Il est
écrit: TA PAROLE EST LA VERITE (Jean 17.17) Cela me suffit... |
REGARD
Bibliothèque chrétienne online EXAMINEZ toutes choses... RETENEZ CE QUI EST BON - 1Thess. 5: 21 - (Notre confession de foi: ici) |
Il est
écrit: TA PAROLE EST LA VERITE (Jean 17.17) Cela me suffit... |
LA MAIN DE
DIEU
|
Je ne suis
pas venu apporter la paix sur la terre,
mais le glaive. |
|
LE GLAIVE
Lendemains de Confirmation
En ces lendemains de confirmation et
d'étroite communion, apporter un message sur
le glaive de Jésus-Christ peut
paraître paradoxal, et peut-être
même déplacé. Ceci nous importe
peu ; mais ce que nous voudrions
écarter des âmes des fidèles et
des coeurs purs de nos enfants, c'est le malaise,
le trouble, que cette parole dressée ainsi
dans sa brutalité pourrait jeter dans leur
joie. Nous avons connu la puissance qui est en
Jésus-Christ, et cette puissance est avant
tout celle de son apaisement ; nous avons
connu les profondeurs de sa communion, et en elle
parents et enfants ne se sont pas sentis
divisés mais au contraire rapprochés,
unis dans le service de Sainte Cène comme
dans le plus fort et le plus doux des repas
terrestres. Cela est vrai. Et non seulement nous
l'avons vécu, expérimenté,
mais ce doit être pour nous une
réalité ineffaçable,
incontestable, dont nous ne laisserons jamais
atténuer ou voiler le lumineux
épanouissement. Nous
répéterons donc sans nous
troubler : Le Christ est venu sur cette terre
pour apporter aux hommes la paix de sa communion en
qui parents et enfants, en qui ceux d'une propre
maison reçoivent un approfondissement, un
affermissement de leur unité
spirituelle.
Seulement, si nous regardons jusqu'au
fond de la Sainte Cène, ce merveilleux repas
d'amour, nous y découvrons le glaive de
Jésus-Christ ; celui qui va tailler en
nous et autour de nous ; et nous verrons que
ces paroles du Seigneur, loin d'être
contradictoires, sont au contraire
complémentaires.
Car la Sainte Cène nous
révèle à
nous-mêmes ; nous sommes devant elle
sans aucun mérite, sans aucune vertu ;
nous avons enfin abandonné tout sentiment de
propre justice. Devant la révélation
du sacrifice de Notre Sauveur, nous nous voyons
tels que nous sommes dans nos insuffisances, dans
notre détresse ou dans notre misère
morales. Bien des illusions chères à
notre orgueil nous sont enlevées et bien des
éclaircissements salutaires nous sont
apportés. Mais cela ne nous brise et ne nous
inquiète pas puisque nous venons de recevoir
notre paix et notre pardon. Le croyant n'est pas
accablé par la constatation de toutes ses
imperfections, car il vient de puiser une force, et
c'est une force de combat. Après la Sainte
Cène, il se relève avec, dans les
yeux, la lueur du soldat de Jésus-Christ. Il
faut qu'il taille et qu'il tranche en
lui-même, qu'il arrache ses défauts,
qu'il coupe dans ses passions. Et il entend la voix
qui l'encourage : Voici le glaive de l'Esprit
que je suis venu apporter. Que celui qui veut me
suivre renonce à lui-même. Et si son
oeil, sa main ou son pied sont pour lui une
occasion de chute, voici le glaive : qu'il
coupe.
Il se peut que ce glaive se soit
émoussé en nous par une trop longue
habitude, par une pratique extérieure de la
Sainte Cène, qui devient en nous une
routine, ou au contraire par une ignorance et un
abandon systématique de la
Communion au Seigneur
Jésus-Christ. Mais il est beau de voir
combien la lame est toujours trempée,
combien l'épée de Jésus-Christ
est acérée, aiguisée et
tranchante pour les jeunes âmes qui, dans
toute leur fraîcheur du premier amour, dans
toute la ferveur du premier élan, se sont
jetées dans cet océan de Paix et de
Vie qu'est la Communion de Jésus-Christ.
Alors elles se donnent dans la fragilité de
leur jeunesse, mais vaillantes et fortes ; et
elles parlent sans hésiter et sans faiblir
de tout ce qui en elles doit être
extirpé, et elles en parlent, selon leur
expression même, au nom du courage de la
Sainte Cène.
Oui, pour tous ceux qui ne sont pas
blasés, voici une magnifique et
réelle et simple expérience - la
Sainte Cène donne du courage, le courage de
prendre dans le jardin de Dieu, dans le paradis de
ces âmes visitées par Lui, le glaive
de Jésus-Christ pour opérer les
amputations nécessaires.
Il ne s'agit pas simplement de nos
défauts, de nos péchés. La
communion au sacrifice de Notre Seigneur
Jésus-Christ nous révèle
qu'ici-bas nous sommes appelés à
sacrifier pour la vie éternelle des joies
très grandes et très belles, des
affections très douces et très pures.
Tel est bien le sens de la comparaison de
Jésus-Christ lorsqu'il invite le
chrétien à arracher son oeil,
à couper sa main ou son pied si cela est
nécessaire pour entrer dans la vie divine.
Il ne s'agit pas là de ce que l'apôtre
Paul appelait des membres d'impudicité, mais
au contraire des membres les plus utiles, les plus
nécessaires et ceux mêmes qui nous
apportent pour la contemplation, pour le service,
pour le dévouement, tant de douceurs et tant
de joies. Mais s'ils deviennent un obstacle entre
le Royaume et nous, alors il n'y a pas à
défaillir, il faut couper. Ainsi pour les
appels de Dieu, pour les vocations, pour les
obéissances strictes, nous sommes parfois
paralysés, et comme ligotés par des
obligations, par des joies humaines en
elles-mêmes très légitimes,
mais qui deviennent dans le cas précis, une
occasion de chute. Dans la
communion du Seigneur Jésus-Christ,
l'âme sincère et ferme reçoit
en même temps que la paix le merveilleux
courage surhumain qui affermit en elle le glaive de
Jésus-Christ pour les émondements
nécessaires. Il faut tailler le sarment, si
beau soit-il, pour qu'il porte beaucoup de
fruit.
Ainsi, nous voyons se préciser
peu à peu devant nous cette
épée de Jésus-Christ qui a
fait les héros de la foi, les combattants
des Actes des Apôtres, les Chevaliers du
Seigneur. Nous voyons cette concordance certaine
d'une paix intérieure et d'une
épée flamboyante que le Seigneur
donne à ceux qu'Il aime et qui vivent dans
sa communion. Nous comprenons alors que cette
épée de l'Esprit amène
nécessairement des divisions, des
inimitiés et des drames jusque dans la
propre maison de ceux que Dieu désigne pour
la porter et pour la brandir. C'est là un
appel très grave et très solennel
qu'il nous faut tous entendre.
Car enfin la prédiction s'est
bien accomplie et s'accomplit encore tous les jours
parmi nous. Le Christ connaissait bien les
faiblesses de notre amour humain insuffisamment
éclairé. Il savait très bien
que devant le geste d'une jeune âme
s'apprêtant à couper radicalement en
elle certains attachements par trop terrestres, la
première main qui se tendrait
irrésistiblement pour arrêter et
suspendre le glaive, ce serait la main de l'amour
le plus proche qui supplierait : pas
encore ! ou : pas si fort ! Ne te
frappe pas toi-même, et ne nous frappe pas
nous-mêmes en toi ! Il est vrai. que
bien des purifications nécessaires ont
été empêchées, bien des
vocations ont été
arrêtées, bien des sacrifices
indispensables suspendus, non par des
étrangers ou des indifférents mais
par ceux qui aimaient le plus tendrement. Tel est
le sens prophétique de la parole de
Jésus-Christ : « Ne pensez
pas que je sois venu apporter la paix sur la terre,
je ne suis pas venu apporter la paix, mais le
glaive. je suis venu mettre la division entre le
fils et son père, la fille et sa
mère, la belle-fille et la
belle-mère ; on aura pour ennemis ceux
de sa propre
maison... »
Mes Frères, je le
répète, c'est un avertissement dont
chacun de nous doit faire son profit. Il est une
manière humaine de nous aimer qui nous rend
effectivement les ennemis de ceux de notre propre
maison. Surtout, il est une peur humaine de la
souffrance de nos enfants, de leurs amputations, de
leurs sacrifices pour la vie divine que nous devons
demander à Dieu de nous aider à
vaincre en nous. Combien de fois des
délivrances qui étaient liées
à des sacrifices ont été
empêchées par l'amour peureux des
hommes ! Ce sentiment-là, plus que
jamais, il faut l'abattre en nous avec le glaive de
Jésus-Christ. Car nos Églises ont
souffert ainsi de combien de vocations
contrariées par la tendresse exclusive des
familles. L'égoïsme familial est
peut-être un des traits les plus dangereux de
notre caractère. Voilà ce qui a
été pour beaucoup dans notre
défaite, à savoir notre
avilissement : la peur de souffrir et la peur
de voir souffrir ceux que nous aimons. Le refus des
amputations, des crucifixions, des martyres
indispensables pour qu'un pays vive ou
revive ; l'horreur d'un oeil arraché,
d'une main ou d'un pied
coupés !
Oh ! comme nous sommes loin du
christianisme de Jésus-Christ ! Comme
nous sommes éloignés de la communion
du corps du Crucifié ! Et comme nous
sommes loin aussi du Glorifié et du
Ressuscité !
Il faut, mes Frères, retrouver
pour nous, pour nos foyers, pour notre pays, dans
la Sainte Cène de Notre Seigneur le glaive
de Jésus-Christ. Il est un certain
sentimentalisme, comme un certain
internationalisme, comme un certain pacifisme,
contre lesquels le Seigneur s'est
élevé en disant de toutes ses
forces : je ne suis pas venu apporter la paix
sur la terre, mais le glaive.
Mes Frères, je reviens d'un
pèlerinage au pays camisard. Cette parole
que j'ai entendue frémissante de courage
indomptable, d'espérance invincible telle
qu'elle a animé les Roland, les Cavalier,
les Marie Durand, les seigneurs
et les plus humbles paysans des
Cévennes qui tous connurent l'aspect
héroïque du salut par la foi, cette
parole du Seigneur, il faut la recevoir pour
viriliser notre christianisme, pour fortifier notre
foi, pour affirmer notre obéissance, pour ne
céder en rien aux pressions
matérielles, pour consentir joyeusement et
ensemble les sacrifices de l'Esprit.
Il suffit, mes Frères. Je dirai
en terminant qu'il est une plus grande joie que
d'avoir évité à ceux que l'on
aime des sacrifices redoutables, et cette joie,
c'est d'avoir été unis avec eux pour
les crucifixions de la vie divine. C'est de
s'être aidés loyalement les uns les
autres, non pas à se débarrasser de
sa croix, mais à la charger, à la
porter. Lorsque l'on descend des Cévennes,
une fierté reconnaissante et contraignante
habite en vous : c'est d'être les fils
de ceux qui, là-haut, sur les montagnes, en
face des idolâtries et des tyrannies, n'ont
voulu se courber que sous le glaive de
Jésus-Christ.
15 juin 1941.
VI
Je vous
exhorte donc, moi qui suis prisonnier pour
la cause du Seigneur, à vous
conduire d'une manière digne de la
vocation qui vous a été
adressée, en toute humilité
et en toute douceur, avec patience, vous
supportant avec amour les uns les autres
et vous appliquant à conserver
l'unité de l'esprit par le lien de
la paix. |
|
LA DIGNITÉ DANS LA SOUFFRANCE
Remarquons tout d'abord, mes Frères, que
cette exhortation prend toute sa valeur et toute
son importance lorsque nous la replaçons
dans la bouche du prisonnier saint Paul à
qui Dieu l'avait confiée. Un prisonnier,
c'est somme toute un vaincu, un
désarmé, un homme réduit
à l'impuissance. Il est entièrement
à la merci de ceux qui le
possèdent : qui donc oserait le
blâmer s'il s'abandonne, s'il se laisse aller
et s'il devient un jouet qui obéit
servilement à ceux qui peuvent le manier et
le briser ? Parodiant d'une manière
impie la grande phrase de Luther, le prisonnier
pour couvrir ses lâchetés ou ses
trahisons n'a-t-il pas la ressource de
répéter : je ne puis
autrement ! Un homme qui en arrive là
est moralement perdu ; car il a brisé
en lui le ressort qui permet de se redresser, de
réagir, de faire front au cours des
circonstances les plus adverses, à savoir le
ressort de sa dignité. Voilà ce qu'un
croyant doit sauvegarder par-dessus tout, envers
tout, contre tout ; car c'est là le
prix de sa vie, la raison de sa
vie, la seule force vraie et solide de sa vie. Et
même s'il est prisonnier, et même s'il
est vaincu, et même si humainement il n'est
plus rien, il peut et il doit rester digne pour
sauver sa vie.
Mais de quelle dignité
s'agit-il ? Pour tous ceux qui ont lu la
Parole de Dieu, pour tous ceux qui ont la
connaissance des épîtres de saint Paul
et qui à la suite de cette
révélation sont descendus au fond de
leur propre coeur, il ne saurait être
question du postulat philosophique d'une
dignité propre et inhérente à
l'homme ; car tous les hommes sont
pécheurs ; tous les hommes sont
indignes ; tous ils sont privés de
gloire et de dignité. L'indignité de
l'homme, de ses sentiments, de ses pensées,
de ses actes, sa bassesse, sa lâcheté,
sa cruauté, nous sont largement
dévoilés, aujourd'hui, sur toute la
terre. Le mince vernis déposé par la
civilisation, par l'éducation, a
éclaté de toutes parts sous la
poussée de la haine, du danger, de la
misère ou de la terreur, et met à nu
la vilenie de l'âme humaine. De cela,
personne n'est plus convaincu que le pasteur qui
par son ministère est appelé à
se pencher sur ces pauvres loques que peuvent
devenir des créatures humaines. Mais
personne plus que le pasteur ne pourrait chanter
cette vocation d'enfant de Dieu maintenue
inébranlablement à travers les
tempêtes par les âmes fidèles.
Oui, c'est bien là la réponse au
miracle de Dieu qui a lui-même
pardonné, relevé,
réhabilité la créature
pécheresse et qui l'a marquée du
sceau de son pardon et de son amour ; la
réponse de l'âme humaine à
cette grâce de Dieu qui l'a
élevée des ténèbres
vers la lumière des réalités
éternelles, c'est de se conduire d'une
manière digne de cet appel, de cette
vocation.
Or, c'est la joie de nos
ministères, qui nous mettent en contact avec
tant d'âmes diverses, de constater la
dignité simple et grande avec laquelle
beaucoup d'âmes aujourd'hui, portent leur
lourd fardeau. Et cela dépasse infiniment -
nous tenons à le dire - nos bornes
ecclésiastiques.
À côté de nous et
avec nous, des frères qui ne sont pas
chrétiens ou qui même ne sont pas
croyants à notre manière, conservent
et développent dans l'épreuve leur
grandeur morale et spirituelle. Car eux aussi ont
reçu, sur des chemins différents des
nôtres, l'appel précis et ferme du
Dieu des âmes. Mais pour nous, croyants et
chrétiens, il s'agit d'une manifestation
plus profonde encore. Car ce qui nous est
demandé, c'est de proclamer avec
clarté l'éternelle vocation de Dieu
en Jésus-Christ, Notre Seigneur.
Somme toute, il y a une vocation de Dieu
en Jésus-Christ, dont il faut que nous nous
montrions dignes, sur les chemins les plus
douloureux, les plus mystérieux et sur
ceux-là même qui peuvent
paraître les plus humiliants ; car c'est
là la fidélité sans
réserve que nous devrons montrer à la
Volonté de Dieu, notre seul souverain.
Voilà ce que le Christ a manifesté
avec éclat lorsqu'il a souffert dans sa
chair, devant Pilate, devant les soldats, dans le
jardin de Gethsémané et sur la croix
de Golgotha. Là, nous avons la
révélation totale de ce que
signifient ces mots : se conduire d'une
manière digne de la Vocation. En même
temps, nous voyons une étrange et
surnaturelle dignité auréoler Celui
dont le visage est couvert de crachats, dont le
front est couronné dérisoirement
d'épines. Oui, le Seigneur est vaincu,
méprisé, bafoué ; Il est
la proie sans défense livrée à
ses bourreaux ; certes on peut Lui arracher
ses vêtements, on peut Lui arracher ses
disciples et ses amis, on peut Lui arracher sa vie,
mais on ne peut Lui arracher cette dignité
tranquille dont l'éclat souverain ne cesse
de s'affirmer à mesure que la Passion se
déroule dans toute son horreur. La Croix,
objet d'infamie, n'a pas réussi à
déshonorer le Christ ; elle L'a au
contraire merveilleusement élevé
au-dessus de toutes les Principautés,
au-dessus de toutes les Primautés, comme le
dit la Parole de Dieu.
À la suite de son Maître,
l'apôtre saint Paul, qui nous a donné
notre texte de ce matin, a connu cette grandeur
ineffable de la vocation de
souffrance. Il n'avait en lui-même rien de
majestueux et rien de propre à frapper ou
à flatter les regards. Je suis sûr
qu'aujourd'hui comme autrefois, il ne renierait
aucunement ses attaches et ses traditions.
« Je suis, disait-il, de la race
d'Abraham, d'Isaac et de Jacob. Je suis un
Hébreu, fils d'Hébreu. » Et
quant au fait de la laideur, que lui importe ;
car ce n'est pas dans cet ordre là qu'il
cherche et trouve sa grandeur et sa dignité.
« Je suis un misérable
avorton », ainsi avouait-il sans aucune
fausse honte et sans aucun complexe
d'infériorité, sa disgrâce
physique. Mais il est un point sur lequel il ne
transigeait pas et n'admettait aucune
atteinte ; c'était la dignité de
sa vocation de souffrance. J'ai souffert plus
qu'eux tous, affirmait-il ; car c'est par
là qu'il se savait apparenté à
Jésus-Christ, qu'il se savait de sa race, de
cette race élue des persécutés
pour la cause de Dieu. En communion avec les
souffrances de Jésus-Christ et en communion
avec sa mort, il était par
là-même en communion
inaltérable avec sa vie profonde et vraie.
C'est cela la gloire du chrétien ;
c'est cela la dignité du chrétien,
que dans les humiliations, les opprobres et les
épreuves il doit porter avec le respect qui
est dû à une vocation.
Maintenant, s'éclaire devant nous
l'exhortation de l'apôtre à une
Église dans la souffrance :
« Je vous exhorte donc, moi
qui suis prisonnier pour la Cause du Seigneur,
à vous conduire d'une manière digne
de la vocation qui vous a été
adressée. »
Jamais cette exhortation n'a
été plus impérieuse, ni plus
actuelle. Tous ceux qui souffrent et tous ceux qui
sont ce que l'Évangile appelle des
persécutés, forment sur la terre une
grande communauté ; c'est l'Eglise de
la souffrance. La première question à
poser n'est pas pour savoir comment échapper
à la souffrance, ou comment l'éviter,
ou comment en sortir ; mais ce qui prime tout,
c'est de savoir comment nous porterons cette
souffrance et comment nous la
traverserons ; de savoir si elle nous
dégradera et nous déshonorera, si
elle fera de nous de pauvres loques humaines
capables de toutes les lâchetés, de
toutes les trahisons, de tous les reniements, de
toutes les vilenies ; ou bien, si dans notre
misère ou dans notre indignité nous
saurons avec la grâce de Dieu, nous conduire
d'une manière digne de la vocation qui nous
a été adressée. Cet appel est
pour tous ; car le Dieu créateur des
âmes attend de toutes les âmes dans la
souffrance une conduite digne de leur origine et de
leur destinée ; mais pour nous,
chrétiens, il s'agit d'une vocation
éclairée par toute la Personne du
Christ souffrant et crucifié.
C'est ici qu'il convient que, selon
l'expression de notre vieille liturgie, chacun
examine sa propre conduite ; et il verra si,
dans sa souffrance, il se conduit d'une
manière digne de la vocation qui lui a
été adressée. Il verra
lui-même s'il n'a pas à recevoir en
ces temps-ci d'une façon directe et
personnelle l'exhortation de saint Paul.
En terminant, je voudrais signaler le
terme qui ennoblit toute la souffrance de
l'apôtre et c'est celui-ci : Moi qui
suis prisonnier pour la cause du Seigneur.
Ainsi saint Paul ne se considère
pas et ne se reconnaît pas comme le
prisonnier de soldats et de gardes brutaux ou
grossiers, d'un procurateur romain ou d'un tyran
quelconque ; car tout cela n'est que
l'apparence extérieure ; et il ne se
donne même pas la peine d'en parler. Il ne
les nomme pas, tellement ils sont insignifiants
dans son drame. Car pour lui, la captivité
ne date pas du jour où une main humaine
s'est abattue sur lui pour le lier de pauvres liens
mortels ; elle date du jour bien plus lointain
où la main de Dieu, sur la route de Damas,
s'est abattue sur lui pour l'enchaîner
à son service par des liens immortels et
glorieux. Bien avant que les hommes se soient
emparés de lui et l'aient mis au cachot,
Saul de Tarse avait appris à connaître
les entraves apportées à ses
volontés, à ses désirs et
à ses caprices ; il
s'était courbé dans
l'obéissance à un seul Maître
qui s'était entièrement emparé
de lui et l'avait totalement occupé, ceci
dans l'amour et par l'amour et pour la vie
éternelle. C'est à cause du Seigneur
Jésus-Christ que l'apôtre est
appelé à souffrir pour rendre son
témoignage à la Vérité
et au Salut. Souffrir était dans la ligne de
sa vie. Il ne valait donc point la peine de
s'inquiéter ou de trembler devant des
fantoches dont la puissance n'est qu'accessoire,
secondaire et dérisoirement
passagère. Car un chrétien ne
reconnaît pas, pour la conduite de sa vie
intérieure, les captivités et les
chaînes des hommes, non pas par esprit
d'indépendance ou d'anarchie mais par esprit
d'obéissance au Dieu dont il est et demeure,
à travers toutes les circonstances, le
prisonnier.
Recevons donc, mes Frères, ce
message dans toute sa clarté :
« Je vous exhorte donc, moi qui suis
prisonnier pour la cause du Seigneur, à vous
conduire d'une manière digne de la vocation
qui vous a été
adressée. »
15 novembre 1942.
Table des
matières Page précédente:
Page suivante:
|
|