul n'emploie qu'une fois le mot de régénération.

Le passé de Jean et de Paul explique parfaitement le caractère si différent de leurs deux conversions ; le premier était déjà orienté dans le sens de la vie chrétienne, le second, au contraire, lui était directement opposé. Cela n'empêche pas qu'il y eut un point tournant dans la vie de Jean, qui, pour ne pas attirer les regards de la foule, n'en fut pas moins réel, et, d'autre part, la transformation de Saul de Tarse dut certainement être préparée par une série d'expériences plus ou moins douloureuses et suivies d'une longue éducation spirituelle.

Telle est la seconde conception de la nouvelle naissance, celle qui ressemble plus à une révolution qu'à une évolution, Évidemment avec notre idée du péché, nous la croyons infiniment plus vraie que l'autre, parce qu'elle est bien plus en harmonie d'un côté avec l'état de déchéance de l'homme, conséquence du péché, et de l'autre avec ce que l'Évangile nous dit de Jésus-Christ. Cet état de déchéance que je viens d'indiquer est tel, en effet, que l'homme qui se connaît se sent incapable d'atteindre l'idéal qu'il entrevoit. Il aperçoit cet idéal, il fait des efforts pour l'atteindre, mais il constate avec douleur, chaque jour davantage, que ses efforts n'aboutissent pas ; l'idéal entrevu fut comme un mirage dans le désert, il lui échappe toujours au moment même où il croit le toucher, Le péché est là qui le lie, sa nature corrompue entrave sa marche en avant ; il voudrait, il ne peut pas ; et plus il fait d'efforts, plus il sent le poids des chaînes qui l'accablent. Aussi, fatigué d'essayer vainement de s'affranchir, il s'écrie avec le personnage décrit par saint Paul au chapitre VII des Romains : « Malheureux que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort ? »

Ceux que l'on a coutume d'appeler de grands pécheurs, les débauchés, les voleurs, y arrivent assez facilement, leur vie en est la démonstration. Les autres, les honnêtes gens ont plus de peine, beaucoup plus de peine parfois, mais quand ils ont été éclairés par l'Esprit de Dieu, ils perdent eux aussi leurs illusions sur eux-mêmes et comprennent la nécessité d'une transformation radicale. D'autre part, je crois que cette idée de la nouvelle naissance est en harmonie parfaite avec ce que l'Écriture nous dit de Christ. En effet, elle ne nous le montre pas comme un produit naturel de l'humanité dans soit ascension vers Dieu, mais comme une descente de Dieu vers l'homme, une intervention directe et surnaturelle de Dieu dans l'histoire. Or la régénération n'est pas autre chose, à son tour, que cette même intervention se produisant dans la vie individuelle : pour que l'humanité naisse de nouveau en Christ par un miracle de la grâce divine, il faut que chacun de ses membres naisse de nouveau en lui par un miracle analogue. Une transformation pareille ne ressemble guère à l'évolution dont nous parlions tout à l'heure.

Je sais bien que cette révolution, étant intérieure, demeure ignorée et douteuse aux yeux de beaucoup. Mais pour cachée et profonde qu'elle soit, elle n'en est que plus radicale ; ce qui frappe les sens n'est pas toujours ce qu'il y a de plus réel ici-bas. Cette révolution toute intérieure doit du reste entraîner après elle une révolution extérieure immense et si cette dernière ne s'est pas encore produite, on pourrait en faire un grave reproche aux représentants du christianisme. Si le christianisme des croyants avait davantage le caractère d'une révolution et moins celui d'une évolution, il aurait infiniment plus de portée.

Jésus, en insistant sur la nécessité de la nouvelle naissance, montre qu'il considère l'homme né de nouveau comme étant très supérieur à l'homme naturel. Une plante si belle qu'elle soit, une fleur si parfumée qu'elle puisse être ne vaut pourtant pas un animal; l'animal à son tour peut être très beau de formes, il peut avoir des instincts très supérieurs ou une force musculaire étonnante, il ne vaut pas pour cela une créature humaine quelconque. L'homme qui, par la nouvelle naissance, a pénétré dans le royaume divin, a atteint un degré très supérieur à l'homme ordinaire, si distingué que puisse être celui-ci. Cet homme ordinaire est une splendide représentant du règne animal, le plus beau de tous. La vie de cet homme rappelle un splendide coucher de soleil, personne ne peut contester la splendeur des derniers moments d'une radieuse journée d'été ou d'automne : ou ne peut pourtant pas s'empêcher d'éprouver une certaine mélancolie en pensant que ce coucher de soleil est une fin et que dans quelques minutes, la nuit va venir, d'autant plus sombre peut-être que, tout à l'heure, le jour était plus brillant. L'homme-animal, si parfait qu'il apparaisse, a atteint le sommet de l'évolution, il va redescendre et s'enfoncer dans la nuit, s'il n'est pas parvenu par un acte libre de sa volonté au degré supérieur du règne divin.

L'homme né de nouveau, au contraire, peut à certains égards paraître inférieur, il a probablement des défauts contre lesquels il devra lutter ; beaucoup le jugeront peut-être sévèrement, le trouvant inférieur à soit titre de chrétien et même très inférieur à l'homme naturel qui vit à côté de lui. Cela n'empêche pas qu'il est infiniment plus à envier que l'autre, car il n'est pas à un point d'arrivée, il est à un point de départ ; il a devant lui un développement indéfini et infini, qui tôt ou tard amènera le plein épanouissement de son être. Sa vie n'est pas un coucher de soleil, mais une aube encore indécise ; une faible lueur illumine à peine son horizon, c'est pourtant le début d'une radieuse journée, d'une journée qui n'aura point de fin, le soleil va paraître dans toute sa gloire et sa lumière grandira toujours, sans jamais se voiler, car le temps pour cet homme n'est que l'aurore de l'éternité. Et pourquoi cela ? Par la simple raison qu'un élément nouveau est entré en lui le jour où il a passé par la régénération : la vie divine a pénétré sa vie humaine et animale.

Le célèbre naturaliste écossais Drummond dans son livre sur les Lois du monde spirituel, a expliqué ce double fait au moyen d'une image très frappante. Il compare l'homme naturel à une délicate fougère, qu'en hiver le givre forme contre nos fenêtres ; et l'homme né de nouveau, à une autre fougère qui croît à l'air libre dans une forêt. Celle-là peut être à à première vue très supérieure à celle-ci, ses formes sont régulières, chacune de ses feuilles s'étale gracieusement, tout est parfait en elle. La seconde, au contraire, cachée modestement sous les grands arbres, toute entourée de buissons qui la dissimulent aux yeux du passant, ne paraît décidément pas à la hauteur de l'autre, peut-être même est-elle chétive ; qui sait ? il se peut qu'un passant, un voyageur inattentif l'a foulée aux pieds et que telle de ses feuilles ait été cassée. Cela n'empêche pas que la fougère naturelle est infiniment supérieure à l'autre, car elle est un organisme vivant, l'autre n'est qu'une apparence ; possédant la vie en elle-même, elle pourra se guérir de ses blessures, reprendre sa croissance, atteindre son plein épanouissement pour renaître ensuite multipliée dans d'autres plantes semblables à elle, tandis que la fougère de cristal, admirée un instant, va se fondre sous les rayons du soleil pour laisser après elle une petite goutte d'eau prête à s'évaporer.

Tel est le double sort qui attend d'un côté ceux qui ont échappé volontairement ou involontairement à la crise de la nouvelle naissance et de l'autre, ceux qui l'ont traversée par un acte libre de leur volonté.

On a souvent comparé, d'autre part, l'homme régénéré à un arbre fruitier qui a subi l'opération de la greffe ; avant cette opération, Les fruits qu'il portait étaient acides ou amers ; maintenant ses fruits sont doux et excellents, l'ancien arbre est méconnaissable. Or jamais dans le cours ordinaire des choses, par la simple évolution, semblable métamorphose ne se serait produite : l'évolution n'aboutissait qu'aux fruits manqués, la révolution qu'a produite la main du jardinier a seule pu faire porter à l'arbre des fruits savoureux.

Mais encore faut-il chercher à comprendre en quoi consiste exactement cette crise de la nouvelle naissance. Jésus nous l'apprend quand il dit à Nicodème que naître de nouveau, c'est naître d'eau et d'Esprit, c'est-à-dire passer par le baptême de repentance et de consécration que les Pharisiens, au nombre desquels était Nicodème, ne voulaient pas. Or dans le baptême il y a deux éléments, l'un négatif une mort, l'autre positif une résurrection. L'eau représente le côté négatif, la mort, l'Esprit le côté positif, la résurrection.

Pour naître de nouveau, il faut donc renoncer à sa vie propre, parce qu'on en reconnaît l'insuffisance et l'imperfection, il faut une abdication du moi qui a constaté son néant et surtout sa nature corrompue ; il faut une banqueroute morale qui rende nécessaire quelque chose de tout nouveau. Au reste l'histoire de la vie sur notre terre, même celle de l'évolution, peut être résumée ainsi : Par la mort à la vie ; point de vie sans mort ; point de résurrection sans tombeau. Si le minéral devient végétal, c'est qu'il est absorbé par lui et qu'il disparaît comme minéral ; si le végétal passe dans le règne animal, c'est qu'à son tour il meurt comme tel pour être mangé par l'animal et ainsi de suite.

Il en est ainsi de l'homme naturel qui veut passer dans le règne supérieur. Grâce au péché qui consiste précisément à vouloir. garder sa vie propre en refusant d'obéir à la loi divine, le passage se fait dans la douleur au travers de la croix pour Jésus, et de la repentance amère suivie de la mort à soi-même pour les autres hommes. Beaucoup hésitent devant ce passage ; ils trouvent la porte trop étroite, le sacrifice trop grand, sans doute parce qu'ils ne connaissent encore ni la profondeur de leur misère ni la hauteur de la miséricorde divine. Leur moi les hypnotise en quelque sorte et, tout en désirant devenir chrétiens, ils ne l'osent pas, ils regardent l'avenir avec anxiété et jettent des regards de regret et de tristesse sur le passé qu'il va falloir quitter.

Quand au contraire l'homme pécheur a pris courageusement son parti de l'abdication, quand il a accepté de mourir avec Christ en renonçant à soi-même, à la suite d'une crise plus ou moins douloureuse, alors, oh ! alors, la réponse de Dieu ne se fait pas attendre : Dieu lui-même par son Esprit de sainteté et d'amour entre par la porte qui vient de s'ouvrir, il pénètre dans le coeur de celui qui vient de consentir au vide, et, s'Il vient, c'est pour en faire un sanctuaire, le plus beau des sanctuaires d'où la gloire de Dieu va rayonner. Le côté positif de la régénération se produit, la naissance d'Esprit a lieu, le baptême du Saint-Esprit s'est accompli et dorénavant la vie divine va se substituer peu à peu à la vie naturelle, la sainteté à la souillure, l'amour à l'égoïsme, l'incorruptible au corruptible, le ciel à l'enfer. Mais tout cela n'a pu se produire que par une intervention directe et personnelle de Dieu ; sans elle la nouvelle naissance n'eût pas pu avoir lieu. N'est-ce pas la preuve que celle-ci est une révolution, bien plutôt qu'une évolution ?

Je me hâte toutefois d'ajouter que l'explication évolutionniste renferme une part de vérité, en ce sens que sans le péché la nouvelle naissance se fût faite sans crise et sans souffrance aucune ; et d'autre part parce que né de nouveau, l'homme rentre dans la vie d'évolution : il n'a plus qu'à suivre sa marche normale régulière, et plus il s'affranchira du péché, plus il deviendra saint en identifiant sa volonté avec celle de Dieu, plus aussi il s'éloignera de la révolution pour rentrer dans l'évolution. L'une était nécessaire pour rétablir l'autre ; la première est devenue la condition de la seconde par le fait même de la révolte de l'homme.

N'est-ce pas là du reste ce qui se passe dans le domaine social et politique ? Tous les peuples qui n'ont pas voulu suivre régulièrement l'évolution du progrès qui s'offrait à eux, ont préparé par là même la révolution, et celle-ci a été d'autant plus terrible que l'opposition à l'évolution a été plus longue et plus tenace. Il faut qu'en quelques jours ou en quelques heures ils rattrapent le temps perdu pendant des années ou même des siècles : quand la digue vient à se rompre, l'inondation est d'autant plus à craindre que l'eau a mis plus de temps à s'accumuler. Les peuples au contraire qui on fait régulièrement les progrès exigés par l'évolution ont échappé à la révolution et atteint un équilibre infiniment plus solide et plus durable. Que l'on compare à ce point de vue l'histoire des nations protestantes avec celle des nations catholiques et l'on verra le prix de l'opposition à la loi de l'Évangile et les résultats magnifiques au contraire qu'entraîne à sa suite l'obéissance fidèle à cette loi.

Il me reste pour conclure à développer brièvement deux idées qui découlent tout naturellement des pages qui précèdent : d'un côté j'affirme que la nouvelle naissance est une nécessité et une nécessité absolue, de l'autre qu'elle est une grâce et une grâce miséricordieuse de notre Dieu Sauveur.

Une nécessité, ai-je dit en premier lieu, car l'Écriture l'a déclaré, Jésus-Christ l'a répété à plusieurs reprises et de la manière la plus solennelle, et nous n'avons pas le droit de dire qu'il s'est trompé ; il doit connaître cela mieux que nous. Et. d'ailleurs il suffit de nous rappeler la déchéance profonde de l'homme d'une part et de l'autre la destinée infiniment glorieuse à laquelle il est appelé. Si réellement hors de Christ nous ne pouvons rien faire, si le coeur de l'homme est désespérément malin, s'il n'y a pas un seul homme juste sur la terre, pas un seul qui fasse le bien, si c'est de notre coeur que sortent les mauvaises pensées, les meurtres, les adultères, les impudicités, les vois, les faux témoignages, les calomnies ; si d'autre part nous devons être saints comme Dieu est saint, parfaits comme notre Père céleste est parfait, s'il nous faut être un jour saints et irréprochables devant Dieu et si l'image de notre Père doit se reproduire parfaitement sur notre âme, il est de toute nécessité qu'une crise profonde s'accomplisse en nous et cette crise, la nouvelle naissance ne peut plus nous étonner, car elle est indispensable pour tous.

Mais j'affirme en même temps que c'est une grâce de la miséricorde divine. N'est-il pas arrivé à plus d'un de mes lecteurs de s'écrier : « Ah ! si je pouvais recommencer ma vie ! si je pouvais ressembler à tel enfant qui a devant lui toute une existence, que je serais heureux ! et comme je vivrais différemment ! Hélas ! je suis déjà avancé dans la vie, âgé peut-être, et à mesure que ma vie s'écoule, je m'aperçois davantage que je l'ai perdue. »
Eh bien ! la doctrine de la nouvelle naissance répond précisément et d'une manière admirable à ce soupir du coeur, plus général qu'on ne le croit : Dieu veut nous renouveler à tel point que notre vie ne ressemble plus à l'ancienne, ce sera l'entrée dans une phase nouvelle et supérieure.

Peut-être aussi, tel de mes lecteurs se sera-t-il trouvé en face d'un malheureux, victime de passions héréditaires, d'un alcoolique par exemple, ou d'un débauché, d'un misérable prisonnier condamné pour des crimes dont il était à peine responsable. Si vous dites à cet homme : « Allons ! du courage, de l'énergie, de la bonne volonté et tu t'affranchiras ! de la persévérance, et tu te transformeras, » vous le pousserez au désespoir ; il vous trouvera dur et rejettera avec horreur une religion assez cruelle pour dévoiler l'idéal sans donner les forces nécessaires pour l'atteindre. « Comment voulez-vous, s'écriera-t-il, que je m'améliore, puisque j'en suis incapable ? J'ai beau faire, j'ai beau lutter, j'ai beau prendre de bonnes résolutions, tout ce que je fais augmente mon désespoir, car cela me révèle davantage mon indescriptible misère, mon affreux esclavage. Il n'y a point de Dieu, puisque je suis si malheureux, ou bien, s'Il existe, c'est un monstre de cruauté, auquel j'aime mieux ne pas croire, car j'aurais horreur de lui ressembler. »

Représentez-vous quel baume vous verserez sur les blessures de cet homme, quand vous pourrez lui dire que, s'il est incapable de se changer, Dieu peut le transformer ? Quelle joie quand vous lui annoncerez que Dieu est prêt à faire un miracle en sa faveur, un miracle dans le genre de ceux que le Christ faisait jadis quand il guérissait les lépreux, qu'il délivrait les démoniaques ou ressuscitait les morts! Quelle espérance soudaine dans sa nuit noire, quand vous lui parlerez de la nouvelle naissance que Dieu veut lui-même opérer dans son coeur ! Voilà précisément la bonne, la joyeuse nouvelle de la régénération : n'avais-je pas raison d'affirmer que c'est une grâce et une grâce infiniment miséricordieuse de notre Dieu ?

Que ceux de mes chers lecteurs qui ne la connaissent pas encore par expérience n'aient donc plus peur ; qu'ils ne la fuient plus comme une chose redoutable, qu'ils y voient bien plutôt une preuve de l'amour infini de leur Père céleste et que, abandonnant leur vie propre qui est une vie souillée, ils se livrent avec confiance à ce Christ tout-puissant qui les amènera à sa vie pure et sainte par la nouvelle naissance.


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