Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



LA MAIN DE DIEU



III

Si je n'étais point venu et que je ne leur eusse point parlé, ils n'auraient pas de péché, mais maintenant leur péché est sans excuse.
Jean 15: 22.


Lectures :
Daniel 5:1-7, 22-28. Marc 12: 1-9. Jean 9: 41.



DIEU JUGE ET AVERTIT

 Admirons, mes Frères, combien précis et solennels furent les avertissements de la justice divine dans cette histoire d'Achab que nous avons méditée dimanche dernier. C'est tout d'abord le prophète Elie qui, lors même du meurtre de Naboth, apporte au roi un terrible message de condamnation. Beaucoup plus tard, après que les quelques velléités de repentance d'Achab se furent dissipées comme de la fumée, c'est le prophète Michée qui vient prévenir que l'échéance fatale est là. Que de récits imagés, émouvants, pittoresques, poignants dans tout l'Ancien Testament ! Il y aurait toute une série d'études bibliques à faire sur les avertissements de Dieu dans la Bible. Un homme, le roi David, porte dans sa seule histoire tout un enseignement ; car peut-être jamais aucun homme n'a été si souvent prévenu et si souvent averti ; rappelez-vous entre autres les messages que Dieu lui a adressés par l'intermédiaire de Chimëi et de Nathan. Mais ce qui fait l'originalité et la grandeur du roi David, c'est qu'il a cru aux menaces de la condamnation qu'il avait attirée sur lui par ses désobéissances ; il a cru aux signes qui s'appesantissaient sur sa vie ; il a cru ; il s'est repenti et il a été sauvé.
Tandis que c'est en vain que deux prophètes inconnus se relaient auprès du roi Jéroboam pour lui prédire la ruine de sa maison ; c'est en vain que tour à tour Elie et Michée se succèdent auprès d'Achab pour lui annoncer son destin ; c'est en vain que Jérémie prévient d'abord le roi Sédécias et ensuite le roi Jéojakhin du sort terrible qui leur est réservé ; c'est en vain que dans la salle des festins et des orgies la main de Dieu trace le signe avertisseur ; c'est en vain que, les uns après les autres, les prophètes insisteront auprès des prêtres et des pharisiens pour qu'ils veuillent bien renouveler et rajeunir en eux et dans leur rite la vraie vie, la vie de l'âme ; c'est en vain qu'ils supplieront le peuple de se détourner de l'idolâtrie et de l'impiété, du matérialisme et de la grossièreté ; c'est en vain que, selon la comparaison de l'un d'entre eux, ils seront comme des sentinelles debout sur les remparts, sonnant de la trompette et signalant à tous le danger mortel qui s'approche. C'est en vain qu'ils déploieront non pas seulement toutes les menaces mais aussi toutes les promesses de la justice ; en vain qu'ils feront miroiter devant les yeux la beauté de ce Royaume de justice ; en vain qu'ils en évoqueront les fleurs et les fruits, la paix et la douceur ; en vain qu'ils chanteront la branche d'amandier, le loup et l'agneau vivant ensemble ; en vain que la sentinelle criera : « Le matin vient ! La nuit est finie ! Le Messie est là ! »
C'est en vain que le Seigneur est venu et a parlé, en vain qu'Il est mort et qu'Il est ressuscité ; en vain que les disciples ont crié au matin de Pâques leur joie et leur foi, - en vain.

Oui, depuis le début même de la vie religieuse, le Message divin retentit ne ménageant aucune indication, ne négligeant aucun avertissement, n'épargnant aucune souffrance et aucune mort pour que tous, petits et grands, prêtres et fidèles, tyrans et peuples, riches et pauvres, savants et ignorants soient mis devant la réalité de leur jugement avec toutes ses menaces et toutes ses promesses ; mais c'est en vain sous tous les cieux, sous toutes les latitudes, sous tous les climats, sous tous les régimes, sous toutes les civilisations, sous toutes les barbaries ; c'est en vain pour tous ceux qui endurcissent leur coeur, qui ferment leurs yeux et bouchent leurs oreilles, afin de ne pas voir et de ne pas entendre les avertissements répétés de la justice divine. Et la parabole des vignerons nous montre le douloureux échec de tous les Messagers de la Parole divine ; mais elle nous révèle aussi que le dernier mot reste à la justice de Dieu qui s'exerce d'autant plus inexorablement que tous les efforts ont été faits pour prévenir et pour arrêter le pécheur dans sa chute vertigineuse. C'est ce que l'apôtre saint Paul exprimait dans la parole vigoureuse : « On ne se moque pas de Dieu, ce que l'homme aura semé il le moissonnera. » Et c'est encore le texte qui affirme : « C'est une chose terrible que de tomber entre les mains du Dieu vivant. »

Ainsi, au-dessus de nous tous existe un ensemble de lois morales et spirituelles ; elles sont immuables, elles sont invincibles ; elles régissent le monde, la destinée des grands et des petits, des riches et des pauvres, des savants et des ignorants. L'homme ou le peuple qui se dresse contre elles est tôt ou tard abattu et brisé, quels que soient sa force, sa ruse, son orgueil, son impudence, son hypocrisie.

Ces lois nous sont enseignées tout d'abord par ce que l'apôtre saint Paul appelle la conscience naturelle ; mais elles nous sont révélées avec une évidence entière par le témoignage intérieur du Saint-Esprit, par la parole de Dieu, par la prédication et par les avertissements de tous les messagers que Dieu, dans un amour qui ne se lasse pas, envoie vers nous, en sorte que, lorsque nous violons ces lois notre culpabilité demeure et notre péché est sans excuse. La révélation de Dieu est parfaite, et c'est à elle que nous devons regarder, et c'est sur elle que nous devons nous guider pour la conduite de notre vie tout entière.

Ainsi, en ce qui concerne les bases morales de notre vie et de notre action, nous n'avons pas à considérer un ordre ancien ou un ordre nouveau. Nous n'avons qu'un seul ordre : l'ordre éternel de Dieu avec les lois de sa souveraine justice telles qu'elles nous sont décrites par tous les hommes de Dieu et tout spécialement par notre Seigneur Jésus-Christ, dans son enseignement, dans sa vie et dans sa mort.

Et de cela nous tirerons pour nous-mêmes une première leçon, à savoir que notre responsabilité à nous, chrétiens, est immense.

Nous avons reçu ce qu'il est convenu d'appeler les bienfaits d'une éducation chrétienne. Notre coeur a été ouvert aux influences spirituelles ; notre âme a été éclairée par la lumière de Dieu ; bien plus encore, à chacun de nos faux pas nous avons été prévenus par un appel solennel que Dieu a fait retentir au plus profond de nous-mêmes ou par la voix d'un de ses messagers, qu'Il avait chargé pour nous d'un sérieux avertissement. Nous ne saurions alléguer notre ignorance. Et surtout nous ne saurions nous abuser en nous abritant derrière ce que d'aucuns veulent nommer l'indulgence évangélique. L'indulgence n'est pas une vertu chrétienne, elle n'est pas une réalité biblique. Et ceci, les protestants authentiques le savent parfaitement bien. Il n'y a pas là-dessus le moindre désaccord entre l'Ancienne et la Nouvelle Alliance. Les paraboles et les paroles du Seigneur que nous avons lues tout à l'heure montrent clairement que l'Évangile établit plus rigoureusement encore que l'Ancien Testament la culpabilité de ceux qui après avoir entendu les enseignements du Fils de Dieu vivent sans repentance dans l'iniquité et dans l'impiété.

Et lorsque nous méditons ainsi sur la justice de Dieu, sur ses avertissements, sur ses menaces, sur ses condamnations, sur ses appels, sur ses promesses, c'est une responsabilité de plus que nous ajoutons à la Révélation qui nous a été faite ; et de cette responsabilité, un jour nous devrons rendre compte !

Dieu veuille que ce ne soit pas en vain que nos âmes reçoivent un avertissement de plus de la part de la justice divine !

Ces avertissements renouvelés, l'Évangile nous apprend que nous ne devons pas les garder pour nous-mêmes, mais il nous enseigne que nous sommes chargés par Dieu de les faire retentir autour de nous, sans nous préoccuper d'ailleurs de l'état d'endurcissement des coeurs. C'est en ce sens que tout chrétien doit être un humble et fidèle témoin, doit être lui-même un avertissement vivant de la part de son Dieu. C'est là le rôle grandiose de nos Sociétés de Mission et d'Évangélisation dont le but n'est pas d'annoncer le triomphe de telle ou telle Église, de prêcher telle ou telle doctrine, mais de proclamer devant tous les peuples, tout aussi bien devant ceux que l'on appelle civilisés que devant ceux que l'on appelle sauvages, devant ceux qui seront les vainqueurs comme devant ceux qui seront les vaincus d'une éphémère période de l'histoire humaine, que la justice de Dieu règne au-dessus d'eux tous ; que ses Lois souveraines et éternelles ne se laissent pas violer impunément et que nous marchons tous ensemble vers le seul jugement qui soit solennel et définitif. Cependant, ces grandes oeuvres qui ont reçu la magnifique et redoutable vocation de la Mission et de l'Évangélisation ne suppriment en rien le devoir du plus obscur témoin de Jésus-Christ. Et partout où il se trouve, le chrétien a l'obligation impérieuse non pas de balbutier mais d'annoncer clairement et catégoriquement que Dieu règne et que sa justice est l'ordre souverain qui domine toutes nos existences. Il est inutile de dissimuler que si, dans le monde entier, les chrétiens, chacun dans sa patrie, chacun dans son foyer, avaient clairement, fidèlement et fortement averti leurs frères et leurs compagnons de route que toute désobéissance aux grandes lois de la vie morale et spirituelle est nécessairement châtiée, alors notre univers ne se débattrait pas dans ce chaos sanglant. Et si nous devons en sortir une bonne fois pour toutes, ce ne sera, ne l'oublions pas, qu'en écoutant, en répétant et en observant les avertissements de la Parole de Dieu : car Dieu ne veut pas que le monde périsse, mais qu'il se repente et qu'il soit sauvé.

Et c'est la troisième leçon que nous tirerons comme conclusion de notre méditation d'aujourd'hui. Tous ces avertissements multipliés sur la route des hommes sont littéralement et réellement des avertissements salutaires que l'Amour du Dieu juste ne cesse de prodiguer à ses enfants perdus. C'est parce qu'Il les aime qu'Il s'est penché sur eux et qu'Il les a visités pour éclairer leur coeur enténébré par le péché ; c'est parce qu'Il les aime qu'Il a envoyé vers eux ses prophètes, ses apôtres et ses messagers ; c'est parce qu'Il les aime qu'Il leur a donné son Fils ; et toute cette justice aux jugements solennels et redoutables reste illuminée jusqu'au dernier jour par la clarté de son amour.

Il ne s'agit aucunement de la règle impitoyable du talion avec la terrible réciprocité : oeil pour oeil, dent pour dent. Cette façon de poser et de résoudre le problème de la justice est en contradiction complète avec toute la prédication de l'Évangile et avec toute la pensée chrétienne. Dieu ne veut pas rendre à l'homme le mal pour le mal. La préoccupation de mesquines rétributions ou de basses vengeances n'habite aucunement l'Esprit divin.

En ces temps où la faim et la soif de la justice tenaillent nos âmes profondément meurtries par le déferlement des injustices les plus déshonorantes et les plus criantes, il faut veiller à éloigner de notre coeur et de notre esprit les mouvements naturels et violents de la haine. Nous sommes tous d'accord pour affirmer que le monde qui se lèvera après la catastrophe ne pourra être apaisé et ne pourra être affermi que par l'établissement de la justice ; et cela comporte sans aucun doute des conséquences d'ordre pratique rigoureuses et précises. Mais la vraie justice, la justice de Dieu, la justice éternelle aux solides fondements, celle sur qui les hommes peuvent bâtir des maisons paisibles qui ne seront point ébranlées, cette justice-là n'a rien à voir avec l'assouvissement des rancunes humaines ou avec l'application du régime de la vendetta. Et cependant, pourquoi dissimuler que beaucoup d'hommes, même ayant une certaine élévation spirituelle, n'envisagent pas autrement ce qu'ils veulent appeler le règlement des comptes entre les hommes ou entre les nations ?

Si nous, chrétiens, nous nous laissions emporter par cette marée montante de haine et de vengeance, si nous ne savions pas opposer à ces grondements mêmes de notre humanité la digue inébranlable de la Révélation de Dieu ; si nous voulions exercer nos jugements à la manière des peuplades primitives qui n'ont reçu aucune lumière de Jésus-Christ, alors nous retomberions plus bas encore dans le sang et dans le malheur. Et notre Seigneur lui-même nous dirait : Votre culpabilité est entière. Votre péché est sans excuse.

Au reste, recevons en terminant cet avertissement de saint Paul : « Ne rendez à personne le mal pour le mal : ayez pour tous de la bienveillance. S'il est possible - pour autant qu'il dépend de vous, - vivez en paix avec tout le monde. Ne vous vengez pas vous-mêmes, mes bien-aimés ; laissez agir la colère divine, car il est écrit : « à moi la vengeance, c'est moi qui rétribuerai, dit le Seigneur. »

Mais toi, si ton ennemi a faim, donne-lui à manger s'il a soif, donne-lui à boire, car en agissant ainsi tu lui amasseras des charbons enflammés sur la tête. Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais triomphe du mal par le bien. »

Car c'est ainsi que, de la part de Dieu, tu jugeras et tu avertiras.

14 février 1943.



IV

Étant donc justifiés par la foi, nous avons la paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus-Christ, qui nous a fait aussi avoir accès par la foi à cette grâce dans laquelle nous demeurons fermes.
Romains 5: 1-2.


Lectures :
Luc 15: 11-24 ; 18: 9-15 ; 23: 39-44.



DIEU JUGE ET PARDONNE

Mes Frères, le pardon de Dieu en Jésus-Christ ne supprime ou n'atténue en rien la réalité solennelle du jugement. Car pour que le pécheur obtienne cette délivrance qui lui est offerte, il faut avant tout qu'il confesse la réalité de la juste condamnation dont il est l'objet, et il faut qu'il reconnaisse également qu'il ne peut pas mériter par lui-même le moindre adoucissement à la sentence sévère que son péché lui fait encourir. Ainsi, lorsque nous annonçons notre prédication de ce matin sous ce titre : Dieu juge et pardonne, ce n'est pas du tout par un souci extérieur de conserver l'unité d'une série en trois points, à savoir : Dieu juge et châtie ; Dieu juge et avertit ; Dieu juge et pardonne. Mais c'est parce qu'entre le jugement et le Pardon il existe une relation profonde qu'on ne saurait mettre trop en évidence.

C'est pour avoir méconnu ou sous-estimé l'importance de cette relation que les Églises chrétiennes ont parfois commis des erreurs néfastes pour la vie spirituelle en rassurant faussement leurs fidèles par la théorie des mérites ou par celle des indulgences. Car le péché creuse un abîme entre le Dieu de sainteté et l'homme pécheur ; et cet abîme ne saurait être comblé par une multiplicité de bonnes oeuvres ou par de faciles indulgences que Dieu accorderait à l'âme pécheresse. Tous les efforts d'un homme pour s'améliorer et pour progresser sur le chemin de la vertu ne pourront jamais empêcher qu'il ne reste cependant, sur bien des points de sa vie, inférieur à l'appel qu'il a reçu, et que, dans le fond même de son être, il ne demeure, selon l'admirable expression de notre liturgie, un « pauvre pécheur incapable par lui-même de faire le bien ». Et d'autre part, Dieu ne peut pas, sans renier ou sans amoindrir la grandeur de la Sainteté qu'Il nous révèle, laisser glisser dans le silence de l'oubli ou dans la facilité d'une paix débonnaire la gravité des transgressions et des offenses perpétrées contre sa volonté. C'est pourquoi pour qu'il y ait pardon, il faut qu'il y ait un jugement clair et catégorique qui ne laisse subsister aucune ombre complaisante dans les recoins les plus secrets d'une vie d'homme.

Ce jugement, il est rendu par Dieu seul ; car Lui seul étant la sainteté absolue a le droit de fouiller toute conscience et Lui seul en a le pouvoir. Mais il faut que l'homme acquiesce à ce jugement porté sur lui-même, qu'il le reconnaisse pour parfaitement juste et entièrement véridique s'il veut avoir accès à la grâce du pardon. Tant que l'homme essayera de se dérober à cette condamnation, tant qu'il voudra s'abriter derrière sa propre justice, il restera imperméable à la grâce ; il sera comme un terrain ingrat et aride dans lequel aucun germe de vie nouvelle ne pourra pénétrer et germer ; et il sera lui-même dans l'incapacité d'entrer dans le Royaume de la Vie ; car entre le Royaume de Dieu et lui, il y aura cette porte verrouillée que seul peut forcer le jugement de Dieu rendu et accepté. Mais s'il se met devant la solennité de la justice de Dieu, alors la porte s'ouvre ; le pécheur a accès au monde de la grâce ; il est introduit dans une vie nouvelle illuminée de tous les rayons de l'amour.

C'est ce qu'illustre admirablement la parabole du Pharisien et du Péager. Le Pharisien, lui, n'entre pas dans le Royaume de Dieu ; il n'a non seulement aucune communion mais aucun contact avec le Dieu de la vie. La porte reste pour lui fermée ; il n'y a pour lui aucun accès et aucune issue. Car il est muré dans sa propre justice. Il énumère toutes ses bonnes oeuvres : il n'est pas menteur ; il n'est pas voleur ; il n'est pas adultère ; il donne, mes Frères, il donne beaucoup, il est très généreux ; il donne la dixième partie de ses biens. Mais à quoi bon ? Cela ne lui sert de rien. Il n'en reçoit aucune grâce. Car il n'a pas compris que, quelle que soit l'étendue ou l'importance de ses bonnes oeuvres, quel que soit le sérieux qu'il apporte à l'accomplissement des rites de sa religion il est cependant bien loin dans son orgueil et dans son contentement spirituel de l'idéal de sainteté qu'exige le Dieu des âmes ; et surtout il n'a pas compris qu'il est séparé de son Dieu tant qu'il n'est pas descendu jusqu'au fond de son coeur, de son âme, de sa pensée pour en reconnaître et en confesser tous les détours mauvais et pour s'humilier de cette humanité de péché qui reste le fond même de sa nature.

Tandis que le Péager va droit au but ; là, dans le sanctuaire où il frappera à la porte de la vie, il ne se présente pas les mains pleines de richesses, il ne vient pas faire le panégyrique de ses vertus ; sa douleur est tellement profonde et tellement sincère qu'il ne peut pas davantage raconter et énumérer toutes ses imperfections, toutes ses défaillances, toutes ses misères ; il ne sait que simplement répéter en gémissant : 0 Dieu, sois apaisé envers moi qui suis un pauvre pécheur. Et pour lui, il reconnaît sans discussion et sans atténuation toute la justice de la condamnation qu'il a entièrement et totalement méritée. Alors, devant ce visage baigné de larmes, devant ces mains suppliantes et devant tout cet être prosterné dans sa poussière et dans sa misère, la porte s'est ouverte ; et le pécheur a eu accès au Royaume de la grâce.

Une autre scène - historique celle-là - est celle où le brigand sur la croix affirme : « Pour nous ce n'est que justice ! » Pour avoir ainsi reconnu et accepté sa condamnation, immédiatement le brigand a reçu son pardon et a eu accès auprès de son Seigneur dans le Paradis.

Nous voyons là d'ailleurs la différence des attitudes et des conceptions ; car le mauvais larron ne songe qu'à un pardon qui serait la suppression de son juste châtiment. « Si tu es le Fils de Dieu, dit-il, descends de ta croix, et sauve-nous avec toi. » Il n'a pas compris que précisément le Fils de Dieu ne descendrait pas de sa Croix et ne le sauverait pas de cette mort, puisqu'Il était venu pour l'accomplissement d'un jugement. Le monde doit être tout d'abord soumis à la justice. Il doit avant toute autre chose reconnaître et accepter toute condamnation de son péché. Mais lorsque l'homme fait cet acte de contrition et de foi qui accepte le jugement de la justice avec toutes ses conséquences, alors, immédiatement, le jour même, il entre dans le Paradis, dans la vie éternelle. Il a accès à la grâce, sans avoir rien à payer, sans avoir à aligner en compensation de ses fautes toute une série d'actes bons proportionnels.
C'est gratuit ; le pardon de Dieu est immédiat et total lorsque le pécheur a dit sincèrement : 0 Dieu sois apaisé envers moi qui suis un pauvre pécheur ; ou bien : Pour moi ce n'est que justice ; ou bien : je ne suis plus digne d'être appelé ton fils. Mais là où il n'y a pas ces démarches, là où il n'y a pas cet aveu total, il n'y a pas de pardon, il n'y a pas de délivrance, il n'y a pas de salut ; et l'homme ou la collectivité sur lesquels pèsera ainsi la sentence de Dieu iront en s'enfonçant toujours davantage dans les ténèbres de leur jugement et de leur condamnation.

C'est pourquoi, il est exactement criminel de pardonner à la légère de la part de Dieu et d'absoudre frivolement de la part du Seigneur un homme ou un monde pécheur ; car au lieu de lui apporter la lumière on l'enfonce davantage encore dans les ténèbres de son péché. Au seuil même de son ministère, le Seigneur Jésus-Christ disait à Jean-Baptiste : Il faut que nous accomplissions toute la Justice. Sans cet accomplissement de la justice, il ne saurait y avoir de pardon. C'est là une affirmation que nous ne saurions trop méditer et retenir.

Mais il est tout aussi criminel d'écarter quiconque des sources vivifiantes du pardon de Dieu pour le faire passer sous les fourches caudines d'un ressentiment quelconque ou pour lui imposer auparavant l'épreuve d'un credo ou d'une pénitence. C'est immédiatement, sur le champ même, que le fils prodigue est rentré en grâce ; immédiatement que le péager a été justifié ; immédiatement que le brigand sur la croix a été sauvé, parce qu'ils se sont repentis, ont confessé leur misère, reconnu leur péché, et mis toute leur confiance pour leur salut dans le seul Amour de Dieu en Jésus-Christ. Et c'est alors, dans le ciel, une joie sans pareille ; c'est une allégresse et une félicité divines ; car un fils était mort et il est revenu à la vie ; un enfant était perdu et il a été retrouvé ; un homme disparaissait dans l'abîme de son néant et voici il a été arraché au gouffre de son péché. Les anges eux-mêmes, nous dit le Seigneur, se réjouissent dans le ciel. Car c'est un nouveau-né ; c'est un nouveau venu qui a accès dans leur Royaume de grâce et de beauté.

Telle est la réalité exaltante du pardon de Dieu. C'est bien autre chose que le voile de l'oubli jeté sur un lourd passé ou bien un acte de débonnaire faiblesse : c'est le péché avec ses causes et ses conséquences dénoncé virilement, pris corps à corps, ligoté, jugulé, jugé et condamné, haï et détesté, vaincu et brisé, et cela par la puissance supérieure de l'Esprit divin et dans l'acquiescement terrifié du pécheur lui-même. Alors se produit le miracle, le miracle éternel, le miracle que l'on ne peut décrire en aucune langue, ou fixer dans un tableau, le miracle qui s'accomplit pourtant dans toutes les époques ou dans toutes les situations, partout et toujours sans aucune exception, lorsqu'un homme se repent et croit en Jésus-Christ - ce péché intérieur, cette misère morale, cette médiocrité spirituelle dont on avait si honte qu'on ne voulait pas se l'avouer à soi-même et qu'on essayait d'en discuter devant Dieu lui-même, ce péché qui paraissait si fort que personne ne pourrait le maîtriser, si lourd que personne ne pourrait le soulever ; et ce jugement nécessaire et inexorable que l'on tremblait de ne pouvoir accepter, mais tout cela est maintenant terminé, réglé gratuitement et pour toujours, - et voici enfin le miracle :

Un homme lève un visage nouveau et, d'un coeur renouvelé, marche vers l'avenir.

12 février 1943.


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