Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
REGARD
Bibliothèque chrétienne online
EXAMINEZ toutes choses... RETENEZ CE QUI EST BON
- 1Thess. 5: 21 -
(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



PETIT FRÈRE

CHAPITRE VII
Sur la route

 Tan se réveilla de très bonne heure. Il ne réalisa pas tout d'abord où il se trouvait.
- Puis-je me lever, Edith ? demanda-t-il.

Ne recevant aucune réponse il regarda autour de lui. Un rayon de soleil pénétrant à travers une fente du volet lui révéla qu'il se trouvait au milieu d'étrangers.
- Je veux voir Edith, répéta la voix plaintive.
- Tais-toi, ou tu auras affaire à moi. C'était l'homme qui se réveillait à demi, mais Meg essaya de rassurer l'enfant.
- Oui, mon chéri, tu verras bientôt Edith. Nous partirons tout à l'heure.

Tan dut se contenter de cette réponse et, se glissant au bas du tas d'habits qui lui avait servi de lit, il se faufila à pas feutrés jusqu'à la porte qui était entr'ouverte. Là, se dressant sur la pointe de ses petits pieds, il regarda au dehors. C'était une merveilleuse matinée d'automne. Le soleil, qui venait de se lever, illuminait la campagne. Les arbres avaient revêtu leur dernière parure de bruns et d'ors. Tout était si beau que l'enfant oublia pour un instant la maison paternelle et, frappant des mains, il cria de joie.
- Holà, petit, qu'est-ce qui te prend ? appela Jack d'un ton qui n'était pas hostile.
- Je me suis levé et tout est si joli dehors, répondit l'enfant.

Toute la caravane était en mouvement maintenant. On alluma un feu de broussailles et le déjeuner fut bientôt prêt. Tan observait tout ce qui se passait avec des yeux agrandis par l'étonnement. Personne n'avait songé à laver sa figure ou à brosser ses cheveux, mais cette négligence n'impressionna pas beaucoup le petit garçon. Une tranche de pain abondamment recouverte de saindoux lui sembla un déjeuner délicieux ; il le mangea, assis sur l'escalier de la roulotte, sans songer à autre chose qu'à la nouveauté de la situation. Jusque-là personne ne lui avait demandé son nom. Meg espérait que le petit garçon ignorait son nom de famille ; s'il s'en rappelait elle était bien résolue à le lui faire oublier aussi rapidement que possible. Elle aborda le sujet avec précaution.
- Comment t'appelles-tu, mon joli ? demanda-t-elle.

Tan tourna vers elle ses grands yeux bleus et, la regardant bien en face, il répondit :
- Edith et Jessie, papa et maman, m'appellent Tan, mais mon vrai nom est Stanley Clarke. Je demeure au Clos des Fougères. Connaissez-vous le chemin pour y retourner ? parce que je suis sûr que maman cherche son petit garçon et qu'elle est triste de ne pas le trouver.

La petite voix tremblait un peu.
- N'aimerais-tu pas aller au bord de la mer pour jouer sur la plage ? demanda Meg.
- Non, merci, je veux aller à la maison, et les yeux du petit garçon se remplirent de larmes.

Meg craignait par-dessus tout une scène de désespoir qui aurait pu attirer l'attention des passants. Aussi se hâta-t-elle de calmer l'enfant en lui donnant l'assurance que s'il ne pleurait pas il aurait bientôt retrouvé ses parents. Là-dessus on amena les chevaux pour les atteler et ce spectacle, toujours nouveau pour lui, suffit pour captiver Tan et lui faire oublier pour un temps son gros chagrin.

Lentement le lourd véhicule se remit en mouvement et l'enfant, assis sur le plancher à l'intérieur, sans rien pour le distraire, commença à trouver le temps bien long. Pauvre Tan ! Toutes les cinq minutes, il interrogeait la jeune fille qui seule lui tenait compagnie.
- Arriverons-nous bientôt ?
- Oui, bientôt, était la réponse invariable et peu satisfaisante.

Meg et le garçon qui avaient parcouru les villages environnants pour chercher à vendre quelques paniers, rejoignirent la caravane de fort méchante humeur. Leur lourde charge n'avait guère diminué et ils avaient grand faim. Mais Jack avait ramassé sur le chemin un petit chat noir qu'il jeta à Tan en lui disant :
- Tiens, voilà qui t'amusera !

Le petit garçon aimait les animaux et lorsque le chat, remis de sa première frayeur, vint s'installer sur ses genoux, il se sentit moins seul.
Vers le soir, la caravane s'arrêta à l'entrée d'une petite ville. La nuit tombe de bonne heure en octobre. Tan s'était endormi, la tête appuyée sur le dos du petit chat.
- Dommage de le réveiller, fit Jack. Chose étrange ! la vue du garçonnet aux boucles dorées semblait toucher une corde sensible dans le coeur du gamin si rude et si grossier. Mme Smith déshabilla l'enfant qui se laissa faire. Il était si las que rien ne semblait pouvoir troubler son sommeil.

Le chat vint s'installer sur ses genoux

- Que de belles choses ! marmotta la mégère, en examinant d'un oeil de connaisseur les vêtements de Tan.
- Tu en retireras un joli denier à Brighton, remarqua la jeune fille.

Meg fit un signe d'assentiment. Une fois arrivés dans la grande ville, tout irait bien. Il s'agirait seulement de donner une teinte foncée au visage de Tan, de le vêtir d'habits en guenilles ; quel charmant petit mendiant ne ferait-il pas ?

De bon matin ils se remirent en route. Tan rêvait précisément que sa maman le tenait sur ses genoux pendant qu'Edith brossait les boucles qui, maintenant, pendaient en désordre autour de la petite figure pâlie. Une secousse imprimée à la lourde voiture le réveilla.
- Maman, appela-t-il. Et puis, réalisant soudain où il se trouvait, il s'assit sur son lit de chiffons, et fondit en larmes.
- Maman ! Je veux aller vers maman !

Toute la patience de son pauvre petit coeur était enfin épuisée. Dans son cerveau de bébé une pensée affreuse se fit jour. Ces gens ne le conduisaient pas à la maison !
Meg essaya de le consoler en lui assurant que bientôt ils verraient Edith.
- Je veux la voir maintenant ! sanglota-t-il. Maman ! Maman !
- Arrête ce vacarme ! fit la voix rude de l'homme, assis sur les brancards.

Mais rien ne pouvait calmer les pleurs de l'enfant. En vain Mme Smith lui promit-elle jouets et sucreries, rien ne pouvait le pacifier. Pauvre Tan ! Personne ne viendra donc à ton secours ! Si petit et si abandonné ! Mais le bon Sauveur veillait sur son faible agneau. Lui qui aime les petits enfants et qui a dit « Laissez-les venir à moi » n'était pas sourd aux prières des parents qui sans cesse intercédaient en faveur de leur chéri.
Jack essaya de le consoler, mais inutilement.
- Laisse-le donc pleurer son content, dit la femme, ça lui fera du bien.

Elle avait raison. Tan n'était qu'un très petit garçon et, à son âge, même le plus gros chagrin ne peut durer longtemps. Graduellement les sanglots s'espacèrent et finirent par s'arrêter tout à fait lorsque Meg lui eut permis de se tenir près de la porte et de regarder au dehors. Il était temps de donner un peu d'air frais au petit prisonnier, car ses joues pâles et ses yeux entourés de cercles noirs ne feraient pas l'affaire de ses nouveaux maîtres. Il fallait à tout prix qu'il regagnât sa gaîté.

Tan s'intéressait à tout ce qu'il voyait, mais, chaque fois qu'on traversait un village, il devait s'asseoir à l'intérieur de la voiture pour ne pas attirer l'attention. Ce fut dans une de ces occasions que l'enfant repensa à son petit chat. Il se mit à le chercher dans tous les coins du véhicule.
- Que cherches-tu, Tom ? demanda Sal.

Les bohémiens avaient convenu entre eux de changer le nom du petit garçon. Ils avaient choisi le nom de Tom comme se rapprochant assez de celui de Tan pour que l'enfant ne s'aperçoive pas de la différence. « Avec le temps, il oubliera le passé », avait dit la femme.
- Je cherche mon joli petit chat, fit Tan.
- Tu ne le trouveras pas ; il s'est sauvé pendant que tu dormais, répondit Meg.

C'était un nouveau chagrin pour Tan. En voyant la petite bouche se mettre à trembler, la femme se hâta de promettre un autre chat.
- Nous en trouverons un dans la ferme là-bas, assura-t-elle.
- Mais ce serait voler de le prendre, s'il n'est pas à vous, protesta Tan.

Pour réponse, il reçut de la part de l'homme une telle bordée d'invectives qu'il n'osa plus de longtemps ouvrir la bouche.

.

CHAPITRE VII
Tan, pas Tom

Ils étaient en route depuis quatre jours et se trouvaient maintenant à quelques kilomètres de Worthing, une tranquille petite ville au bord de la mer. C'est à ce moment que se place un incident qui faillit révéler l'identité de Tan. Il s'en fallut de bien peu qu'il ne fût rendu à ses parents affligés. Mais Dieu avait d'autres desseins et pour eux et pour le petit garçon. Ses voies ne sont pas nos voies et ses pensées ne sont pas nos pensées, mais Il agit toujours en amour vis-à-vis des siens.

Bien des fois l'enfant avait appelé sa mère et plus souvent encore sa soeur Edith, car c'était elle surtout qui s'était occupée de lui. Mais les petits oublient vite, même ce qui leur est le plus cher, et peu à peu le petit Tan s'habituait à sa vie nouvelle. Mais il y avait une chose à laquelle il se cramponnait avec une ténacité extraordinaire chez un si jeune enfant : c'était son nom. En vain les bohémiens cherchaient-ils à l'appeler Tom. Dès qu'ils prononçaient ce nom le petit garçon ne manquait pas de s'écrier : « Ce n'est pas Tom, c'est Tan ! »
Mme Smith comprit qu'il serait inutile de vaincre la résistance de l'enfant sur ce point spécial ; du reste, il serait peut-être imprudent d'insister puisque son opposition pouvait attirer l'attention de quelque passant. Elle décida donc d'abandonner sa tentative. C'est alors que se passa l'incident dont nous parlions tout à l'heure.

La seule chose qui parvint à distraire le petit Tan lorsqu'il se mettait à réclamer Edith, était cette délicieuse expérience qui consistait à se placer devant la porte ouverte de la voiture pour surveiller les chevaux ou examiner le paysage. Un après-midi, tandis que Tan s'adonnait à son occupation favorite, la caravane croisa sur la route une petite voiture légère attelée d'un poney et dans laquelle deux vieilles dames étaient assises. L'équipage était arrêté au bord de la route et ces dames s'apprêtaient à descendre pour cueillir des mûres sauvages qui croissent à profusion dans les haies en cet endroit.
- Achetez-moi un panier, Madame, fit Meg, toujours à l'affût d'un client éventuel.
- Eh bien ! un panier nous serait assez utile si nous trouvons beaucoup de fruits, fit l'une des dames. Tandis qu'elles examinaient l'assortiment que Meg leur présentait, leurs yeux furent attirés par la jolie petite figure de Tan qui se montrait à la fenêtre.
- Quel charmant enfant ! s'écria une des dames, et s'avançant vers la roulotte qui s'était arrêtée, elle dit :
- Aimerais-tu un gâteau, mon chéri ?
- Oui, merci, fit Tan, tendant une main potelée.
- Tom, cria une voix venant de l'intérieur du lourd véhicule. L'enfant se retourna et de sa voix claire, il protesta : « Ce n'est pas Tom, c'est Tan ! » Tout en parlant il fixait ses grands yeux sur l'aimable figure de la dame.
- Tan, dit la voix douce qui tout à coup rappela au petit garçon ce qu'il avait perdu. Spontanément, avant que Mme Smith eût pu le faire taire, il s'écria :
- Vous parlez comme maman. Connaissez-vous Edith ?
- Qui est ta maman, mon petit garçon ?

Meg interrompit précipitamment :
- C'est l'enfant de ma soeur qui est morte ; elle a servi dans les grandes familles, c'est pour cela que le petit parle si bien et maintenant nous l'avons pris, moi et mon mari, et il nous aime bien, n'est-ce pas, mon joli ? Et avant que l'enfant eût eu le temps de répondre, elle fit signe à son mari de se remettre en route, tandis qu'elle achevait son marché. Lorsque les emplettes furent faites, Meg rejoignit la caravane, laissant les deux vieilles dames assez perplexes. Hélas ! il n'était pas dans leurs habitudes de s'oublier elles-mêmes pour penser aux autres. Cependant la plus âgée des deux se tourna vers sa soeur.
- Eh bien, ma chère, que penses-tu de ce charmant enfant ? Il me semble bien différent des gens avec lesquels il habite. As-tu remarqué l'expression de ses grands yeux bleus si purs et si innocents ?
- Oh ! oui, répondit sa compagne, je vois encore cette petite figure avec sa couronne de boucles blondes. Peut-être ne leur appartient-il pas du tout.
- Qu'y pouvons-nous ? La femme dit qu'il est le fils de sa soeur, nous ne saurions intervenir. Et les deux dames regagnèrent leur confortable équipage et s'en allèrent dans une direction différente, sans s'inquiéter davantage d'une affaire qui aurait pu apporter quelque trouble dans leur tranquille existence.

Cependant Meg résolut de ne plus courir de pareils risques. Elle se procura du brou de noix et une application de ce produit transforma la figure de Tan, si fraîche et si claire, en celle d'un petit bohémien. Lorsque ses boucles eurent été coupées, personne ne l'eût reconnu si ce n'est ceux qui étaient familiers avec ses beaux yeux bleus que rien ne pouvait changer. Un autre signe n'avait pu être enlevé, c'était une tache foncée que l'enfant portait depuis sa naissance, au-dessus de son oreille droite.
Tan ne pouvait comprendre pourquoi il devait toujours maintenant porter des vêtements qui n'étaient pas propres.
- Où avez-vous donc mis le manteau que maman m'a acheté ? demanda-t-il un jour. La réponse qu'il reçut le satisfit complètement.
- Nous voulons le garder pour te le mettre quand tu rencontreras Edith.

Une grande joie attendait pourtant notre petit ami. Peu après l'incident que nous avons raconté, il était accoudé comme d'habitude sur le battant inférieur de la porte et regardait au dehors. Un tournant de la route amena la caravane en face de la large plage de Brighton.
- La mer ! la mer ! cria le petit. Puis-je descendre et courir sur le sable ?
- Reste où tu es et tais-toi, répondit la voix rude de l'homme et Tan n'osa insister. Il avait grand'peur de Jim Smith. Celui-ci ne lui parlait que rarement, mais toujours sur le même ton rogue et hargneux. Du reste, personne n'était vraiment méchant avec lui. Somme toute, les bohémiens traitaient l'enfant avec une certaine bienveillance, du moins c'était le cas pour Meg et pour Jack. La fille semblait avoir hérité de la dureté de son père. Une semaine s'était écoulée et déjà, dans le cerveau du très petit enfant qu'était Tan, les scènes d'autrefois commençaient à s'effacer. Sa vie actuelle, si nouvelle et si mouvementée, l'absorbait complètement. Un petit chat était venu remplacer le disparu et Tan passait des heures à s'amuser avec son favori.

Il y avait pourtant une chose qui irritait journellement la famille Smith. Matin et soir, le petit garçon s'agenouillait près de son lit et priait. Rien, ni menaces, ni promesses, ne pouvait l'empêcher de « parler au Seigneur Jésus », comme il le disait et il fallut bien que les bohémiens le laissassent faire malgré leur extrême répugnance.

Ce ne fut que le lundi matin que Jack et Tan reçurent l'autorisation de s'en aller vers une partie retirée de la plage, éloignée du grand public. L'enfant offrait un étrange spectacle, habillé comme il l'était de vêtements en guenilles, ses joues roses se montrant sous sa peau noircie et sa tête rasée de près ne portant plus trace des boucles d'or qui avaient fait l'orgueil de sa mère. Cependant il attirait l'attention malgré tout et Jack eut hâte de le conduire loin de la foule, vers une anse écartée. Lorsqu'ils se trouvèrent en face de la mer, couleur d'émeraude, Tan resta muet d'admiration.

Et, mettant ses petites mains derrière son dos

- Que regardes-tu, petit, et à quoi penses-tu ? questionna Jack.

Tan se retourna vers lui et répondit doucement :
- Je pensais à l'endroit où Dieu met les péchés de ceux qui l'aiment.
- Que veux-tu dire ? fit le garçon.
- Edith m'a appris un verset sur la mer. Je le sais encore parce qu'elle me l'a fait répéter au moins dix fois. Je vais te le dire.

Et, mettant ses petites mains derrière son dos, Tan répéta d'une voix grave :
- « Tu jetteras tous leurs péchés dans les profondeurs de la mer. » Crois-tu qu'Il y jettera les tiens, Jack ? demanda-t-il, en regardant son compagnon bien en face.
- Que veux-tu dire ? Comment sais-tu si j'en ai, des péchés ? fit le garçon qui se sentait mal à l'aise.
- Edith dit que tout le monde a péché, affirma Tan gravement.
- Eh bien ! pas toi, j'en suis sûr, remarqua Jack.
- Oh ! oui, j'ai été souvent très méchant, rectifia l'enfant, parce que personne n'est bon...

Mais un grand vaisseau passant au large, détourna l'attention de Tan qui abandonna le sujet. Cependant ces paroles, dites si simplement, n'avaient pas été perdues. Jack savait qu'il y a un Dieu qui a en horreur le mal et il avait conscience d'avoir souvent péché devant Lui. Se pourrait-il que même ses transgressions à lui soient jetées dans les profondeurs de la mer ? Mais comment cela pouvait-il se faire ? Personne ne le lui avait jamais dit. L'enfantine prière que le petit Tan répétait matin et soir à haute voix portait son fruit. La conscience de Jack était réveillée et, sans le réaliser lui-même, il cherchait un Sauveur.


Table des matières

Page précédente:
Page suivante:
 

- haut de page -