Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



LA MAIN DE DIEU



V

Je ne suis pas venu apporter la paix sur la terre, mais le glaive.
Matthieu 10: 35.


Lectures :
Esaïe 30: 1-2, 12-18. Eph. 6: 10-18. Matthieu 10: 34-36.



LE GLAIVE
Lendemains de Confirmation

En ces lendemains de confirmation et d'étroite communion, apporter un message sur le glaive de Jésus-Christ peut paraître paradoxal, et peut-être même déplacé. Ceci nous importe peu ; mais ce que nous voudrions écarter des âmes des fidèles et des coeurs purs de nos enfants, c'est le malaise, le trouble, que cette parole dressée ainsi dans sa brutalité pourrait jeter dans leur joie. Nous avons connu la puissance qui est en Jésus-Christ, et cette puissance est avant tout celle de son apaisement ; nous avons connu les profondeurs de sa communion, et en elle parents et enfants ne se sont pas sentis divisés mais au contraire rapprochés, unis dans le service de Sainte Cène comme dans le plus fort et le plus doux des repas terrestres. Cela est vrai. Et non seulement nous l'avons vécu, expérimenté, mais ce doit être pour nous une réalité ineffaçable, incontestable, dont nous ne laisserons jamais atténuer ou voiler le lumineux épanouissement. Nous répéterons donc sans nous troubler : Le Christ est venu sur cette terre pour apporter aux hommes la paix de sa communion en qui parents et enfants, en qui ceux d'une propre maison reçoivent un approfondissement, un affermissement de leur unité spirituelle.

Seulement, si nous regardons jusqu'au fond de la Sainte Cène, ce merveilleux repas d'amour, nous y découvrons le glaive de Jésus-Christ ; celui qui va tailler en nous et autour de nous ; et nous verrons que ces paroles du Seigneur, loin d'être contradictoires, sont au contraire complémentaires.

Car la Sainte Cène nous révèle à nous-mêmes ; nous sommes devant elle sans aucun mérite, sans aucune vertu ; nous avons enfin abandonné tout sentiment de propre justice. Devant la révélation du sacrifice de Notre Sauveur, nous nous voyons tels que nous sommes dans nos insuffisances, dans notre détresse ou dans notre misère morales. Bien des illusions chères à notre orgueil nous sont enlevées et bien des éclaircissements salutaires nous sont apportés. Mais cela ne nous brise et ne nous inquiète pas puisque nous venons de recevoir notre paix et notre pardon. Le croyant n'est pas accablé par la constatation de toutes ses imperfections, car il vient de puiser une force, et c'est une force de combat. Après la Sainte Cène, il se relève avec, dans les yeux, la lueur du soldat de Jésus-Christ. Il faut qu'il taille et qu'il tranche en lui-même, qu'il arrache ses défauts, qu'il coupe dans ses passions. Et il entend la voix qui l'encourage : Voici le glaive de l'Esprit que je suis venu apporter. Que celui qui veut me suivre renonce à lui-même. Et si son oeil, sa main ou son pied sont pour lui une occasion de chute, voici le glaive : qu'il coupe.

Il se peut que ce glaive se soit émoussé en nous par une trop longue habitude, par une pratique extérieure de la Sainte Cène, qui devient en nous une routine, ou au contraire par une ignorance et un abandon systématique de la Communion au Seigneur Jésus-Christ. Mais il est beau de voir combien la lame est toujours trempée, combien l'épée de Jésus-Christ est acérée, aiguisée et tranchante pour les jeunes âmes qui, dans toute leur fraîcheur du premier amour, dans toute la ferveur du premier élan, se sont jetées dans cet océan de Paix et de Vie qu'est la Communion de Jésus-Christ. Alors elles se donnent dans la fragilité de leur jeunesse, mais vaillantes et fortes ; et elles parlent sans hésiter et sans faiblir de tout ce qui en elles doit être extirpé, et elles en parlent, selon leur expression même, au nom du courage de la Sainte Cène.

Oui, pour tous ceux qui ne sont pas blasés, voici une magnifique et réelle et simple expérience - la Sainte Cène donne du courage, le courage de prendre dans le jardin de Dieu, dans le paradis de ces âmes visitées par Lui, le glaive de Jésus-Christ pour opérer les amputations nécessaires.

Il ne s'agit pas simplement de nos défauts, de nos péchés. La communion au sacrifice de Notre Seigneur Jésus-Christ nous révèle qu'ici-bas nous sommes appelés à sacrifier pour la vie éternelle des joies très grandes et très belles, des affections très douces et très pures. Tel est bien le sens de la comparaison de Jésus-Christ lorsqu'il invite le chrétien à arracher son oeil, à couper sa main ou son pied si cela est nécessaire pour entrer dans la vie divine. Il ne s'agit pas là de ce que l'apôtre Paul appelait des membres d'impudicité, mais au contraire des membres les plus utiles, les plus nécessaires et ceux mêmes qui nous apportent pour la contemplation, pour le service, pour le dévouement, tant de douceurs et tant de joies. Mais s'ils deviennent un obstacle entre le Royaume et nous, alors il n'y a pas à défaillir, il faut couper. Ainsi pour les appels de Dieu, pour les vocations, pour les obéissances strictes, nous sommes parfois paralysés, et comme ligotés par des obligations, par des joies humaines en elles-mêmes très légitimes, mais qui deviennent dans le cas précis, une occasion de chute. Dans la communion du Seigneur Jésus-Christ, l'âme sincère et ferme reçoit en même temps que la paix le merveilleux courage surhumain qui affermit en elle le glaive de Jésus-Christ pour les émondements nécessaires. Il faut tailler le sarment, si beau soit-il, pour qu'il porte beaucoup de fruit.

Ainsi, nous voyons se préciser peu à peu devant nous cette épée de Jésus-Christ qui a fait les héros de la foi, les combattants des Actes des Apôtres, les Chevaliers du Seigneur. Nous voyons cette concordance certaine d'une paix intérieure et d'une épée flamboyante que le Seigneur donne à ceux qu'Il aime et qui vivent dans sa communion. Nous comprenons alors que cette épée de l'Esprit amène nécessairement des divisions, des inimitiés et des drames jusque dans la propre maison de ceux que Dieu désigne pour la porter et pour la brandir. C'est là un appel très grave et très solennel qu'il nous faut tous entendre.

Car enfin la prédiction s'est bien accomplie et s'accomplit encore tous les jours parmi nous. Le Christ connaissait bien les faiblesses de notre amour humain insuffisamment éclairé. Il savait très bien que devant le geste d'une jeune âme s'apprêtant à couper radicalement en elle certains attachements par trop terrestres, la première main qui se tendrait irrésistiblement pour arrêter et suspendre le glaive, ce serait la main de l'amour le plus proche qui supplierait : pas encore ! ou : pas si fort ! Ne te frappe pas toi-même, et ne nous frappe pas nous-mêmes en toi ! Il est vrai. que bien des purifications nécessaires ont été empêchées, bien des vocations ont été arrêtées, bien des sacrifices indispensables suspendus, non par des étrangers ou des indifférents mais par ceux qui aimaient le plus tendrement. Tel est le sens prophétique de la parole de Jésus-Christ : « Ne pensez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre, je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive. je suis venu mettre la division entre le fils et son père, la fille et sa mère, la belle-fille et la belle-mère ; on aura pour ennemis ceux de sa propre maison... »

Mes Frères, je le répète, c'est un avertissement dont chacun de nous doit faire son profit. Il est une manière humaine de nous aimer qui nous rend effectivement les ennemis de ceux de notre propre maison. Surtout, il est une peur humaine de la souffrance de nos enfants, de leurs amputations, de leurs sacrifices pour la vie divine que nous devons demander à Dieu de nous aider à vaincre en nous. Combien de fois des délivrances qui étaient liées à des sacrifices ont été empêchées par l'amour peureux des hommes ! Ce sentiment-là, plus que jamais, il faut l'abattre en nous avec le glaive de Jésus-Christ. Car nos Églises ont souffert ainsi de combien de vocations contrariées par la tendresse exclusive des familles. L'égoïsme familial est peut-être un des traits les plus dangereux de notre caractère. Voilà ce qui a été pour beaucoup dans notre défaite, à savoir notre avilissement : la peur de souffrir et la peur de voir souffrir ceux que nous aimons. Le refus des amputations, des crucifixions, des martyres indispensables pour qu'un pays vive ou revive ; l'horreur d'un oeil arraché, d'une main ou d'un pied coupés !

Oh ! comme nous sommes loin du christianisme de Jésus-Christ ! Comme nous sommes éloignés de la communion du corps du Crucifié ! Et comme nous sommes loin aussi du Glorifié et du Ressuscité !

Il faut, mes Frères, retrouver pour nous, pour nos foyers, pour notre pays, dans la Sainte Cène de Notre Seigneur le glaive de Jésus-Christ. Il est un certain sentimentalisme, comme un certain internationalisme, comme un certain pacifisme, contre lesquels le Seigneur s'est élevé en disant de toutes ses forces : je ne suis pas venu apporter la paix sur la terre, mais le glaive.

Mes Frères, je reviens d'un pèlerinage au pays camisard. Cette parole que j'ai entendue frémissante de courage indomptable, d'espérance invincible telle qu'elle a animé les Roland, les Cavalier, les Marie Durand, les seigneurs et les plus humbles paysans des Cévennes qui tous connurent l'aspect héroïque du salut par la foi, cette parole du Seigneur, il faut la recevoir pour viriliser notre christianisme, pour fortifier notre foi, pour affirmer notre obéissance, pour ne céder en rien aux pressions matérielles, pour consentir joyeusement et ensemble les sacrifices de l'Esprit.

Il suffit, mes Frères. Je dirai en terminant qu'il est une plus grande joie que d'avoir évité à ceux que l'on aime des sacrifices redoutables, et cette joie, c'est d'avoir été unis avec eux pour les crucifixions de la vie divine. C'est de s'être aidés loyalement les uns les autres, non pas à se débarrasser de sa croix, mais à la charger, à la porter. Lorsque l'on descend des Cévennes, une fierté reconnaissante et contraignante habite en vous : c'est d'être les fils de ceux qui, là-haut, sur les montagnes, en face des idolâtries et des tyrannies, n'ont voulu se courber que sous le glaive de Jésus-Christ.

15 juin 1941.



VI

Je vous exhorte donc, moi qui suis prisonnier pour la cause du Seigneur, à vous conduire d'une manière digne de la vocation qui vous a été adressée, en toute humilité et en toute douceur, avec patience, vous supportant avec amour les uns les autres et vous appliquant à conserver l'unité de l'esprit par le lien de la paix.
Éphésiens 4: 1-4.



LA DIGNITÉ DANS LA SOUFFRANCE

Remarquons tout d'abord, mes Frères, que cette exhortation prend toute sa valeur et toute son importance lorsque nous la replaçons dans la bouche du prisonnier saint Paul à qui Dieu l'avait confiée. Un prisonnier, c'est somme toute un vaincu, un désarmé, un homme réduit à l'impuissance. Il est entièrement à la merci de ceux qui le possèdent : qui donc oserait le blâmer s'il s'abandonne, s'il se laisse aller et s'il devient un jouet qui obéit servilement à ceux qui peuvent le manier et le briser ? Parodiant d'une manière impie la grande phrase de Luther, le prisonnier pour couvrir ses lâchetés ou ses trahisons n'a-t-il pas la ressource de répéter : je ne puis autrement ! Un homme qui en arrive là est moralement perdu ; car il a brisé en lui le ressort qui permet de se redresser, de réagir, de faire front au cours des circonstances les plus adverses, à savoir le ressort de sa dignité. Voilà ce qu'un croyant doit sauvegarder par-dessus tout, envers tout, contre tout ; car c'est là le prix de sa vie, la raison de sa vie, la seule force vraie et solide de sa vie. Et même s'il est prisonnier, et même s'il est vaincu, et même si humainement il n'est plus rien, il peut et il doit rester digne pour sauver sa vie.

Mais de quelle dignité s'agit-il ? Pour tous ceux qui ont lu la Parole de Dieu, pour tous ceux qui ont la connaissance des épîtres de saint Paul et qui à la suite de cette révélation sont descendus au fond de leur propre coeur, il ne saurait être question du postulat philosophique d'une dignité propre et inhérente à l'homme ; car tous les hommes sont pécheurs ; tous les hommes sont indignes ; tous ils sont privés de gloire et de dignité. L'indignité de l'homme, de ses sentiments, de ses pensées, de ses actes, sa bassesse, sa lâcheté, sa cruauté, nous sont largement dévoilés, aujourd'hui, sur toute la terre. Le mince vernis déposé par la civilisation, par l'éducation, a éclaté de toutes parts sous la poussée de la haine, du danger, de la misère ou de la terreur, et met à nu la vilenie de l'âme humaine. De cela, personne n'est plus convaincu que le pasteur qui par son ministère est appelé à se pencher sur ces pauvres loques que peuvent devenir des créatures humaines. Mais personne plus que le pasteur ne pourrait chanter cette vocation d'enfant de Dieu maintenue inébranlablement à travers les tempêtes par les âmes fidèles. Oui, c'est bien là la réponse au miracle de Dieu qui a lui-même pardonné, relevé, réhabilité la créature pécheresse et qui l'a marquée du sceau de son pardon et de son amour ; la réponse de l'âme humaine à cette grâce de Dieu qui l'a élevée des ténèbres vers la lumière des réalités éternelles, c'est de se conduire d'une manière digne de cet appel, de cette vocation.

Or, c'est la joie de nos ministères, qui nous mettent en contact avec tant d'âmes diverses, de constater la dignité simple et grande avec laquelle beaucoup d'âmes aujourd'hui, portent leur lourd fardeau. Et cela dépasse infiniment - nous tenons à le dire - nos bornes ecclésiastiques.

À côté de nous et avec nous, des frères qui ne sont pas chrétiens ou qui même ne sont pas croyants à notre manière, conservent et développent dans l'épreuve leur grandeur morale et spirituelle. Car eux aussi ont reçu, sur des chemins différents des nôtres, l'appel précis et ferme du Dieu des âmes. Mais pour nous, croyants et chrétiens, il s'agit d'une manifestation plus profonde encore. Car ce qui nous est demandé, c'est de proclamer avec clarté l'éternelle vocation de Dieu en Jésus-Christ, Notre Seigneur.

Somme toute, il y a une vocation de Dieu en Jésus-Christ, dont il faut que nous nous montrions dignes, sur les chemins les plus douloureux, les plus mystérieux et sur ceux-là même qui peuvent paraître les plus humiliants ; car c'est là la fidélité sans réserve que nous devrons montrer à la Volonté de Dieu, notre seul souverain. Voilà ce que le Christ a manifesté avec éclat lorsqu'il a souffert dans sa chair, devant Pilate, devant les soldats, dans le jardin de Gethsémané et sur la croix de Golgotha. Là, nous avons la révélation totale de ce que signifient ces mots : se conduire d'une manière digne de la Vocation. En même temps, nous voyons une étrange et surnaturelle dignité auréoler Celui dont le visage est couvert de crachats, dont le front est couronné dérisoirement d'épines. Oui, le Seigneur est vaincu, méprisé, bafoué ; Il est la proie sans défense livrée à ses bourreaux ; certes on peut Lui arracher ses vêtements, on peut Lui arracher ses disciples et ses amis, on peut Lui arracher sa vie, mais on ne peut Lui arracher cette dignité tranquille dont l'éclat souverain ne cesse de s'affirmer à mesure que la Passion se déroule dans toute son horreur. La Croix, objet d'infamie, n'a pas réussi à déshonorer le Christ ; elle L'a au contraire merveilleusement élevé au-dessus de toutes les Principautés, au-dessus de toutes les Primautés, comme le dit la Parole de Dieu.

À la suite de son Maître, l'apôtre saint Paul, qui nous a donné notre texte de ce matin, a connu cette grandeur ineffable de la vocation de souffrance. Il n'avait en lui-même rien de majestueux et rien de propre à frapper ou à flatter les regards. Je suis sûr qu'aujourd'hui comme autrefois, il ne renierait aucunement ses attaches et ses traditions. « Je suis, disait-il, de la race d'Abraham, d'Isaac et de Jacob. Je suis un Hébreu, fils d'Hébreu. » Et quant au fait de la laideur, que lui importe ; car ce n'est pas dans cet ordre là qu'il cherche et trouve sa grandeur et sa dignité. « Je suis un misérable avorton », ainsi avouait-il sans aucune fausse honte et sans aucun complexe d'infériorité, sa disgrâce physique. Mais il est un point sur lequel il ne transigeait pas et n'admettait aucune atteinte ; c'était la dignité de sa vocation de souffrance. J'ai souffert plus qu'eux tous, affirmait-il ; car c'est par là qu'il se savait apparenté à Jésus-Christ, qu'il se savait de sa race, de cette race élue des persécutés pour la cause de Dieu. En communion avec les souffrances de Jésus-Christ et en communion avec sa mort, il était par là-même en communion inaltérable avec sa vie profonde et vraie. C'est cela la gloire du chrétien ; c'est cela la dignité du chrétien, que dans les humiliations, les opprobres et les épreuves il doit porter avec le respect qui est dû à une vocation.

Maintenant, s'éclaire devant nous l'exhortation de l'apôtre à une Église dans la souffrance :
« Je vous exhorte donc, moi qui suis prisonnier pour la Cause du Seigneur, à vous conduire d'une manière digne de la vocation qui vous a été adressée. »

Jamais cette exhortation n'a été plus impérieuse, ni plus actuelle. Tous ceux qui souffrent et tous ceux qui sont ce que l'Évangile appelle des persécutés, forment sur la terre une grande communauté ; c'est l'Eglise de la souffrance. La première question à poser n'est pas pour savoir comment échapper à la souffrance, ou comment l'éviter, ou comment en sortir ; mais ce qui prime tout, c'est de savoir comment nous porterons cette souffrance et comment nous la traverserons ; de savoir si elle nous dégradera et nous déshonorera, si elle fera de nous de pauvres loques humaines capables de toutes les lâchetés, de toutes les trahisons, de tous les reniements, de toutes les vilenies ; ou bien, si dans notre misère ou dans notre indignité nous saurons avec la grâce de Dieu, nous conduire d'une manière digne de la vocation qui nous a été adressée. Cet appel est pour tous ; car le Dieu créateur des âmes attend de toutes les âmes dans la souffrance une conduite digne de leur origine et de leur destinée ; mais pour nous, chrétiens, il s'agit d'une vocation éclairée par toute la Personne du Christ souffrant et crucifié.

C'est ici qu'il convient que, selon l'expression de notre vieille liturgie, chacun examine sa propre conduite ; et il verra si, dans sa souffrance, il se conduit d'une manière digne de la vocation qui lui a été adressée. Il verra lui-même s'il n'a pas à recevoir en ces temps-ci d'une façon directe et personnelle l'exhortation de saint Paul.

En terminant, je voudrais signaler le terme qui ennoblit toute la souffrance de l'apôtre et c'est celui-ci : Moi qui suis prisonnier pour la cause du Seigneur.

Ainsi saint Paul ne se considère pas et ne se reconnaît pas comme le prisonnier de soldats et de gardes brutaux ou grossiers, d'un procurateur romain ou d'un tyran quelconque ; car tout cela n'est que l'apparence extérieure ; et il ne se donne même pas la peine d'en parler. Il ne les nomme pas, tellement ils sont insignifiants dans son drame. Car pour lui, la captivité ne date pas du jour où une main humaine s'est abattue sur lui pour le lier de pauvres liens mortels ; elle date du jour bien plus lointain où la main de Dieu, sur la route de Damas, s'est abattue sur lui pour l'enchaîner à son service par des liens immortels et glorieux. Bien avant que les hommes se soient emparés de lui et l'aient mis au cachot, Saul de Tarse avait appris à connaître les entraves apportées à ses volontés, à ses désirs et à ses caprices ; il s'était courbé dans l'obéissance à un seul Maître qui s'était entièrement emparé de lui et l'avait totalement occupé, ceci dans l'amour et par l'amour et pour la vie éternelle. C'est à cause du Seigneur Jésus-Christ que l'apôtre est appelé à souffrir pour rendre son témoignage à la Vérité et au Salut. Souffrir était dans la ligne de sa vie. Il ne valait donc point la peine de s'inquiéter ou de trembler devant des fantoches dont la puissance n'est qu'accessoire, secondaire et dérisoirement passagère. Car un chrétien ne reconnaît pas, pour la conduite de sa vie intérieure, les captivités et les chaînes des hommes, non pas par esprit d'indépendance ou d'anarchie mais par esprit d'obéissance au Dieu dont il est et demeure, à travers toutes les circonstances, le prisonnier.

Recevons donc, mes Frères, ce message dans toute sa clarté : « Je vous exhorte donc, moi qui suis prisonnier pour la cause du Seigneur, à vous conduire d'une manière digne de la vocation qui vous a été adressée. »

15 novembre 1942.


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