Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



LETTRES À MON CURÉ






NEUVIÈME LETTRE

 Monsieur le Curé,

 Le catholicisme est la vérité absolue. Doctrine, culte et constitution, tout en lui porte ce caractère. Ne faisant qu'un avec le christianisme il en a toute l'autorité. Révélation de Dieu au monde, il est la forme définitive de la religion.
En un mot, le catholicisme est surnaturel, surnaturellement institué, surnaturellement maintenu, et, dans un monde où tout est changeant, altéré, imparfait, il échappe seul à la condition des choses humaines.
Telle est la donnée fondamentale du système catholique.

C'est parce qu'il est absolu qu'il est exclusif. Puisqu'il est la vérité religieuse sous une forme pure et parfaite, il ne saurait tolérer qu'on s'écarte de lui sur un point quelconque.
Aucune diversité ne peut être admise.
L'unité doit être rigoureuse.

Un fidèle s'avise-t-il de penser autrement que l'Église sur un sujet de doctrine, il est hérétique. Un fidèle s'élève-t-il contre les formes consacrées, il est schismatique. Et comme la vérité ne se divise pas, comme on ne peut la posséder qu'à la condition de la posséder tout entière, comme enfin la vérité c'est la vie, l'hérétique et le schismatique, en se séparant de l'Église, se privent du salut éternel.

On a quelquefois cherché à défendre l'exclusivisme. On a allégué qu'il est de l'essence même de la vérité d'être exclusive. Une proposition et son contraire, a-t-on rappelé, ne peuvent être tous deux vrais à la fois ; le oui et le non ne sauraient se concilier ; l'axiome mathématique, la formule qui exprime une loi de la nature, le principe politique ou social impliquent, pour autant qu'ils sont fondés, l'erreur de toute affirmation opposée. - Ceux qui parlent ainsi sortent doublement de la question.

En premier lieu, ils assimilent des vérités d'un ordre entièrement différent. En second lieu, ils confondent la vérité telle qu'elle est en soi avec la conception humaine et individuelle de cette vérité. Il ne s'agit pas de savoir si, à parler d'une manière abstraite, une chose peut à la fois être vraie et être fausse, être et ne pas être. Il s'agit de savoir si un homme quelconque a le droit d'identifier tellement ses opinions avec la vérité même, que ce qui peut être affirmé de celle-ci puisse également être affirmé de celle-là. C'est ainsi que nous nous retrouvons en face de notre question. il s'agit de savoir si l'homme peut prétendre à la possession de la vérité absolue.

On fait valoir l'analogie des vérités physiques et mathématiques. Je le répète, en parlant ainsi on méconnaît la nature particulière de la vérité religieuse. Il est des faits qui sont perçus par les sens, de sorte que la réalité en est reconnue par tout homme qui jouit de l'intégrité de ses perceptions. Il est des propositions dont la certitude repose sur la constitution même de l'intelligence humaine, tellement que toute intelligence non obscurcie est convaincue de la vérité de ces propositions. Or, comme la plus grande partie des hommes jouissent de l'usage de leur raison et de leurs sens, il en résulte que la plus grande partie des hommes sont d'accord sur les points dont je parle, et que les vérités de l'ordre physique et mathématique sont tenues pour évidentes. Est-ce à dire qu'il en soit de même pour les vérités de l'ordre moral ou religieux ? Nullement.

Pourquoi les premières sont-elles évidentes ? Parce que nous ne sommes pas libres de ne pas les reconnaître, parce que notre volonté ne peut les obscurcir à nos yeux, et, sans doute aussi, parce que nous n'avons point d'intérêt à les révoquer en doute. Mais il en est tout différemment des autres vérités. Elles sont morales, c'est-à-dire qu'elles tiennent à la sphère de la liberté ; dès lors elles ne sont point évidentes ; la religion cesserait d'être ce qu'elle est si elle pouvait se prouver comme on prouve que deux et deux font quatre.

Ici se montre l'erreur catholique. Le catholicisme se considère comme étant en possession de la vérité absolue. C'est dire qu'il regarde ses doctrines comme évidentes. Les deux prétentions, en effet, n'en forment qu'une.

La vérité relative est celle qui varie avec les individus, parce que, n'étant point évidente, elle peut être comprise différemment, reconnue partiellement ou même rejetée.

La vérité absolue, au contraire, est celle qui reste toujours la même pour tous, ce qui ne peut s'expliquer que par l'évidence. La vraie pensée du catholicisme, alors même qu'il ne l'avoue point ou qu'il ne s'en rend pas compte, le fond de sa théorie religieuse, c'est l'évidence des droits de l'Église. J'ai déjà été amené à cette idée en étudiant les preuves du catholicisme, et je m'y trouve ramené ici de nouveau.

Mais le catholicisme ne se contente pas de repousser ceux qui se permettent quelque liberté d'opinion en matière de foi, il aspire à les poursuivre, il cherche à les châtier.
Le catholicisme n'est donc pas seulement exclusif, il est encore, il est nécessairement intolérant. Quel est en effet le principe de la tolérance ?

C'est la persuasion que la vérité religieuse ne saurait être élevée à une évidence telle que toutes les intelligences soient obligées de la reconnaître. C'est, en outre, la persuasion que cette vérité, pure et absolue dans Sa source, cesse de l'être lorsqu'elle prend une forme dans l'esprit de l'homme, parce que l'homme est à la fois un être limité et un être imparfait. Il résulte de ces principes que les vérités religieuses se modifient pour chacun d'après ses facultés naturelles, ses lumières, son développement intellectuel et moral. Il en résulte aussi que nul de nous n'a le droit ni le pouvoir d'imposer ses croyances à autrui, c'est-à-dire de le forcer à voir comme nous voyons nous-mêmes. On doit chercher à le convaincre, on ne peut le contraindre à croire.

L'histoire tout entière de la tolérance confirme ce que nous venons d'avancer. il y aurait, pour le dire en passant, un livre singulièrement instructif à écrire sur ce sujet. On y verrait comment cette grande conquête des temps modernes s'est établie peu à peu à mesure que l'expérience, le doute, les controverses, ayant entamé les systèmes consacrés, entamaient aussi la foi naïve du genre humain à la vérité absolue. On comprendrait en même temps pourquoi cette conquête est encore si incertaine ; l'homme n'apprend que difficilement et lentement à douter : il est naturellement dogmatique ; une culture profonde est nécessaire pour l'accoutumer à voir partout un mélange de vérité dans l'erreur, un mélange d'erreur dans la vérité ; aussi les masses croient-elles volontiers à la vérité pure et sont-elles toujours prêtes à refuser la tolérance aux autres après l'avoir réclamée pour elles-mêmes. il y a naturellement en tout homme l'étoffe d'un inquisiteur, et l'esprit de persécution est toujours sur le point de se réveiller dans le coeur de quiconque s'abandonne à ses propres instincts.

Les rigueurs pour cause de religion font partiede la tradition constante de votre Église.
On pourrait dresser un long catalogue de témoignages catholique en faveur de la persécution.
On mettrait en tête les écrits de saint Augustin contre les Donatistes.
On puiserait à deux mains dans le droit canonique du moyen âge. on rappellerait avec quelle abondance de précédents les Bollandistes établissent la légitimité des procédés de saint Dominique.
On citerait M. de Maistre et sa réhabilitation de l'inquisition espagnole, l'Univers et son apologie des missions bottées.

L'Église, Monsieur le Curé, a sévi contre l'erreur aussi longtemps qu'elle l'a pu et elle n'y a renoncé que lorsque le pouvoir lui en a été enlevé. Que dis-je ? Elle arme encore, à l'heure qu'il est, le bras du pouvoir temporel partout où celui-ci consent à s'y prêter. J'ajoute qu'en tout cela l'Église ne fait qu'obéir au principe de l'évidence en matière de foi.

Du moment qu'un homme n'a qu'à ouvrir les yeux pour voir, du moment que la vérité frappe nécessairement son esprit, l'incrédulité ne peut s'expliquer que par la mauvaise volonté, ou plutôt elle n'est plus que de la mauvaise foi, et l'on peut raisonnablement espérer que le cachot ou le bûcher triompheront d'un aveuglement d'autant plus pervers qu'il n'est que volontaire.

Il est un autre trait du catholicisme qui s'explique de la même manière. Je veux parler de sa tendance théocratique.
L'Église romaine ne peut se contenter d'exercer une influence purement spirituelle sur les peuples, ni même de former une société indépendante dans l'État. Elle aspire, comme par une force invisible, à s'emparer du gouvernement temporel des nations.

Elle commence par demander la liberté, elle réclamera bientôt le privilège, elle finira par exiger la soumission. Non pas que le prêtre cherche à devenir roi ; mais il prétend régner sur le roi, ce qui n'est qu'une manière plus sûre de régner.

L'État, insinue-t-on, doit devenir un État catholique, la loi religieuse doit former la loi de l'État, le citoyen doit être un chrétien orthodoxe. Un pouvoir politique qui n'est point subordonné au pouvoir spirituel est un pouvoir athée. Les nations soupirent après l'unité et elles ne voient pas que l'unité sociale ne peut exister qu'au moyen de la suprématie du sacerdoce.

Ainsi parle l'Église, et en parlant ainsi elle ne fait qu'obéir à la logique intérieure de ses principes. En effet, si le catholicisme est vrai et si sa vérité est évidente, le catholicisme peut, et dès lors aussi il doit de venir la loi sociale universelle. L'obligation religieuse cessant de dépendre de la conviction individuelle, pourquoi ne serait-elle pas érigée en devoir civil ? Si tout homme peut reconnaître un symbole pour divin, rien n'empêche que ce symbole n'entre parmi les conditions du contrat social ; si tout citoyen n'a qu'à vouloir pour croire, il ne saurait se plaindre d'être contraint à accomplir ce qui est à la fois si facile et si nécessaire.

Le caractère absolu du catholicisme fait à la fois sa force et sa faiblesse.
Ce caractère fait sa force. C'est par là que le système impose au grand nombre des esprits, c'est par là qu'il séduit tous les hommes inhabiles à examiner par eux-mêmes, c'est par là qu'il apparaît comme divin au milieu de ce qui est humain, comme certain au milieu de ce qui est incertain, comme conséquent au milieu de ce qui est contradictoire.

D'autres confessions prétendent au même caractère, mais le catholicisme a cet avantage sur elles qu'il est plus entier dans ses prétentions, plus absolu dans ses principes. Or il faut reconnaître que l'absolu étant l'un des besoins ou l'une des illusions de l'homme, c'est dans le plus absolu des systèmes absolus que l'homme cherchera naturellement la satisfaction de cet appétit. L'enseigne est tout ici. Celui qui fait les plus belles promesses entraîne le chaland trop inexpérimenté ou trop pressé pour examiner la qualité des marchandises.

Mais la cause du succès devient en même temps la source du danger. Plus les prétentions sont exagérées, plus elles imposent aux siècles et aux classes d'hommes qui sont inhabiles à juger, mais plus aussi elles sont facilement réduites à leur juste valeur lorsque les progrès de l'intelligence publique permettent de comparer l'affiche avec la réalité. Il est impossible qu'une prétention absolue à l'absolu ne vienne pas se briser de toutes parts contre la connaissance des faits. C'est ce qui arrive déjà sous nos yeux.
La société fait de grands et continuels progrès dans toute espèce de connaissances, et la conséquence en est que la thèse catholique devient tous les jours plus difficile à maintenir. Cela est inévitable.

L'Église romaine a introduit dans la religion une foule d'éléments d'une valeur purement temporaire ou relative, et elle a prétendu les élever tous à la dignité de vérité révélée et absolue. Or, encore une fois, il n'y a rien d'absolu sur la terre, ou, pour mieux dire, il n'y a rien d'absolu, d'universel, d'éternel, que ce qui appartient à l'essence de la vie humaine, le sentiment religieux et le sentiment moral. La parole de Jésus-Christ est toujours jeune et nouvelle, parce qu'elle s'adresse tout entière aux besoins constants de l'homme pécheur. Mêlez-y toute espèce de thèses métaphysiques, historiques, juridiques, vous en ferez quelque chose de semblable au pied de la statue de Nabuchodonosor ; vous aurez allié l'argile au fer, et quand le droit publie aura changé, quand les événements auront marché et en marchant auront semé leurs enseignements, quand la philosophie de votre époque se sera modifiée, il se trouvera que votre religion est frappée de caducité.



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