COURS DE
RELIGION CHRÉTIENNE.
INTRODUCTION
(Suite)
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- - Dieu a-t-il créé pour
faire l'épreuve de ses propres
perfections ? Non ; il se
connaissait parfaitement
lui-même : Toutes les
oeuvres de Dieu lui sont connues de toute
éternité.
(Act. 15. 18.)
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- - Dieu a-t-il créé pour
sa gloire ? Non ; la gloire est
l'approbation d'autrui : Dieu n'a
besoin d'aucune admiration, d'aucune
louange. La gloire n'a de valeur que si
elle vient des supérieurs ou des
égaux de celui qui la
reçoit ; ces idées ne
sont point applicables à Dieu, et
quand nous disons que les cieux
racontent la gloire de l'Éternel,
c'est une manière de parler
humaine appliquée à
Dieu ; c'est à nous que les
cieux racontent sa gloire
(Ps. 19. 2), non à
lui. Dieu est plus grand et plus glorieux
que toutes ses oeuvres : Il ne
s'assure point sur ses saints, et les
cieux et les étoiles ne sont pas
purs devant ses yeux.
(Job 15. 15 ;
25. 5.)
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- - Dieu a-t-il créé pour
son bonheur et dans son propre
intérêt ? Non ;
Dieu n'avait pas besoin de la
création ; la création
lut est inutile ; son bonheur est
souverain, ne peut ni s'accroître ni
diminuer, et ne s'est pas augmenté
par la création : L'homme
apporte-t-il quelque profit au Dieu
fort ?
(Job 22. 2.) Qui est-ce
qui a donné le premier à
Dieu, et il lui sera rendu ?
(Rom. 11. 35.)
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- - Si Dieu n'a pas créé
dans son intérêt, il ne reste
qu'une chose possible ; c'est qu'il
ait créé dans le
nôtre ; c'est qu'il nous ait
créés pour nous rendre
heureux. Ce but de notre création,
le seul que notre raison conçoive,
semble tout à fait digne de
Dieu : C'est à
soi-même que l'homme sage apporte du
profit.
(Job 22. 2.)
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- - Il est certain cependant qu'une
grande partie des oeuvres de Dieu dans la
création est inanimée,
insensible, et n'est point capable de
bonheur. Mais il est évident que
toutes ces choses ont été
faites pour contribuer, de manière
ou d'autre, au bonheur des êtres
sensibles. Le soleil n'est pas heureux de
sa lumière, ni le firmament de sa
couleur bleue ; mais nous le
sommes : il est vrai que la
lumière est douce, et qu'il est
agréable aux yeux de voir le
soleil,
(Ecclés. 11. 7.)
Ainsi le but attribué à la
création demeure, et, soit que nous
étudiions l'homme, qui ressent
toujours le désir du bonheur
(16), soit que
nous étudiions Dieu, qui n'a pu
nous créer que dans une intention
bienveillante, nous arrivons à
cette grande vérité, que le
but de la création est de rendre
heureux.
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- - Cette félicité, pour
laquelle Dieu créait l'homme, ne
pouvait être le bonheur souverain
qui n'appartient qu'à Dieu ;
il est impossible qu'un être
borné jouisse d'un bonheur sans
bornes ; mais ce devait être un
bonheur parfait, c'est-à-dire qui
fût en exacte proportion avec les
facultés de l'homme.
Toutes les oeuvres de l'ouvrier
suprême doivent être
parfaites ; c'eût
été faire une oeuvre
imparfaite que de créer l'homme
pour le rendre heureux, et de ne le rendre
heureux qu'à moitié. - Dieu
peut donner à ses créatures
telle sorte d'existence qu'il lui
plaît ; en ce sens, il ne leur
doit rien : Qui est celui qui m'a
prévenu, demande le Seigneur, et je
le lui rendrai
(Job 41. 2. 11) ? et le
vase de terre n'a point le droit de dire
au potier : Pourquoi m'as-tu fait
ainsi ?
(Rom. 9. 20.) Mais,
dès après la
création, Dieu doit à ses
créatures tout le bonheur dont il
leur a inspiré lui-même le
désir, l'attente, l'espoir.
Ainsi, au premier moment ; où
il est sorti des mains de son
créateur, l'homme possédait
une félicité parfaite, ou,
en d'autres termes, parfaitement
proportionnée à ses
facultés : il existait
assez ; il jouissait assez ; il
savait assez : Dieu a
créé l'homme droit.
(Ecc. 7. 29.) -
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- - Aussi les traditions de tous les
peuples commencent par un âge d'or,
par les souvenirs confus d'un état
de paix et de félicité
parfaite.
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- - Puisqu'il n'en est plus ainsi
(21), il est donc
arrivé un changement dans la
destinée de l'humanité.
Qui est l'auteur de ce changement ?
C'est Dieu ou l'homme.
Ce n'est pas Dieu ; car Dieu, qui
créa l'homme pour le rendre
heureux, n'a pu se démentir
lui-même, mettre obstacle au but de
la création, et rendre malheureuse
sa créature, qu'il destinait
à jouir (44) d'une
félicité parfaite :
Certainement le Dieu fort ne
déclare point méchant
l'homme de bien, et le Tout-Puissant ne
renverse point le droit.
(Job 34. 12.) Il ne se
plaît point à opprimer et
à rejeter l'ouvrage de ses mains.
(Job 10. 3.) -
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- - Si Dieu n'est pas l'auteur de ce
changement, c'est l'homme qui a
changé lui-même son sort, et
il a pu le changer parce que le bonheur
parfait que son Créateur lui avait
donné était
conditionnel.
Le bonheur d'un être moral et libre
(9 et 10) est
nécessairement conditionnel :
Si l'homme accomplit les ordonnances de
l'Éternel, il vivra par elles.
(Lév. 18. 5.) Fais
ces choses, disait le Christ au
docteur de la loi, et tu vivras.
(Luc 10. 28.) ; s'il en
était autrement, sa moralité
et sa liberté seraient nulles.
Sa moralité serait nulle,
puisqu'elle consiste à faire
toujours une différence entre ses
actions, en considérant les unes
comme bien et les autres comme mal, et que
cette différence n'existerait plus
si le bien et le mal avaient les
mêmes suites.
Sa liberté serait nulle,
puisqu'elle consiste à choisir
entre le bien et le mal ; s'il n'y
avait plus ni bien ni mal, si toutes les
actions humaines étaient
égales et pareilles, il n'y aurait
plus de choix. -
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- - La condition du bonheur de l'homme
était donc dans l'usage qu'il
ferait de sa liberté.
Ses actions pouvaient être
conformes au but de sa
création : c'est le bien,
le devoir, la
fidélité ;
Ou contraires au but de sa
création : c'est le mal,
le péché, la
rébellion. -
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- - Pour que l'homme pût,
dès le premier moment de son
existence, remplir le but de sa
création et être heureux, il
a fallu que Dieu lui apprit aussitôt
ce qui était véritablement
bien et ce qui était
véritablement mal. Sans
cette connaissance il n'y aurait point eu
de péché : car
Celui-là pèche qui sait
faire le bien et ne le fait pas.
(Jacq. 4. 17.)
Ainsi, Dieu est le véritable auteur
des lois de la morale ; car qui a
connu la pensée du Seigneur,
pour le pouvoir instruire
(1 Cor. 2. 16) ? et la
distinction du bien et du mal n'est pas
une convention arbitraire que les hommes
ont faite entre eux. -
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- - Et puisque l'homme, d'un bonheur
parfait, a passé dans un
état où il ne peut
être parfaitement heureux (46 et 21), ce fait
seul montre que l'homme n'a pas rempli la
condition de son bonheur ; qu'il a
fait un mauvais usage de sa
liberté ; qu'il a
négligé les actions
conformes au but de sa création, le
bien ; qu'il a commis les
actions contraires au but de sa
création, et qu'il est tombé
dans le mal : c'est là
ce que saint Jude nomme ne pas garder
son origine.
(Jud. 6.).
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- - Que si maintenant on demande pourquoi
Dieu a créé l'homme libre en
prévoyant (quoique le mot
prévoir ne soit pas exact
quand il s'agit de Dieu) qu'il abuserait
de sa liberté d'une manière
si funeste, il n'y a absolument rien
à répondre : c'est un
secret que Dieu a gardé
entièrement pour lui ; c'est
le mystère fondamental de toute
religion et de toute science. Depuis que
les hommes existent, ils l'étudient
sans avoir fait un pas vers son
explication. Cette entière
ignorance où nous sommes sur ce
sujet distingue ce mystère de tous
les autres, dont aucun ne nous est
caché à ce
point ; mais cette ignorance ne peut
rendre douteux ce point de fait, que
l'homme, créé pour
être parfaitement heureux, a
cessé de l'être par sa propre
faute : Et condamnerions-nous Dieu
pour nous justifier ?
(Job 40. 3. 8) (56)
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- - Ce changement dans le sort de l'homme
s'est fait en exacte proportion :
Dieu a fait le bien et le mal a
l'opposite l'un de l'autre, afin que
l'homme ne trouve rien à redire
après lui.
(Ecc. 7. 14.)
L'homme est devenu jusqu'à un
certain point malheureux, parce qu'il est
devenu, jusqu'à un certain point
méchant ; et il a encore des
joies, parce qu'il a encore des vertus.
S'il avait perdu tout sentiment de devoir,
il aurait perdu tout moyen et toute
émotion de bonheur. -
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- - Ce changement dans le sort de
l'homme, quelle que soit l'époque
où il s'est opéré,
est maintenant, et depuis bien longtemps,
universel ; c'est-à-dire
qu'aucun homme sur la terre n'est ni
parfaitement bon ni parfaitement heureux,
et que tous sentent qu'ils ne peuvent
devenir en cette vie parfaitement l'un ni
l'autre (21) Tout
arrive également à tous
(Ecc. 9. 2.), et le sage
meurt de même que le fou.
(Ecc. 2. 16.) La mort est
venue sur tous les hommes, parce que tous
ont péché.
(Rom. 5. 12.)
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- - Et il est universel en ce sens
encore, que les enfants, avant que la
conscience et la liberté soient
développées en eux, avant
que le bien et le mal prennent place dans
leur vie, les enfants même
nouveau-nés souffrent, et le but de
la création n'est pour eux aussi
qu'imparfaitement rempli. Il est certain
cependant que le soin de Dieu pour les
créatures commence avec la vie, et
que toutes lui sont également
chères et précieuses :
Voici, toutes les âmes sont
à moi, a dit
l'Éternel ; l'âme de
l'enfant est à moi comme
l'âme du père.
(Ez. 18. 4.)
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- - La moralité et la
liberté seules n'expliquent donc
pas complètement l'état
actuel du genre humain. Mais un autre
caractère de l'homme achève
cette triste explication : l'homme
est un être successif (11), et le
propre d'un être successif est que
les suites de ses actions bonnes ou
mauvaises s'étendent sur ses
descendants, et qu'il hérite de ses
ancêtres pour transmettre à
sa postérité.
Or, la félicité parfaite,
l'homme, après avoir quitté
le bien et choisi le mal, l'homme ne
l'avait plus, et il n'a
légué à sa
postérité que cette courte
vie terminée par la mort, ce
mélange de joie et de peine
où nous sommes tous placés
dès la naissance, et qui est
l'inévitable accompagnement d'un
mélange de bien et de mal moral.
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- - Y a-t-il en cela injustice de la part
de Dieu ? Nullement : Le fils
ne porte point l'iniquité du
père.
(Ez. 18. 20.) Dieu n'a pas
puni les enfants des fautes de leurs
parents ; les maux d'un enfant ne
sont pas un châtiment qu'il inflige,
mais un ordre qu'il maintient ; il
laisse le bien et le mal entraîner
leurs suites, et le caractère
d'être successif dans l'homme
produire son effet : Ce qui est
né de la chair, est chair
(Jean 3.
6) c'est-à-dire, à
parler exactement, que Dieu laisse l'homme
être vraiment homme. Chaque
génération recueille
à son tour l'héritage de
celle qui a péché la
première, et ce n'est pas notre
tort, c'est notre sort : Qui
est-ce qui tirera une chose pure de ce qui
est souillé ? Personne
(Job 14. 4.) : c'est
donc là être homme. Nous
avons hérité d'une
conscience qui a servi à mal faire,
et qui en conséquence est
souillée, et d'une destinée
où le malheur est entré
à cause du
péché : c'est notre
situation, et nous ne pouvons être
en une autre : Un mauvais arbre ne
peut porter de bons fruits.
(Matt. 7. 18.)
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- - Le grand malheur qui pèse sur
l'espèce humaine est-il
irréparable ?
L'homme peut-il réparer ce malheur
par les efforts de sa
volonté ? Dieu nous
donnera-t-il lui-même cette louange,
que notre droite nous aura
délivrés ?
(Job 40. 9. 14) Non ;
l'homme peut s'attacher au bien, et plus
il éclaire sa conscience et fait un
saint usage de sa liberté, plus il
diminue ses maux et augmente ses
joies ; mais il ne peut (chacun de
nous le sent assez) revenir lui-même
à un état de pureté
parfaite, indispensable condition d'une
parfaite félicité :
Qui est-ce qui pourra redresser ce que
Dieu a renversé ?
(Ecc. 7. 13.) -
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- - Et Dieu peut-il réparer ce
malheur par un simple acte de sa
puissance, par un pur bienfait de sa
bonté ? Non ; car si Dieu
rendait ainsi l'homme pécheur aussi
heureux que l'aurait été
l'homme innocent, il cesserait
d'être juste.
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- - Si l'homme ne le peut à cause
de sa faiblesse, et si Dieu ne le peut
à cause de sa justice, qui le
pourra ?
Un Sauveur.
Est-il possible qu'un médiateur se
place ainsi entre Dieu et nous, et ce
médiateur, quel
sera-t-il ?
À ces questions, la raison,
livrée à elle-même, ne
peut donner aucune espèce de
réponse. Elle ne peut se faire la
moindre idée d'un arbitre capable
d'opérer celle grande
réconciliation entre le
créateur, et la créature qui
a agi contre le but de son existence. -
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- - Seulement, la raison conçoit
que si un médiateur est possible,
si un médiateur est venu, deux
caractères indispensables doivent
se trouver en lui :
1° Il faut qu'il remplisse la
condition évidente d'une si
miséricordieuse
réconciliation, celle de
posséder une nature assez
élevée pour être en
relation avec le Créateur
suprême, et d'être capable en
même temps d'entrer en relation avec
nous ; sans quoi sa médiation
serait vaine et de nul effet : Un
médiateur ne l'est pas d'un seul.
(Gal. 3. 20.) (212) -
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- - 2° II faut encore qu'il
remplisse la condition fondamentale et
primitive (49, 50) de cette
parfaite félicité qu'il veut
nous rendre, celle d'une parfaite
innocence, d'une parfaite vertu ;
sans quoi il aurait lui-même besoin,
comme nous, d'un Sauveur.
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- - Ici s'arrêtent, comme devant
une insurmontable barrière, les
enseignements de la raison ; elle ne
trouve rien de plus à nous dire. Il
faut ou s'arrêter, ou prendre, pour
aller plus loin, un autre guide
supérieur à la raison, et ce
guide ne peut être qu'un
enseignement donné par Dieu aux
hommes ; car, au-dessus de la raison
de l'homme, nous ne connaissons que la
raison suprême de Dieu. Cet
enseignement divin se nomme
RÉVÉLATION.
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