MOODY
PÊCHEUR
D'HOMMES - MILITANT DES U. C. J. G.
CHAPITRE III
POUR LA PATRIE ET LA CITÉ
La Guerre de
Sécession
En plus du travail accompli dans la
grande métropole de l'ouest, Moody eut,
durant les quatre années de la Guerre de
Sécession, - qui, de 1861 à 1865,
déchira les Etats-Unis - une exceptionnelle
occasion de donner plein essor à sa passion
de servir et de sauver les âmes. Il avait, on
le comprend, embrassé avec ferveur et par
esprit de justice envers ses frères noirs,
la cause de l'abolitionnisme. On le pressa de
s'enrôler dans une compagnie de volontaires
levée à Chicago et dans laquelle
s'étaient engagés, dès les
premiers jours, des unionistes
(1), plusieurs de
ses anciens élèves et de ses
collaborateurs. Ne devrait-il pas,
conséquent avec les principes qu'il avait
hautement proclamés, partir lui aussi pour
le front ? Cette question le troubla. D'autre part,
il avait consacre sa vie au service du Christ :
pouvait-il, dès lors, porter les armes? Dans
le grave conflit que chaque chrétien doit
résoudre pour lui-même au plus
près de sa conscience, Moody vit clairement
que son devoir était de rester à son
poste de service chrétien. Mais il vit aussi
que l'Union chrétienne de jeunes gens, dont
il présidait la section religieuse, avait
une tâche urgente à accomplir parmi
les volontaires réunis dans un grand camp
d'instruction ouvert au sud de la ville.
Aussitôt il se met à l'oeuvre. Une
chapelle est construite, des services
organisés, et bientôt Moody et ses
auxiliaires se réjouissent de voir cent
cinquante pasteurs et laïques répondre
à l'appel qu'ils ont adressé à
toutes les Églises. Début d'une
coopération fructueuse qui continua
longtemps après la guerre.
Une fois au front, nombre de soldats,
qui avaient été encouragés et
soutenus au camp de Chicago, demandèrent
instamment que l'on fit aussi quelque chose pour
eux et pour leurs camarades. Moody fut
délégué à
l'organisation d'un effort de secours spirituel et
matériel qui aussitôt prit une
extension considérable.
Peu de temps après, une nouvelle
branche d'activité dut être
créée : la formation de colonnes de
secours aux blessés ; oeuvre de Croix-rouge
avant la lettre. Souvent Moody accompagna ces
colonnes, profitant de toutes les occasions qui se
présentaient à lui pour apporter le
message du Christ.
«Je suis à Cairo
(Illinois)», écrivait-il à
sa mère en mars 1862, «avec des
provisions pour les malades et les blessés.
La semaine dernière j'étais à
Fort Donaldson (Tennessee) ; à peine
étais-je rentré chez moi qu'on m'a
envoyé ici avec des objets de pansement. Un
hôpital a quatre cents blessés, un
autre huit cents. Je le dis, mère : en
traversant les salles, je déclarais à
une dame que si je devais tomber malade, c'est
à la maison que je voudrais être
soigné, car qui a-t-il de meilleur que le
foyer et qui pourrait me soigner comme toi ? La
sympathie fait tant de bien ! Tu ne peux savoir
avec quelle dureté les soldats sont
traités à l'armée... je me
suis trouvé sur le champ de bataille avant
qu'on soit venu enterrer les morts. C'était
affreux de les voir gisant ça et là,
abandonnés, sans personne pour les
ensevelir... »
D'aucuns auraient
préféré qu'on se bornât
à panser les corps et à distraire les
hommes avant et après la fournaise des
batailles. Moody, lui, persista à faire
oeuvre d'évangéliste auprès
des valides comme auprès des malades, des
blessés et des mourants. Il croyait que nul
homme, s'il n'a foi en Christ, n'est sauvé
par sa propre mort, fût-elle une mort
héroïque au service de la patrie. Ainsi
lui fut donnée la joie de voir nombre de
conversions réelles et tout autant de morts
paisibles et triomphantes. Il devait, dans la
suite, évoquer souvent les visions horribles
de la guerre, ses souffrances indicibles et les
victoires de l'Évangile dont il avait
été témoin. Il apprit combien
est pressant le besoin du salut, avec quelle
simplicité il faut présenter ce
message, mais aussi quelle décision
immédiate il exige.
Ce furent là quatre années
d'allées et venues continuelles. Dix fois
l'évangéliste fut appelé
à se rendre en première ligne ; sur
plusieurs champs de bataille, il put aider à
relever et soigner des blessés, visitant les
hôpitaux et s'intéressant au sort des
prisonniers. Il fut l'un des premiers à
entrer à Richmond
après la défaite des Sudistes
(2), car il
exerçait son ministère d'amour sans
distinction d'amis ou d'ennemis. Coïncidence
à noter : tandis que Moody et ses compagnons
organisaient les secours aux blessés de la
Guerre de Sécession, à Genève,
sous l'impulsion de l'unioniste Henri Dunant
(3) et d'un autre
chrétien de marque, Gustave Moynier,
naissait l'institution qui devait devenir la
Croix-Rouge internationale.
L'unioniste au travail
La paix signée et le travail de
la commission des armées à son terme,
Moody put se consacrer de nouveau à la
communauté qui s'était groupée
autour de son École du dimanche de
North-Market ainsi qu'à l'Union
chrétienne de jeunes gens.
L'École avait pris un essor
rapide. De deux cents le nombre des
élèves avait passé dès
la première année à six cents,
répartis en quatre-vingts groupes ; il ne
cessait de croître et l'on en compta
jusqu'à quinze cents. Tandis qu'il recrutait
des élèves, Moody travaillait aussi
à former des moniteurs capables ; il les
choisissait avec soin, pour écarter les
incapables. De nombreux aides lui vinrent,
même de quartiers lointains : jeunes gens de
qualité, hommes et femmes de distinction
aussi bien qu'anciens élèves qui,
jadis turbulents, étaient devenus des
chrétiens convaincus. Ils étaient
liés les uns aux autres par leur
entraîneur incomparable qui se
révélait exigeant pour eux autant
qu'il l'était pour lui-même et vouait
à chacun une amitié à toute
épreuve.
Le moment vint de créer un lien
plus étroit entre les familles du quartier
gagnées à l'Évangile. Toujours
préoccupé de travailler en harmonie
avec les Églises constituées, Moody
ne se souciait pas d'en former une de plus. Il
aurait aimé que les nouveaux convertis
fussent reçus dans les communautés
existantes ; à cet effet, il convoqua leurs
représentants. Hélas ! chacune
voulant maintenir ses prétentions et imposer
ses méthodes, il dut se convaincre que, pour
assurer la continuité du
travail et la cohésion entre ses auditeurs,
il devenait indispensable de créer un foyer
spirituel où ils se sentissent pleinement
chez eux. Ainsi, l'on constitua une
communauté sur le type des Églises
congrégationalistes, communauté
indépendante de toute
fédération particulière ; on
lui conserva le plus possible son caractère
d'oeuvre de conquête en appelant à
participer à ses réunions tous les
pasteurs évangéliques qui se
déclaraient d'accord avec la base biblique
adoptée.
En même temps que se
développait ainsi l'oeuvre de North-Market,
prospérait l'Union chrétienne de
jeunes gens de Chicago. L'affluence des membres ou
des participants aux réunions de
prière de midi, autant qu'aux séances
d'évangélisation et aux
conférences du soir, fut bientôt si
considérable, que l'on dut envisager la
construction d'un bâtiment plus vaste. Pour
réussir dans cette entreprise, la Y.M.C.A.
ne crut pouvoir faire mieux que de nommer
président celui qui jusqu'alors avait
fonctionné comme agent général
bénévole. Elle ne fut point
déçue. Dans ses nouvelles fonctions,
Moody déploya un savoir-faire, un talent
d'organisation, un zèle de collecteur tels
qu'en peu de temps les fonds nécessaires
étaient recueillis. Le 29 septembre 1867, le
bâtiment fut inauguré au milieu de
l'enthousiasme général. On l'appela
Farwell Hall, du nom de l'ami
généreux qui, depuis des
années, avait été le bras
droit de Moody. Quelques mois à peine
s'étaient écoulés qu'un
incendie détruisait l'édifice de fond
en comble. Sans perdre un instant, Moody et ses
amis se remirent en campagne et, déjà
l'année suivante, le second Farwell Hall,
plus grand que le premier, était
solennellement ouvert, mais, hélas ! devait
subir le même sort que le premier lors du
grand incendie de Chicago.
Qu'on n'aille point s'imaginer que Moody
mît sa gloire et vît l'avenir des
Unions chrétiennes dans la construction de
palais de la jeunesse ! Il estimait indispensable
de donner à celle-ci des locaux aussi bien
aménagés que possible afin de
contrebalancer l'attrait que les trop nombreux
lieux de plaisir exerçaient sur les
isolés et les sans-foyer. Mais, dans sa
pensée, ce fut là toujours un moyen
et jamais un but. La vraie raison d'être des
U.C.J.G. restait avant tout pour lui, comme pour
George Williams, l'un des fondateurs du mouvement
unioniste, de «gagner la jeunesse à
Jésus -Christ».
(4)
À combien de reprises, ne
l'a-t-il pas dit et redit ? Qu'on relise à
ce propos son discours de dédicace :
«Au cours de ce dernier mois,
alors que nous louchions au but, on m'a maintes
fois répété : «Ne vous
enorgueillissez pas ! » Et l'on avait raison
:je sens plus vivement que jamais que c'est
Jésus-Christ qui a réalisé
pour nous cette grande oeuvre et c'est Lui que nous
voulons bénir ensemble pour ce
présent admirable.
Le
premier foyer de l'U.CJ.G. de Chicago dont Moody
fut le président. Ce bâtiment fut
également le premier foyer des U.CJ.G.
américaines.
George
Williams, co-fondateur de l'U.C.J.G. de Londres, en
1844, et pionnier des U.CJ.G. britanniques.
Il y a quelques années, l'Union allait
périclitant ; autant dire qu'elle
était en passe de mourir. Ceux qui l'avaient
fondée avaient eu le tort de s'imaginer que,
s'ils ouvraient quelques salles et
annonçaient qu'on y donnerait des
conférences variées, des
pécheurs viendraient d'eux-mêmes
demander à être sauvés. Il leur
fallut peu de temps pour reconnaître que,
s'ils voulaient sauver les perdus, ils devaient
aller les chercher dans les rues
écartées et les sombres recoins
où l'on se cache loin de la lumière
du Christ et de son Évangile. Alors nous
sortîmes à leur recherche. C'est cela
que Jésus-Christ attendait de nous. Et
maintenant, parce que, Lui ayant obéi, nous
avons suivi Sa voie. Il nous a permis
d'édifier cette maison.
Mais il me semble que notre Union
chrétienne de jeunes gens ne fait que
commencer. Des gens nous disent que nous sommes
arrivés à la limite de nos
possibilités. Non ! Nous devons nous unir au
pied de la Croix, attaquer et conquérir pour
Christ la cité tout entière. Quand je
vois, par milliers, des jeunes hommes suivre un
chemin qui mène à la mort, il me
semble que je vais tomber aux pieds de
Jésus, criant à Lui avec
prières et avec larmes, le suppliant de
venir les sauver et de nous aider à les Lui
amener... »
Ainsi, l'influence exercée par
Moody avait dépassé les limites de
son quartier et même celles de la grande
ville. On parlait ailleurs qu'à Chicago de
ses dons d'orateur populaire et des
étonnants résultats qu'il avait
obtenus parmi les jeunes gens.
Chacun voulut connaître ses méthodes,
l'entendre lui-même ; l'une après
l'autre, des «conventions»
d'Écoles du dimanche, des concentrations
d'Unions chrétiennes de jeunes gens firent
appel à son concours. Seul, ou avec un ou
deux amis intimes animés d'un égal
enthousiasme et d'une même foi, il prit une
part active à de nombreux congrès et
contribua à leur donner un vigoureux
élan en créant, entre efforts divers,
une plus grande unité d'inspiration. Le
mouvement des Écoles du dimanche, qui a
joué un rôle très important
dans l'éducation religieuse en
Amérique, lui est, pour une bonne part,
redevable de ses progrès.
Les assemblées
révélèrent aussi ses aptitudes
à la présidence. il était
l'ennemi juré des redites et des vaines
«palabres», des questions administratives
qui noient tout et, à plus d'une reprise, il
ne craignit pas de bousculer des programmes
savamment établis pour laisser libre cours
aux souffles de l'Esprit.
En 1861 déjà, une
«convention» de directeurs et moniteurs
d'Écoles du dimanche avait été
convoquée à Princeton, dans
l'État de New-jersey. Au dernier moment, les
orateurs désignés ayant fait faux
bond, le Comité recourut à Moody et
à son ami Hawley, simple employé de
commerce. Ils arrivèrent à Princeton
trop tard pour se coucher, trop tôt pour
commencer le travail. Transis de froid et tremblant
d'appréhension, ils passèrent les
dernières heures de la nuit en prière
; au matin, sabrant l'ordre du jour, ils
annoncèrent des réunions d'appel et
de consécration suivies d'entretiens
particuliers pour répondre aux questions
personnelles. Ce fut le début d'un
réveil important.
Trois ans après, nouvelle
«convention» à Springfield
(Massachusetts), mêmes expériences et
mêmes résultats. Toutes les
Églises s'unirent dans l'intercession. La
ville entière fut émue, et les
délégués repartirent moins
instruits par de savantes études
qu'enflammés d'une ardeur inconnue pour
arracher les âmes à l'Ennemi. Ce fut
une nouvelle manifestation de puissance.
Il n'en devait pas être autrement
dans le monde des Unions chrétiennes de
jeunes gens : du Maine au Texas, de Montréal
à San-Francisco, de Saint-Paul à la
Nouvelle-Orléans, année après
année, Moody, défricheur, laboureur,
semeur et entraîneur d'hommes, ne cessa de
stimuler les groupes de jeunes gens. Entre chacune
de ses tournées, il
revenait à Chicago passer
quelques jours dans son église et à
son foyer ; il fallait d'abord répondre aux
lettres qui s'étaient accumulées sur
son bureau. Mais, bien vite, il se remettait en
route, vaillant ambassadeur du Christ.
Ce chef entraînant était
aussi un quêteur merveilleux. Très
différent en cela du missionnaire
François Coillard qui avouait «ne pas
savoir collecter et avoir le métier en
aversion», Moody semblait prendre plaisir
à réclamer l'appui financier de ses
amis. Dans sa pensée, il leur rendait
service et, de fait, nombre d'entre eux surent
répondre généreusement. Il ne
craignait même pas de frapper souvent
à la même porte. Quelqu'un s'en
étonnant et conseillant de s'adresser
plutôt à ceux qui ne donnent jamais,
il répliqua non sans bonhomie :
« - Quand vous avez besoin d'un
seau de lait, allez-vous à la vache que l'on
trait de façon régulière ou
à celle qu'on ne trait que de temps à
autre?...»
L'argument était logique.
C'était l'esprit de foi et
d'obéissance qui, inspirant demandes et
réponses, constituait la valeur
réelle de ces dons. Toujours les appels de
Moody s'accompagnaient et s'enveloppaient de
prières. Bien des années plus tard,
à son fils qui l'aidait et venait d'envoyer
quelques lettres
- As-tu prié avant de les
écrire ?
- Non !
- Alors comment attendre une
réponse, si tu n'as pas prié
'?
Et cela n'était point apparence
pure. Rien ne lui répugnait davantage que
formalisme et patois de Canaan ! Tout autant que
son désintéressement absolu, sa
précision et sa sagacité d'homme
d'affaires expliquent amplement le succès de
ses campagnes d'ordre financier.
Sur un point éclatait son
intransigeance : aucune dette ne devait grever des
constructions élevées pour le service
et la gloire de Dieu ! Lors de la reconstruction de
l'église de l'Avenue, à Chicago, bien
que, malgré l'apport magnifique des
Écoles du dimanche (5)
, les fonds recueillis ne
couvrissent pas les frais, on s'apprêtait
à inaugurer l'édifice et le
Comité invita Moody a prendre part à
la cérémonie d'inauguration. il
répondit d'un trait
:
«Présentement
empêché de collaborer à votre
effort, je suis en pensées avec vous, et je
prie Dieu continuellement de vous bénir et
de vous diriger. Mais une chose me préoccupe
: c'est que nous n'avons aucun droit de consacrer
à Dieu ce que nous ne possédons pas ;
impossible de procéder légitimement
à une dédicace tant qu'il nous reste
quelque chose à payer ! ...
»
En bien des domaines, on le voit, il
avait fait ses preuves. On ne le regardait plus
avec défiance. Ceux-là même qui
l'avaient d'abord le plus âprement
critiqué reconnaissaient maintenant en lui
un homme de l'Esprit. Ses succès
n'altéraient ni son zèle, ni sa joie
au travail et pas davantage son humilité
foncière.
Mais il lui manquait encore quelque
chose pour devenir l'instrument dont Dieu devait se
servir pour réveiller un monde.
LES INSIGNES UNIONISTES
|
|
L'INSIGNE ROND
L'insigne rond est l'insigne officiel
mondial des U.C.J.G. Au milieu, la Bible,
ouverte dans le monogramme de Christ ; XP
(les 2 premières lettres du nom de
Christ, en grec).
|
L'INSIGNE TRIANGULAIRE
L'insigne triangulaire, d'origine plus
récente, est surtout utilisé
dans les pays anglo-saxons, les
abréviations Y.M.C.A.
remplaçant U.C.J.G. Les trois
côtés du triangle rappellent
que les U.C.J.G. travaillent au
développement de l'esprit, de
l'âme et du corps des jeunes.
|
|