Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



PETIT FRÈRE

CHAPITRE IX
L'ami de Tan

 Meg et son mari tombèrent d'accord de passer un mois dans les environs de Brighton. Tan accompagnait Mme Smith dans ses tournées, et les ventes se firent plus nombreuses à cause de la jolie figure du petit garçon. Mais Meg comprit bien vite qu'il n'y aurait pour elle aucune sécurité avant que l'enfant l'appelât « maman ». Comment y arriver ? Il fallait pour cela frapper un grand coup. Ils étaient depuis deux jours à Brighton et Tan s'amusait avec son chat avant d'aller dormir lorsque la femme l'interpella brusquement.
- N'oublie pas que tu dois toujours me dire « maman » maintenant.

Tan leva vers elle des yeux stupéfaits dans lesquels les larmes étaient bien près de jaillir.
- Mais vous n'êtes pas ma maman, fit-il avec décision.
- Oui, je le suis, répliqua Meg. Ta mère est morte ; ainsi tu vivras toujours avec nous et ta maman, c'est moi. Tu n'as point d'autre endroit où tu puisses aller maintenant.

Le pauvre petit garçon éclata en sanglots :
- Maman est partie ! elle est avec Jésus et elle ne m'a pas pris avec elle ! Maman ! maman !

Son désespoir était vraiment poignant. Naturellement il était trop jeune pour soupçonner le mensonge et la femme, endurcie comme elle l'était, se sentit reprise en voyant la confiance de ce petit enfant qu'elle faisait souffrir si cruellement. Mais comment agir autrement ? se disait-elle.

Depuis ce moment-là tout danger fut écarté et Meg n'hésita pas à emmener Tan avec elle partout où elle allait, même sur la plage, au milieu de la foule élégante des baigneurs. Quelquefois le petit garçon cherchait tout naturellement à s'approcher d'autres enfants qui jouaient sur le sable. Mais toujours les mamans, qui pourtant avaient admiré ses beaux yeux et son charmant visage, rappelaient leur progéniture autour d'elles et bien vite Tan se retrouvait seul. Il ne comprenait rien du tout à cette façon d'agir et il résolut d'en parler à Jack.
C'est que Jack était son meilleur ami, toujours prêt à écouter ses récits et à répondre à ses questions. S'il s'agissait des arbres, des fleurs, des noms des localités qu'ils traversaient, Jack était à même de satisfaire dans une grande mesure la curiosité du petit garçon. C'était Jack qui, chaque matin, lorsque le temps était beau, conduisait Tan sur la plage pour qu'il pût s'y amuser un peu ; c'était lui encore qui l'asseyait sur le dos d'un des chevaux et lui faisait faire une promenade pleine de charme. C'était Jack aussi qui évitait à Tan bien des réprimandes et bien des rebuffades, et c'est par le moyen de ce garçon si rude autrefois, qu'un peu de joie entra dans la vie nouvelle de l'enfant.

Un changement s'était opéré chez Jack. Quand son père l'invectivait, il cherchait à réprimer les gros mots qui trop souvent autrefois s'échappaient de ses lèvres. Son visage avait perdu son expression vicieuse, mais, malgré tout, le péché était encore dans son coeur, aussi noir que jamais, et maintenant Jack en avait conscience. Tan lui avait dit un jour : « Tu es gentil maintenant, Jack ; tu ne me grondes plus jamais et tu ne donnes plus de coups de pied à Bob et à Sandy ». C'étaient là les deux chiens de la caravane avec lesquels Tan avait scellé un traité d'amitié. Du reste, le petit garçon aimait chacun, gens et bêtes seulement il craignait Jim qui le détestait en retour. L'honnêteté absolue de l'enfant le lui faisait haïr ; souvent il le menaçait, mais, grâce à l'intervention de Jack, il ne l'avait jamais frappé.

Ce fut au moment de quitter Brighton que Tan demanda à Jack pourquoi les mamans ne permettaient pas à leurs petits enfants de jouer avec lui.
- Sans doute parce que tu n'es qu'un pauvre bohémien et qu'elles n'aiment pas les gens mal habillés.

Tan considéra son vêtement défraîchi d'un air rêveur.
- Pourquoi maman ne me permet-elle pas de mettre mon autre habit, celui de velours ?
- Nous ne l'avons plus, répondit Jack qui ne mentait pas.

Tan se mit à chercher par lui-même la solution du problème qui le préoccupait. C'était le dernier jour sur la plage. Meg, très occupée à discuter avec d'autres commères, ne s'aperçut pas que son petit compagnon la quittait pour se joindre à un groupe d'enfants, très bien vêtus, qui jouaient sur le sable, tandis que leur bonne était absorbée par la lecture d'un journal.
- Puis-je jouer avec vous ? demanda-t-il d'une voix très douce et très affable.

Les enfants levèrent la tête, hésitèrent, puis l'aîné qui pouvait avoir sept ans, répondit :
- Nous ne devons pas jouer avec toi parce que tu es sale.
- Non, je ne suis pas sale, c'est seulement cette blouse qui est vieille. Si je portais l'habit de velours que ma première maman m'a donné quand je ne vivais pas dans une maison roulante, vous me permettriez de m'amuser avec vous.

Tan avait parlé très vite et regardait le groupe d'un air de défi.
- Alors, si j'étais toi, je ne resterais pas dans cette vilaine maison ; je me sauverais, fit l'autre petit garçon.

Mais avant que Tan eût pu répondre, la bonne leva la tête et lui enjoignit de partir. Meg, de son côté, s'approcha et saisit sa main. Force lui fut de s'éloigner.

Ce soir-là Tan se montra très préoccupé. Les quelques mots échangés sur la plage lui avaient rappelé le passé. Si seulement il pouvait se sauver ! Mais où aller puisque sa vraie maman était au ciel ? Pour la rejoindre il faudrait donc mourir, et de cela Tan n'avait nulle envie à ce moment. Plus tard, il devait en être autrement pour le pauvre enfant !
La vie qu'il menait l'intéressait ; il ne s'ennuyait jamais, bien que la nourriture fût souvent grossière et que son installation manquât totalement de confort. L'hiver arriva. On arrêta la voiture dans un endroit abrité aux environs du port militaire de Portsmouth. La roulotte était bien chauffée et, le jour de Noël, une poule au pot et le traditionnel « plumpudding » anglais servirent à régaler toute la famille. Tan avait appris à se taire et ne demandait plus d'où provenait telle ou telle friandise. Mais quand on lui donnait l'ordre d'aller arracher quelque légume dans un jardin potager ou de tirer quelques poignées de fourrage d'une meule de foin, Tan s'y refusait toujours. Sans la présence de Jack, il aurait été battu sans pitié ; Jim se mettait dans de terribles colères et déclarait qu'il en avait assez de la religion de ce gamin et qu'il lui apprendrait qu'il n'était pas meilleur que les autres. Quand l'enfant s'agenouillait pour prier matin et soir, l'homme l'accablait de sarcasmes et d'injures. Mais rien ne pouvait détourner le petit garçon de l'habitude qu'une mère pieuse lui avait inculquée dès sa plus tendre enfance.

Il y avait souvent des querelles entre Jack et ses parents au sujet de l'enfant et Jim ne ménageait pas son fils. Mais Jack aurait souffert bien davantage encore pour sentir le soir les petits bras de Tan autour de son cou et pour entendre la voix câline lui dire à l'oreille : « Je t'aime, Jack. Je t'aime tant. »

L'hiver fit place au printemps et la caravane reprit la route. Tan fut enchanté de pouvoir cueillir les premières primevères dont il faisait des bouquets. On lui avait appris à vendre ses fleurs : « Seulement un sou, Madame ! Achetez-moi un bouquet ! » Peu de personnes pouvaient résister à ses façons si douces et au regard des grands yeux bleus qui se levaient pleins de confiance vers les visages étrangers.

Tan avait grandi. On lui aurait donné sept ou huit ans. Seulement son visage restait celui d'un très petit enfant sous le vieux chapeau de paille dont on l'avait affublé.

M. et Mme Smith voulaient gagner le centre de l'Angleterre en passant par la ville de Bedford lorsqu'un triste incident vint changer la vie du pauvre petit Tan.

CHAPITRE IX
OÙ est-il ?

Lorsque le petit Tan avait fait la connaissance de la caravane et de ses occupants, il n'avait que cinq ans, mais il savait déjà lire un peu. Edith s'était appliquée à lui enseigner, non seulement l'alphabet, mais encore quelques mots de deux ou trois syllabes. Pendant l'hiver, alors qu'on ne sortait guère, Jack avait trouvé que son petit compagnon connaissait ce que lui ignorait complètement. Penché sur un vieux journal, Tan avait enseigné à Jack à reconnaître les lettres, puis ensemble, ils épelèrent, non sans beaucoup de peine, les quelques petits mots dont Tan avait gardé le souvenir. Quelquefois, lorsque les jours commencèrent à s'allonger, les deux camarades, si différents l'un de l'autre et pourtant inséparables, parcouraient un cimetière et cherchaient à déchiffrer quelque chose des inscriptions sur les pierres tombales. Jack se risquait même parfois à demander des éclaircissements aux gamins qu'il rencontrait.

Peu à peu l'enfant et son ami en arrivèrent à pouvoir lire différents versets des Écritures. Il en était un que Tan fut enchanté de découvrir : « Laissez venir à moi les petits enfants ». Le dernier mot les embarrassa longtemps. Enfin Tan s'écria en sautant de joie :
- C'est « enfant » ! Il avait appris ces paroles longtemps avant de connaître ses lettres, alors que son entourage était bien différent de celui au milieu duquel il vivait maintenant.
- Ça, c'est dans la Bible, expliqua Tan. Cela veut dire : Il faut que les petits enfants viennent vers Jésus.
- J'aimerais avoir un de ces livres, fit le jeune garçon avec un soupir.
- Si tu demandes à Dieu de t'en donner un, je sais qu'Il le fera, parce qu'Il aime voir les gens lire la Bible ; affirma le petit.

À partir de ce jour Tan n'eut qu'un désir, celui de procurer à son ami le trésor convoité, car certainement l'enfant considérait les Saintes Écritures comme quelque chose de très précieux, « plus désirable que l'or ». On peut douter que Jack fût du même avis, mais certainement le petit garçon serait arrivé à ses fins d'une façon ou de l'autre, si un triste événement n'était venu jeter le trouble dans sa vie.

La caravane était arrivée à douze kilomètres de l'ancien domicile de l'enfant. Jack et son père étaient en train de dételer les chevaux et Meg et sa fille s'en étaient allées à la ville pour chercher à vendre quelques marchandises. Le petit Tan s'amusait à surveiller un groupe de promeneurs qui passaient sur la route lorsqu'un jeune homme qui faisait partie de la société sortit sa pipe de sa poche et, du même coup, laissa tomber une pièce d'or dans la poussière. Personne ne remarqua la chose si ce n'est Tan. À ce moment quelqu'un d'autre, le père, aperçut la pièce scintillant au soleil, et, faisant un signe à Tan, il lui dit tout bas : « Va et ramasse cela un peu vite dépêche-toi ! Et que personne ne te voie »

Tan se précipita sur la route, ramassa la pièce d'or et, courant à toutes jambes, rejoignit les promeneurs. Hors d'haleine, il s'écria :
- Vous avez perdu votre argent !
- Eh bien ! tu es un honnête gamin, fit un des jeunes gens. Ma parole ! je me serais trouvé dans un terrible embarras si tu ne m'avais pas rapporté ma dernière pièce de vingt francs !
En parlant ainsi, il déposa une piécette blanche dans la petite main de l'enfant.

Tout rouge de satisfaction, Tan remercia celui qu'il regardait comme son bienfaiteur et revint en toute hâte auprès de Jack et de son père. Mais l'expression du visage de l'homme eut vite fait d'éteindre la joie du petit garçon.
- Ne t'avais-je pas dit de me la rapporter ! Tu n'es qu'un triple idiot ! Je t'apprendrai ce qu'il en coûte de désobéir !

Et, levant le bâton qu'il tenait à la main, il en frappa l'enfant. Tan poussa un cri déchirant ; malheureusement les jeunes gens ne l'entendirent pas ; ils s'étaient rapidement éloignés, mais Jack était là. Au moment où l'homme, aveuglé par la rage, s'apprêtait à frapper une seconde fois, le jeune garçon s'élança vers lui et, d'un revers de la main, fit tomber le bâton par terre.
- De quoi te mêles-tu ? cria le bohémien, presque fou de colère et, ramassant un fouet, il en cingla le visage de Jack. Le pauvre garçon fit un violent effort pour ne pas rendre le coup qu'il venait de recevoir, mais son père continua à l'accabler d'injures.
- Tu ne me sers de rien, chien que tu es ! Va-t'en, paresseux ! Que je ne te revoie plus ici !

Jack eut juste le temps de s'écarter, évitant ainsi un brutal coup de pied, tandis que le pauvre petit Tan, épouvanté, courait se cacher dans la voiture où, blotti sous un monceau de couvertures, il continua à sangloter amèrement. Jack répondit à son père sur un ton qui certes n'était pas respectueux puis, jetant par terre le harnais qu'il tenait à la main, il déclara qu'il en avait assez et s'éloigna d'un pas délibéré.

La nuit vint. Mme Smith, rentrant de sa tournée, vit bien que quelque chose de fâcheux s'était passé. Elle ne fit pas de questions, pensant bien que son mari lui dirait plus tard ce qui était arrivé.

Tan s'endormit le coeur bien gros et cette nuit-là il rêva - ou était-ce une réalité ? - que quelqu'un s'approchait doucement de son lit et qu'une voix, celle de Jack, très contenue et très douce, disait tout bas : « Adieu, petit copain ! » puis quelque chose comme : « A quoi bon essayer ?... » Malgré cette visite nocturne, personne ne fut plus surpris que Tan en voyant la place de Jack rester vide le matin suivant, et certainement personne ne souffrit de l'absence du rude garçon autant que le petit enfant dont si souvent il avait pris la défense.

Meg elle-même fut moins affligée que Tan. Accoutumée toujours à prendre les choses comme elles se présentaient, elle se disait :
- Il reviendra bien une fois ou l'autre. Mais ça ira plus mal pour le petit maintenant. Il faudra qu'il le supporte. Je ne peux pourtant pas toujours m'en mêler.

Pauvre petit Tan ! Lorsque la caravane se remit en route, il n'était pas à son poste d'observation habituel près de la porte ouverte, et Sal le trouva sanglotant dans un recoin obscur de la voiture.
- Arrête ce bruit, fit-elle rudement, Jack est parti et c'est un bon débarras.

Tan riposta bravement :
- Je sais bien qu'il est parti, mais il était le plus gentil de vous tous et maintenant je n'aime plus du tout demeurer dans cette maison !

L'enfant subissait le plus grand chagrin de sa petite vie. Une année auparavant, la nouveauté de la situation lui avait fait oublier assez vite les circonstances d'autrefois, mais à présent il n'y avait plus rien qui pût le distraire ou l'intéresser dans son amère solitude. Il pleura pendant toute cette longue journée. Meg était sortie pour ses affaires, Sal n'avait pas tardé à la suivre, s'attendant constamment à rencontrer son frère, rôdant dans le voisinage. Tan resta seul avec M. Smith. Lentement les vieux chevaux les ramenaient vers des lieux que Tan aurait pu reconnaître s'il avait eu quelques années de plus.

Ils passèrent la nuit tout près de l'ancien domicile de l'enfant et ce fut sans doute la crainte d'attirer l'attention qui empêcha Jim de sévir contre le pauvre petit dont les larmes l'exaspéraient. Ce soir-là, Mme Smith, prise de pitié, attira Tan près d'elle et lui parla presque avec bonté.
- Ne t'inquiète pas de Jack, il reviendra bientôt quand il aura faim et froid.

Le petit garçon se cramponna à cette pensée avec la confiance des tout jeunes enfants et il se persuada bien vite que l'absence de Jack ne durerait que quelques jours. Il en fut tout réconforté.
Mais le temps passa et Jack ne reparut pas. Jim traitait Tan beaucoup plus rudement maintenant. Un jour que l'enfant avait refusé de voler des pommes de terre, il reçut des coups de fouet. Meg était absente à ce moment-là et, lorsqu'elle apprit ce qui s'était passé, elle chercha à emmener Tan avec elle aussi souvent que possible.

Souvent l'enfant se demandait : Où peut-il être ? mais cette question, comme celle que les parents angoissés se posaient sans cesse, resta sans réponse. Soir et matin, Tan demandait au Seigneur Jésus de ramener Jack et, malgré toutes les apparences, le petit enfant solitaire n'était pas oublié par le céleste Ami dans lequel il avait mis sa confiance.

L'hiver revint et la situation se fit toujours plus pénible pour Tan. Meg elle-même semblait parfois en avoir assez de l'enfant. Jim devenait toujours plus dur et Sal plus hargneuse. Plus d'une fois durant cette triste période, Tan souhaita s'en aller auprès de sa vraie maman au ciel, même s'il devait mourir pour y arriver. Cela vaudrait mieux, pensait-il, que de rester ainsi sans personne à aimer. Pourtant le bon Sauveur n'avait pas cessé de veiller sur son faible agneau, le conduisant dans le vrai chemin, mais Tan était trop petit pour le réaliser. Il le comprit plus tard. Il n'avait personne à qui parler de Jésus maintenant que Jack était parti. Les joues roses avaient pâli, les yeux bleus avaient perdu beaucoup de leur éclat, mais ce qui aurait frappé Edith si elle avait pu voir son petit frère, c'est que la chevelure dorée d'autrefois avait pris une teinte châtain foncé.

Durant les sombres jours de ce triste hiver, une pensée nouvelle prit possession de l'esprit de l'enfant. Et lorsque le printemps revint il se la formula distinctement à lui-même. Pourquoi ne partirait-il pas à la recherche de Jack ? Pas un instant son cerveau de bébé ne supposa qu'il était d'autres amis bien plus chers que celui-là qui seraient trop heureux de lui souhaiter la bienvenue. Pour Tan, le passé n'existait plus. Il guetta l'occasion propice, mais pendant ce temps Dieu préparait le chemin par lequel il serait ramené auprès de ses parents.


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