Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



PETIT FRÈRE

CHAPITRE V
Perdu

 Après avoir quitté sa soeur, Tan se mit à courir, tout ravi de la permission obtenue. Il se retourna bientôt pour faire un signe de la main à Edith, mais celle-ci ne lui répondit pas, absorbée qu'elle était par sa lecture.
- Est-ce que je puis aller plus loin ? cria le petit garçon.

Ne recevant point de réponse, il n'insista pas, mais courut encore jusqu'au tournant de la route. Ici une tentation attendait Tan. À quelque distance, se tenait un joueur d'orgue de Barbarie et, sur l'instrument, un singe vêtu d'une tunique rouge et coiffé d'un bonnet noir, faisait force grimaces. Quelle merveille pour un petit garçon de cinq ans ! Oubliant tout autre chose, Tan s'approcha au moment où le singe et son maître se remettaient en route. L'enfant se joignit à une troupe de gamins attirés eux aussi par les tours de Pedro et, sans s'en douter, il suivit ainsi une rue, puis une autre et ce fut au moment d'en prendre une troisième que Tan s'arrêta en se souvenant des recommandations de sa soeur. Le petit garçon revint immédiatement sur ses pas, mais où donc était Edith ? La rue qu'il suivait ressemblait bien à celle dans laquelle il s'était engagé tout d'abord, mais voici un carrefour. De quel côté se diriger ?
- Edith ! Edith ! où donc est Edith ? Sans doute au bout de cette longue rue-ci.

Et les petits pieds se mirent à gravir la pente, plus lentement pourtant ; la fatigue se faisait sentir. Mais Tan était un courageux petit garçon, très persévérant pour son âge. Il ne voulait ni pleurer, ni appeler sa soeur à haute voix. Il aurait mieux valu pour lui que, pris de désespoir, il se fût mis à sangloter, attirant ainsi l'attention de quelque passant qui serait venu à son secours. Mais notre petit ami, confiant dans ses propres ressources, marchait toujours d'un air assuré. Enfin, il atteignit l'extrémité de la rue et déboucha sur une plaine gazonnée. Une roulotte s'y trouvait arrêtée et un homme était précisément en train d'atteler deux maigres chevaux. Tan s'approcha, oubliant tous ses soucis dans l'intérêt de ce nouveau spectacle.
- Tiens, si ce n'est pas là le joli gamin que j'ai vu tout à l'heure ! fit une voix dure et une femme, sortant de la roulotte, accosta l'enfant.
- Viens dans la jolie maison, mon chéri, et tu recevras quelque chose de bon.

Tan se laissa facilement persuader. Il était très fatigué et lorsque sa tentatrice lui offrit un petit pain, il découvrit qu'il était affamé. Ses yeux brillèrent et il se laissa soulever et installer dans la « jolie maison qui roule », selon son expression. La femme échangea un regard entendu avec son mari.
- C'est bon, fit-il, nous partons.
- Aimerais-tu faire une jolie promenade dans cette belle maison ? interrogea la femme.
- Oh ! oui, répondit l'enfant, et vous me conduirez vers Edith, n'est-ce pas ? Elle sera triste si je reste loin d'elle si longtemps.

Et les grands yeux se voilèrent de larmes.
- Oui, oui, mon chéri, assura Mme Smith que mes lecteurs auront déjà reconnue. Tan la crut implicitement ; il avait une confiance absolue en tout le monde, car jamais il n'avait été trompé.
- Êtes-vous prêts ? demanda l'homme de sa voix rude. En, route !

Et la caravane s'ébranla au trot mesuré des deux pauvres haridelles qui avaient pour mission de convoyer la maison roulante. Du reste, le sort des deux chevaux n'était pas absolument misérable ; si on ne les étrillait jamais et s'ils ne recevaient jamais une bonne parole, du moins ne manquaient-ils pas de nourriture. Au repos, ils pouvaient brouter à bouche que veux-tu. Lorsque la lourde voiture se mit en mouvement, Tan poussa un cri de joie. Voyager ainsi, quelle merveille ! Cela dépassait de beaucoup le charme du train ou du tramway. La femme le fit taire et lui enjoignit de s'asseoir sur le plancher et de regarder la jolie chambre. Tan obéit docilement.

La fenêtre était petite, mais elle laissait entrer assez de lumière pour qu'il distinguât dans un coin, un gros rouleau, un matelas sans doute ; dans un autre, une chaise pliante qui pouvait servir de lit ; deux escabeaux et, contre la paroi, une étroite tablette. Un fourneau en miniature et, épinglées un peu partout, des gravures coloriées représentant des chasseurs et des jockeys.

Après avoir considéré tous ces objets étranges, Tan s'aperçut que la voiture contenait un autre occupant, une jeune fille fort peu avenante. Ses cheveux en désordre, ses yeux farouches effrayèrent un peu le petit garçon. C'était Sal qui, ayant cédé son poste d'observation à sa mère, maintenant surveillait l'enfant. Après l'avoir considérée avec attention, comme il l'eût fait d'un animal étrange, le petit garçon l'interpella avec quelque hésitation. Savait-elle où était Edith ? Quand arriveraient-ils chez papa et maman ? Sans doute Jessie serait rentrée et l'attendait. La jeune fille ne répondit rien, mais, sur un signe de sa mère, se mit à déchausser Tan, puis à lui enlever sa jolie blouse de velours. L'enfant, très las, se laissait faire. Ensuite, elle l'enveloppa dans une couverture grossière et, obéissant à un autre signe de sa mère, elle fit avaler au petit garçon un liquide étrange, noir et sucré.
- J'ai sommeil, fit Tan. Est-ce que je peux dormir un petit moment avant que nous arrivions à la maison ? Mais d'abord il faut prier.

Et, joignant ses petites mains : Seigneur Jésus, s'il te plaît, prends soin de papa, de maman, des soeurs et aussi de Tan. Et je te remercie pour la jolie maison qui roule. Amen.
À peine le dernier mot était-il prononcé, que les paupières se fermèrent sur les yeux bleus et Tan s'endormit d'un profond sommeil. Pendant ce temps, la caravane avait quitté la ville et s'engageait dans un chemin de campagne. L'homme, la pipe à la bouche, était assis sur les brancards. Jack, rentré dans la voiture, engageait une violente dispute avec sa soeur au sujet de la chaise pliante que l'un et l'autre voulait occuper cette nuit-là. Le père mit un terme à la discussion par un mot sec :
- Pas tant de bruit, Jack. Laisse le lit à Sal.

Les ordres de Jim faisaient loi ; on ne songeait pas à lui désobéir. La nuit tomba. La voiture roulait toujours. On traversa un bourg endormi, puis un village, laissant bien loin en arrière la ville où les parents de Tan pleuraient l'absence de leur petit garçon. Sal dormait. Jack avait improvisé sa couche sur un tas de vieux habits. Seuls, l'homme et la femme veillaient encore.

Onze heures sonnèrent. Jim arrêta les chevaux au bord d'une haie et ordonna à Meg de les dételer.
- Pas de risque qu'on nous ait suivis jusqu'ici, fit-il. L'enfant est joli, il attirera les dames et la vente sera bonne.

Meg répondit avec quelque hésitation. Elle n'était pas si sûre qu'ils eussent fait une bonne affaire. Mais son mari rétorqua :
- C'est toi qui l'as voulu, aussi tu n'as qu'à te taire
- Très bien, grommela-t-elle. Après tout, si la police nous attrape, c'est toi qui seras puni.

Mais, à l'époque où se passe notre histoire, la police était beaucoup moins bien organisée qu'elle ne l'est aujourd'hui. On ne connaissait encore ni le téléphone, ni l'automobile, aussi les communications étaient-elles infiniment moins rapides qu'elles ne le sont maintenant et cinquante kilomètres représentaient déjà une distance considérable. Aussi les malfaiteurs décidèrent-ils de garder l'enfant soigneusement caché pendant une journée encore. Après cela tout risque serait écarté. On arriverait facilement à maîtriser le petit garçon. Si les bonnes paroles n'y suffisaient pas, alors on userait d'autres moyens. Une fois leurs dispositions prises, l'homme et la femme s'endormirent à leur tour et le silence se fit complet autour du campement.

Mais Dieu veillait sur le petit garçon endormi et les ardentes prières des parents désolés qui s'élevaient devant le Trône de la grâce ne pouvaient pas rester sans réponse.

.

CHAPITRE VI
Un grand chagrin

En entendant l'exclamation d'Edith, M. Clarke avait pâli.
- Perdu ! et si tard encore ! Il faut agir immédiatement !

Edith raconta ce qu'elle savait et, après lui avoir recommandé de ne pas alarmer sa mère, le père sortit dans la nuit. Sûrement l'enfant se retrouverait dans le voisinage. Hélas ! ce fut en vain qu'il chercha partout, s'informant dans toutes les maisons amies, alertant les sergents de ville, arpentant les rues et les places. Il était onze heures du soir lorsqu'il rentra chez lui profondément découragé.

Chose étrange ! Mme Clarke ne savait rien encore. Une violente migraine l'avait retenue dans sa chambre tout l'après-midi et ses filles, espérant toujours le retour de Tan, n'avaient eu garde de la déranger.
Mais maintenant il fallait parler coûte que coûte. Jessie, toute tremblante, entr'ouvrit la porte de la chambre où sa mère se reposait.
- Maman, dors-tu ? demanda-t-elle doucement en s'approchant du lit.
- Non, ma chérie ! je me sens mieux maintenant. Mais il est bien tard. Tu devrais aller te coucher.

En cet instant Mme Clarke s'aperçut que la main de Jessie tremblait.
- Qu'as-tu donc, mon enfant ? fit-elle tendrement. Te sens-tu peu bien ?
- Non, maman, mais nous sommes très inquiets. Tan n'est pas encore rentré.

Elle n'osa pas dire : « Il est perdu »
- Pas rentré ! Alors il aura passé la nuit chez votre tante.

Pauvre Jessie ! c'était plus dur qu'elle ne l'avait pensé tout d'abord de dire la terrible vérité.
- Maman chérie, nous l'avons cherché partout. Papa vient de rentrer. Demain il ira encore s'informer...

Mme Clarke devint affreusement pâle. Joignant ses mains, elle ne prononça qu'un seul mot, mais avec un tel accent de détresse que Jessie éclata en pleurs.
- Perdu !

Et, dans une fraction de seconde, la mère vit son petit garçon, errant seul dans la nuit et appelant maman à son secours. Elle bondit sur ses pieds.
- Cela ne sert de rien, maman. Nous ne pouvons plus agir cette nuit.

Mais Mme Clarke n'entendait rien. S'habillant en hâte, elle descendit l'escalier et entra dans la salle à manger où son mari était assis, la tête dans ses mains.
- John, fit-elle, d'une voix ferme, nous devons trouver Tan cette nuit.
- Chère amie, il faut attendre le jour. Notre chéri se trouve peut-être en lieu sûr et nous sera ramené au matin. Jessie t'a-t-elle donné les détails ?
- Je n'ai rien dit encore, répondit Jessie.

Edith était assise dans un coin obscur de la pièce. Entendant les paroles de sa soeur, elle s'avança et dit tristement :
- C'est ma faute. Si j'avais veillé sur lui, si je n'avais pas oublié, rien ne se serait passé.

Sa voix se brisa. Ses parents n'eurent pas la force de la consoler ; leur détresse était trop cuisante. Enfin M. Clarke parla :
- Ne perdons pas confiance. Le Seigneur Jésus n'a-t-il pas dit : Ayez foi en Dieu ? Ensemble nous voulons recommander notre petit chéri à Ses tendres soins. Sûrement Il veillera sur lui bien mieux que nous ne saurions le faire nous-mêmes.

Ils s'agenouillèrent tous les quatre et le père pria avec instance pour l'enfant perdu, demandant aussi que la patience leur fût accordée pour attendre le matin. Personne ne songea à se coucher cette nuit-là. Les longues heures se traînèrent interminables et pourtant l'espérance ne les avait pas quittés. Ils savaient, les uns et les autres, que Dieu veillait sur leur trésor perdu.

Dès que l'aube parut, M. Clarke retourna au poste de police espérant y trouver quelque nouvelle de Tan. Les agents avaient fait ce qui était en leur pouvoir mais, avec les moyens limités dont ils disposaient à cette époque, leurs recherches n'avaient abouti à aucun résultat. Mme Clarke et Edith, de leur côté, allaient de maison en maison demandant si on n'avait pas aperçu un petit garçon aux boucles dorées, en costume de velours. Une seule dame se rappela avoir vu l'enfant courant sur la route et se retournant pour faire signe à sa soeur, mais elle n'en put dire davantage. La journée se termina dans une tristesse encore plus poignante que la précédente.
La pauvre mère murmurait sans cesse :
« Oh ! Tan, mon cher petit Tan, reviens vers maman. » Le nom de l'enfant bien-aimé revenait sans cesse sur ses lèvres, comme si, en le répétant, elle avait pu l'attirer auprès d'elle. Mais Tan était bien loin maintenant. Pourtant toute la famille espérait encore ; on recevrait des nouvelles ; un enfant ne disparaissait pas ainsi sans laisser de traces. Mme Clarke était persuadée que son petit garçon vivait encore et qu'il lui serait rendu. Parents, amis et voisins manifestaient une vive sympathie. Chacun aimait Tan et chacun compatissait à l'angoisse des parents.

Mais une semaine s'écoula sans qu'un seul indice concernant le disparu eût été relevé. Il semblait aux affligés qu'une année pour le moins s'était passée depuis ce lundi après-midi où, pour la dernière fois, ils avaient vu l'heureux petit visage entouré de son auréole de boucles blondes. La mère avait serré dans un tiroir les vêtements et les jouets de Tan. « Jusqu'à ce qu'il revienne ! » avait-elle pensé, tandis que des larmes amères inondaient ses joues amaigries par le chagrin.

Edith avait changé, elle aussi. C'était maintenant une femme bien plus qu'une jeune fille. Jessie était la consolation de sa maman, car elle savait où trouver le secours pour supporter cette dure épreuve, et la mère et la fille passaient de longues heures ensemble à s'entretenir de leur chéri. Jessie avait appris à connaître Dieu comme son Père, parce qu'elle avait mis sa confiance en Jésus Christ, le Sauveur, et elle connaissait aussi la valeur de la prière. Mais pour Edith, il n'y avait pas de consolation.

Le dimanche, de bon matin, Jessie entra dans la chambre de sa soeur, croyant trouver Edith prête pour aller au culte. Mais quelle ne fut pas sa surprise en voyant sa soeur à genoux auprès de son lit. Jessie s'agenouilla à côté d'elle et, du fond de son coeur, une prière silencieuse monta devant le trône de Dieu, demandant qu'Edith fût amenée à Christ par sa profonde douleur.
Après quelques minutes, Edith leva la tête ; sa figure avait perdu son expression désespérée ; une lumière toute nouvelle illuminait ses yeux jusqu'alors obscurcis par les larmes.
- Tout va bien maintenant, fit-elle. Jésus m'a sauvée. Je suis venue à Lui avec mon lourd fardeau et Il ne m'a pas repoussée. Son sang précieux a ôté mes péchés pour toujours !

Quelle source de joie pour les pauvres parents que d'apprendre qu'en ce premier dimanche où Tan leur manquait, leur fille aînée avait passé de la mort à la vie, du pouvoir de Satan dans le royaume du Fils de Dieu !
En vérité c'était maintenant une nouvelle Edith. La vieille nature demeurait la même sans doute, mais elle possédait maintenant l'Esprit de Dieu et pouvait en manifester le fruit. Avec quelle ardeur elle aurait désiré raconter à son petit frère que Christ était son Sauveur ! Un jour, il lui avait demandé si elle appartenait à Jésus et elle n'avait pu lui répondre. Maintenant elle aurait pu dire « oui ». - Mais où était Tan ?
- Notre Père le sait et sûrement Il le renverra auprès de nous, répétait Mme Clarke. Mais les jours s'écoulaient et on voyait les forces de la pauvre mère décliner peu à peu. « L'attente différée rend le coeur malade, mais le désir qui arrive est un arbre de vie. » Hélas ! « le désir » n'arrivait pas et, en voyant les jours se changer en semaines et les semaines en mois sans apporter aucune nouvelle de l'enfant disparu, le coeur de la pauvre mère lui manqua. Comme le Psalmiste d'autrefois, elle s'écria dans son angoisse : « Moi, je vais vers lui, mais lui ne reviendra pas vers moi. »


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