Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



MOODY
PÊCHEUR D'HOMMES - MILITANT DES U. C. J. G.




CHAPITRE IV
CRISE INTÉRIEURE - TOTALE LIBÉRATION

 

Vie trop remplie

Une lettre que, pendant les années de guerre civile, Moody écrivit à l'un de ses frères, donne le programme de ses journées et renferme un aveu significatif : «Je ne réponds pas à une lettre sur dix que je reçois ; il est chaque jour onze heures ou minuit quand je puis m'aller coucher et je me lève à l'aube. J'aimerais que tu viennes une fois an moment de mes réceptions : tu verrais le monde qui m'attend ! Je n'ai pas cinq minutes à moi pour étudier, aussi dois-je parler comme ça vient ! ».

Or, depuis cette époque, d'année en année, ses tâches s'étaient étendues, multiples et absorbantes. Continuer à une telle allure ne pouvait aboutir qu'à un rapide épuisement. Serait-ce là le résultat de cette passion toute désintéressée pour les âmes et de cette foi sincère et active.

Par la grâce de Dieu, ce n'est pas à un effondrement - redouté par lui-même et quelques-uns de ses amis - que l'on va assister, mais, bien plutôt, à un laborieux et profond effort de sanctification. Dans ce travail intérieur, Dieu et Moody eurent leur part : Moody par son indéfectible humilité entretenue dans la prière, Dieu par Sa Parole. On ne dira jamais assez la merveilleuse puissance qu'exerce, dans le secret des coeurs, la Parole divine, épée de l'Esprit ; c'est le plein exaucement de la prière d'intercession du Christ pour ses disciples : «Sanctifie-les par ta Vérité ; ta Parole est la Vérité».

Mais Dieu agit aussi par les témoins qu'Il a placés à côté de nous ou qu'Il nous a fait rencontrer au moment favorable. C'est par eux qu'Il se révèle à ceux qu'il veut former pour Son service et c'est par eux qu'Il communique Son Esprit.

Voyons d'abord ce qui en est de Moody lui-même.
Le malaise qu'il éprouvait à la vue de son ignorance et des lacunes de son éducation allait s'accentuant. Souffrance d'orgueil ? Non certes, mais de ne pas accomplir comme il le faudrait l'oeuvre du Maître, souffrance de se sentir inférieur à la tâche. Son humilité, le sauvant de l'aigreur et du découragement, lui faisait accepter avec gratitude observations et critiques ; par elles il saisissait toute occasion d'étendre le champ de ses connaissances. il aimait à rechercher, à recevoir l'aide de ceux qui lui étaient supérieurs en culture et en expérience, à solliciter leurs conseils. Il aurait voulu se remettre à l'école, suivre des cours ; il n'en eut jamais le temps. Par bonheur ! dirons-nous, songeant qu'il risquait d'y perdre quelque chose de sa spontanéité, de sa puissante originalité, songeant aussi que les livres pouvaient diminuer la force de son inspiration prophétique ; car enfin, ils ont plus d'une fois tué les prophètes que Dieu avait suscités et dont Il voulait se servir !

Moody a été l'homme du LIVRE qu'il n'a cessé de sonder et de commenter. Ce fut, à l'École du dimanche et dans toutes ses activités, son seul manuel, mais un manuel encore imparfaitement connu. Au début, pour réveiller les âmes, on l'a vu insister sur la Loi plus que sur la Grâce, compter sur la peur plus que sur l'amour. En vérité, devait-il s'étonner que. le résultat de ses efforts fût parfois infécond ? Des temps d'abattement profond suivaient les journées les plus remplies, les conférences les plus émouvantes. Il ne cessait de prier et de solliciter l'intercession de ses amis: Dieu ne devait-Il pas les exaucer. N'était-ce point Lui qui entretenait, dans l'âme de son serviteur, la faim et la soif de Sa Parole ?

Moody raconte à ce propos comment il fut guéri du découragement.
«Certain lundi, après avoir prêché la veille, sans aucun fruit, semblait-il, je me sentais tout à fait abattu. Assis à mon bureau et ruminant sur mon insuccès, je reçus la visite d'un jeune homme qui dirigeait un groupe biblique d'une centaine d'adultes. Je le vis très heureux, tandis que moi j'étais au fond de l'abîme.
- Comment s'est passée votre journée d'hier, me demanda-t-il ?
- Misérablement, lui dis-je. Je n'ai rien obtenu et me sens très découragé. Et vous, qu'avez-vous fait
- Ma journée a été magnifique. Je n'en ai jamais en de meilleure.
- Ah ! Quel sujet traitiez-vous ?
- La vie et le caractère de Noé. Avez-vous jamais prêché sur Noé? Avez-vous jamais étudié sa vie?
- J'avoue que non. je croyais savoir assez bien tout ce que la Bible raconte sur lui. Toute son histoire tient en quelques lignes.
- Vous feriez bien alors de l'étudier maintenant. Cela vous aidera. Noé est un personnage admirable...
Lorsque le jeune homme m'eut quitté, Je pris ma Bible et quelques autres livres, et me mis à lire tout ce que je pus trouver sur Noé. je n'étais pas encore très avancé dans ma lecture quand cette phrase surgit et se fixa dans mon esprit : «Voici un homme qui a travaillé cent-vingt ans sans voir une seule conversion en dehors du cercle de sa famille. Et malgré cela il ne s'est pas relâché ! ... ».

Je fermai le livre. Les nuages s'étaient dissipés. je sortis pour aller à la réunion de prières de midi. J'y étais à peine arrivé qu'un homme se leva et dit venir d'une petite ville de l'Illinois où, la veille, on avait admis dans l'Église pas moins de cent jeunes convertis. En l'écoutant, Je méditais en moi-même : «Qu'est-ce que Noé aurait donné pour entendre cela, lui qui n'a jamais vu pareil résultat de son labeur... »
Après quoi, un homme assis derrière moi se leva et dit
- Je tiens à vous demander de prier pour moi : Je voudrais devenir chrétien.

Je pensai : «Qu'est-ce que Noé aurait donné pour entendre cela, lui qui n'a entendu aucune âme implorer la grâce de Dieu, et qui ne s'est pas découragé pour autant ? »
Depuis ce jour, conclut Moody, je n'ai plus jamais suspendu ma harpe aux saules du rivage.»


Et c'est dans ces dispositions qu'il reprit son travail.
Mais trop d'éléments humains encombraient encore cette existence débordante. Le service joyeux du début pouvait se transformer en servitude. Toujours reste vraie la parole de Vinet : «L'exercice du ministère tue l'esprit du ministère si rien, au-dedans, ne l'entretient». C'est là, dans ce lent et laborieux effort fait de dépouillement, de renoncements et de progrès successifs, que Dieu l'aida en lui donnant de précieux compagnons de route.

Le rôle d'une épouse

Au premier rang de ces « ouvriers avec Dieu » doit figurer celle en qui Moody trouva J'aide semblable à lui », un vrai don du ciel, la femme vertueuse et active dont le livre des Proverbes dit que celui qui la trouve, trouve le bonheur.

Emma-Charlotte Revell était fille d'un constructeur de bateaux d'origine anglaise, venu s'établir à Chicago en 1847 à la suite de revers de fortune. Intelligente, elle avait poursuivi ses études en vue d'obtenir le brevet d'institutrice, brevet qu'elle n'utilisa guère, s'étant fiancée à dix-sept ans, et mariée à dix-neuf ! Assurément, elle fit preuve de confiance en acceptant une situation qui ne lui offrait aucune garantie d'avenir, car pour se consacrer exclusivement à l'évangélisation, son époux venait de renoncer à une carrière rémunératrice.
D'éducation soignée et de nature plutôt réservée, cette jeune femme ne craignit pas d'associer sa vie à celle d'un être bouillant, brusque, dépourvu de manières. Pourquoi? Parce qu'elle partageait son ardente foi et avait reconnu ses qualités profondes et son coeur aimant. Sans s'imposer jamais, elle sut polir les angles de ce caractère, l'adoucir sans l'affaiblir, lui donner avec grâce des conseils sur la façon de se conduire en société, ou de rédiger ses lettres (car - il ne faut pas le dissimuler - Moody resta longtemps brouillé avec l'orthographe !). Elle fit de leur home familial le sanctuaire où son mari venait chercher, dans le recueillement, l'inspiration nécessaire à ses incessants travaux, la retraite paisible où il renouvelait ses forces, le foyer hospitalier où ses nombreux amis aimaient à se rendre. Largement, elle prit sa part des responsabilités dans l'oeuvre de son compagnon de route. De plus, elle partagea ses diverses activités extérieures. À l'École du dimanche d'abord : rien de plus naturel, puisque c'est là qu'ils s'étaient rencontrés ! On raconte à ce sujet que, peu après leur mariage, un visiteur se montra fort surpris, pour ne pas dire scandalisé, de trouver un groupe d'hommes; presque tous dans la quarantaine, dirigés par une très jeune personne.
- Comment, s'écria-t-il, ose-t-on confier pareille tâche à une jeune fille, assurément inexpérimentée ? Le directeur répondit brièvement qu'elle s'y entendait assez bien. Quelques instants plus tard l'importun revenait à la charge.

Moody à 33 ans avec sa femme, en 1869.

- Voulez-vous me dire, je vous prie, M. Moody, qui est cette monitrice ?
- Bien volontiers : c'est ma femme !...

De plus Emma se chargea de presque toute la correspondance, tint les comptes, aida souvent à la préparation des discours. Et, que de fois dans des campagnes d'évangélisation, ne la vit-on pas se vouer à la cure d'âmes qui prolonge et approfondit l'heureux effet des appels? Au témoignage d'estime que lui rendait son époux en lui confiant souvent des cas difficiles, ajoutons celui d'un tiers : «Nous venions de faire la connaissance de Mrs. Moody, écrivait une amie d'origine écossaise, mais un jour suffisait pour voir quelle source de force et quel appui elle était pour son mari. Plus j'eus l'occasion de la rencontrer et plus je pus me convaincre qu'une bonne part de sa puissance lui venait d'elle, non seulement par ce qu'elle a fait pour lui, mais par ce qu'elle était par elle-même. Sa pensée indépendante - car elle fut loin de n'être qu'un écho impersonnel de la pensée de son seigneur et maître ou un simple reflet de sa volonté -, son calme en face de la force impulsive qui le caractérisait, son humilité, sa grande noblesse de caractère, sa sincérité, sa pureté cristalline ont été pour le grand évangéliste une aide incomparable dans son oeuvre aussi ardue qu'épuisante.»

Moody devait confirmer hautement cet hommage lorsque, sur son lit de mort, il fit cette suprême confidence à celle qui, trente-cinq ans, avait été sa fidèle compagne :
- Maman, tu as été pour moi la meilleure des femmes ! ...

Premier séjour en Angleterre

Les «Frères de Plymouth» rencontrés par Moody au début de sa carrière l'avaient frappé par la ferveur de leur piété et par leur connaissance approfondie des Écritures. Aussi désirait-il, en allant assister à l'une des assemblées qu'ils tenaient annuellement en Grande-Bretagne, prendre contact avec ces géants de la Parole de Dieu dont les livres l'édifiaient.

Voyant son mari plus absorbé que jamais, toujours inquiet, et incapable de dissiper son trouble intérieur, Emma Moody ne put qu'encourager ce projet. Comme elle souffrait elle-même de crises d'asthme qu'un voyage en mer pourrait peut-être soulager, tous deux décidèrent subitement de quitter l'Amérique au printemps de 1867.

Parmi les relations personnelles que ce séjour devait favoriser, il faut signaler d'abord celles que Moody contracta avec Charles-Haddon Spurgeon, l'éminent prédicateur baptiste dont il avait lu toutes les publications. Dès son arrivée à Londres, il se rendit au Metropolitan Tabernacle où l'orateur prêchait chaque dimanche, saisissant au surplus toute occasion de l'entendre ailleurs. Le coin de galerie où il avait pu trouver place lui fut, dit-il, «un Béthel». Et l'amitié qui. naquit de ces relations lui devint une force.

D'autre part, engagé comme il l'était dans le mouvement des Unions chrétiennes de jeunes gens, il ne pouvait rester indifférent à l'effort qui se poursuivait en faveur de la jeunesse londonienne. Il vit George Williams (1) , assista à des séances où on le fit parler de ses propres expériences et, partout où il le put, recommanda les réunions de prières quotidiennes comme une source particulière de bénédiction pour le rapprochement des chrétiens (2).

D'emblée sa simplicité charmante et sa brusque franchise s'imposèrent à tous. Au cours de l'une des assemblées des sociétés religieuses qui se tiennent chaque année à Londres, au mois de mai, on lui avait demandé, selon l'usage, de présenter une «résolution» pour remercier le haut personnage qui avait présidé la séance et qui n'était autre que le très estimé lord Shaftesbury. On l'annonça comme suit :
- Notre cousin américain, le pasteur Moody, de Chicago, va vous proposer de voter des remerciements au noble comte.
Moody se leva, dédaigneux de toutes les formes conventionnelles :
«Le président, dit-il, a commis deux erreurs : tout d'abord, je ne suis pas M. le pasteur Moody, je ne suis que Dwight L.Moody - je m'occupe d'Écoles du dimanche. En second lieu, je ne suis pas voire cousin d'Amérique ; par la grâce de Dieu, je suis voire frère, m'intéressant comme vous à l'oeuvre que le Père céleste accomplit pour Ses enfants. Maintenant, en ce qui concerne les remerciements «au noble comte», je ne vois pas pourquoi nous aurions à le remercier plus qu 'il n'aurait, lui, à le faire. Lorsqu'il y a quelque temps, on voulut louer noire grand président Lincoln d'avoir présidé une assemblée, il s'y opposa, disant qu'il avait essayé de faire son devoir, comme ses auditeurs avaient essayé de faire le leur. À son avis, tous étaient quittes ! ... »

Par cette entrée en matière, assez inattendue, Moody gagna d'un seul coup la sympathie de ses auditeurs et le trait fit fortune.
À d'autres occasions, il stimulait. le zèle des unionistes en les poussant à entreprendre des campagnes d'évangélisation et à faire de la propagande jusque dans les établissements publics, ce qui ne fut pas sans provoquer une vive opposition. Passant à Bristol, il tint à visiter les fameux orphelinats de George Müller : «Il a cent cinquante élèves», écrit-il à sa mère, «et ne demande jamais un centime. Il fait appel à Dieu et Dieu envoie l'argent nécessaire. C'est merveilleux de voir ce que Dieu peut faire d'un homme qui prie !».

Si bref qu'ait été ce premier séjour de quatre mois en Grande-Bretagne, il permit au ménage Moody de gagner de précieuses amitiés qui devaient faciliter grandement le travail ultérieur. Rendant compte du dîner d'adieux qui fut offert au «cousin d'Amérique», un Journaliste nota : «Peu d'hommes visitant un pays étranger se sont créés en si peu de temps autant d'amis ; peu d'hommes arrivant sans lettres de recommandation ont su conquérir l'affection d'un aussi grand nombre de frères à qui ils étaient jusqu'alors complètement inconnus».

De retour aux Etats-Unis, Moody reprit son activité itinérante, gardant un très reconnaissant souvenir à ceux qui l'avaient si fraternellement accueilli et encouragé. Une lettre à l'un de ses hôtes en fait foi : « ... Dieu travaille dans notre pays. Plus de huit cents membres se sont joints à notre Union chrétienne de jeunes gens depuis mon retour ; ils viennent à nous de toutes les Églises. Nous sortons en bande de vingt à cent et tenons des réunions en plein air dans la ville. Ensuite, nous dirigeons nos auditeurs vers les Églises, et quelques-unes, parmi les plus riches et les plus conservatrices, ont ouvert leurs portes toutes grandes pour recevoir la foule qui avait assisté à notre réunion. On entend de tous côtés la même question : Que dois-je faire pour être sauvé ? Priez Pour que Dieu me garde dans l'humilité près de Lui... ».

Deux hommes, deux méthodes

Si Moody s'était senti attiré par une instinctive et vive sympathie vers Spurgeon, rien par contre ne le poussait à se lier avec un jeune évangéliste qui, en Angleterre, vint se présenter à lui et annonça son intention d'entreprendre une campagne d'évangélisation aux Etats-Unis. Déjà le fait d'offrir lui-même ses services marquait, aux yeux de Moody, une singulière outrecuidance. De plus, ce personnage, nommé Henry Moorehouse (il avait alors vingt-sept ans, mais n'en paraissait que dix-sept), continuait à se faire ou à se laisser appeler «the Boy-preacher», le garçon-prédicateur. Or, Moody avait horreur de toute réclame qui lui semblait incompatible avec la dignité de l'Évangile. Il ne put vaincre ses préventions et repartit pour l'Amérique sans attendre Moorehouse. Celui-ci prit le bateau suivant et commença ses réunions à New-jersey, d'où il écrivit à son correspondant pour lui annoncer son arrivée prochaine et renouveler ses avances. À quoi l'homme de Chicago répondit, non sans froideur : «Si l'on doit vous voir dans l'Ouest, venez me faire visite ».

« Je pensais qu'après cela » raconte Moody dans ses souvenirs personnels, je n'entendrais plus parler de lui. Mais je reçus bientôt une nouvelle lettre me disant qu'il n'était pas loin de nous. Je lui répondis comme la première fois. Peu de jours plus tard, troisième message précisant qu'il arriverait un certain jeudi, à Chicago et qu'il me remplacerait volontiers le dimanche. je ne savais que faire, m'étant fourré dans la tête qu'il ne pouvait monter en chaire. Comme je devais m'absenter, j'avertis les anciens de mon Église qu'un jeune Anglais se présenterait pour prêcher à ma place, mais que j'ignorais s'il en était capable.

- Faites un essai préalable - leur dis-je - et, s'il prêche bien, vous saurez si, oui ou non, vous devez annoncer qu'il présidera le service du dimanche matin.

Sitôt rentré, j'eus hâte de savoir comment le «Boy-preacher» s'était tiré de son épreuve initiale.
- Eh bien ? dis-je à ma femme.
- On l'a beaucoup aimé, répondit-elle.
- Toi-même, qu'en penses-tu ?
- Je l'ai fort apprécié et je crois que tu penseras comme moi, même s'il prêche d'autre façon que toi.
- Comment cela ?
- Il dit aux plus grands pécheurs que Dieu les aime.
- Alors, il se trompe.
- Mais c'est sur les Écritures qu'il s'appuie : tu ne peux être en désaccord avec lui !
Le dimanche arriva. Je remarquai que tous les auditeurs s'étaient munis d'une Bible et qu'il indiquait d'une façon précise les passages sur lesquels se basaient ses affirmations. Le soir, l'église était comble, et il reprit le même texte : Jean III, 16.

Je n'avais pas encore compris que Dieu nous aimât à ce point. Mon coeur s'émut ;Je ne pus retenir mes larmes. C'était comme de bonnes nouvelles arrivant d'un pays lointain. je m'en délectais. Toute l'assemblée était à l'unisson. Je vous assure qu'il n'y a rien qui attire en ce monde comme l'amour.
Lundi, mardi, les jours suivants, Moorehouse continua de traiter le même sujet et il termina la série par ces mots : «J'ai essayé de vous montrer combien Dieu vous aime. Mais je ne sais que balbutier... ».

Humblement, Moody accepta la leçon que le jeune prédicateur venait de lui donner. Humblement, Moody l'écouta lorsqu'il lui dit en particulier :
- Vous êtes sur une mauvaise voie. Mais si vous changez et prêchez les paroles de Dieu et non les vôtres, Il fera de vous une grande force.
Et Moody changea. «Il y eut un temps où je prêchais que Dieu hait les pécheurs et je poursuivais chacun d'eux avec une épée à deux tranchants, prêt à les pourfendre tous. J'ai changé d'idées sur ce point ».

C'est, on le voit, à cette rencontre, redoutée d'abord mais providentielle, qu'il dut une attitude nouvelle.
Ainsi fut-il, une fois de plus, ramené à l'étude de la Bible. Comme il pensait et déclarait devoir absorber quantité de livres, Moorehouse lui répondit :
- Vous n'avez besoin que d'un seul.
- Mais, reprit Moody, vous-même n'en avez-vous pas étudié beaucoup pour arriver à une pareille connaissance des Écritures ?
- Je suis l'homme d'un seul livre, répliqua Moorehouse. Si un texte m'embarrasse, je cherche dans l'Écriture un autre texte qui l'éclaire ; et si je n'y arrive pas, je remets la difficulté directement à Dieu.

Dès lors retentirent d'autres accents dans la chaire de North-Market. Au lieu d'accrocher à une parole biblique un discours dans lequel il exposait avant tout ses propres pensées, les illustrant d'anecdotes inspirées par son expérience de la vie, Moody se plongea dans la lecture suivie du Livre des livres. S'attachant à une biographie, à un sujet déterminé, il simplifia ses discours. Se dépouillant du ton oratoire qu'il avait cru devoir adopter au début, il eut moins recours, pour réveiller les consciences, à l'efficacité d'exhortations enflammées. «Les paroles humaines ne servent à rien ; donnez les paroles de Christ, elles sont esprit et vie. Les églises seraient vite remplies si ceux du dehors pouvaient, en y entrant, constater que ceux du dedans les aiment. C'est cela qui attire les pécheurs. Il nous faut les gagner à nous pour pouvoir les gagner à Christ».

Rappelant ailleurs le souvenir de sa rencontre avec Moorehouse, Moody déclarera ceci : « Je retins le mot amour, et je ne sais combien de semaines je mis à étudier les passages où ce mot revient, jusqu'à ce que je ne pusse m'empêcher d'aimer tout le monde. Je m'en étais nourri au point que l'ambitionnais de rendre meilleures toutes les personnes avec qui j'entrais en relations. J'en étais pénétré jusqu'aux moelles. Prenez, vous aussi, ce sujet. Sondez-le dans votre Bible. Vous en serez tellement pénétré que tout ce que vous aurez à faire sera simplement de laisser s'ouvrir votre coeur. Alors se répandra le flot de l'amour de Dieu »...

L'orateur et le musicien : Moody et Sankey

Quelque deux ans plus tard, Moody rencontra l'homme dont le nom allait devenir inséparable du sien : Ira D. Sankey.

D'origine anglaise par son père, irlandaise par sa mère, Sankey était né en Nouvelle-Angleterre. Il appartenait lui aussi au milieu puritain. Sa conversion, tout comme celle de Moody, avait été préparée et encouragée par son moniteur d'École du dimanche et par un simple marguillier. Il avait alors seize ans. Peu après, sa famille alla s'installer à Newcastle où il fut admis dans l'Église méthodiste épiscopale et, à vingt ans déjà, on lui confiait la direction d'une classe biblique de trois cent cinquante élèves. C'est là que se révélèrent ses dons musicaux. Il aimait à «chanter l'Évangile dans le coeur de ses enfants». Placé à la tête d'un groupe d'adultes et appelé à la présidence d'une Union chrétienne de jeunes gens récemment fondée, il ne tarda pas à comprendre que son premier devoir était de se mettre sérieusement à l'étude de la Bible. Il acquit ainsi une remarquable maturité spirituelle. Vint la Guerre de Sécession. Engagé volontaire, il revint au bout de trois mois et entra au département des finances où son avenir était assuré. Mais il continuait à mettre ses forces au service de l'Église, participant avec joie à des campagnes de réveil ou à des congrès unionistes. Il excellait à traduire dans ses chants la bonne nouvelle de l'Évangile et nombre de ses cantiques devaient connaître une rapide popularité. Sans être l'élève d'aucun conservatoire, il se révélait musicien de race, tout comme Moody, sans posséder aucun diplôme, s'était révélé orateur éminent.

C'est au congrès annuel des Unions chrétiennes de jeunes gens, convoqué, en 1870, à Indianapolis, que tous deux se rencontrèrent pour la première fois. Dirigé par un vieillard fort respectable, le chant traînait lamentablement ; la séance traînait comme le chant, au désespoir de Moody que l'on avait porté à la présidence. Ce que voyant, un voisin poussa Sankey du coude, lui soufflant à l'oreille
- Entonnez donc quelque chose, vous !

Sankey se leva et chanta l'un de ses cantiques.

Sitôt la séance terminée, Moody fond sur lui. Sans autre préambule, un bref dialogue s'engage :
- Où demeurez-vous ?
- À Newcastle.
- Marié?
- Oui !
- Combien d'enfants?
- Un.
- J'ai besoin de vous pour m'aider à Chicago.

Ira D. Sankey, collaborateur de Moody.

- Je ne puis quitter ma place !
- Il le faut. Voilà huit ans que je vous attends. Vous allez lâcher votre emploi et venir avec moi. Vous chanterez, je parlerai.

Sankey réclama huit jours de réflexion. Avant la fin du cinquième, il était démissionnaire. Pareille décision entraînait pour lui un sacrifice matériel considérable. Mais est-ce que cela compte lorsqu'à travers Moody l'appel est venu de Dieu ? Sankey obéit et, dès l'année suivante, commença cette admirable collaboration qui devait durer vingt-huit années, collaboration doublée d'une amitié que rien ne voila jamais.

Ces deux hommes étaient faits pour s'entendre. À maints égards, ils avaient passé par le même chemin : conversion dans des circonstances analogues, zèle commun pour la cause de l'Évangile, semblable amour pour la jeunesse, désintéressement et esprit de consécration pareils. Tous deux étaient convaincus de l'importance que peut avoir le chant dans l'évangélisation, à cette différence près que jamais Moody n'a pu émettre deux notes justes, alors que son ami, en plus d'une oreille impeccable, était doué d'un organe hors de pair.
«Voix d'un timbre particulier, a-t-on écrit, voix qui émouvait profondément, voix très douce et qui néanmoins portait à de grandes distances... Dès qu'il en faisait usage, un silence passait sur la foule comme si des anges la frôlaient de leurs ailes. Il semblait que, derrière le chanteur, le Christ lui-même était apparu... »

Prédicateur et chantre jugeaient que la valeur permanente d'un cantique dépend de la vérité qu'il proclame, «La musique - disait Moody - est comme les plumes de la flèche ; elle aide les mots à pénétrer Jusqu'au coeur». Néanmoins, prise pour elle-même, elle le laissait indifférent. Quand à Sankey, loin de faire d'elle le but unique de ses efforts, il tenait à ce que, exclusivement composées de chrétiens, les masses chorales aient leur part dans le témoignage à rendre.
«La musique doit garder son rôle de servante car, lorsqu'elle veut être maîtresse, l'Évangile descend au rang de timide prince-consort ».
Sankey et Moody entendaient que l'Évangile eût toujours la première place.
Ce fut là le secret de leur influence.

Forces à l'oeuvre

Ainsi, entouré de ses proches,. soutenu par ses collaborateurs et par des amis fidèles qui pourvoyaient à ses besoins (ne lui firent-ils pas don d'une petite maison toute meublée où il pût être entièrement à soi ?), Moody voyait s'étendre sans arrêt le champ de son action. Par bonheur, apparemment inaccessible à la fatigue, il voyait aussi se renouveler ses forces ; mais le malaise intérieur naguère ressenti ne s'était pas totalement dissipé. Que manquait-il donc à son ministère ?

Parmi les auditrices de North-Market, l'orateur avait remarqué deux dames âgées qui suivaient avec attention les réunions du milieu du jour. Leur attitude, leurs regards pénétrants ne laissaient pas de le gêner. Leur présence le troublait, mais, chose curieuse, leur absence lui était pénible. Se rendaient-elles compte que la voie qu'il suivait n'était pas selon la volonté de Dieu, parce que, dans son travail, les activités extérieures tenaient une place excessive ?

Moody, de son côté, reconnaissait que toute ambition personnelle n'était pas morte en son âme : revenant à d'anciens errements ne lui était-il pas arrivé de se prêcher lui-même au lieu de prêcher Christ ? Il se souvenait de la parole que, longtemps auparavant, un chrétien âgé lui avait un jour adressée : «Jeune homme, lorsque vous parlerez de nouveau, honorez le Saint-Esprit ! ». Et, au lieu de s'appliquer à prêcher la Parole de Dieu, n'était-il pas retombé dans le simple exposé de la morale humaine ?
À l'issue d'un service, s'approchant du prédicateur, l'une des soeurs murmura :
- Nous avons prié pour vous.
- Pourquoi ne priez-vous pas pour les auditeurs?
- Parce que c'est vous qui avez besoin de la puissance du Saint-Esprit.

Il comprit que ces «mères en Israël» voulaient son bien, qu'elles l'aimaient vraiment. Mais il eut conscience qu'à leurs yeux le vieil homme en lui était encore vivace, qu'il avait plus d'un progrès à faire, plus d'une lumière à recevoir. De cela, il fut profondément humilié. Et sa femme sut lui dire avec courage :
- Elles ont raison. «Oui, j'avais besoin de puissance, reconnaîtra-t-il plus lard, mais je croyais la posséder, celle puissance ! Mon auditoire était le plus important de Chicago et j'obtenais de nombreuses conversions jusqu'à un certain point, je pouvais être satisfait. Or, sans se lasser, ces deux femmes continuaient à prier pour moi, et ce qu'elles me dirent de la nécessité d'être revêtu du Saint-Esprit vie donna fort à réfléchir. Je finis par leur demander de venir me voir. Elles vinrent. Nous nous agenouillâmes. Elles répandirent leur coeur devant bleu et Le supplièrent de me donner la plénitude de Son Esprit. Je sentis alors s'éveiller en moi comme une grande aspiration vers quelque chose que je ne connaissais pas encore. Je criai à Dieu comme jamais ne l'avais fait. Je sentis qu'en réalité peu m'importait de vivre davantage si je n'obtenais pas celle puissance dont on me parlait»...

Bien des épisodes devaient se produire avant que cette aspiration devînt une réalité.

L'incendie de Chicago

En effet, vers la même époque, et au cours d'un voyage en Californie, Moody replié sur lui-même et en proie à un douloureux sentiment de solitude, était resté longtemps livré à ses méditations. On le sentait de nouveau glisser sur la pente du découragement, cette faiblesse dont sont menacés tous ceux qui travaillent en s'appuyant sur leurs propres forces. Fallait-il changer de méthode, organiser des réunions, des conférences, des concerts variés, quelque attraction nouvelle pour ramener les foules qui semblaient se détourner de la prédication de l'Évangile. Pourtant, lorsqu'il avait entendu Spurgeon, Müller, Moorehouse, n'avait-il pas vu, comme à l'oeil, la puissance de la vieille et toujours jeune doctrine ? «O Dieu, aie pitié de moi ! », s'écriait-il. «C'est en moi que quelque chose cloche. Corrige-moi ! Je ne veux plus continuer sur celle voie ! ... ». Et tout aussitôt les souvenirs des rencontres, des expériences, des bénédictions du passé remontent à son coeur, l'émeuvent et l'éclairent. L'homme, qui tout à l'heure faiblissait, se ressaisit et rentrera à Chicago décidé à ne prêcher désormais autre chose que le pur et simple message biblique, sans se préoccuper de savoir si la chose plaira ou non.

Aussitôt il commence, avec l'aide de Sankey, une série d'études sur les grandes personnalités de la Bible. Et la vie de revenir dans l'Eglise. En dépit des chaleurs torrides de l'été, les auditoires grandissent. En septembre, on étudie la vie du Christ ; la puissance d'En-Haut est agissante. Tous les dimanches, plus de trois mille personnes se pressent à Farwell Hall.

8 octobre 1871. Avant l'exhortation finale, Sankey entonne le cantique :

Aujourd'hui jésus t'appelle,
Cherche ton refuge en Lui !
Voici la tempête et la nuit...

Moody, qui à pris pour texte la question de Pilate : «Que ferai-je de ce Jésus qu'on appelle Christ ?», presse ses auditeurs d'y réfléchir jusqu'au dimanche suivant où, au pied de la croix du Calvaire, il leur demandera à tous de prendre une décision. Puis, il congédie l'assemblée.

Or, à cette heure même, voici qu'on entend sonner le tocsin. Un incendie, activé par un vent violent, vient d'éclater et, deux jours durant, se propagera avec une vitesse effroyable. Des quartiers entiers sont réduits en cendres. Des milliers de familles restent sans abri. Le bâtiment neuf de l'Union chrétienne de jeunes gens l'un des premiers du genre), et combien d'autres sont la proie des flammes (3) . Rentrés chez eux en hâte, le prédicateur et les siens trouvent leur maison menacée. Il faut la quitter tout de suite sans vouloir rien emporter. Pourtant Mme Moody demande à son mari de l'aider à décrocher un portrait auquel elle tient particulièrement.
- Quelle plaisanterie, ma chère ! tu me vois rencontrant des amis dans la même situation que nous : - «Ah ! vous voilà, Mr. Moody ! Heureux que vous ayez pu échapper. Et que portez-vous là de si précieux ? »... Que diraient-ils si je leur répondais : « ... Mon portrait» !

Arrachant la toile à son cadre, Emma décide de s'en charger elle-même.
Longtemps après ces événements (c'était pendant l'Exposition universelle, la World's Fair, de 1893), le grand évangéliste évoquait le terrible épisode : «Je veux vous dire quelle leçon j'ai apprise cette nuit-là ;je ne l'ai jamais oubliée. La voici : quand je prêche, insister pour que ceux qui m'écoutent se donnent à Christ sans délai ; essayer de les amener à une décision immédiate. J'aimerais mieux maintenant me couper la main droite que de donner à mes auditeurs une semaine de réflexion pour examiner s'ils veulent suivre jésus. On m'a souvent critiqué. On m'a dit : «Moody, vous paraissez vouloir contraindre les gens à se décider sur le champ ; pourquoi ne leur donnez-vous pas le temps de réfléchir ? Ah ! j'ai bien des fois demandé à Dieu de me pardonner d'avoir, ce jour-là, renvoyé chez eux mes auditeurs en leur laissant une semaine de réflexion. Tant que Dieu me conservera la vie, plus jamais je ne le ferai. Dans quelques minutes, nous allons nous séparer. Peut-être ne nous retrouverons-nous plus jamais. N'y a-t-il pas dans cette pensée quelque chose de solennel ? ».

Cette «nuit d'octobre» fut aux Etats-Unis l'occasion d'un splendide élan de solidarité. Églises et Unions chrétiennes de jeunes gens se mirent immédiatement à l'oeuvre pour secourir ceux qui avaient tout perdu, la chose étant d'autant plus urgente qu'on se trouvait à l'entrée de la mauvaise saison. Avec son ardeur coutumière et tout son sens pratique, Moody fut au premier rang des réparateurs de brèches. Cependant, on le vit, au bout de quelques mois, abandonner la présidence du Comité de secours, certains le trouvant trop généreux dans sa façon de répartir les subsides. Aussitôt, il reprit son rôle de simple collecteur et d'évangéliste itinérant.

Vers la libération

C'est durant la tournée des collectes destinées à l'érection du bâtiment qui devait remplacer le temple incendié qu'il fit enfin l'expérience de sa complète libération intérieure, cette libération après laquelle il avait tant soupiré : grâce de Dieu, pure grâce, qui fit de lui un témoin de l'Évangile d'une exceptionnelle puissance.

Un jour qu'à Brooklyn, retombant dans son travers habituel, il avait recommencé de prêcher comme il le faisait auparavant, une auditrice lui dit à brûle-pourpoint :
- Nous avons assez de prêches par ici ! Dites-nous donc quelque chose de la Bible ; cela nous sera une bénédiction infiniment plus grande !

Dès le lendemain, l'évangéliste se borna à une simple lecture expliquée et s'en tint-là les jours suivants. Sans tarder, la vie revint dans cette Église. Le bruit en étant parvenu à Philadelphie, Moody y est appelé : mêmes études de la Bible et même résultat. De Philadelphie il passe à New-York. Là, un soir de novembre, tandis qu'il chemine dans les rues, n'ayant point le coeur à sa besogne de quémandeur, et qu'il supplie Dieu de l'aider dans sa détresse, la joie, une joie divine, tout à coup l'envahit. Ce fut une sorte d'ivresse exaltante. Chaque pas qu'il faisait était scandé d'un «Gloria» ou d'un "Alléluia" qui retentissaient au fond de son coeur. Et cette prière montait ardente : «0 Dieu, pourquoi ne m'obliges-tu pas à marcher avec Toi, toujours ? Délivre-moi de moi-même ! Prends la direction absolue de ma vie !» Profondément ému, il court s'enfermer chez un ami et reste seul de longues heures.

Évoquant plus tard dans un cercle intime ce moment solennel de sa vie, il avoua que les mots lui manquaient pour décrire la force qui le subjuguait. Trop longtemps, il avait essayé de puiser l'eau d'un puits qui semblait vide. Malgré ses efforts, elle n'était venue que faiblement. Mais, dès ce jour, Dieu avait fait jaillir en son âme une source qui ne devait jamais tarir.

Lorsqu'il revint à Chicago où, peu à peu, la ville se relevait de ses ruines, on put, grâce aux dons recueillis, édifier avant la fin de l'année, un grand bâtiment de bois qui servit de salle de réunions et devint le refuge, ouvert jour et nuit, où quantité de malheureux purent venir s'abriter. Moody et Sankey s'installèrent tant bien que mal dans un coin de la salle : il fallait, le soir, boucher, comme on pouvait, les trous du plancher et les fentes des parois pour conjurer l'invasion du froid, de la pluie et des courants d'air.

Le «North Side Tabernacle» édifié par Moody après l'incendie de Chicago.

Le 24 décembre, jour de l'inauguration, une foule avait rempli le local ; plus de mille enfants étaient là, accompagnés de leurs parents. Pour procéder à la dédicace, Moody ouvrit le Livre de Vie. Et que découvrit-il, devant lui ? Les deux fidèles soeurs qui, l'ayant d'abord fait trembler, l'avaient par la suite si profondément réconforté. D'elles lui vinrent ces simples paroles : « ... Après le feu, il y eut une voix comme un son doux et subtil ! ... Marchez devant Dieu tous les jours de votre vie. L'Éternel a travaillé pour VOUS ».

Totalement consacré

Une dernière expérience devait couronner toutes celles qu'il avait faites durant ces années d'activité intense et de luttes intérieures souvent humiliantes. Laissant cette fois sa famille en Amérique et confiant à Sankey la direction de l'oeuvre de Chicago, Moody repartit pour la Grande-Bretagne, afin d'y revoir ses amis et d'assister à Dublin aux conférences dites de Mildmay. Pourquoi ne pas réaliser ainsi un ancien et très cher désir : se rendre là-bas non pour enseigner mais pour écouter et apprendre?

Sitôt débarqué en Irlande, il fait la rencontre, chez un ami, de l'évangéliste Henry Varley, et c'est pendant une conversation générale qu'il entend ces mots, prononcés non point à son intention mais aussitôt gravés dans son coeur en traits ineffaçables :
«Il faut que le monde voie maintenant ce que Dieu peut faire, avec, pour, par et dans un homme qui Lui est pleinement et absolument consacré.»

Le surlendemain, se trouvant à Londres, il retourne au Tabernacle de Spurgeon, à la place même qu'il occupait en 1867 lors de sa première visite. Et tout en écoutant son éminent ami, il se sent poursuivi par les mots qu'il a entendus à Dublin.
«Le monde doit voir... par un homme entièrement consacré.. ». Un homme ! Varley pensait à un homme comme les autres ; il n'a pas dit qu'il dût être particulièrement instruit ni brillant... Un homme ! Eh bien ! avec le secours de l'Esprit, pourquoi ne serait-ce pas moi ? »
Soudain, Moody saisit quelque chose qu'il n'a pas réalisé jusqu'ici. Ce n'est pas Spurgeon qui est à l'oeuvre. C'est Dieu utilisant Spurgeon. Dieu en lui ! Alors, pourquoi n'utiliserait-Il pas les autres aussi ? Pourquoi ne nous mettrions-nous pas tous aux pieds du Maître et ne Lui dirions-nous pas: «Envoie-moi ! Emploie-moi ! ».

Puis il partit pour se rendre dans la paroisse du pasteur Lessey qu'il devait remplacer. C'est là qu'habitaient deux soeurs dont l'une était infirme. Ne pouvant assister au culte public, cette dernière s'était mise à prier pour le réveil, et, ayant eu connaissance de l'oeuvre qu'accomplissait à Chicago Dwight L. Moody, elle demandait à Dieu de lui envoyer tôt ou tard son serviteur. Ce jour-là, comme la soeur valide revenait du culte et lui disait : «Devine qui nous avons eu ce matin ! », l'infirme, ignorant totalement que l'évangéliste américain fût a Londres, salua sa venue par ces mots :
- Je sais ce que cela signifie. Dieu a entendu mes prières.

Et, le soir même, le réveil éclatait.
Ceux qui entendirent Moody les jours suivants eurent l'impression très nette que cet homme était devenu une force de Dieu. Quant à lui, il eut comme la vision de ce que pourrait produire un réveil de masses en Grande-Bretagne. Et c'est dans cet esprit qu'il se mit à la disposition du Maître. À ce même moment, trois chrétiens de ce pays, d'un commun accord, lui demandèrent de consacrer plusieurs mois à une vaste campagne d'évangélisation. Ils l'invitèrent à se libérer de ses obligations pour revenir le plus tôt possible. De plus, à eux trois, ils garantissaient son entretien et le traitement de tout auxiliaire qu'il jugerait utile d'engager. Ils promettaient d'avancer aussi les frais de voyage.
Qu'allait faire Moody ?
Aucune hésitation possible ! Une telle proposition ne répondait pas seulement à ses désirs, elle était l'exaucement de sa prière :
«Me voici, emploie-moi»


Table des matières

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1. George Williams fut l'un des fondateurs de la première U.C.J.G. britannique, celle de Londres, créée le 6 juin 1844.
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2. C'est à propos de ces réunions de prière qu'il émettait volontiers quelques règles très sages : Commencer et finir à l'heure indiquée. Ne tolérer aucune prière ou allocution durant plus de trois minutes. Ne pas admettre plus de deux prières ou allocutions consécutives. Faire chanter l'assistance pour qu'elle ne reste pas passive. Ne tolérer ni distribution de tracts ou de papillons, ni annonce, ni collecte.
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3. Dans l'incendie, qui ne cessa que lorsque le général Sheridan eût fait sauter des rues entières pour arrêter la vague de feu, deux cent cinquante personnes périrent, cent mille autres demeurèrent sans abri ; on évalua les pertes à deux cents millions de dollars (près d'un milliard de francs or).

 

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